Un indice fiable de quoi ?

En réponse à son portrait publié dans Le Monde, soutenue par la rédaction de Slate.fr, Peggy Sastre appelle à la rescousse le sociobiologiste américain Robert Trivers. Mon affirmation reprise dans ce portrait, selon laquelle le rapport des longueurs de l’index et de l’annulaire (ratio 2D/4D) « n’est pas un indice fiable de l’androgénisation prénatale », illustre bien selon Trivers le « chauvinisme anti-darwinien » et l’ignorance française. Dommage pour lui et pour elle, cette histoire illustre surtout leurs manipulation et ignorance de la littérature scientifique.

Plan
Ce qu’écrit Trivers
Remarques préliminaires sur les faux arguments de Trivers
L’étude signée par Manning contredit l’affirmation de Trivers et étaye la mienne
Les études ultérieures confortent ma conclusion
D’autres chercheur·es du domaine doutent de la fiablilité de cet indice
Conclusion

Ce qu’écrit Trivers

Voici ce qu’on peut notamment lire dans cette défense de Peggy Sastre par Robert Trivers publiée hier en fin de journée [1] et que j’ai découverte ce matin :

« Sastre use de la science et de la biologie modernes d’une manière créative, afin de défier l’orthodoxie dominante. Oh non, en France, ne prêtez pas attention à la psychologie évolutionnaire! Que Dieu vous garde et que vous restiez ignorant aussi longtemps que vous le voudrez! Vous avez une sociologue pour vous apprendre que le ratio 2D/4D* dont se sert Sastre «n’est pas un indice fiable de l’androgénisation prénatale» alors, qu’en réalité, c’est tout le contraire. Nous disposons aujourd’hui de données expérimentales issues de rats montrant qu’un taux élevé de testostérone in utero conduit à un ratio faible et qu’un taux élevé d’œstrogènes induit un ratio élevé. Et des corrélations significatives ont aussi été observées non seulement chez d’autres mammifères, mais aussi chez des oiseaux! Sans compter des tonnes de preuves indirectes issues d’études menées sur des humains. Le ratio index/annulaire est significativement associé au sexe et à l’ethnicité, au succès reproductif et aux préférences sexuelles des tiers, au sexe-ratio de la descendance, aux inégalités sexuelles entre les pays, à la différence relative de féminité/masculinité au sein d’un pays, au syndrome de Klinefelter et, oui, à l’homosexualité et à la transsexualité. »

*Texte de la note : « L’indice de Manning (ou indice 2D:4D ou encore ratio digital) est donné par le calcul du rapport de la longueur entre l’index (doigt 2D) et l’annulaire (doigt 4D) de la main droite posée à plat. »

Remarques préliminaires sur les faux arguments de Trivers

Rappelons tout d’abord que nous n’avons que faire ici de considérations concernant les oiseaux, les rats ou d’autres mammifères. Cela relève d’une tactique habituelle chez Peggy Sastre et les scientifiques qui soutiennent ses allégations : alors qu’une question concernant l’être humain est soulevée, on balance des affirmations concernant divers animaux en sous-entendant (voire en affirmant parfois) que puisque quelque chose est observé dans diverses espèces, il n’y a pas de raison que quelque chose de semblable n’existe pas chez l’être humain. L’argument est d’autant plus fallacieux que Trivers reformule la question posée et que sa synthèse des études animales est incorrecte, mais passons : Trivers est ici hors-sujet.

La question est de savoir si le ratio 2D/4D, utilisé depuis une vingtaine d’années par certain·es chercheur·es pour explorer une possible influence prénatale de la testostérone sur les traits psychologiques ultérieurs des êtres humains, est un indice fiable du niveau d’exposition à cette hormone in utero. J’ai indiqué que ça n’était pas le cas, et Robert Trivers prétend qu’ « en réalité, c’est tout le contraire », précisant en outre que cet indice selon lui fiable, donc, est obtenu par la mesure du 2D/4D de la main droite.

Les « tonnes de preuves indirectes issues d’études menées sur des humains » invoquées par Robert Trivers ne font pas non plus l’affaire pour répondre à cette question. Il ne s’agit déjà pas de « preuves », sinon le fait que le 2D/4D de la main droite est « un indice fiable de l’androgénisation prénatale » ferait consensus au sein de la communauté scientifique concernée, ce qui comme on va le voir n’est absolument pas le cas. On peut tout au plus parler d’indices convergeant en faveur de l’hypothèse selon laquelle le niveau d’androgénisation prénatale a une influence sur le 2D/4D de la main droite, ce qui est très différent.

En l’occurrence, les indices cités par Trivers sont particulièrement faibles. En effet, outre que les associations qu’il résume via son « est significativement associé » ne sont pas toutes aussi claires et convergentes qu’il le laisse entendre, elles pourraient très bien être expliquées par d’autres facteurs que le niveau d’androgénisation prénatale. De plus, elles ne répondent pas à la question posée. En effet, en quoi, par exemple, le fait que la valeur moyenne du ratio 2D/4D de la main droite varie selon l’ « ethnicité », comme il dit, c’est-à-dire selon les pays ou selon certains critères ethno-raciaux appliqués dans certains pays, prouve-t-il « indirectement » qu’il est « un indice fiable de l’androgénisation prénatale » ?

Et en quoi le fait que certaines études ont trouvé des associations entre le ratio 2D/4D et « l’homosexualité » prouve-t-il quoi que ce soit sinon la mise en œuvre d’un raisonnement circulaire, fondé sur l’hypothèse implicite selon laquelle l’homosexualité masculine reflète un bas niveau d’androgénisation prénatale et l’homosexualité féminine un haut niveau ? L’argument est d’autant moins pertinent vis-à-vis de la question posée qu’aucune des études en question n’a trouvé que le 2D/4D était un indice fiable de l’orientation sexuelle (loin de là !), et que l’association trouvée était parfois dans le sens contraire à celui attendu (Robinson et Manning 2000 ; Rahman et Wilson 2003 ; James 2005 ; Kangassalo et al. 2011), parfois uniquement chez les femmes (Grimbos et al. 2010 ; voir aussi Breedlove 2017), parfois uniquement chez les hommes (Lippa 2003), ou encore parfois uniquement dans des sous-populations d’ « homosexuels » telles que les « butchs » mais pas les « fems » (Brown et al. 2002).

Même si l’on prend la « preuve indirecte » la plus directement probante invoquée par Trivers, à savoir que le 2D/4D de la main droite « est significativement associé au sexe », que peut-on en conclure ? Pas grand-chose, en fait, et certainement pas que ce que j’ai dit est erroné. Prenons par exemple un article publié récemment par l’inventeur de cet indice en 1998, John Manning (Szwed et al. 2017). Dans cette étude faite sur un échantillon de 324 adultes polonais d’âges divers, la différence entre la moyenne des femmes et celle des hommes pour le 2D/4D de la main droite est dans le sens attendu : 0.997 pour les femmes vs 0.992 pour les hommes. Cependant, cette différence n’est pas statistiquement significative du fait de la grande variabilité de ce ratio indépendante du sexe : le 2D/4D varie sur cet échantillon de 0.881 à 1.103, et la taille d’effet de la différence moyenne entre les sexes, quantifiée par le d de Cohen, est de 0.15 écart-type selon les auteur·es. Comme l’indique cette étude de même que toutes les études faites sur le ratio 2D/4D, il s’agit en fait d’un indice si peu fiable de l’androgénisation prénatale qu’il est un très piètre prédicteur du sexe des personnes alors que sauf exceptions, le niveau d’androgénisation prénatale des garçons/hommes est très supérieur à celui des filles/femmes.

Plutôt que les indices très indirects cités par Trivers d’une association entre androgènes prénataux et 2D/4D chez l’être humain, examinons les indices plus directs disponibles. La première étude à avoir exploré chez l’humain le lien entre 2D/4D et exposition fœtale aux hormones stéroïdiennes a été publiée en 2004 dans Early Human Development par John Manning (Lutchmaya et al. 2004). Elle est notamment cosignée par Simon Baron-Cohen, psychologue clinicien adepte du paradigme psycho-évolutionniste, grand défenseur de la théorie de la masculinisation prénatale du psychisme humain par la testostérone, et promoteur important de l’utilisation du 2D/4D afin de tenter de montrer que l’exposition du cerveau à la testostérone in utero est responsable de différences psychologiques entre femmes et hommes. L’étude a principalement été effectuée par Svetlana Lutchmaya, alors doctorante en psychologie du développement, mais elle a quitté la recherche avant la publication de l’article et c’est John Manning qui en est l’auteur correspondant[2].

L’étude de Manning contredit l’affirmation de Trivers et étaye la mienne

Cette étude a été réalisée sur 33 enfants (18 garçons, 15 filles) pour lesquels une amniocentèse avait été pratiquée au cours du deuxième trimestre de grossesse en raison d’un risque élevé d’anomalie chromosomique. Les niveaux de testostérone et d’œstradiol ont été mesurés dans le liquide amniotique ponctionné – ces mesures indirectes du niveau d’exposition des fœtus à ces hormones sont par la suite appelées FT et FE.

Lorsque les enfants ont été âgé de deux ans, les auteur·es ont mesuré le ratio 2D/4D sur les deux mains. Ayant à leurs dires rencontré des difficultés pour le mesurer directement, les auteur·es ont fait appuyer les mains des enfants sur la vitre d’une photocopieuse et ont effectué leurs mesures sur les images obtenues. Signalons qu’au final, les résultats de l’analyse statistique rapportés dans l’article n’utilisent que les mesures faites sur les 29 enfants pour lesquels « les points de repère pour mesurer le 2D/4D étaient clairs ». Le résumé de l’article parle de 33 enfants, mais 4 d’entre eux (dont le sexe n’est pas précisé) ont donc en fait été exclus a posteriori, et ce pour des raisons douteuses.

L’article rapporte qu’une corrélation négative entre 2D/4D et FT a été trouvée, ainsi qu’une corrélation positive entre 2D/4D et FE, infimes pour la main gauche et plus importantes pour la main droite, mais que ces quatre corrélations n’étaient pas statistiquement significatives. Les auteur·es ont exploré la corrélation entre 2D/4D et le rapport FT/FE, et cette fois bingo : elle était inexistante pour la main gauche, mais nettement significative pour la main droite.

La seule figure de l’article, reprise ci-dessous, montre à quel point le ratio 2D/4D de la main droite n’est pas un indice fiable du rapport FT/FE. On constate en particulier qu’aux alentours de la valeur 0.92 du 2D/4D, les auteur·es trouvent à la fois un enfant qui est pratiquement au minimum du FT/FE constaté sur l’échantillon (environ 0.0001) et un autre qui est pratiquement au maximum (environ 0.0022).

Etant donné que la corrélation était encore moins forte avec FT qu’avec FT/FE, cette étude étaye encore moins l’idée que le ratio 2D/4D de la main droite est « un indice fiable de l’androgénisation prénatale », pour autant que leur mesure « FT » soit elle-même un indice fiable de ladite androgénisation (ce qui n’est pas acquis et constitue un autre problème, mais laissons-le de côté ici). Les auteur·es en concluent quant à ell·eux seulement que « ces résultats préliminaires confortent l’idée qu’il existe une association entre un 2D/4D bas et un niveau élevé de FT par rapport à FE, et entre un 2D/4D élevé et un niveau bas de FT par rapport à FE ».

