Alzheimer : les facteurs de risque de désinformation se précisent

Alzheimer - Marie DocherLe 1er novembre dernier, l’annonce d’un progrès dans l’identification des facteurs de risque génétiques de la maladie d’Alzheimer a attiré mon attention. Une fois reconstituée, sa genèse s’avère magnifiquement illustrer divers types récurrents de distorsions de l’information scientifique dont l’accumulation peut finir par construire, comme c’est le cas ici, une image complètement fausse de l’état des connaissances.

Je suis abonnée depuis plusieurs années à la lettre RTFlash, une lettre hebdomadaire gratuite d’information sur l’actualité scientifique et technique. Son créateur et rédacteur en chef est censé être un éminent connaisseur du monde de la recherche : signant chaque semaine l’éditorial de cette lettre depuis 15 ans, cet ancien sénateur (RPR puis UMP) a notamment été membre puis vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques de 1995 à 2004, rapporteur spécial du budget de la recherche de 1996 à 2004, et président du Groupe de prospective du Sénat de 1999 à 2004. Le choix des sujets de brèves et le contenu des éditoriaux incitent à penser qu’il est animé par l’ambition de fournir une information sérieuse et honnête, ni racoleuse ni biaisée. Par conséquent, cette lettre constitue paradoxalement un terrain propice à l’étude des dysfonctionnements dans la communication de l’information scientifique. Car comment expliquer que dans cette lettre aussi, et pas seulement dans le tout-venant de la vulgarisation à caractère commercial, on trouve nombre d’assertions douteuses ou carrément fausses ? L’analyse d’un nouveau cas vient confirmer l’importance de phénomènes que j’ai eu maintes fois l’occasion d’observer.

L’OBJET DU DELIT

Il s’agit d’une brève datée en ligne du 29/10/2013, diffusée dans la lettre RTFlash n°722 du 01/11/2013 sous le titre « Alzheimer : les facteurs de risque génétique se précisent…». En voici le texte dans lequel j’ai souligné les 19 passages dont on va voir qu’ils sont problématiques (parfois même à plusieurs titres) :

METHODOLOGIE, PLAN ET SYNTHESE DE CETTE ETUDE DE CAS IMPROMPTUE

Cette brève ayant éveillé ma curiosité, j’ai cliqué sur le lien hypertexte censé pointer vers sa source. Il donnait accès à un document contenant sept articles, plus précisément cinq commentaires sur deux articles scientifiques et les deux réponses des auteurs de ces derniers, le tout publié le 17 octobre 2013 par le New England Journal of Medicine (NEJM)[1]. Les deux articles faisant l’objet de cette correspondance avaient été mis à disposition en ligne sur le site du NEJM le 14 novembre 2012 avant d’être publiés dans son numéro de janvier 2013 [2]. Certains de ces commentaires et articles étaient accompagnés de données supplémentaires en lignes et de déclarations de conflits d’intérêt potentiels.

J’ai commencé par lire ces sources primaires en accès libre sur le site du NEJM, et à faire des explorations complémentaires sur quelques points sensibles relevés. J’ai ensuite fait des recherches par mots-clés dans Google et divers sites web et bases de données (dépêches AFP, Web of Science,…) à la recherche d’autres comptes-rendus de ces études et de la source de chacune des assertions de la brève RTFlash. J’ai également questionné l’auteur de cette brève, dont les réponses ont été assez éclairantes quoiqu’à son corps défendant, et tenté (en vain) d’échanger avec un des chercheurs et avec René Trégouët.

Dans ce qui suit, je commence par replacer dans leur contexte ces recherches sur les facteurs de risque génétiques d’Alzheimer. Nous verrons que de lourds enjeux pèsent sur ces recherches, mais pas seulement : ce survol dans lequel il sera notamment question d’études de jumeaux donnera l’occasion de constater de premiers écarts entre l’état des savoirs concernant la démence de type Alzheimer et l’image qui peut en être donnée ici ou là.

Je décris ensuite les principaux résultats rapportés dans les deux articles publiés en novembre 2012 par le NEJM sans lesquels la récente brève de RTFlash n’existerait pas, puis donne un aperçu de la manière dont ils avaient alors été relayés auprès du grand public. Nous verrons en particulier qu’entre masquage visible de données peu avantageuses, manque d’informations clés pour évaluer la portée réelle des résultats, caractère préliminaire de ceux-ci, convergence imparfaite entre eux, petites incohérences, manipulations limites, hypothèses interprétatives faiblement étayées, existence de conflits d’intérêts manifestes et portée définitivement limitée de la « découverte » annoncée même en cas de sa confirmation, le relais de ces deux articles auprès du grand public méritait d’être fait avec précaution. Nous verrons aussi que loin de prendre toutes les précautions nécessaires, RTFlash avait relayé ces résultats de recherche en les reformulant et les interprétant indûment, en enlevant (et en oubliant d’ajouter) des éléments indispensables pour en appréhender tant le degré de certitude que la portée, et en les complétant par des informations erronées.

Vient ensuite la description des éléments clés de la correspondance scientifique datée du 17 octobre 2013 faisant suite à ces deux articles de novembre 2012, une analyse approfondie du texte signé par Paul Thompson dont la récente brève de RTFlash est l’écho, et la description du processus de vulgarisation de ce texte. Nous verrons que la présentation manipulatoire de résultats pour le moins flous et finalement plus que douteux, tant dans l’article publié par le NEJM lui-même que dans sa publicisation commentée par Paul Thompson, atteint ici des sommets. Nous verrons aussi que les médias ont transformé un contenu profondément trompeur de nature publicitaire en une information encore plus fallacieuse en endossant le contenu de cette source secondaire plutôt que de se fonder sur la source primaire (ou, à défaut d’être capable d’appréhender celle-ci, de solliciter une expertise), en le dégradant encore et en y ajoutant des informations erronées. Nous verrons pour finir que parmi ces médias, RTFlash s’est tout particulièrement distingué.

LE CONTEXTE : UN ENJEU MAJEUR ET UNE RECHERCHE QUI PIETINE

La démence est un syndrome caractérisé par une perte progressive et globale des facultés cognitives. Si son impact moyen sur la durée de vie est faible, il n’en est pas de même en termes de coûts humains et financiers. En raison de la tendance au vieillissement des populations, la démence est considérée comme un enjeu de santé publique majeur au niveau mondial. On estime en effet qu’elle touche 5 à 7% des personnes âgées de 60 ans et plus dans la plupart des régions du monde (avec des exceptions notables toutefois [3]), et que sa prévalence augmente de manière exponentielle avec l’âge (quoi que cela reste à préciser, et que les dernières estimations ne confirment pas l’idée répandue d’un doublement de sa prévalence tous les 5 ans à partir de 65 ans [4]).