Les études ultérieures confortent ma conclusion

Dans l’article déjà cité publié récemment par John Manning toujours dans Early Human Development (Szwed et al. 2017), les auteur·es – qui manifestent leur conviction que le cerveau humain est « organisé » prénatalement par la testostérone entre la 8ème et la 14ème de grossesse, ce qui est la raison pour laquelle elles et il ont fait cette nouvelle étude – écrivent que la « détermination in utero » du ratio 2D/4D « est influencée par la testostérone », et plus loin qu’il existe des indices probants qu’il « dépend d’un équilibre entre testostérone et œstrogènes ». On peut déjà relever que cette formulation adoptée par Manning lui-même confirme que le 2D/4D ne peut certainement pas être un indice fiable du niveau d’exposition prénatal à la testostérone. Mais poursuivons.

En 2015, un autre groupe de chercheur·es a publié toujours dans Early Human Development une étude visant à tester directement le lien possible entre testostérone et/ou œstrogènes prénataux et ratio 2D/4D (Hollier et al. 2015). Les auteur·es signalent qu’une étude n’a pas trouvé de différence significative entre le 2D/4D de femmes typiques et celui de femmes atteintes d’hyperplasie congénitale des surrénales (Buck et al. 2003), pourtant exposées prénatalement à un très haut niveau d’androgènes, et souligne que cela jette un doute quant à savoir si le rapport 2D:4D est une mesure substitutive fiable pour estimer le niveaux d’exposition des fœtus à la testostérone (pour le moins !) – voilà un indice non convergent parmi d’autres que Robert Trivers et ses semblables ignorent, sciemment ou non.

L’article se poursuit en faisant état de seulement trois études antérieures sur le sujet, qualifiées d’études prospectives d’assez petite taille. Il y a d’abord celle de Lutchamaya et al. (2004), dont j’ai détaillé les résultats ci-dessus.

Ensuite est citée celle de Ventura et al. (2013) également publiée dans Early Human Development, réalisée sur un échantillon de 54 filles et 54 garçons dont les 2D/4D ont été mesurés peu après la naissance (avant la sortie de la maternité) avec la même procédure (photocopieuse). Le niveau de testostérone a également été mesuré en milieu de gestation, en moyenne à 17 semaines, dans le liquide amniotique prélevé à l’occasion d’une amniocentèse. Le niveau d’œstrogènes n’a pas été mesuré. Dans cette étude, une corrélation a bien été trouvée dans le sens attendu, mais plus nette pour la main gauche que la droite (en fait non significative pour celle-ci, selon la Table 5 de l’article), et ce uniquement chez les filles. Comme le montre la figure ci-dessous tirée de l’article, déjà dans ce petit échantillon de filles le 2D/4D de la main droite était loin d’être un indice fiable du niveau de testostérone présent dans le liquide amniotique.

Chez les garçons, cette étude rapporte une tendance non statistiquement significative à une corrélation en sens inverse à celui attendu pour les deux mains, c’est-à-dire que le 2D/4D gauche et droit des garçons tendait à être d’autant plus « féminin » que le niveau de testostérone amniotique était élevé. Voilà qui conforte encore moins l’hypothèse de « l’indice fiable », en tout cas pas à cet âge. Les auteur·es concluent pour leur part que l’exposition postnatale à la testostérone « paraît déterminante pour le ratio observé à un âge plus avancé sur la main droite ». Notons qu’un article publié par l’une des co-signataires de l’article princeps de Lutchamaya et al. (2004) indique que le ratio 2D/4D « présente un manque de stabilité » entre la naissance et l’âge de deux ans (Knickmeyer et al. 2014).

La troisième étude citée dans cet article de 2015 est Hickey et al. (2010). Il s’agit d’une étude exploratoire menée en Australie sur une centaine de filles dont les 2D/4D ont été mesurés entre 14 et 16 ans, utilisant le niveau de testostérone mesuré non plus dans le liquide amniotique, mais dans le sang du cordon ombilical collecté à la naissance. Aucune association statistiquement significative n’a été trouvée sur l’échantillon de 82 filles pour lesquelles cette mesure était disponible. Les auteur·es ont également examiné les liens possibles avec le niveau de testostérone maternel mesuré à 18 semaines pour 118 filles et à 34 semaines pour 114 filles, et n’ont pas non plus trouvé d’association statistiquement significative avec l’un ni l’autre.

Hollier et al. (2015) rapporte pour finir les résultats de leur nouvelle étude visant à étendre la précédente, faite par le même groupe. Elle porte cette fois sur 159 filles et 182 garçons dont les 2D/4D ont été mesurés entre 19 et 22 ans. De nombreuses mesures hormonales ont été faites dans le sang de leur cordon ombilical : trois androgènes dont la testostérone, ainsi qu’un indicateur composite reflétant l’exposition totale aux trois androgènes, et quatre œstrogènes dont l’œstradiol, ainsi qu’un indicateur composite reflétant l’exposition aux quatre œstrogènes. Aucune association statistiquement significative n’a été trouvée, ni chez les filles, ni chez les garçons, et ni pour la main droite ni pour la gauche, entre le 2D/4D et le taux de testostérone biodisponible, le taux d’œstradiol biodisponible, ou le rapport des deux. Aucune association statistiquement significative n’a été trouvée non plus avec les deux indicateurs composites, ni avec le rapport de l’un sur l’autre. Les auteur·es relèvent seulement une tendance à une association négative entre l’indicateur composite d’exposition aux œstrogènes et le ratio 2D/4D (i.e. dans le sens inverse à celui attendu), pour la main gauche et chez les garçons uniquement.

D’autres chercheur·es du domaine doutent de la fiablilité de cet indice

Sans avoir besoin d’aller chercher dans les nombreuses critiques des recherches mobilisant le ratio 2D/4D, il est facile de trouver y compris dans la littérature produite par des acteur·es de ces recherches la trace de doutes concernant la fiabilité de cet indice. Citons-en juste trois.

Vuoksimaa et collègues, soutenant pourtant l’hypothèse d’un effet de la testostérone prénatale sur la latéralisation cérébrale, écrivaient en 2010 dans Psychoneuroendocrinology : « Certains considèrent cette caratéristique sexuellement dimorphique comme un marqueur présumé de l’exposition prénatale à la testostérone […] Mais le rapport 2D/4D est-il un indicateur fiable des taux de testostérone prénatale ? En fait, il n’existe aucune preuve directe que le ratio 2D/4D reflète l’exposition prénatale à la testostérone (voir Berenbaum et al., 2009 ; Wallen, 2009) » (Vuoksimaa et al. 2010, ma traduction). Les deux articles de 2009 cités ont été publiés par des acteur·es majeur·es du champ des recherches de différences comportementales entre les sexes d’origine biologique, Sheri Berenbaum et Kim Wallen.

Dans une revue de la littérature sur le lien potentiel entre l’exposition précoce aux androgènes et le développement des différences psychologiques entre filles et garçons, publiée dans Biology of Sex Differences, Melissa Hines écrivait ceci en 2015 : « Cependant, la relation entre le rapport des longueurs des doigts et l’exposition prénatale aux androgènes paraît trop faible pour être utile dans les études portant sur des individus ayant un développement typique, et les études analysant la relation entre ce rapport et les comportements sexo-typiques ont produit des résultats contradictoires. Par conséquent, les études utilisant les ratios des longueurs de doigts pour évaluer l’exposition prénatale aux androgènes ne sont pas incluses dans la présente revue » (Hines et al. 2015, ma traduction). Loin de s’inscrire dans une opposition aux hypothèses de John Manning et consorts, elle a notamment publié avec lui et Rebecca Knickmeyer sur ce sujet.

Dans Early Human Development, Gareth Richards (2017) a récemment publié une brève synthèse sur les indices de l’existence d’un lien entre le ratio 2D/4D et des mesures directes des hormones prénatales. En plus des quatre études citées ci-dessus, il en identifie deux publiées en 2015 et 2016. Il indique que la première a trouvé une association significative avec la testostérone biodisponible dans le sens attendu, sur un échantillon de 76 femmes dont les 2D/4D avaient été mesurés entre 21 et 24 ans, mais ce uniquement pour le 2D/4D de la main gauche, et aucune association significative pour aucune des deux mains dans un échantillon de 83 hommes. Il indique que la seconde, menée en utilisant le sang de cordon ombilical de 50 garçons et 50 filles nées en Turquie, n’a trouvé aucune association significative avec le 2D/4D de la main gauche comme celui de la droite, mesurés peu après la naissance. Il estime que bien que des données animales « indiquent que le ratio 2D/4D est influencé par les hormones sexuelles prénatales […], les indices en faveur de l’existence de ce lien hypothétique chez les humains demeurent fragiles. Pour cette raison, on suggère d’interpréter avec prudence les résultats des études faisant appel au ratio 2D/4D en tant qu’indicateur de l’exposition prénatale aux hormones. »

Conclusion

Tout ce qui est exposé ici montre amplement que le ratio 2D/4D de la main droite (ou de la main gauche) ne peut en aucun cas être considéré comme « un indice fiable de l’androgénisation prénatale ». Et peut-être aussi que la « sociologue » en sait beaucoup plus sur le sujet que le « biologiste » et la « journaliste scientifique ». Enfin, je vous laisse en juger.

Odile Fillod

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Référence citées (avec extraits choisis)

– Berenbaum et al. (2009) – BERENBAUM Sheri A., BRYK Kristina Korman, NOWAK Nicole, QUIGLEY Charmian A., MOFFAT Scott (2009) Fingers as a marker of prenatal androgen exposure, Endocrinology, vol.150(11), p. 5119-5124

« Individuals with 46,XY karyotype but no effective prenatal androgen exposure due to complete androgen insensitivity syndrome [CAIS] had digit ratios that were feminized: they were higher than those of typical men and similar to those of typical women. Nevertheless, the effect was modest in size, and there was considerable within-group variability and between-group overlap, indicating that digit ratio is not a good marker of individual differences in prenatal androgen exposure. […] Women with CAIS (n = 16) were recruited at an annual meeting of the Androgen Insensitivity Syndrome Support Group of the United States of America (AISSG-USA). The comparison groups consisted of 90 women and 66 men unaffected by CAIS » Voir le nuage de points ici

– Breedlove (2017) – BREEDLOVE S. Marc (2017) Prenatal influences on human sexual orientation: expectations versus data, Archives of Sexual Behavior, vol.46(6), p. 1583–1592

« It seems to me that in the field there is an expectation that gay men were exposed to less androgen before birth, that their androphilia is the result of hypo-androgenization before birth. But the fact that there is no difference between gay and straight men in digit ratios (Grimbos et al., 2010) or otoacoustic emissions (McFadden & Pasanen, 1998), tells me that, in defiance of those expectations, variance in prenatal testosterone cannot explain variance in human sexual orientation among men. »

NB : pour l’homosexualité masculine Marc Breedlove travaille avec Ray Blanchard sur l’hypothèse de l’immunisation prénatale (« effet grands frères »), et pour l’homosexualité féminine sur celle d’un surcroît d’androgénisation prénatale (mais qui ne concernerait que les « butchs »), selon lui signalé par un 2D/4D « masculinisé ». Il est un pionnier des recherches sur la théorie organisationnelle du cerveau par les androgènes, auteur notamment de Breedlove S. Marc, Arnold Arthur P. (1980), Hormone accumulation in a sexually dimorphic motor nucleus in the rat spinal cord, Science, vol.210, p.564–566.