Une maladie aux contours mal définis et de prévalence incertaine

S’il existe de nombreuses formes et causes de démence, on estime généralement que 50 à 70 % d’entre elles seraient dues à ce qu’on appelle « maladie d’Alzheimer », ce qui fait de la lutte contre celle-ci un sujet d’importance. Il convient toutefois de noter que cette estimation est incertaine en raison notamment de la variabilité et de l’imperfection de ses critères diagnostiques [5], du fait que nombre de personnes atteintes souffrent également d’une démence vasculaire qui pourrait aussi être la cause de leur état, et de l’existence d’importantes disparités géographiques y compris à pyramides des âges égales [6].

Dans le monde, l’estimation de référence la plus récente (2009) faisait état de plus de 35 millions de personnes atteintes de démence, soit environ 25 millions souffrant d’une démence de type Alzheimer en retenant l’évaluation haute de 70 % [7]. Il faut cependant ici encore souligner le caractère incertain de cette estimation basée sur l’extrapolation d’études dont la couverture et parfois la qualité sont insuffisantes [8], et qui sont pour la plupart anciennes alors qu’une étude sérieuse indique que la prévalence actuelle de la démence pourrait être moindre que prévue dans certains pays [9].

En France, il avait été estimé en 2005 qu’il y avait en métropole plus de 850 000 personnes de 65 ans et plus atteintes de démence, ce nombre étant depuis 8 ans présenté faussement un peu partout comme une estimation du nombre de malades d’Alzheimer. Cette estimation avait été obtenue en extrapolant deux résultats : ceux de l’examen au début des années 90 de 3250 habitants d’une commune italienne (source de 10% du total), et ceux de l’examen en 98-99 de 1461 habitants de Gironde et Dordogne (source des 90% restants) [10]. Selon la dernière étude disponible, plus large et a priori exempte des conflits d’intérêts de la précédente [11], le nombre de personnes de 60 ans et plus souffrant de démence en France DOM compris pourrait n’avoir été que de 551 000 en 2009 [12], soit de l’ordre de 400 000 cas d’Alzheimer en retenant l’évaluation haute de 70 %.

Les symptômes cliniques de la démence de type Alzheimer sont causés par une dégénérescence des neurones qui affecte d’abord la région de l’hippocampe et gagne progressivement d’autres régions du cerveau. Outre les symptômes cliniques, les deux grands marqueurs neurobiologiques utilisés (presque toujours post mortem) pour établir le diagnostic certain de la maladie sont les amas de protéines bêta-amyloïdes (ou « plaques séniles »), et ceux de protéine tau anormale formant ce qu’on appelle des enchevêtrements neurofibrillaires (on parle aussi de « pathologie tau »). Cependant, qui dit « marqueurs » ne dit pas « cause ».

De même que l’un ou l’autre de ces marqueurs peut se révéler absent du cerveau d’un sujet pourtant jugé atteint de la maladie de son vivant, ils peuvent a contrario être largement présents dans le cerveau d’un sujet n’ayant pourtant jamais développé le moindre symptôme [13]. Le premier cas de figure vient alimenter la surestimation du nombre de personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer telle que définie à ce jour. Le second est interprété différemment selon les perspectives et intérêts de chacun, et est actuellement l’enjeu d’une lutte cognitive dont l’issue sera lourde de conséquences : soit on considère que les personnes concernées ne sont pas malades puisqu’elles n’ont pas de symptômes de démence (c’est cette perspective qui a prévalu jusqu’à maintenant dans les définitions retenues par l’OMS et par l’APA, quoiqu’un glissement soit perceptible dans le récent DSM-V), soit on considère que cela montre que la maladie est sous-diagnostiquée, et que le repérage d’états « prédémentiels », qui seraient caractérisés par un léger déclin cognitif ou par la présence de biomarqueurs de la maladie en l’absence de tout symptôme clinique, permettrait de mieux la dépister pour mieux la prendre en charge (c’est ce que préconisent par exemple les chercheurs travaillant pour des entreprises vendant des tests diagnostiques biologiques, le National Institute on Aging étasunien et l’Alzheimer’s Association via les lignes directrices diagnostiques qu’ils ont émises conjointement, ou encore la synthèse de l’expertise collective Inserm de 2007).

Au moins une information parfaitement claire émerge de la littérature scientifique concernant la démence de type Alzheimer : sa pathogénèse est à ce jour indéterminée. L’hypothèse selon laquelle l’accumulation des plaques amyloïdes est à l’origine de la maladie, provoquant en cascade les autres lésions, a longtemps dominé la recherche mais est de plus en plus remise en question. L’équivalent étatsunien de l’Inserm vient d’ailleurs d’annoncer mettre 33 millions de dollars sur la table pour tenter de savoir si cette hypothèse doit être ravivée ou définitivement abandonnée [14]. En fait, le développement des plaques amyloïdes pourrait bien n’être que le résultat d’une réaction de l’organisme à la maladie. La véritable cause de celle-ci pourrait alors être la pathologie tau… ou pas, certains chercheurs envisageant que cette dernière ne soit elle aussi qu’un effet de la maladie. D’autres encore pensent que cette dégénérescence cérébrale n’est qu’une forme plus ou moins accélérée du vieillissement normal, certains chercheurs militant même pour l’abandon pur et simple de l’appellation « maladie d’Alzheimer » [15].

De l’instrumentalisation d’une étude de jumeaux et des facteurs génétiques comme Graal

En dehors de rares cas pour l’essentiel à déclenchement précoce, la démence de type Alzheimer n’est pas héritée génétiquement [16] au sens de l’hérédité mendélienne classique. Cependant, l’idée semble s’être imposée que la « part génétique de la maladie » est importante dans sa forme tardive commune dite sporadique (i.e. touchant une personne dont aucun parent proche n’est touché), et que l’identification de variantes génétiques associées à une modification du risque de la développer est donc une voie de choix pour comprendre sa pathogénèse et espérer in fine la traiter. C’est par exemple ce que conclut en synthèse l’expertise collective Inserm de 2007, bien que le rapport complet soit à raison bien plus nuancé [17].

Cette idée d’une importante « part génétique » a notamment été promue dans un célèbre article publié en 2006 dans le prestigieux Lancet. Il y est en effet affirmé que la forme sporadique de la maladie a « un fort arrière-plan génétique », les auteurs arguant qu’une « vaste étude de jumeaux en population générale a montré que l’étendue de l’héritabilité de la forme sporadique de la maladie est de presque 80 % » [18]. Au-delà du fait que cette valeur élevée paraît peu compatible avec le faible degré d’agrégation familiale de la maladie [19], du fait que l’héritabilité génétique estimée dans d’autres études était plus faible [20], et des problèmes inhérents aux études de jumeaux de ce type [21] qui font qu’elles ne sauraient à elles seules démontrer l’existence de facteurs biologiques d’origine génétique [22], il faut souligner que cette affirmation relève d’une désinformation grossière.

En effet, dans ladite étude les auteurs ont en fait calculé deux estimations d’une approximation, basée sur le diagnostic d’Alzheimer « probable » ou « possible », de l’héritabilité génétique de la forme tardive commune de la maladie cas non-sporadiques inclus [23]. De plus, ces estimations sont valables au mieux pour la population suédoise qui était âgée d’au moins 65 ans au début des années 2000 [24]. En outre, il s’agit d’estimations de l’héritabilité de la susceptibilité à la maladie, et non de l’héritabilité de la maladie elle-même, qui est par construction inférieure [25]. Par ailleurs, la première estimation, faite selon le modèle standard et rapportée dans le résumé de l’article, était égale à 58 % [26]. Les auteurs ont certes calculé une seconde estimation égale à 79 % aussi rapportée dans le résumé, mais la manipulation mathématique effectuée pour l’obtenir laisse songeur, d’autant qu’une manipulation similaire permettrait d’estimer que cette héritabilité était de… 0 % chez les hommes de leur échantillon [27]. Si cette présentation biaisée de l’état des savoirs s’explique sans doute par la nature des recherches menées par les auteurs de l’article du Lancet et leurs conflits d’intérêts déclarés [28], on comprend moins bien pourquoi le rapport Inserm de 2007 présente également cette étude de manière erronée [29].

A fin 2012, l’état des recherches sur la génétique de la démence de type Alzheimer n’est pas brillant [30]. Des mutations fréquemment présentes chez les sujets atteints de la forme précoce de la maladie ont été identifiées dès les années 1990 sur trois gènes (APP, PSEN1 et PSEN2, intervenant tous trois dans la production des beta-amyloïdes), mais ces découvertes n’ont eu essentiellement pour effet que de focaliser les recherches sur l’hypothèse amyloïde : elles n’ont permis ni d’élucider la pathogénèse, ni d’améliorer la prise en charge de la maladie. Quant à la forme commune tardive de la maladie, une seule variante génétique susceptible d’accroître de manière notable le risque de la développer a été identifiée, et ce dès 1993, l’allèle e4 du gène ApoE. Cependant, l’association statistique avec ApoE-e4 reste trop faible : elle n’a pu servir de base ni à un test de détection des personnes à risques, ni à un test de confirmation du diagnostic in vivo. Comme pour les trois gènes mentionnés ci-dessus, la découverte de cette association n’a permis d’avancer ni dans la compréhension, ni dans le traitement de la maladie, la participation effective d’ApoE-e4 au processus pathogène proprement dit n’étant même pas clairement établie. Grâce à l’arrivée de techniques génomiques plus puissantes, quelques nouveaux gènes candidats ont été repérés depuis 2009, mais leur effet statistique sur le risque d’Alzheimer (restant à confirmer ou à préciser) est encore plus faible.

Bref, malgré les milliers d’études réalisées pour identifier des variantes génétiques à risque et explorer les pistes ouvertes par les associations génétiques mises en évidence, les sommes colossales investies et l’effervescence de ce champ de recherche depuis deux décennies, les chercheurs piétinent. Mais ils ne perdent pas espoir : puisque l’ « héritabilité génétique estimée » est si grande et que le gène ApoE ne rend compte que d’une petite partie de cette héritabilité, il doit bien exister d’autres variantes génétiques ayant un effet notable sur le risque d’être malade et dont l’identification permettra enfin d’avancer. Et plus prosaïquement, puisqu’on a convaincu les décideurs et bailleurs de fonds de mettre le paquet sur ce programme de recherche, on a intérêt à ce qu’il débouche sur quelque-chose de concret.

C’est dans ce contexte que le 14 novembre 2012, le NEJM met à disposition en publication avancée en ligne deux articles pointant du doigt une mutation du gène TREM2 qui n’avait jusque-là jamais été identifiée comme facteur de risque d’Alzheimer. La découverte est a priori un véritable événement, car il apparaît que cette mutation pourrait accroître le risque de développer une démence de type Alzheimer dans des proportions similaires à la possession d’une copie de l’allèle ApoE-e4.

L’ANNONCE PAR JONSSON ET AL (2013) D’UN LIEN ENTRE TREM2 ET ALZHEIMER

Les grandes lignes de l’étude

Dans l’étude ayant donné lieu au premier article (Jonsson et al, 2013), les chercheurs ont commencé par analyser les génomes entiers de 2261 Islandais et à repérer chez eux 191 777 variantes génétiques a priori fonctionnelles (dont 6 concernant TREM2 [31]), c’est-à-dire susceptibles d’affecter la fonction protéique. Ils ont ensuite cherché de quelles variantes étaient porteurs les sujets d’un groupe de cas d’Alzheimer et ceux d’un groupe témoin. En comparant la fréquence de possession de ces variantes entre les deux groupes, ils n’ont trouvé de différence statistiquement significative que pour trois sur les 191 777 testées. Deux d’entre elles concernaient des gènes déjà connus pour leur lien avec le risque d’Alzheimer (ApoE et APP), mais la troisième n’avait en revanche jamais été repérée : il s’agissait de l’allèle T du marqueur rs75932628 du gène TREM2 (i.e. la mutation appelée rs75932628-T ou p.R47H, abrégée R47H dans ce qui suit).

Les auteurs rapportent trois valeurs pour l’odds ratio (OR), une mesure de l’effet statistique de la possession de cet allèle comparée à celle de l’allèle normal sur le risque d’être atteint : en comparant leurs 3550 cas à 110 050 témoins (tous islandais) ils trouvent OR = 2.26 (intervalle de confiance à 95% = 1.71 à 2.98), en ne gardant que les 8 888 contrôles âgés d’au moins 85 ans ils trouvent 2.92 (i.c. à 95% = 2.09 à 4.09), et en ne gardant parmi ces derniers que les 1 236 ayant eu le score maximal à un test d’intégrité cognitive ils trouvent 4.66 (i.c. à 95% = 2.38 à 9.14).