Brown et al al. (2002) – BROWN Windy M, FINN Christopher J, COOKE Bradley Monroe, BREEDLOVE S. Marc (2002) Differences in finger length ratios between self-identified “butch” and “femme” lesbians, Archives of Sexual Behavior, vol.31(1), p. 123-127

« There is indirect evidence that heightened exposure to early androgen may increase the probability that a girl will develop a homosexual orientation in adulthood. One such putative marker of early androgen exposure is the ratio of the length of the index finger (2D) to the ring finger (4D), which is smaller in male humans than in females, and is smaller in lesbians than in heterosexual women. Yet there is also evidence that women may have different sexual orientations at different times in their lives, which suggests that other influences on female sexual orientation, presumably social, are at work as well. We surveyed individuals from a gay pride street fair and found that lesbians who identified themselves as “butch” had a significantly smaller 2D:4D than did those who identified themselves as “femme.” We conclude that increased early androgen exposure plays a role in only some cases of female homosexuality, and that the sexual orientation of “femme” lesbians is unlikely to have been influenced by early androgens. »

– Buck et al. (2003) – BUCK J.J., WILLIAMS Rachel RM., HUGUES Ieuan A., ACERINI Carlo L. (2003) In-utero androgen exposure and 2nd to 4th digit length ratio — comparisons between healthy controls and females with classical congenital adrenal hyperplasia, Human Reproduction, vol.18(5), p.976-979

« We have measured 2D:4D ratios in 69 healthy females [median age 9.3 (range 1.9–17) years], 77 control males [median age 13.86 (2.1–20.3) years] and in 66 females with classical virilizing congenital adrenal hyperplasia (CAH) (median age 8.5 (1.1–16.2) years] who are known to be exposed to high concentrations of androgens in utero. Measurements were determined from X‐rays of the left hand using vernier callipers. Intra‐observer variability in measurement technique was 0.01%. RESULTS: Control males had a significantly lower mean (SD) 2D:4D ratio [0.918 (0.029)] compared with female patients [0.927 (0.029), ANOVA P = 0.02]. No difference in 2D:4D ratio was observed between CAH females [0.925 (0.021)] and control females [0.927 (0.029)]. In contrast, 2D:4D ratio in males were significantly lower compared with CAH females (P = 0.03). CONCLUSIONS: 2D:4D ratios determined directly from radiographs of the left hand confirm significant differences between males and females. However, female patients with virilizing CAH do not have a male digit ratio pattern suggesting that in the left hand digit ratio development is not influenced by in‐utero exposure to androgens. […] All females with CAH presented with significant virilization of the genitalia at birth requiring corrective surgery and exhibited the characteristic biochemical profiles (e.g. elevated serum 17 hydroxy‐progesterone and 21‐deoxycortisol levels; increased urinary adrenocorticosteroid metabolites) consistent with a diagnosis of classical CAH due to 21‐hydroxylase‐enzyme deficiency. Controls were selected from an ethnically homogenous (white Caucasian) group of healthy males and females who had been seen at the paediatric endocrine clinic in Cambridge. »

– Grimbos et al. (2010) – GRIMBOS T, DAWOOD K, BURRISS RP, ZUCKER Kenneth J., PUTS David A. (2010) Sexual orientation and the second to fourth finger length ratio: a meta-analysis in men and women, Behavioral Neuroscience, vol.124(2), p. 278-287,

« We conducted a meta-analysis on relationships between 2D:4D and sexual orientation in men and women in 18 independent samples of men and 16 independent samples of women. Collectively, these samples comprised 1,618 heterosexual men, 1,693 heterosexual women, 1,503 gay men, and 1,014 lesbians. In addition to identifying the normative heterosexual sex difference in 2D:4D for both hands, we found that heterosexual women had higher (more feminine) left- and right-hand 2D:4D than did lesbians, but we found no difference between heterosexual and gay men. Moderator analyses suggested that ethnicity explained some between-studies variation in men. These results add to a literature suggesting that early sex hormone signaling affects sexual orientation in women, and highlight the need for further research exploring the relationships among 2D:4D, sexual orientation, and ethnicity in men. »

Hickey et al. (2010) – Hickey M, Doherty DA, Hart R, Norman RJ,Mattes E, Atkinson HC, et al. (2010) Maternal and umbilical cord androgen concentrations do not predict digit ratio (2D:4D) in girls: a prospective cohort study, Psychoneuroendocrinology, vol. 5(8), p. 1235- 1244.

– Hines et al. (2015) – HINES Melissa, CONSTANTINESCU Mihaela, SPENCER Debra (2015) Early androgen exposure and human gender development, Biology of Sex Differences, vol.6(3), doi : 10.1186/s13293-015-0022-1 (en accès libre)

– Hollier et al. (2015) – HOLLIER Lauren P., KEELAN Jeffrey A., JAMNADASS Esha S.L., MAYBERY Murray T., HICKEY Martha, WHITEHOUSE Andrew J.O. (2015) Adult digit ratio (2D:4D) is not related to umbilical cord androgen or estrogen concentrations, their ratios or net bioactivity, Early Human Development, vol.91, p.111-117

« Ratio of second digit length to fourth digit length (2D:4D) has been extensively used in human and experimental research as a marker of fetal sex steroid exposure. However, very few human studies have measured the direct relationship between fetal androgen or estrogen concentrations and digit ratio. […] There is some evidence that individuals with congenital adrenal hyperplasia (CAH), where the fetus is exposed to supraphysiological levels of androgens, have a lower 2D:4D ratio (male pattern) than typically developing individuals [4,37]. However, the relationship was not consistently observed in both hands. In addition, a study conducted by Buck et al. [5] using radiographs found no significant difference in digit ratio between females with CAH and typically developing females. These findings cast doubt as to whether the 2D:4D ratio is a reliable proxy measure of fetal testosterone levels [38]. […] To date, only three relatively small prospective studies have investigated the relationship between fetal sex steroid exposure and digit ratio. Lutchmaya et al. [28] examined the association between testosterone and estradiol levels in amniotic fluid collected mid-gestation with digit ratio recorded at 2 years of age in 33 children (18 males, 15 females). A low 2D:4D ratio in the right hand was associated with high testosterone relative to estradiol levels. No significant relationship was found between digit ratio and testosterone or estradiol concentrations individually. These observations suggest that the 2D:4D ratio reflects the relative levels of prenatal androgens and estrogens. Ventura et al. [51] further investigated the relationship between amniotic testosterone concentrations sampled during mid-gestation and digit ratio measured at birth in a sample of 106 children (54 females, 52 males). For females, but not males, amniotic testosterone levels were negatively related to the digit ratio of both hands. This finding provides further evidence that digit ratio may be related to sex steroid concentrations in utero. However, Ventura and colleagues did not measure estrogen levels, so it was not possible to examine whether the ratio of testosterone to estradiol levels was related to the digit ratio.  Hickey et al. [14] provided an initial investigation into the relationship between cord testosterone concentrations and the 2D:4D ratio in a subset of females from the Western Australian Pregnancy Cohort (Raine) Study. No statistically significant relationship was found between umbilical cord blood testosterone concentrations and the 2D:4D ratio recorded for the females at 14 to 16 years of age (n = 82) or between maternal testosterone concentrations at 18 (n = 118) or 34 weeks (n = 114) of gestation and digit ratio. These findings suggest that variations in 2D:4D in females are not related to fetal testosterone concentrations late in gestation. However, the findings from Lutchmaya et al. [28] suggest that it may be the ratio of androgen to estrogen concentrations that is related to digit ratio. Furthermore, both Hickey et al. [14] and Lutchmaya et al. [28] utilised radioimmunoassay (RIA) to analyse sex steroid concentrations. Increasing awareness of the limitations of RIA for the measurement of umbilical cord sex steroids has led to the adoption of mass spectrometry as the preferred approach [24]. Liquid chromatography–tandem mass spectrometry (LC–MS/MS) can be more sensitive than RIA [46]. Further, sex steroid measurements with LC–MS/MS are consistently lower than those derived by RIA, reflecting the superior specificity of the LC–MS/MS technique [9,18,26,45,46,52]. Although, Ventura et al. [51] utilised LC–MS/MS to measure testosterone concentrations amniotic fluid, they examined only the relationship between testosterone and digit ratio. » […] « Our primary aim was to investigate the relationship between fetal sex steroid concentrations in umbilical cord blood at delivery and hand digit ratios in young adults. Based on the published literature on prenatal androgen and estrogen exposure and digit ratio, we hypothesized that testosterone concentrations and the testosterone to estradiol ratio would be negatively related to the 2D:4D and Dr-l ratio and estradiol concentrations would be positively related. However, we found no statistically significant relationship between bioavailable testosterone concentrations, bioavailable estradiol concentrations or the BioT:BioE2 ratio and the 2D:4D ratio of either hand or the Dr-l. These findings differ from those using amniotic fluid collected at mid-gestation to measure sex steroids, where both total testosterone and the ratio of total testosterone to total estradiol concentrations have been negatively associated with digit ratio [28,51]. However, evidence supporting a relationship between amniotic fluid sex steroids and digit ratio are very limited. Both studies have moderate sample sizes drawn from a selected population of high-risk pregnancies undergoing amniocentesis [28,51]. In addition, there are a number of methodological differences between the previous studies and the current study. »

« The second aim of the current study was to calculate composite measures of total androgen and total estrogen exposure, taking into account the bioavailable proportions and the potencies of the individual hormones, and investigate whether these measures were associated with digit ratio. Although testosterone and estradiol are the most biologically potent sex steroids, some of the less potent sex steroids (e.g. E1, E3, A4, DHEA) are present in much greater quantities and may also affect human development. Therefore, it is important to consider the effects of the less potent steroids as well as those of testosterone and estradiol. To the best of our knowledge the current study is the first to generate measures of total androgen and total estrogen exposure. We found a significant positive correlation between the androgen and estrogen composites, consistent with the well established biosynthetic relationship between the two classes of steroids in pregnancy: androgens are converted to estrogens through the actions of placental aromatase, and both groups of steroids are strongly influenced by fetal steroid production. These novel composite measures will allow future researchers to examine the effects of total androgen and total estrogen exposure. We found no statistically significant relationship between the androgen composite, estrogen composite or A:E ratio and any of the digit ratios after control of covariates. However, there was a trend towards a significant negative association between the estrogen composite and the left hand digit ratio in males. This trend is in the opposite direction to that predicted based on the findings of Lutchmaya et al. [28]. Very little research has focused on the effect of estrogen levels on the development of digit ratio. Although the theory proposed by Manning [31] posits that it is the relative concentrations of androgens to estrogens which regulates digit ratio, most published research focuses solely on androgen exposure [34], rather than the relative levels of androgens and estrogens. Few studies have examined the relationship between prenatal estrogen exposure and postnatal human development and most studies address the potential relationship with reproductive cancers in females [47–49]. The implications of this trend towards a significant negative association between the estrogen composite and the left hand digit ratio in males is not yet known, but our data do not support the prediction that digit ratio is positively associated with measures of estrogen bioactivity. »

La conclusion :

« An easily accessible postnatal marker of prenatal sex steroid exposure is necessary to be able to examine the effect of prenatal sex steroid exposure on postnatal development. Digit ratio is easy to measure, but its validity as an indicator of prenatal sex steroids is primarily based on associations with behavioural and physical sexually dimorphic traits [6,35], which vary across cultures and are strongly linked to social and behavioural norms. The exact relationship between prenatal sex steroid exposure and digit ratio is unclear. The current study is the largest prospective study of prenatal sex steroids and digit ratio, and the first to use the combination of LC–MS/MS and bioavailable fractions of sex steroids and properly adjust for pregnancy-related covariables. Therefore, our findings present highly accurate measurements from normal pregnancy. In conclusion, this population-based study of umbilical cord sex steroids and adult digit ratio found no statistically significant relationship between late gestation sex steroid exposure and the adult hand digit ratio. The current study also provides a new method of calculating and examining total androgen and estrogen exposure through composite calculations. »

– James (2005) – William H. JAMES (2005) Biological and psychosocial determinants of male and female human sexual orientation, Journal of Biosocial Science, vol.37(5), p.555-567

« 2. High levels of prenatal steroid hormones seem to be causally associated with the sexual orientation of butch lesbians. However it is not established whether the causal process operates prenatally or postnatally (or both). This is so because prenatal hormone levels are thought to correlate positively with postnatal hormone levels. And high postnatal hormone levels may facilitate homosexual behaviour as a consequence of sensation-seeking. 3. Male bisexuals also are interpreted to have been exposed to high prenatal testosterone levels. But (for reasons similar to those outlined above in regard to butch lesbians) it is unclear whether these have a direct prenatal effect on the brain or whether they are precursors of high postnatal testosterone levels, which are associated with male bisexual orientation by promoting sensation-seeking behaviour. 4. Postnatal learning processes seem to be causally involved in the sexual orientation of some femme lesbians and some exclusive male homosexuals. »

NB : ce chercheur s’est spécialisé dans l’étude des déterminants du sex ratio à la naissance, et a notamment soutenu l’idée que la différence H>F d’exposition prénatale à la testostérone était encore plus grande que ce qu’en disaient Knickmeyer et Baron-Cohen (2006), les mères à plus haut niveau de testostérone accouchant selon lui plus souvent de garçons – cf JAMES William H (2008) Fetal testosterone and sex differences, Early Human Development, vol.84, p.43.