Ils rapportent en outre la réplication du second résultat sur la réunion de quatre cohortes issues d’études menées aux Etats-Unis, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Norvège, composée au total de 9727 témoins d’au moins 85 ans et de 2037 cas (OR = 2.83, i.c. à 95% = 1.45 à 5.40). En réunissant l’échantillon islandais initial et ces échantillons de réplication, ils obtiennent OR = 2.90 (i.c. à 95% = 2.15 à 3.91). De plus, ils ont trouvé que chez les patients porteurs de la mutation, l’âge moyen d’ « apparition de la maladie » était inférieur à celui des patients non porteurs de 3.18 ans dans l’échantillon islandais, et de 3.65 ans dans la cohorte néerlandaise, une différence statistiquement non significative dans les deux cas mais le devenant en regroupant ces deux échantillons.

Considérant que cette mutation affecte probablement le fonctionnement de TREM2, les auteurs concluent qu’elle pourrait induire une prédisposition accrue à la démence de type Alzheimer. En effet, « selon l’hypothèse amyloïde » (p.113), ce sont les plaques amyloïdes qui provoqueraient le processus responsable in fine de la dégénérescence des neurones, or le gène TREM2 est notamment exprimé dans des cellules dont l’activation « pourrait » (p.114) conduire à la destruction des plaques amyloïdes : concrètement, la réduction de l’activité de TREM2 éventuellement causée par la mutation « pourrait induire des dommages cérébraux en entravant la capacité du cerveau à se débarrasser de ces produits toxiques » (p.115).

Quelques faiblesses de cette étude

Cette étude comporte quelques limites ou faiblesses manifestes. Tout d’abord, parmi les cas de l’échantillon islandais comme parmi ceux de la réunion des quatre cohortes de réplication se trouvaient outre des cas d’Alzheimer « probable » des cas d’Alzheimer seulement « possible ». En l’absence de précision sur les modalités de diagnostic des porteurs de la mutation dans ces deux échantillons (quelques dizaines de sujets au total), il n’est pas possible d’affirmer que l’association statistique observée concerne entièrement la démence de type Alzheimer proprement dite. Les auteurs ne donnent malheureusement pas d’information sur cette question qu’ils n’évoquent à aucun moment.

Ensuite, que ce soit pour l’échantillon islandais ou les cohortes de réplication on n’a aucune information sur l’âge des cas ni dans l’article, ni dans les données supplémentaires en ligne. Les auteurs ne disent pas non plus que la distribution des sujets par tranches d’âge était la même entre groupes de cas et groupes témoins (ce qui signifie qu’ils n’ont pas pris garde à ce que cela soit le cas), et lorsqu’ils décrivent leur méthode d’analyse statistique ils ne disent pas qu’ils ont inclus l’âge des sujets comme variable de contrôle (ce qui signifie qu’ils ne l’ont pas fait). C’est très gênant, car compte tenu de la variation avec l’âge de la prévalence d’Alzheimer et de la fréquence de la mutation, c’est le choix de restreindre le groupe contrôle aux sujets âgés d’au moins 85 ans en conservant le même groupe de cas qui leur permet de passer d’un odds ratio de 2.26 en population générale islandaise à celui plus sexy de 2.92 retenu dans le résumé de l’article. J’ai demandé à l’auteur correspondant des informations sur l’âge des sujets utilisés pour leurs calculs, mais il ne m’a pas répondu. De plus, les auteurs n’expliquent pas pourquoi ils ont choisi précisément cette tranche d’âge et pas « 75 ans ou plus », par exemple, ce qui laisse à penser qu’ils ont choisi a posteriori la tranche d’âge donnant les résultats les plus impressionnants (j’y reviendrai plus bas).

Par ailleurs, le passage de l’article suggérant que la mutation pourrait avancer l’apparition de la maladie d’un peu plus de 3 ans est pour le moins léger, outre le fait que cette observation était à la limite de la significativité statistique [32] (elle n’est d’ailleurs reprise ni dans la conclusion de l’article, ni dans son résumé). En effet, les auteurs n’expliquent pas comment ils ont déterminé l’âge d’ « apparition de la maladie », et ils ne donnent pas l’intervalle de confiance autour de la valeur finale de 3.14 ans. Surtout, ils ne disent pas ce qu’il en était pour les cohortes américaine, allemande et norvégienne, ni pourquoi ils ne se sont servis que de la cohorte néerlandaise pour calculer la différence moyenne combinée. J’ai aussi posé ces questions à l’auteur correspondant, mais il ne m’a pas répondu.

Enfin, les auteurs font montre d’un souci de clarté et de transparence plutôt faible, ce qui n’est jamais bon signe. Au-delà des manques signalés ci-dessus, la fréquence de la mutation chez les cas n’est pas donnée (ce qui entre autres empêche de vérifier les calculs), les données supplémentaires en lignes sont assez pauvres, et les données brutes utilisées pour l’analyse statistique ne sont a fortiori pas disponibles. J’ai également demandé en vain ces données à l’auteur correspondant, et de manière tout-à-fait inhabituelle, même mon mail de relance lui demandant de m’indiquer s’il avait l’intention de répondre à certaines au moins de mes requêtes est resté sans réponse.

Des conflits d’intérêts avérés, et non des moindres

Une autre raison de prendre les résultats de cette étude avec des pincettes est l’existence de puissants conflits d’intérêts, le document de déclaration par les auteurs de leurs conflits d’intérêt potentiels révélant l’existence de liens financiers avec de nombreuses firmes bio-pharmaceutiques [33].

L’une d’elles est deCODE Genetics, dont l’auteur correspondant (Kari Stefansson) et le dirigeant, six des autres auteurs étant ses employés [34]. Les autres cosignataires de l’article sont trois médecins travaillant dans l’hôpital islandais dans lequel une des employées de deCODE Genetics est en parallèle chercheure depuis 1984 [35], ainsi que les personnes ayant fourni les données des cohortes étrangères utilisées pour répliquer les résultats obtenus sur l’échantillon islandais. Contrairement à ce qui se pratique dans les revues scientifiques soucieuses d’une certaine transparence, on ne sait pas dans quelle mesure ces médecins et les personnes ayant fourni les données des cohortes étrangères ont participé aux analyses et à la rédaction de l’article : les premiers ont peut-être simplement participé à la production des données brutes de l’échantillon islandais, et il n’est pas impossible que les noms des secondes aient été simplement ajoutés à la liste des auteurs à la fois à titre de remerciement et pour l’effet de légitimation que leur présence apporte à l’article, cette pratique n’étant pas rare. Quoi qu’il en soit, les principaux auteurs ayant des liens avec deCODE Genetics, il est intéressant d’y regarder de plus près.