– Kangassalo et al. (2011) – KANGASSALO Katariina, PÖLKKI Mari, RANTALA Markus J. (2011) Prenatal influences on sexual orientation: digit ratio (2D:4D) and number of older siblings, Evolutionary Psychology, vol. 9(4). p. 496-508

« Non-heterosexual men had higher right hand 2D:4D ratios than heterosexual men in our study on Finnish people. To generalize, previous studies have found that homosexual men had a higher 2D:4D in North America and a lower 2D:4D in Europe compared with heterosexuals (reviewed in Grimbos et al., 2010), which makes our result surprising. However, this result would be expected in the light of the universal mean hypothesis (Manning and Robinson, 2003), which assumes that the universal mean 2D:4D of homosexual men varies between 0.96 and 0.97, since the mean 2D:4D of heterosexual men was clearly lower than this range in our data, whereas that of non-heterosexuals did fit the range. It seems that according to our data the mean 2D:4D ratios of heterosexual men are lower in Finland than in many other European countries (for mean 2D:4D ratios in several European countries, see Manning 2002; Manning, Churchill and Peters, 2007), which may explain the contradicting results in the relationship between sexual orientation and 2D:4D between our study and previous studies on Europeans (Grimbos et al., 2010). Our study is the first one to find that non-heterosexual women have higher (more feminine) 2D:4D ratios than heterosexual women. As in men, this result was only significant for the right hand. A recent meta-analysis on 16 independent samples of women found that homosexual women had lower 2D:4D ratios than heterosexual women (Grimbos et al., 2010). The meta-analysis included samples from both North America and Europe. In light of our study it seems that this relationship does not apply to all populations, but that instead in some populations lower prenatal androgen exposure may be linked to female homosexuality. »

NB : cet article a été publié dans une revue de psychologie évolutionniste, par des chercheur·es favorables à l’hypothèse de l’organisation prénatale du cerveau par la testostérone ET à l’hypothèse selon laquelle le ratio 2D/4D est un indicateur utilisable du niveau de testostérone prénatale.

– Knickmeyer et al. (2014) – KNICKMEYER Rebecca, […] GILMORE John H. (2014) Impact of Sex and Gonadal Steroids on Neonatal Brain Structure, Cerebral Cortex, vol.24, p. 2721-2731

« We note that a longitudinal study of 2D:4D ratios at birth, 1 year, and 2 years of age carried out by our group showed a lack of stability across age. Therefore, in this analysis, we only included digit ratios collected in a narrow age band (around 2 weeks of age), an age point which showed significant sex differences in our previous work (Knickmeyer et al. 2011). »

– Lippa (2003) – LIPPA Richard (2003) Are 2D:4D finger-length ratios related to sexual orientation? Yes for men, no for women, Journal of Personality and Social Psychology, vol. 85(1), p.179-188

« The ratio of index and ring finger lengths (2D:4D) is thought to be a marker of prenatal androgen exposure. In a sample of over 2,000 participants, men had significantly lower 2D:4D ratios than women (d = .36 and .23 for right and left hands, respectively), and these results were consistent across ethnic groups. Heterosexual men had significantly lower (more male typical) 2D:4D ratios than gay men (d = .32 and .31 for right and left hands, respectively), and these results tended to be consistent across ethnic groups. Heterosexual and lesbian women showed no significant differences in 2D:4D ratios, after ethnicity was taken into account. The current findings add to evidence that prenatal hormonal factors may be linked to men’s sexual orientation. »

Lutchmaya et al. (2004) – LUTCHMAYA Svetlana, BARON-COHEN Simon, RAGGATT Peter, KNICKMEYER Rebecca, MANNING John T. (2004) 2nd to 4th digit ratios, fetal testosterone and estradiol, Early Human Development, vol.77(1–2), p.23-28

« There is indirect evidence that 2D:4D is established in utero and is negatively related to prenatal testosterone and positively with prenatal estradiol. However, there are no studies which show direct relationships between fetal testosterone (FT), fetal estradiol (FE) and 2D:4D. Aims: To investigate the relationships between 2D:4D ratios and FT and FE from amniotic fluid. Study design: Cohort study. Subjects: 33 children. Outcome measures: Radioimmunoassays of FT and FE obtained from routine amniocentesis; 2D:4D ratios calculated from 2nd and 4th digit length of the right and left hands at age 2 years. Results: A significant negative association between right 2D:4D ratio and FT/FE ratio, which was independent of sex. Conclusions: These preliminary findings lend support to an association between low 2D:4D and high levels of FT relative to FE, and high 2D:4D with low FT relative to FE. » + « Non-significant negative associations were found for right and left hand between 2D:4D and FT. Also non-significant positive associations were found for 2D:4D and FE. »

Rahman et Wilson (2003) – RAHMAN Qazi, WILSON Glenn D. (2003) Sexual orientation and the 2nd to 4th finger length ratio: evidence for organising effects of sex hormones or developmental instability?, Psychoneuroendocrinology, vol.28(3), p.288-303

« It has been proposed that human sexual orientation is influenced by prenatal sex hormones. Some evidence examining putative somatic markers of prenatal sex hormones supports this assumption. An alternative suggestion has been that homosexuality may be due to general developmental disruptions independent of hormonal effects. This study investigated the ratio of the 2nd to 4th finger digits (the 2D:4D ratio), a measure often ascribed to the organisational actions of prenatal androgens, and the fluctuating asymmetry (FA-a measure of general developmental disruption) of these features, in a sample of 240 healthy, right handed and exclusively heterosexual and homosexual males and females (N=60 per group). Homosexual males and females showed significantly lower 2D:4D ratios in comparison to heterosexuals, but sexual orientation did not relate to any measures of FA. The evidence may suggest that homosexual males and females have been exposed to non-disruptive, but elevated levels of androgens in utero. However, these data also draw attention to difficulties in the interpretation of results when somatic features are employed as biological markers of prenatal hormonal influences. »

– Richards (2017) – RICHARDS Gareth (2017) What is the evidence for a link between digit ratio (2D:4D) and direct measures of prenatal sex hormones? Early Human Development, vol.113, p. 71-72 :

« Since Manning et al.’s [1] seminal paper was published in 1998, the ratio of length between the second (index) and fourth (ring) fingers (digit ratio, or 2D:4D) has been commonly employed by researchers as an indicator of prenatal sex hormone exposure. However, although an extensive literature now exists on how 2D:4D relates to a range of phenotypic outcomes, to the best of my knowledge there are currently only six papers that examine 2D:4D in relation to direct measures of prenatal sex hormones. Furthermore, the hormones reported on in four of these papers were measured from umbilical cord blood sampled shortly after birth. Although the blood might relate to foetal circulation in late gestation, the hormone levels measured technically relate to the perinatal rather than prenatal period (for a comparison of methods for measuring foetal sex hormones, see van de Beek et al. [2]). Lutchmaya et al. [3] analysed foetal testosterone (fT) and oestradiol (fO) sampled from amniocentesis during the second trimester. Although left hand digit ratios (L2D:4D) in two-year-olds were not associated with hormone levels, those for the right hand (R2D:4D) correlated negatively with the ratio of testosterone to oestradiol (β = −0.007, p = 0.004). However, the sample was small (n = 29), analyses for males and females were not conducted separately, and no other significant correlations were observed. It should however be noted that, although neither fT nor fO was a statistically significant predictor of digit ratio on its own, there was a trend level association between fT and R2D:4D (β = −3.74, p = 0.09). If a one-tailed test had been used, this effect would have been considered significant. This could arguably have been justified considering that a negative association between digit ratio and fT had already been hypothesised at this point [1]. A study of a separate cohort [4 [= Ventura et al. 2013]] reported that fT measured through amniocentesis correlated negatively with L2D:4D (r = −0.3, p = 0.03) and R2D:4D (r = −0.24, p = 0.09) in females (n = 51), although the latter effect was only marginally statistically significant, and no significant correlations were observed in males (n = 49). As fO levels were not recorded in this study, no attempt could be made to replicate Lutchmaya et al.’s earlier finding. Three papers have reported findings from subsamples of the Western Australian Pregnancy Cohort (Raine) Study, for which arterial and venous umbilical cord blood was sampled at birth. The first [5[=Hickey et al. 2010]] found that foetal androgens and oestrogens (individually, or the ratio between them) did not predict digit ratio in adolescent females (n = 82). The second [6 [=Hollier et al. 2015]] reported similar non-significant findings for young adult males (n = 182) and females (n = 159). However, the third [7[=Whitehouse et al. 2015]] found that bioavailable testosterone in females (n = 76) correlated negatively with L2D:4D (r = −0.29, p < 0.05), though no significant effect was observed for R2D:4D, and neither correlation was significant in males (n = 83). A possible reason for the discrepant findings here is that digit ratio was measured at different ages in each report (i.e. 14–16 years in [5], 19–22 years in [6], 21–24 years in [7]). In addition to the Raine cohort, a recent paper reported no significant associations between testosterone or oestrogen measured from umbilical cord blood, and digit ratio (for either hand) in a sample of 100 (50 male, 50 female) newborn children from Turkey [8]. Most reported correlations between 2D:4D and foetal sex hormones have not been statistically significant, although the literature broadly points towards a negative association with fT. However, it is interesting to note that no statistically significant effects have yet been reported in male-only samples. A potential explanation for this is that sex differences in hormonal activity are known to occur during normal foetal development. For instance, testosterone levels tend to peak between 14 and 18 weeks of gestation, with the largest sex differences being detected between 14 and 16 weeks (see [9,10]). Furthermore, testosterone is produced primarily by the testes in males and ovaries in females, though small amounts are also produced by the adrenal grands in both sexes. Of further interest is that both studies using amniotic fluid observed a significant effect, whereas only one significant effect was reported between the four studies of umbilical cord blood. A possible reason is that testosterone sampled from amniotic fluid and umbilical cord blood relates to the second and third trimesters, respectively, whereas development of the 2D:4D ratio may begin earlier, in the first trimester [11], with hormone concentrations in the later stages of gestation (i.e. the third trimester) having little or no influence on this trait. Although there is experimental evidence for 2D:4D being influenced by prenatal sex hormones in animal studies (e.g. Zheng & Cohn [12]), support for this hypothesised link in humans remains tenuous. For this reason, it is suggested that findings from studies involving 2D:4D as a proxy for foetal hormone exposure must be interpreted with caution. It should also be noted that studies of human amniotic fluid are scarce, and, due to various methodological advances, may not be replicated in the future. It would therefore be of considerable merit if existing study cohorts were followed up to better determine whether foetal sex hormone levels are predictive of adult digit ratios. This could help validate (or invalidate) digit ratio as a tool for examining the effects of the foetal environment on adult phenotype. »

Robinson et Manning (2000) – ROBINSON S. J., MANNING John T. (2000) The ratio of 2nd to 4th digit length and male homosexuality, Evolution and Human Behavior, vol.21(5), p.333-345

« We report that (a) 2D:4D was lower in a sample of 88 homosexual men than in 88 sex- and age-matched controls recruited without regard to sexual orientation, […] »

Szwed et al. (2017) – SZWED Anita, KOSINSKA Magdalena, MANNING John T. (2017) Digit ratio (2D:4D) and month of birth: A link to the solstitial-melatonin-testosterone effect, Early Human Development, vol.104, p.23-26.

« Digit ratio (2D:4D) is a sexually dimorphic trait and its determination in utero is influenced by testosterone. […] There is evidence that the ratio between the 2nd and 4th digits (digit ratio or 2D:4D) is formed in utero and is dependent on a balance between testosterone and oestrogen [1–3]. »

Rem : les trois références citées ici sont d’une part l’article de 1998 dans lequel John Manning a annoncé avoir trouvé un « dimorphisme sexuel » du ratio 2D/4D (n’apportant pas de données sur le lien avec les hormones prénatales), avec à l’époque une moyenne de 0.98 annoncée pour les hommes et de 1.00 pour les femmes , et d’autre part deux livres publiés par Manning sur le 2D/4D, l’un en 2002 et l’autre en 2008.

« Foetal testosterone is secreted from week 8 and peaks by the 14th week of gestation. During this period testosterone causes important organisational changes to the brain and other organ systems. This suggests the time window for the determination of human 2D:4D may be sometime between 8 and 14 weeks. […] There were 324 (180 females) participants in the sample. All were born in the 20th Century. The year of birth varied from 1907 to 1996. […] Overall mean 2D:4D for the right hand was 0.995 ± .033SD, n = 323 with a range from 0.881 to 1.103, and for left 2D:4D it was 0.995±, n = 322 with a range of 0.876 to 1.115 [Rem : il manque un chiffre après « 0.995± »]. Mean right-left 2D:4D (Dr-l) was 0.0002 ± .029SD. The differences in mean 2D:4D in males and females were in the expected direction (male < female), but the sexual dimorphism was not significant (right 2D:4D, males 0.992 ± .030SD, females 0.997 ± .035SD, t = 1.36, p = 0.18, Cohen’s d = 0.15; left 2D:4D, males 0.991 ± .033SD, females 0.998 ± .034SD, t = 1.87, p = 0.06, d = 0.21). Right-left 2D:4D showed no sexual dimorphism (Dr-l, males 0.001 ± .027SD, females −0.001 ± 0.031, t = 0.56, p = 0.57) »

– Ventura et al. (2013) – VENTURA T, GOMES MC, PITA A, NETO MT, TAYLOR A. (2013) Digit ratio (2D:4D) in newborns: influences of prenatal testosterone and maternal environment, Early Human Development, vol.89(2), p. 107-112

« Our data shows that the 2D:4D dimorphism is already present at birth, confirming previous reports that it shows as early as at 14 weeks of gestation [16]. As expected, males had lower mean 2D:4D ratio than females, but like previous authors [2,14] we found that the difference is subtle and there is a large overlap of 2D:4D distributions between sexes (Fig. 1). In our sample of NB infants, sex dimorphism was significant for the left but not for the right hand. This contrasts with studies which sampled individuals older than two years and reported a greater 2D:4D sex difference for the right hand [21–23]. Our results are from individuals in between the pre and postnatal testosterone surges, and because we have not find significant dimorphism in the right hand, we suggest that postnatal androgen exposure is rather influential for the accentuation of dimorphism and stabilization of 2D:4D ratio in the right hand. A recent study [17], working only with right hand photocopies of children between 3 and 5 months of age, also did not find significant 2D:4D differences between sexes. Likewise, newborns in the Knickmeyer et al. [18] study had a tendency to show sexual dimorphism in 2D:4D, but differences were not significant. The postnatal testosterone exposure thus appears determinant for the right hand ratio later observed in life ».

Vuoksimaa et al (2010) – VUOKSIMAA Eero, ERIKSSON C. J. Peter, PULKKINEN Lea, ROSE Richard J., KAPRIO Jaakko (2010) Decreased prevalence of left-handedness among females with male co-twins: Evidence suggesting prenatal testosterone transfer in humans?, Psychoneuroendocrinology, vol.35(10), p.1462–1472

« Other studies have investigated the relationship between index/ring (2d:4d) finger ratio and handedness. Males exhibit lower 2d:4d ratios than females (Manning, 2002). Some consider this sexually dimorphic characteristic a putative marker of prenatal testosterone exposure […] But is 2d:4d ratio a reliable proxy for prenatal testosterone levels? In fact, there is no direct evidence that 2d:4d ratio reflects prenatal exposure to testosterone (see Berenbaum et al., 2009; Wallen, 2009). To date, two small-sample studies have reported that OSF twins have masculinised 2d:4d ratio (van Anders et al., 2006; Voracek and Dressler, 2007), whereas a study of 212 females from opposite-sex pairs and 237 females from same-sex pairs found no difference in 2d:4d between these two groups of females (Medland et al., 2008). »

– Wallen (2009) – WALLEN Kim (2009) Does Finger Fat Produce Sex Differences in Second to Fourth Digit Ratios?, Endocrinology, vol.150(11), p. 4819-4822

« The data presently available allow rejection of 2D:4D digit ratios as a reliable proxy for prenatal androgen exposure and suggest that digit ratios are more likely a marker of sex differences in digit adiposity. »

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Notes

[1] Texte signé par Robert Trivers publié (en français) le 16/02/2018 sur www.slate.fr/story/157699/chauvinisme-francais-sciences-evolution#2.

[2] Tout de suite après l’obtention de son doctorat, en septembre 2000, Svetlana Lutchmaya a abandonné la recherche pour travailler dans le marketing chez Procter & Gamble, où elle travaille toujours à ce jour. Cet article dont elle est première auteure est sorti en 2004, en même temps qu’un livre signé par Simon Baron-Cohen, elle-même et une autre étudiante de Baron-Cohen, Rebecca Knickmeyer, intitulé Prenatal testosterone in mind. Sur une autre étude ultra-célèbre réalisée par une étudiante de Simon Baron-Cohen (Jennifer Connellan) et sa trajectoire, voir https://allodoxia.odilefillod.fr/2013/10/04/sexes-mensonges-et-video-baron-cohen/.

28 réflexions sur « Un indice fiable de quoi ? »

  1. j’ai déjà l’impression qu’on pourrait écrire beaucoup sur la fiabilité des mesures des 2D et 4D. Vous n’en parlez pas. Pourtant je doute qu’on puisse avoir quelque chose de fiable sur des doigts qui sont articulées de partout et on en déduit des rapports avec trois chiffres après la virgules, ça me fait doucement rigoler. As-t-on fait faire les mesures par différentes équipes pour vérifier qu’on avait les mêmes résultats ? J’en doute.
    Je suis effaré par de telles études.

    1. Il y aurait tant de choses à raconter sur cet “indice de Manning” et la manière dont certains psychologues, travaillant sur les questions de genre et d’orientation sexuelle sous un angle principalement voire exclusivement biologique (souvent des psychologues évolutionnistes), en usent et abusent depuis près de 20 ans ! Mais je voulais ici juste répondre à Trivers/Sastre et ne pouvais y consacrer plus de quelques heures – rappel : ce soir je ferme boutique pour un temps et ne publierai donc plus les commentaires. Quelle que soit la fiabilité de la mesure, même s’il était parfaitement établi ce que disent Manning et compagnie, à savoir que le 2D/4D est légèrement corrélé au rapport Testo prénat/Oestro prénat, il ne pourrait en aucun cas être considéré comme “un indice fiable de l’androgénisation prénatale”. Pour en revenir quand même à votre question, les mesures peuvent effectivement varier avec la méthode standard consistant à appuyer la main sur la vitre d’une photocopieuse. On constate d’ailleurs que d’une étude à l’autre, la moyenne trouvée peut être assez différente même sur des populations de même “ethnicité”, comme dit Trivers. Dans l’étude de Berenbaum et al. 2009 (citée en fin de mon billet), ce sont les os eux-même qui ont été mesurés, sur la base de radios, ce qui est plus fiable mais quasiment jamais fait pour des raisons évidentes. L’article de Wallen 2009 (également cité à la fin) argue en faveur de l’idée que la petite différence régulièrement observée entre la moyenne des femmes et la moyenne des hommes avec la méthode habituelle est juste due à une différence moyenne dans la répartition des tissus mous. Au niveau du squelette, il n’y aurait en fait pas de différence entre femmes et hommes, ce qui invaliderait la théorie de Manning selon laquelle le “dimorphisme sexuel” du 2D/4D humain refléterait une différence de croissance du squelette.

  2. Bonjour et merci pour cet article.
    Pour ne pas me contenter de faire le Fanboy de base, je me suis amusé à refaire une biblio à part pour voir si je ne trouve pas d’autres articles allant dans un autre sens (pour pouvoir vous accuser de cherry picking).
    Sans me servir de votre post, je retombe sur les mêmes articles de preuves directes (dans une population ne présentant pas de pathologies).
    En plus, je trouve deux articles Mitsui T. et al (2016, Steroids et 2015 Plos One) ayant fait des corrélations 2D:4D/Concentrations dans le sang de cordon à la naissance.

    On repassera pour les accusations de Cherry picking puisque ces deux articles ne trouvent aucune corrélation chez les femmes et une maigre corrélation avec INSLA3 et DHEA chez l’homme (mais rien pour cortisol, cortisone, androstenedione).

    Par contre j’ai été absolument étonné de voir le nombre d’articles corrélant le digit ratio avec tout et n’importe quoi. C’est sur que faire remplir des questionnaires et faire des scans de la main droite rend la publi beaucoup plus rapide et beaucoup moins cher que de faire des études prospectives en partant de dosages dans du liquide amniotique.
    Autant dire que j’ai perdu mon temps et que vous gardez ma confiance

    Moz

    1. Merci beaucoup pour votre commentaire et bravo pour votre démarche de vérification, que j’encourage vivement y compris vis-à-vis de mes écrits. Ce commentaire m’inspire trois remarques/réactions.

      1) Mon billet ne prétend pas faire une véritable revue de la littérature sur cette question. J’avais étudié en 2009 ce paradigme de recherche, et les éléments permettant de savoir que le 2D/4D ne pouvait pas être un indice fiable de l’androgénisation prénatale étaient déjà disponibles à l’époque. J’ai juste repris des revues récentes faites par des chercheurs du domaine (rem : Gareth Richards a lui aussi participé à la production de cette littérature pléthorique : cf http://www.stevestewartwilliams.com/publications/Richards%20et%20al.,%202015.pdf), et en particulier publiées dans la revue qui avait publié le résultat pris pour acquis ET surinterprété par Robert Trivers & Peggy Sastre (l’étude de 2004), pour montrer que leur point de vue ne reflétait pas du tout le consensus actuel.