Opérant principalement en Islande, deCODE Genetics Inc [36] a été fondée en 1996 par le neurologue islandais Kari Stefansson et enregistrée dans un paradis fiscal, l’Etat du Delaware aux Etats-Unis. Son cœur de métier est l’identification de gènes associés à des pathologies courantes et le développement associé de tests génétiques et thérapies pharmacologiques. Avec l’aide de son plus gros client, le laboratoire pharmaceutique Hoffmann-La Roche, il avait persuadé fin 1998 le gouvernement islandais de lui louer l’accès aux données médicales et génétiques de la population. Un jugement de la Court suprême islandaise a annulé fin 2003 ce contrat controversé, mais l’entreprise a pu poursuivre dans cette voie en utilisant les données accumulées sur environ 100 000 Islandais, et a lancé fin 2007 (sous la marque deCODEme) le tout premier service en ligne de décodage du génome de particuliers et de calcul de leur risque relatif de développer certaines maladies. Ce service de charlatanisme high-tech n’a cependant pas eu le succès escompté, et la recherche menée au sein de la société n’a abouti à rien de concret. Après avoir accumulé plus d’un demi-milliard de dollars de pertes sans jamais avoir dégagé de bénéfices, et avoir vu le cours de son action s’effondrer en dessous du seuil permettant de maintenir sa cotation au NASDAQ, deCODE Genetics Inc a été déclarée en faillite aux Etats-Unis par Kari Stefansson (en novembre 2008). Début 2010, dans le cadre du plan de liquidation, la maison mère (rebaptisée DGI Resolution Inc) a vendu à une société d’investissement l’essentiel de ses actifs, dont la filiale islandaise deCODE Genetics.

Le 12 décembre 2012, soit un mois après cette publication dans le NEJM et cinq mois après une autre du même type dans Nature (en utilisant le même protocole de recherche, Kari Stefansson avait annoncé l’identification d’une mutation génétique qui « protègerait » de la maladie d’Alzheimer) [37], la société Amgen a annoncé le rachat pour 415 millions de dollars de deCODE Genetics, devenant une de ses filiales mais toujours dirigée par Stefansson. Le directeur de la R&D d’Amgen a déclaré à cette occasion que son travail sur Alzheimer était un exemple de la manière dont Amgen comptait utiliser sa technologie, la « nouvelle deCODE » étant alors décrite dans la presse économique comme étant devenue « une locomotive de la recherche […] faisant des découvertes majeures sur la génétique d’Alzheimer » [38].

L’ANNONCE PAR GUERREIRO ET AL (2013) D’UN LIEN ENTRE TREM2 ET ALZHEIMER

Les grandes lignes de l’étude

La seconde étude publiée en ligne le 14 novembre 2012 (Guerreiro et al, 2013) a une histoire très différente. Rita Guerreiro est partie de trois observations. La première est la découverte en 2002 que huit sujets atteints de la maladie de Nasu-Hakola, une maladie caractérisée entre autres par une démence précoce, possédaient deux copies identiques de l’une ou l’autre de cinq mutations de TREM2. La seconde est que Guerreiro elle-même venait de trouver que trois sujets souffrant de démence fronto-temporale possédaient deux copies identiques de l’une ou l’autre de trois (autres) mutations de TREM2. Enfin, une étude publiée en 2009 visant à relancer la recherche sur la génétique de la forme commune d’Alzheimer, car à cette date « à l’exception d’ApoE, aucune susceptibilité génétique convenablement répliquée n’[avait] été identifiée » [39], avait conclu à l’existence d’une association statistique avec une région du chromosome 6 dans laquelle se trouve TREM2. Sur cette base, Rita Guerreiro, John Hardy (son directeur de thèse et chef du département de l’université londonienne qu’elle a rejoint en 2010) et les chercheurs de diverses institutions ayant accepté de collaborer à cette recherche ont cherché à savoir si le fait de posséder une copie mutée de TREM2 augmentait le risque d’Alzheimer.

Comme l’équipe de Stefansson, Guerreiro et ses collègues ont comparé la fréquence de présence de variantes génétiques entre sujets Alzheimer et témoins. Parmi les variantes de six gènes testées sur un premier échantillon de 1092 cas et 1107 témoins tous « d’ascendance européenne ou nord-américaine », à part les trois mutations de TREM2 déjà identifiées par eux chez des sujets atteints de démence fronto-temporale (trouvées chez 6 sujets Alzheimer et aucun contrôle), seule la variante R47H de TREM2 était significativement associée avec la maladie (dont on ne sait pas comment le diagnostic a été établi pour les sujets concernés). Dans cet échantillon, ils ont trouvé un odds ratio égal à 4.52 après exclusion d’un cas et deux témoins apparemment (sans que cette exclusion ne soit décrite).

Ils ont alors testé la réplication de cette association en ré-analysant les données combinées de trois consortiums d’étude : EADI (2243 sujets avec Alzheimer « probable » et 6017 témoins, tous « français caucasiens »), ANM (360 sujets de six centres médicaux européens diagnostiqués de même) et GERAD (3177 sujets avec Alzheimer « certain ou probable » et 7277 témoins, tous « sans ascendance non-européenne »). Dans cet échantillon n°2, ils ont trouvé OR = 1.99.

Considérant que la méthode utilisée pour ce second échantillon comportait des limites (et sans doute déçus par cet odds ratio bien plus modeste que sur l’échantillon n°1), ils ont directement génotypé R47H chez 1994 patients et 4062 contrôles. Tous étaient étudiés par la Mayo Clinic aux Etats-Unis et « d’ascendance européenne », et l’échantillon incluait cette fois des sujets avec un Alzheimer seulement « possible ». Dans cet échantillon n°3, ils ont trouvé OR = 5.05, et OR = 4.59 après exclusion de 107 cas et 1 témoins déjà présents dans l’échantillon n°1 (la pertinence du premier OR étant discutable eu égard au fait qu’on ne sait pas comment cette centaine de sujets a été choisie parmi les 2200 de l’échantillon n°1). Sur la réunion des trois échantillons, ils ont trouvé OR = 2.81.

Ils rapportent également avoir constaté que par rapport à des souris normales, l’expression de TREM2 était augmentée dans le cerveau de souris modèles pour Alzheimer, et avoir trouvé des traces de la maladie d’Alzheimer dans le cerveau de cinq des sujets décédés ayant reçu ce diagnostic de leur vivant et porteurs des mutations R47H, Q33X ou D87N de TREM2.

Quelques faiblesses de cette étude et conflits d’intérêt

Cette étude comporte elle aussi des faiblesses manifestes invitant à interpréter ses résultats avec précaution. C’est d’abord la présentation trompeuse des données qui frappe : seuls les OR les plus sexys de 5.05 et 4.59 obtenus sur l’échantillon n°3 sont présentés dans l’article, ceux de 1.99 et de 2.81 obtenus respectivement sur l’échantillon n°2 et sur la réunion des trois échantillons n’étant visibles que dans les données supplémentaires en ligne, de surcroît seulement dans un schéma perdu à la vingt-quatrième page.

Par ailleurs, alors qu’ils décrivent l’échantillon n°1 en donnant dans l’article un certain nombre d’informations utiles (quoiqu’insuffisantes), les auteurs donnent paradoxalement très peu d’informations sur l’échantillon n°3 utilisé pour calculer l’OR mis en avant dans l’article, et ne le font que dans les données supplémentaires en ligne. Les deux précisions trouvées dans celles-ci (les sujets étaient tous « d’ascendance européenne » et les cas avaient un Alzheimer « probable » ou seulement « possible ») limitent déjà la portée des estimations d’odds ratio calculées sur cette base. Comme on n’a en outre pas d’information sur les modalités de construction de cet échantillon ni d’autre information sur les sujets, ne serait-ce que leur âge et la forme d’Alzheimer des patients considérés (précoce ou tardive), ces données sont d’autant plus floues et incertaines.

De plus, l’incertitude associée aux deux OR obtenus sur l’échantillon n°3 mis en avant dans l’article est importante, l’intervalle de confiance à 95% allant de 2.77 à 9.16 pour le premier et de 2.49 à 8.46 pour le deuxième (ce dernier intervalle étant bizarrement très différent de celui indiqué p. 24 des données supplémentaires en ligne, probablement erroné). Par comparaison, cet intervalle était bien plus resserré dans l’échantillon n°2 sur lequel ils ont trouvé OR = 1.99 (1.55 à 2.43) et dans la réunion des trois échantillons sur laquelle ils ont trouvé OR =2.81 (2.01 à 3.61).

Enfin, les éléments rapportés dans l’article à l’appui de l’hypothèse que TREM2 est impliqué dans la pathogenèse de la démence de type Alzheimer sont peu convaincants et assez flous, sans compter qu’ils n’adressent pas directement la question de l’impact de cette mutation de TREM2 sur ce processus. Comme les auteurs le soulignent eux-mêmes, les souris modèles pour Alzheimer utilisées développent certes une symptomatologie beta-amyloïde comparable à celle associée à Alzheimer, mais pas de neurodégénérescence… Quant aux cinq malades décédés, s’ils indiquent qu’ils avaient une pathologie tau correspondant au stade maximal de la maladie d’Alzheimer, dans leur description des autres caractéristiques de ces cerveaux ils ne distinguent pas les porteurs de la mutation R47H de ceux porteurs des mutations Q33X ou D87N. De plus, deux sujets avaient aussi des signes de démence à corps de Lewy et un était porteur d’une protéine connue pour causer une forme de démence fronto-temporale, et on ne sait pas de laquelle des trois mutations de TREM2 ils étaient porteurs. Les auteurs relèvent également que deux patients porteurs de la mutation R47H avaient des plaques beta-amyloïdes et autres signes caractéristiques de la maladie, mais que « cependant, chez un porteur de la variante R47H, l’angiopathie amyloïde cérébrale n’était que modérée, et il n’y avait aucune autre anomalie pathologique » (Figure 1).

Il convient aussi de noter que la mutation R47H est différente des huit mutations de TREM2 liées à la maladie de Nasu-Hakola et à la démence fronto-temporale dont la découverte avait motivé la présente étude [40]. Comme l’ont souligné des chercheurs tentant de réconcilier ces données et contraints de formuler une hypothèse hautement spéculative pour ce faire, la maladie de Nasu-Hakola, la démence fronto-temporale et la maladie d’Alzheimer sont très différentes à la fois en termes de mécanisme de la maladie, d’aspects cliniques et de caractéristiques neuropathologiques [41].

Comme pour Jonsson et al (2013), les conflits d’intérêts potentiels extrêmement copieux [42] déclarés par un certain nombre des auteurs invitent également à considérer ces résultats avec circonspection, d’autant qu’on ne sait là encore ni qui a effectué l’analyse des données, ni qui a concrètement participé à la rédaction de l’article (la seule précision donnée est que les contributions des auteurs cités en deuxième à cinquième positions sont de même ampleur). Le principal message de l’interview de Rita Guerreiro postée dès le lendemain sur YouTube par Alzheimer’s Research UK met également en évidence de manière on ne peut plus crue l’enjeu de la présentation des données de cette recherche sous un jour le plus favorable possible : nous avons eu besoin de beaucoup d’argent pour obtenir ce formidable résultat, de l’argent bien dépensé car ça va nous aider à comprendre la maladie et à développer un traitement, mais pour ce faire nous avons à nouveau besoin d’argent.

UN RESULTAT A PRECISER ET DE PORTEE LIMITEE QUOI QU’IL EN SOIT

Au moment où sont publiées ces deux études mettant pour la première fois en évidence une association statistique entre cette mutation de TREM2 et le risque d’Alzheimer, ce résultat reste à confirmer et préciser via des études plus rigoureuses. Les chercheurs devront notamment veiller à ce que les sujets des groupes de cas et de témoins de leurs échantillons aient des profils similaires (particulièrement en termes d’âge) et à différencier les cas d’Alzheimer seulement « possibles » des « probables » ou « certains ». Mais même en supposant que ce résultat soit confirmé, sa portée est limitée pour trois raisons.

Ne pas confondre corrélation et causalité, y compris pour une étude génétique

La première, c’est que comme pour tout constat de ce type sans que la chaîne de causalité biologique correspondante ne soit mise en évidence, l’existence d’une telle causalité reste hypothétique. Cette association statistique pourrait par exemple être due au fait que les porteurs de cette mutation se trouvent avoir en moyenne plus souvent que les non-porteurs des caractéristiques, génétiques ou non, qui seraient chez eux les véritables facteurs causaux de la maladie. Une autre possibilité serait que la possession de cette mutation ait des conséquences biologiques réelles, mais uniquement sur les plaques beta-amyloïdes en tant qu’effet de la maladie et non en tant que cause, augmentant la probabilité que le diagnostic d’Alzheimer soit posé mais non celle d’être atteint de démence. Dans les deux cas, cette découverte ne constituera pas en tant que telle un progrès dans la connaissance de la pathogénèse d’Alzheimer ni vers la mise au point d’un traitement.