      2) Effectivement, il y a eu deux autres études testant la corrélation avec une mesure des hormones prénatales*, publiées toutes deux par Mitsui et collègues, qui ne changent rien à la conclusion :
      – Mitsui et al. dans PlosOne (2015) = http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0120636
      – Mitsui et al. dans Steroids (2016) = https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/27343975
      Les mêmes auteurs dans PlosOne (2016) http://journals.plos.org/plosone/article?id=10.1371/journal.pone.0146849 utilisent pourtant le 2D/4D comme si c’était un indicateur fiable de l’environnement hormonal prénatatal…

      Quoi qu’il en soit, les éléments disponibles depuis de nombreuses années permettent encore un fois déjà de savoir que ce ratio ne peut en aucun cas être “un indice fiable de l’androgénisation prénatale”.

      * Les niveaux mesurés dans le sang du cordon ombilical à la naissance sont de toute façon sans doute de mauvais proxys de l’exposition foetale au moment où est censée se faire la “différenciation sexuelle” du cerveau et des comportements (pour en revenir au sujet de fond).

    2. 3) Au sujet du nombre d’études « corrélant le digit ratio avec tout et n’importe quoi », en effet c’est assez effarant. Selon une recherche rapide faite aujourd’hui dans le Web of Science*, il y a eu 1027 publications indexées sur ce sujet entre 1998 et aujourd’hui, avec un nombre croissant chaque année (106 en 2017). Parmi elles, 541 ont été publiées dans une revue indexée dans l’une ou l’autre des catégories suivantes du WoS : Behavioral Sciences, Neuroscience, Psychiatry, Psychology (…), Social sciences (…) ou Sociology.
      Robert Trivers a tort de penser, comme il le dit dans sa tribune publiée par Slate, qu’aucun chercheur français n’a travaillé là-dessus. En effet, sur ces 541 publis il y en a 4 co-signées par un labo français :
      – 3 portant sur des oiseaux, venant du labo d’écologie évolutive d’Anders Moller à Paris 6,
      – 1 avec comme auteur senior Franck Ramus en 2006 (« Motion and form coherence detection in autistic spectrum disorder: Relationship to motor control and 2 : 4 digit ratio »).

      Si on revient à l’ensemble des 1027 publications, on en trouve en tout 15 co-signées par un (labo) français dont trois autres en rapport avec la cognition ou le comportement humains :
      – par Michel Raymond & Charlotte Faurie (Montpellier) « Why are some people left-handed? An evolutionary perspective »
      – par Jean-François Bonnefon (Toulouse) « Low second-to-fourth digit ratio predicts indiscriminate social suspicion, not improved trustworthiness detection »
      – par Jean-François Lemaître (Lyon) : « Digit ratio (2D:4D) predicts facial, but not voice or body odour, attractiveness in men »

      * Topic = (« 2D:4D » OR « digit-ratio ») + Exclude Document type = « Meeting abstract » + Exclude Category = acoustics, agronomy, astronomy astrophysics, automation control systems, chemistry (…), computer science (…), dentistry oral surgery medicine, engineering aerospace, engineering civil, engineering electrical electronic, engineering industrial, engineering geological, engineering mechanical, fisheries, geosciences multidisciplinary, horticulture, materials science multidisciplinary, mechanics, metallurgy metallurgical engineering, optics, physics (…), plant sciences.

    3. Voir aussi https://www.sciencemag.org/news/2019/06/talk-hand-scientists-try-debunk-idea-finger-length-can-reveal-personality-and-health. Extraits choisis :
      < < "I'm skeptical about every single finding involving that ratio," says physiologist and biostatistician Douglas Curran-Everett of National Jewish Health in Denver. Other detractors argue the field is rife with irreproducible findings. It's "like a house of cards built on an unknown and uncertain base," says psychologist Martin Voracek of the University of Vienna, who compares the work on finger ratios to phrenology or physiognomy, the discredited ideas that people's head shape or facial features, respectively, reveal their personalities, character, and intelligence. >>

      < < In one study, developmental biologist Martin Cohn of the University of Florida in Gainesville and his then-postdoc, Zhengui "Patrick" Zheng, altered the activity of the receptors that respond to the hormones. For example, the pair stimulated the androgen receptor by dosing pregnant female mice with dihydrotestosterone (DHT), the most common form of testosterone in the body, or gave them estrogen to prod its receptor. [...] In female pups, they reported in a 2011 paper in the Proceedings of the National Academy of Sciences, boosting the activity of the androgen receptor in the mother increased the growth of the fourth digit and produced a lower 2D:4D ratio. Nudging the estrogen receptor, in contrast, curbed elongation of the fourth digit and yielded a higher 2D:4D ratio in male offspring. [...] But the results of another animal study contradict those findings. When neurobiologist Sabine Huber, now at the University of Münster in Germany, and colleagues tried to replicate Zheng and Cohn's study, they got the opposite results. Boosting DHT levels in pregnant mice induced higher, more feminine digit ratios in the hind paws of male pups, whereas blocking the androgen receptor led to lower, more masculine ratios in female pups. Huber says she's not sure why those results, reported in PLOS ONE in 2017, don't match those of the other study, but she says differences between the strains of mice she and Cohn's team used may have contributed. >>

      < < Inconclusive results from two large studies that scanned the genome for gene variants linked to finger length also raise doubts about the 2D:4D ratio, critics say. Evans and his colleague Sarah Medland, a statistical geneticist at QIMR Berghofer Medical Research Institute in Brisbane, analyzed data on thousands of people, looking for a relationship between the ratio and variants in the molecular pathways that control testosterone levels or responsiveness to the hormone. They came up empty. In two studies, "We didn't find any strong evidence of testosterone involvement," Medland says.>>

      < < Ratios are intrinsically problematic, some statisticians say, because they can muddle the relationship between two variables. "A conclusion based on a ratio is likely to be off-target and misleading," says Gary Packard, a professor emeritus of biology from Colorado State University in Fort Collins, who has written extensively about pitfalls of statistics. Before researchers use a ratio, Curran-Everett says, they should check that it meets certain mathematical criteria: A plot of its two variables should yield a line that passes through the origin, which indicates that the ratio's variables have a consistent relationship. But when evolutionary biologist Jaroslav Flegr of Charles University in Prague and colleagues performed that test in two studies of hundreds of finger length measurements, the 2D:4D ratio did not fulfill the criteria. >>

      < < More sophisticated mathematical approaches to the data suggested the apparent difference in 2D:4D ratios between the sexes is merely a function of men's larger hands. Men may have longer fourth fingers because, as the hands get bigger, the fingers don't grow by the same amount—the fourth finger lengthens more than the second. In a 2017 study, Flegr and colleagues worked with researchers from Teesside University in Middlesbrough, U.K., to factor out the difference in hand sizes in their data. The male-female difference in digit ratios flipped—men now had higher values. That inversion suggests the widely reported sex difference in 2D:4D ratios is "not an effect of testosterone, it's an effect of the size of the hands," Flegr says. >>

      < < The results often can't be replicated. Melissa Hines, a psychologist and neuroscientist who studies human gender development at the University of Cambridge in the United Kingdom, once accepted the validity of the ratio. But she changed her mind when she asked some undergraduates to repeat published studies for their final-year projects. Even though students appeared to duplicate procedures from the studies, they couldn't obtain the same results. "I'm not saying androgen is not at all important for human behavior. It is," she says. "I just don't think that finger ratios are a scientifically reliable measure of the early hormone environment." Wallen says the case that digit ratios are a proxy for hormone levels is so weak that when he became editor of the journal Hormones and Behavior 7 years ago, he decided to stop accepting papers that use them in that way. Voracek, who like Hines once believed in the finger comparison, now says research on the 2D:4D ratio exemplifies the reproducibility crisis that has emerged in multiple fields of science over the past few years. Intriguing findings that appear in small studies disappear when scientists scrutinize larger groups or perform meta-analyses, he says.>>

  3. On m’a interpellée sur Facebook en me demandant “Mais alors que faites-vous des données scientifiques rassemblées dans l’article de Wikipedia “Digit Ratio” (18 articles scientifiques sont cités rien que pour l’extrait suivant, 164 articles pour l’ensemble)”, suivi d’un copié/collé du paragraphe “Evidence of androgen effect”. A toutes fins utiles, je recopie ici la réponse que j’ai faite à cette personne.

    Si vous lisez mon billet de blog vous aurez la réponse à votre question, et vous verrez aussi dans la bibliographie les extraits d’articles de biologistes qui disent la même chose que moi. Si vous l’avez déjà lu, je regrette de devoir vous dire que vous n’avez rien compris. Même s’il était bien établi, comme le veut la théorie des gens qui utilisent cette indice pour tout et n’importe quoi, qu’il existe une (modeste) corrélation fiable entre le ratio 2D:4D et le rapport Niveau d’exposition prénatale aux androgènes / Niveau d’exposition prénatale aux oestrogènes, ce ratio ne pourrait toujours pas être considéré comme étant un “indice fiable de l’androgénisation prénatale”. Comme l’écrivait Melissa Hines dans Biology of Sex Differences en 2015 (voir mon billet), “la relation entre le rapport des longueurs des doigts et l’exposition prénatale aux androgènes paraît trop faible pour être utile dans les études portant sur des individus ayant un développement typique” (en clair = dans les études qui cherchent à montrer en population générale que tel ou tel trait plus ou moins “féminin” ou “masculin” est lié au degré d’androgénisation prénatale).

    Par ailleurs, le contenu de cette page de wikipedia est résolument biaisé et non à jour.
    Exemple 1 : la liste des trois références citées à l’appui de “Women with congenital adrenal hyperplasia (CAH), which results in elevated androgen levels before birth, have lower, more masculinized 2D:4D on average”, datant de 2002, 2002 et 2009, n’est pas exhaustive. Je signale surtout que Melissa Hines était parmi les auteurs du premier papier de 2002, et à l’époque elle y soutenait effectivement l’idée que ce ratio pourrait peut-être être utilisé comme marqueur de l’exposition prénatale à la testostérone, mais comme on l’a vu, elle est depuis arrivée à la conclusion qu’il fallait abandonner cette idée.

    Exemple 2 : deux références sont citées à l’appui de “Males with CAH have more masculine (smaller) digit ratios than control males” (les deux même articles de 2002 précédents), omettant au moins Rivas et al. 2014 (www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/24668932), qui a trouvé au contraire un 2D/4D en moyenne “féminisé” chez les 9 hommes avec HCS de son échantilllon.

    Exemple 3 : outre que dans la seule étude citée à l’appui de “XY individuals with androgen insensitivity syndrome (AIS) due to a dysfunctional gene for the androgen receptor present as women and have feminine digit ratios on average”, à savoir Berenbaum et al. 2009, on peut lire que selon les auteurs, ces résultats indiquent “that digit ratio is not a good marker of individual differences in prenatal androgen exposure” (que voulez-vous de plus !), une autre étude a été publiée sur le sujet depuis. Il s’agit de van Hemmen et al. 2017 (https://bsd.biomedcentral.com/articles/10.1186/s13293-017-0132-z). Or cette étude :

    A) souligne les problèmes d’interprétation du résultat de Berenbaum et al. 2009 : “A study in 16 women with CAIS showed that their digit ratios were feminized, which, along with the majority of findings in DSDs, points to a link between fetal androgen exposure and the 2D:4D ratio [28]. However, some important caveats have been discussed by the authors of this study [28] and in a commentary on this paper [29]. First, the effect size of the difference between women with CAIS and control men was only moderate, and second, the variability in digit ratios was not smaller in women with CAIS than in either the male or female control subjects. If fetal androgen exposure alone determines 2D:4D ratios, then, one would expect less variability in women with CAIS because they are completely insensitive to any androgen actions. This has led to the conclusion that 2D:4D digit ratio is partially determined by fetal androgen exposure but that the relationship is too small to use digit ratio as a reliable marker for fetal androgen exposure in individual subjects (as cited in [28]). Regardless of this conclusion and other important critical arguments against AR-gene-related effects (summarized by [21]), numerous investigators continue to use the digit ratio as an index of fetal androgen action” ;

    B) conclut quant à elle ceci : “In line with previous studies, our findings in CAIS women suggest that additional, non-androgenic, factors mediate male-typical sexual differentiation of digit ratios and click-evoked otoacoustic emissions. Consequently, use of these measures in adults as retrospective markers of early androgen exposure is not recommended.”