Ne pas oublier d’apprécier l’odds ratio d’un facteur de risque à la lumière de sa fréquence

La seconde limite à la portée de ce résultat est que la mutation R47H est très rare (voir la table 1 ci-dessous).

De ce fait, même si l’odds ratio associé à cette mutation s’avère similaire à celui trouvé pour ApoE-e4, alors que 20 % à 30 % des cas d’Alzheimer seraient « attribuables » à ApoE-e4 selon la plupart des études (chez les sujets d’ « ascendance européenne » tout au moins), cette mutation de TREM2 pourrait au mieux rendre compte d’environ 0.5 % des cas d’Alzheimer chez les sujets d’ « ascendance européenne » et 0.1 % chez ceux d’ « ascendance africaine » [43]. En clair, non seulement la présence de cette mutation ne pourra pas plus que celle de l’allèle ApoE-e4 à elle seule servir de test diagnostic ni d’outil de ciblage des personnes à risque, mais même en supposant que c’est bien cette mutation qui est la cause de la maladie chez ses porteurs, et en imaginant qu’on a trouvé un moyen de contrecarrer ses effets et qu’on peut traiter toutes les personnes concernées, scénario extraordinairement optimiste, on pourra alors au mieux éviter ou guérir de l’ordre d’1 cas d’Alzheimer sur 2000 chez les personnes d’ « ascendance européenne » et 1 cas sur 20 000 chez celles d’ « ascendance africaine ».

Ne pas croire que l’odds ratio est égal au risque relatif

La troisième limite de la portée de ce résultat est qu’il n’est pas tout-à-fait aussi impressionnant qu’on pourrait le croire. En effet, lorsqu’une étude de type cas-témoins trouve qu’un facteur de risque a un odds ratio égal à X, ça ne signifie pas que ce facteur multiplie par X le risque d’être atteint de la maladie. En fait, cette évaluation de l’effet statistique d’un facteur de risque est systématiquement supérieure au risque relatif associé à ce facteur, et l’est d’autant plus que l’odds ratio ou le risque d’être atteint sans ce facteur sont élevés [44]. Or en l’occurrence, le risque de se voir diagnostiquer une démence de type Alzheimer chez les non-porteurs de la mutation (c’est-à-dire la quasi-totalité des êtres humains comme on vient de le voir) est assez élevé, et l’est d’autant plus qu’on avance en âge. En prenant au sérieux les estimations hautes de prévalence de la maladie mises en avant par ces chercheurs (Jonsson et al affirment par exemple que plus de 25 % des personnes de plus de 90 ans en sont atteints) et les odds ratios de 2.92 (ou 2.26 sans la restriction sur l’âge du groupe témoin) et de 4.59 mis en avant respectivement par Jonsson et al et Guerreiro et al, on obtient ainsi une multiplication du risque par environ 2 et 4 respectivement, et non par près de 3 et près de 5 (voir la table 2 ci-dessous).

APERCU DE LA VULGARISATION DE CES DEUX PUBLICATIONS

Ce point concernant l’odds ratio fournit un bon enchaînement pour évoquer les dérapages dans la vulgarisation de ces deux publications de novembre 2012 dans le NEJM. Ainsi, la lettre RTFlash n’avait pas hésité à annoncer que Guerreiro et al venaient de « montrer que des mutations du gène TREM2 sur le chromosome 6 multipliaient par cinq le risque de développer une maladie d’Alzheimer “tardive” », une dépêche AFP reprise par LeMonde.fr ayant de façon similaire annoncé fallacieusement : « Cette variation du gène TREM2 […] multiplie de trois à cinq fois le risque d’Alzheimer » [45].

Un article de RTFlash sans aucun recul critique, biaisé et erroné…

Arrêtons-nous un instant sur l’article RTFlash, car outre cette mauvaise interprétation de l’odds ratio, le fait que la valeur 5 soit présentée à tort comme établie et universelle, que les déclarations de conflits d’intérêts potentiels soient royalement ignorées et que l’auteur omette de signaler la rareté de la mutation concernée y compris chez les malades (information pourtant capitale pour relativiser la portée du résultat), ce court article est un concentré d’informations fausses ou fallacieuses :
– relais uniquement de l’odds ratio le plus élevé (et le moins pertinent) des deux articles,
– suggestion que cet odds ratio de l’ordre de 5 a été confirmé par Jonsson et al,
– indication que cet odds ratio concerne plusieurs mutations alors qu’il n’en concerne qu’une,
– interprétation abusive de l’association statistique en termes de lien de cause à effet, avec l’affirmation que « cette avancée a permis d’identifier un gène commun à l’origine d’une maladie rare et de la maladie d’Alzheimer », que « ces mêmes mutations » sont « également impliquées » dans le déclenchement de la maladie de Nasu-Hakola, et que « cette découverte est très intéressante car elle montre l’extrême diversité des causes génétiques de la maladie d’Alzheimer »,
– affirmation qu’ « En France, cette affection [Alzheimer] touche plus de 850 000 personnes »,
– affirmation qu’identifier et répertorier l’ensemble des gènes impliqués dans le déclenchement de la maladie « est indispensable à la mise au point de nouveaux médicaments efficaces ».

Outre ces biais de présentation, la focalisation sur Guerreiro et al (Jonsson et al n’est même pas cité, et l’article RTFlash ne contient qu’un lien hypertexte vers la première de ces deux études), l’ajout de la mention que ce résultat devrait permettre de mieux comprendre un mécanisme « déjà éclairé par des travaux de l’Inserm de Lille » amène à se demander si le rédacteur de RTFlash ne se serait pas contenté, plutôt que de lire les articles, de relayer sans aucune distance critique l’interprétation qui en a été donnée par le leader de l’équipe Inserm de Lille (aux nombreux conflits d’intérêts déclarés sur le site du NEJM) ayant collaboré à la recherche menée par Guerreiro et Hardy.

… parce que le communiqué Inserm dont il est le résumé l’était

Il suffit pour confirmer cette hypothèse de lire le communiqué Inserm rédigé sous la supervision dudit chercheur : l’article de RTFlash s’avère en être un fidèle résumé, erreurs comprises, simplement édulcoré des précisions jugées trop techniques telles que l’intervalle de confiance, dont la largeur aurait pourtant dû amener le rédacteur de RTFlash à être un peu moins affirmatif (il est vrai qu’en posant non sans culot que l’utilisation de très larges échantillons de populations avait permis de « mesurer précisément » l’association, le communiqué Inserm était pour le moins trompeur) [46]. En somme, cet article s’apparente à du publi-rédactionnel : du contenu à caractère publicitaire présenté par un média comme s’il émanait de sa rédaction alors qu’il a été fourni par un chargé de communication, sauf que le lecteur n’en est ici nullement informé (la news presque aussi nulle publiée dix-huit jours plus tôt sur www.santelog.com sous le titre « Alzheimer : un gène de susceptibilité multiplie le risque par 5 » citait du moins explicitement cette source).