  4. Merci pour votre travail et pour le temps que vous avez accordé a rédiger cet article.

    En tapant “Indice de Manning” sur google on se retrouve noyé sous des sites en tous genres expliquant en quoi nos doigts peuvent en dire long sur notre personnalité, j’ai donc eu du mal a trouver cette page.

    J’aurais aimé l’avoir lu plus tôt, ça m’aurait permis de ne pas perdre mon temps a mesurer mes doigts (ainsi que ceux de ma copine)

    Merci pour vos recherches et votre implication.

  5. Un autre chercheur ayant soutenu P. Sastre, Steven Pinker, est en tournée en France actuellement.
    Il avait écrit ceci :
    STEVEN PINKER, psychologue, Université Harvard (États-Unis)
    PhD obtenu à Harvard en 1979, il a aussi été enseignant à Stanford et au MIT.
    « Peggy Sastre est une féministe bien plus solide que la plupart de ses détracteurs. Elle n’a pas peur de la science et n’y voit aucune menace au féminisme, ce qui lui évite donc de craindre, de distordre ou de nier la science des différences sexuelles. Elle affirme que les droits des femmes ne dépendent pas d’une identité entre les sexes, comme si les hommes étaient la mesure de toute chose et que tout écart par rapport à eux serait synonyme d’infériorité. Elle avance ses arguments avec la même rigueur qui lui a valu son doctorat de philosophie. Le féminisme qu’elle promeut est fondé sur la logique, la science et le raisonnement moral, ce qui le rend dès lors plus puissant que les misérables versions académiques reposant sur des théories ésotériques et une négation de faits parmi les plus incontestables.»

    A mon grand étonnement, j’ai constaté à l’écoute de la matinale de France Culture que Pinker ne parle pas le français (toute l’interview est faite à l’aide d’un traducteur). Jusqu’à présent je supposais qu’étant originaire de Montréal il parlait le Français et était donc capable de juger de travaux écrit dans cette langue.
    Comment peut donc t’il juger de la qualité des travaux de Peggy Sastre et de la rigueur de son doctorat de philosophie ?

    Moz

    1. Attaquée dans les colonnes du journal Le Monde, Peggy Sastre a sollicité des manifestations de soutien de certains chercheurs et essayistes nord-américains dont elle relaie le discours en France depuis des années. Sans doute s’agit-il ici de la part de Steven Pinker, psychologue évolutionniste tenant une place de choix dans son panthéon et ses sources, d’un simple renvoi d’ascenseur.

    2. Il reste possible que Pinker comprend et lit le français convenablement, ou même très bien, mais qu’il juge qu’il ne le parle pas assez bien pour parler de ses livres sur une radio nationale. C’est même le plus probable (je parle bien l’italien dans un contexte informel, je lis sans problème dés article en italien, mais je ne parlerais pas de philosophie à la radio en italien).

      1. En effet, cela reste possible. De là à penser qu’il a lu les écrits de Peggy Sastre, et que c’est cela qui lui fait affirmer qu’elle évite de “distordre la science des différences sexuelles” et qu’elle “avance ses arguments avec rigueur”… Pour ma part, cette affirmation m’inciterait plutôt à penser qu’il ne les a pas lus, ah ah !
        Blague à part, le coeur de l’activité de Peggy Sastre étant de diffuser, reprendre à son compte et appuyer par tous les arguments qu’elle peut trouver les thèses de Steven Pinker et quelques autres psychologues évolutionnistes ou sociobiologistes, combinées à celle développée dans The Sexual Paradox par Susan Pinker (épouse de Steven), il ne peut que la soutenir.

  6. Vous semblez rejeter l’idée selon laquelle, l’Homosexualité pourrait être liée à des taux élevé de testostérone ou d’œstrogènes, rejetez vous également l’idée qu’elle pourrait être liée à d’autres facteurs biologiques ? Auquel cas elle aurait une origine purement culturelle ? Je cherche à comprendre car il y aurait manifestement un paradoxe à soutenir une telle hypothèse et a adopter dans le même temps une posture progressiste.

    1. Tout d’abord, je ne rejette a priori aucune idée.

      Concernant les liens possibles entre orientation sexuelle humaine et niveaux de testostérone ou d’œstrogènes, la seule hypothèse restant explorée par les rares chercheurs qui continuent à s’y intéresser est que le niveau d’androgènes (pas d’oestrogènes) reçu in utero (pas circulant à partir de la puberté) aurait une influence (non déterminante) sur l’orientation sexuelle future. Mon analyse de la littérature scientifique produite sur le sujet, confortée par celle exposée par Rebecca Jordan-Young dans Brain Storm (livre que j’ai traduit pour les éditions Belin, publié sous le titre Hormones, sexe et cerveau) ainsi que par les propos de certains chercheurs manifestant leurs doutes ou nuançant fortement leurs propos après avoir fortement soutenu cette hypothèse, m’a amenée à la conclusion que si une telle influence existe, elle est nécessairement très faible.

      Il est tout à fait possible que d’autres facteurs biologiques aient une influence sur l’orientation sexuelle (humaine toujours). Le cas échéant, ce n’est à mon avis probablement pas par un mécanisme biologique direct de sexuation de certains circuits cérébraux mais de manière indirecte, via des processus médiés par des mécanismes psycho-sociaux.

      Je ne vois pas en quoi le fait de soutenir que l’orientation sexuelle humaine (qu’il s’agisse d’homosexualité exclusive, d’hétérosexualité exclusive, de bisexualité ou de toute autre variante/nuance à définir plus précisément) est partiellement, essentiellement ou même entièrement déterminée par des facteurs environnementaux psycho-sociaux et culturels interfère avec une “posture progressiste”, mais comme je ne sais pas ce que vous entendez par là… Par ailleurs, mon propos n’est pas soutenir cela mais de souligner que certains discours concernant l’influence de facteurs biologiques, prétendant s’appuyer sur les données de la recherche scientifique, sont erronés, trompeurs ou mensongers.

    1. 1) A propos de l’affirmation de la journaliste Florence Rosier : “une étude confirme l’impact du biologique sur les différences entre mâle et femelle observées très tôt, dans le cerveau en développement des mammifères”.

      Sur certaines différences entre RATS mâles et femelles, oui. Ca fait plusieurs décennnies qu’on sait que la différence de niveau de testostérone périnatale entre rates et rats, due à l’activité des testicules chez les seconds, induit dans cette espèce certaines différences cérébrales et comportementales.

      Si les résultats de cette étude s’avèrent confirmés par un autre groupe, son intérêt sera d’avoir mis en évidence un nouveau mécanisme de sexuation du cerveau des rats impliquant le système endocannabinoïde, et surtout impliquant un effet des androgènes non médié par leur transformation préalable en oestrogènes localement dans le cerveau (par aromatisation). Jusqu’ici, c’est ce mécanisme qui était présumé responsable de l’essentiel de la masculinisation/déféminisation des cerveaux/comportements des rats.

      On trouve ainsi ceci dans un article très récent sur le même sujet (mais concernant l’hippocampe et non l’amygdale), rapportant les résultats d’une étude faite par un autre groupe : “Sexual differentiation of the rodent brain occurs during the perinatal period. The male testes produce a surge in testosterone […]. Testosterone is converted to estradiol in the developing brain by the enzyme, p450 aromatase, and estradiol in turn acts on estrogen receptors to masculinize and defeminize the brain ([…]). Rodents are sensitive to the masculinizing and defeminizing effects of estradiol throughout the first postnatal week, thus females can be masculinized during the early postnatal period via exogenous treatment with estradiol in the early postnatal period ([…]). During brain development, estradiol drives sex differences in cell proliferation, dendritic spine patterning, cell death, and neural and glial cell complexity in several brain areas, including the hippocampus, amygdala, hypothalamus and preoptic area ([…]).” (Nelson et al, Sex differences in microglial phagocytosis in the neonatal hippocampus, Brain Behavior and Immunity, 2017).

      A noter que dans cette étude (que la présente ne cite pas), il a été trouvé que traiter préocement les femelles à l’estradiol abaissait chez elles le nombre des “phagocytic microglia” aux niveaux typiques des mâles, les auteurs ajoutant : “Interestingly, we found no effect of the androgen, DHT, on microglial phagocytosis or proliferation”. Dans la présente étude de McCarthy, il a été trouvé à l’inverse que l’estradiol était sans effet et que seuls les androgènes interféraient, et ce dans le sens opposé, i.e. augmentant le nombre de microglies ayant une activité de phagocytose chez les femelles pour le faire se rapprocher de celui des mâles.

      A noter aussi : Nelson et al. 2017 précisent bien dans ce passage “rodent brain” et “rodents”, car certains mécanismes de sexuation du cerveau observés chez les rats ne sont pas retrouvés dans d’autres espèces. En particulier, des données humaines disponibles depuis longtemps indiquent que dans notre espèce au moins, le mécanisme de sexuation biologique du comportement passant par l’aromatisation mis en évidence chez le rat est inopérant ou sans effet détectable. Rien ne permet d’affirmer a priori que le nouveau mécanisme identifié chez le rat par McCarthy, s’il s’avère confirmé, est quant à lui opérant chez l’humain. Dans sa discussion des résultats, l’article qui vient de sortir n’avance d’ailleurs aucun argument appuyant l’hypothèse de l’existence de ce mécanisme chez l’humain hormis l’idée que chez les humains, les jeunes mâles ont des jeux plus turbulents que les jeunes femelles. Biologiquement parlant, c’est un peu court…

      2) A propos de la citation suivante de McCarthy, l’auteure principale de l’étude, par Florence Rosier : “Nos résultats montrent un rôle jusqu’ici inconnu du système endocannabinoïde sur le développement du cerveau fœtal”.

      En fait, l’équipe de McCarthy avait déjà publié il y 9 ans un article vantant la découverte d’un rôle “jusqu’ici inconnu” du système endocannabinoïde dans le développement d’une différence entre rates et rat dans l’amygdale, à savoir une prolifération des cellules plus intense chez les femelles, et l’association entre celle-ci et une différence femelles-mâles dans les jeux des petits caractérisée par davantage de “social play behavior” chez les mâles (Sex difference in cell proliferation in developing rat amygdala mediated by endocannabinoids has implications for social behavior, PNAS, 2010). L’article annonçait que l’étape suivante serait de déterminer l’implication des hormones gonadiques dans ce rôle, et c’est juste cela qui est rapporté dans ce nouvel article.

      3) A propos de ce commentaire de McCarthy rapporté par Florence Rosier : “Notre étude montre clairement, chez l’animal, l’impact biologique du sexe sur le cerveau et sur le comportement. A moins de prétendre que l’homme n’est pas un animal, il paraît logique de conclure qu’un tel effet biologique est très probable chez l’homme”.

      Waouh… C’est quand même énorme, quand on y pense. Imaginez qu’une équipe découvre un truc par exemple chez le macaque, et qu’elle déclare : “notre étude montre clairement que ce truc existe chez le macaque, donc chez l’animal, donc à moins de prétendre que le rat n’est pas un animal, il paraît logique de conclure qu’il existe très probablement chez le rat”, ça ferait bizarre, non ? Et si on raisonne comme ça, pourquoi ne pas mettre en avant dans les pages Sciences du Monde toutes les formidables études qui sortent au fil de l’eau et montrent clairement que tel médicament est efficace chez la souris, pour annoncer qu’à moins de prétendre que l’homme n’est pas un animal, il paraît logique de conclure que ce médicament est très probablement efficace aussi chez l’homme ?

    2. PS1 : je réalise que vous parlez d’une “activité plus grande” chez les mâles, or cette étude ne porte pas sur le niveau d’activité des jeunes rats, mais spécifiquement sur le “juvenile social play”, au contraire indépendamment du niveau d’activité. Les tests de “juvenile social play” ont été effectués entre J27 et J30 (J0 = jour de naissance). Pour ce faire, des paires d’animaux de même sexe ayant subi le même traitement mais issus de portées différentes ont été placées dans un petit enclos de 49 sur 37 cm, laissés 2 min pour qu’ils s’acclimatent, puis filmés pendant 10 min. Il est indiqué que les nombres de sauts, de “pins” et de “boxing behavior” ont été comptés, sans plus de précisions (on suppose que l’indicateur de “juvenile social play” est la somme de ces nombres).
      Il est en outre précisé qu’à J26, les animaux ont été observés en plein champ et leurs déplacements totaux et temps passé dans la zone centrale du champ analysés pour éliminer, dans la comparaison du “social play”, les facteurs de confusion dus à des différences de niveau d’activité ou d’anxiété (les modalités précises de ce contrôle statistique ne sont pas indiquées). Il est aussi précisé que les animaux ont été sevrés à J21, puis hébérgés par paires d’animaux de même sexe issus de la même portée et ayant subi le même traitement.
      Je note que dans l’étude de 2010 sur le même sujet, les tests de “social play” avaient été faits assez différemment : entre J28 et J38, en mettant ensemble six animaux de sexes différents, en les filmant 4 fois 2 minutes par jour après que les animaux avaient été hébergés par trio de même sexe (de même portée ou non, ce n’est pas précisé), l’indicateur de “social play” ayant été construit en sommant puis faisant la moyenne du nombre d’ “aggressive play behaviors” observés dans chaque session, et il n’y avait pas eu de prise en compte des facteurs de confusion comme dans la nouvelle étude.
      C’est ce genre de détails dans la méthodologie de ce type d’étude (typiquement exposés uniquement dans les données supplémentaires en ligne et non dans l’article lui-même, comme c’est le cas ici, c’est-à-dire des détails qu’à peu près personne ne prend la peine de lire), qui peuvent rendre foireux des résultats, indiquer qu’une adaptation de la méthodologie a été faite post hoc afin d’obtenir les résultats qu’on recherchait, ou encore montrer que ce qui ressemble de loin à une réplication n’en est pas tout-à-fait une (et parfois pas du tout).

    3. PS 2 : dans cette étude (comme dans celle de 2010), McCarthy et son équipe ont utilisé des rats de Sprague-Dawley, une souche de rats de laboratoire bien particulière. Des différences entre souches de rats, y compris des différences dans la sexuation des comportements, sont régulièrement documentées dans la littérature scientifique (ce qui souligne combien les résultats d’une étude faite sur une souche particulière de rats ne sauraient a fortiori être extrapolés automatiquement à l’être humain !).
      Il se trouve que concernant le “juvenile play behavior”, une étude vient d’être publiée rapportant des différences entre souches et d’autres variations pour le moins intéressantes. Voici en effet ce que les auteurs ont observé : “Juvenile male rats frequently play more than female rats, but the presence of sex differences is affected by testing conditions and may also depend on the strain of rat. In this experiment, we tested play and defensive behaviors in male and female Long-Evans, Sprague-Dawley, and Wistar rats. When observed with a cage mate during the juvenile period, Long-Evans rats played more than Wistar animals, but there were no sex differences in any strain. When tested with an unfamiliar sibling (not seen since weaning), both Long-Evans and Wistar rats played more than Sprague-Dawley animals, and Long-Evans females played more than males. We did not observe any sex or strain differences in defensive behaviors. Our data indicate that there are strain differences in play behavior, and sex differences in play depend on both strain and context. Variation among strains may reflect underlying differences in anxiety, novelty seeking, and circadian rhythms.” (Northcutt & Nwankwo, Sex differences in juvenile play behavior differ among rat strains, Developmental psychobiology, 2018).

    4. PS3 : il est affirmé dans l’article que “dans virtuellement toutes les espèces qui présentent des comportement de jeux physiques [juvéniles], y compris chez les primates humains et non humains, les mâles sont caractérisés par des interactions plus fréquentes et plus intenses”. Trois références son citées à l’appui :
      – Leresche (1976), qui porte sur des babouins (Dyadic play in Hamadryas baboons, Behaviour),
      – Pellis et al. (1997), qui porte sur les rats (Multiple differences in the play fighting of male and female rats. Implications for the causes and functions of play. Neurosci. Biobehav. Rev.),
      – Palagi et al. (2007), qui porte sur des gorilles (Fine-tuning of social play in juvenile lowland gorillas, Dev. Psychobiol.),
      ce qui est un peu court concernant la seule chose qui nous intéresse ici (i.e. la seule raison pour laquelle cette étude a été relayée par Florence Rosier dans Le Monde), à savoir les jeux entre jeunes enfants humains.

      Par ailleurs, cette affirmation est plus que nuancée dans un article de 2017 sur le sujet également publié par McCarthy (http://www.eneuro.org/content/4/1/ENEURO.0344-16.2017) : “The majority of species exhibit a sex difference in rough-and-tumble play, with males having increased frequency and duration relative to females. However, there are some discrepancies in the literature regarding sex differences in rough-and-tumble play. When observations are made outside of a controlled environment, it is often difficult to determine how specific conditions of the study could have contributed to the findings. For example, in very young Gelada baboons, the sex with the greatest number of play bouts, defined by instances of play biting, mouthing, slapping, jumping at, tail pulling, object play, boxing, chasing, wrestling, and other nonspecified forms of rough-and-tumble play, varies depending on the month studied, with females playing more than males in the majority of months. […] In baboons, there are seasonal changes in levels of play in younger animals, with females playing more than males in the majority of months, and in older animals no sex difference is observed […] Sex differences in juvenile rough-and-tumble play of the popular laboratory species, Rattus norvegicus, have been found in the frequency of pouncing (play initiation), the frequency of pinning (playful defense), and the amount of time engaged in play. These observations can differ depending on the rat strain and methodology (i.e., whether play was assessed in a group or pairs and whether they consisted of same- or mixed-sex individuals […]”

    5. PS4 : les différents tests rapportés dans cette étude ont été faits sur de petits échantillons de 3 à 16 animaux par groupes comparés ou étudiés. C’est peu, et les auteur.es n’expliquent pas comment la taille des échantillons à étudier a été déterminée a priori. On trouve juste dans les données supplémentaires en ligne que les tests ont été faits tantôt sur “n = 3 rats per group”, “n = 6-8 rats per group”, “n = 8-11 rats per group”, “n = 8-9 rats per sex”, “n = 4 males”, “n = 10 rats per sex”, “n = 10-11 rats per sex”, “n = 7 rats per sex” ou encore “n = 16 rats per sex”.

  7. « Rappelons tout d’abord que nous n’avons que faire ici de considérations concernant les oiseaux, les rats ou d’autres mammifères. »
    Vous vous placez donc dans une perspective au moins an-évolutionniste, au pire anti-évolutionniste. C’est un choix personnel mais est-ce un choix pertinent pour faire de la biologie ?

    1. Absolument pas. Comme je l’indique dans ce qui suit immédiatement cette phrase (qui sortie de son contexte, est effectivement critiquable par son manque de nuance), je voulais simplement rappeler que la question posée concerne notre espèce, et que l’observation d’un fait dans certaines espèces ne saurait évidemment être une preuve que ce fait les concerne toutes.

      En l’occurrence, il est manifeste que le rapport 2D/4D n’est pas un indice fiable du degré d’androgénisation prénatale chez l’être humain, ce qui comme je le montre est déjà clairement indiqué par les études invoquées pour prétendre cela elles-mêmes. Invoquer des observations “chez d’autres mammifères” et “chez des oiseaux” ne change rien à ce constat, et nous n’en avons donc que faire.

      De plus, comme je l’ai indiqué, Trivers reformule la question posée (en invoquant les “corrélations significatives” ayant été observées) et son semblant de “synthèse” des études animales est trompeur. Ce qui aurait déjà pu être plus pertinent, c’est une affirmation du type : “dans toutes les espèces étudiées sur ce point (liste), on a constaté que ce rapport est un indice fiable de l’androgénisation prénatale”, mais il n’a pas osé dire ça car il n’est pas en mesure de soutenir cette affirmation.

      1. « je voulais simplement rappeler que la question posée concerne notre espèce, et que l’observation d’un fait dans certaines espèces ne saurait évidemment être une preuve que ce fait les concerne toutes. »

        Ce n’est évidemment pas une preuve mais quand on peut montrer dans de nombreuses espèces animales où l’expérimentation est possible qu’une caractéristique A est sous la dépendance d’un mécanisme a et que dans une espèce (la notre) où l’expérimentation n’est pas possible, la même caractéristique A est présente, l’hypothèse la plus parcimonieuse est que le mécanisme responsable est aussi le mécanisme a et c’est plutôt à ceux qui objectent de la validité de ce mécanisme de démontrer le contraire.

        Dans le même ordre d’idées, vous discutez de la validité de certaines publications de recherche avec un sens aigu du détail mais vous affirmez à de nombreuses reprises dans votre blog que les contributions biologiques à l’identité sexuelles si elles existent sont forcément très limitées en vous fondant exclusivement sur une publication n’ayant pas été soumise à la revue par les pairs. C’est un deux poids, deux mesures qui enlève beaucoup de crédibilité à vos affirmations, d’autant plus qu’il existe tout un corpus d’observations cliniques peu compatibles avec cette affirmation à l’emporte-pièce.

        1. Je suis d’accord avec ce qui est exprimé dans votre premier paragraphe, mais si on s’inscrit dans cette logique bayesienne consistant à adhérer à la croyance qui a la plus forte probabilité d’être correcte compte tenu de ce qu’on sait déjà ,il faut le faire avec rigueur. Or le problème, c’est que les personnes qui comme vous, utilisent cet argument pour étayer leur position concernant le caractère naturel de certaines différences cognitives ou comportementales observées en moyenne entre femmes et hommes, commettent habituellement au moins l’une ou l’autre des erreurs suivantes :
          – croire à tort que le mécanisme a d’influence sur la caractéristique A est à l’oeuvre (de manière substantielle) dans toutes les espèces animales qui ont été étudiées,
          – ignorer les données qui chez l’être humain, contredisent ladite hypothèse.

          Concernant votre deuxième paragraphe, il s’agit d’une critique vague et non argumentée. Je ne comprends même pas à quoi vous faites référence. Si vous voulez poursuivre la discussion, commencez par préciser ce que vous entendez par “identité sexuelle” et décrire le mécanisme a, et on en reparlera.

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