Je me permets d’insister sur cette notion de contenu à caractère publicitaire, car j’ai l’impression que nombre de journalistes, et a fortiori de rédacteurs de sites de news scientifiques dont on se demande quelle est la formation, ignorent (ou feignent d’ignorer) que les communiqués de presse des institutions de recherche visent à mettre en valeur celles-ci en vantant leurs résultats remarquables, notamment pour convaincre les bailleurs de fonds de soutenir leurs recherches, et qu’ils le font selon les chercheurs avec plus ou moins d’honnêteté intellectuelle et une tendance plus ou moins marquée à tordre les résultats pour tirer la couverture à soi.

Dans le cas présent, il est ainsi instructif de comparer les quatre communiqués de presse publiés sur Eurekalert! par quatre des institutions ayant collaboré à l’étude de Guerreiro et Hardy et décrivant ses résultats : Université de Toronto, Université de Nottingham, Mayo Clinic et Inserm. On remarque en particulier que seul celui de l’Inserm prétend que l’étude a montré que la mutation multipliait le risque d’Alzheimer par cinq, les trois autres évoquant une multiplication par trois. De même, seul celui de l’Inserm ne signale pas la rareté de la mutation, les trois autres la qualifiant de rare (voire « extrêmement rare ») et quantifiant en outre cette rareté en précisant que la mutation a été trouvée chez seulement 0.3 à 0.5 % des témoins. On note également qu’alors que le communiqué de l’Inserm présente comme acquis le rôle du système immunitaire dans la maladie (hypothèse sur laquelle travaille justement le chercheur concerné [46′]) et comme mise au jour la chaîne biologique R47H –> perte de fonction du gène TREM2 –> Alzheimer à étiologie immunologique, celui de l’Université de Toronto a pour titre « Un lien possible entre le système immunitaire et Alzheimer », celui de la Mayo Clinic expliquant quant à lui que si ce résultat concorde avec d’autres indices liant le système immunitaire à la maladie d’Alzheimer, des études complémentaires seront toutefois nécessaires pour savoir si la mutation R47H agit via une altération de la fonction immunitaire.

Le contraste avec la dépêche AFP reprise par LeMonde.fr presque inchangée, pourtant publiée à chaud dix-huit jours plus tôt et qui aurait donc en théorie du souffrir d’une moindre possibilité de prise de recul sur l’événement, est également instructif. En effet, hormis la fausse fourchette de 3 à 5 annoncée concernant le risque relatif, la dépêche AFP mettant quant à elle l’accent sur l’étude islandaise était globalement pertinente : signalant que le principal auteur était « de la firme deCode Genetics », elle décrivait la découverte prudemment (usage judicieux du conditionnel, propos des auteurs laissés dans leur bouche et non repris à son compte par l’AFP, signalement de la rareté des mutations de TREM2 en population générale et chez les malades), et n’évoquait aucune perspective même non mirobolante ouverte par ce résultat. La comparaison avec d’autres analyses de cas m’amène à penser d’une part que cette prudence dans la présentation découle notamment de celle des sources anglo-saxonnes [47] et du fait que le lien avec deCode Genetics était signalé en première page de l’article, et d’autre part qu’elle explique que l’information n’ait pas fait le buzz [48].

UN AN PLUS TARD, PUBLICATION D’UNE CORRESPONDANCE SCIENTIFIQUE DANS LE NEJM

Ce n’est qu’un an plus tard que le grand public entend à nouveau parler du lien entre TREM2 et Alzheimer, à l’occasion de la publication de la correspondance scientifique datée du 17 octobre 2013 dans le NEJM. Plusieurs articles avaient déjà été publiés sur le sujet depuis le début de l’année mais n’avaient pas retenu l’attention des médias, conformément à la logique sensationnaliste qui guide la construction médiatique de l’actualité. Concernant l’actualité scientifique en particulier, cette logique aboutit en effet généralement à ce que seules des études préliminaires faisant état d’une « découverte » soient relayées et non leurs tentatives de réplication : il s’agit de l’un des graves défauts de la construction médiatique de l’actualité scientifique, le grand public étant ainsi abreuvé d’informations qui sont en fait infirmées ou sérieusement nuancées par des études ultérieures dans la grande majorité des cas (dans le domaine des sciences biomédicales tout au moins).

Les résultats et commentaires autres que ceux de Paul Thompson

Cette correspondance contient six textes hormis celui signé par Paul Thompson dont RTFlash vient de se faire l’écho, dont deux rapportent les résultats de tentatives de réplication des observations de fin 2012.

Dans le premier, Reitz et Mayeux au nom de l’Alzheimer’s Disease Genetics Consortium rapportent avoir tenté de répliquer l’association sur un échantillon de 5896 sujets « noirs », mais ils n’ont pu obtenir de données exploitables concernant R47H car seuls 0.09% des sujets en étaient porteurs, soit 5 personnes : on n’en sait malheureusement (et curieusement) pas plus sur celles-ci. Parmi les 154 marqueurs génétiques dans ou à proximité de TREM2 alors testés par les auteurs, cinq étaient significativement associés à la maladie d’Alzheimer, mais celui ayant la plus forte association n’avait qu’un odds ratio très modeste de 1.16. Les auteurs disent avoir relevé dans leur échantillon une association statistique entre ce marqueur et R47H, mais ils ne la quantifient pas (je suppose qu’elle n’était guère impressionnante, sinon ils n’auraient pas manqué de donner cette information). Ils indiquent également que la réunion de tous les marqueurs de TREM2 testés permettait d’obtenir une association statistiquement significative avec Alzheimer, mais celle-ci n’est pas non plus quantifiée (dito). Ces éléments ne concernant pas R47H amènent les auteurs à conclure un peu poussivement que leur résultat étaye l’hypothèse d’un « rôle de TREM2 dans la maladie d’Alzheimer chez les noirs [sic] ». Au vu du contexte de cette publication, on peut se demande s’il ne s’agirait pas d’un échec de réplication reformulé en résultat positif, mais c’est pure hypothèse de ma part. Ce qui est sûr en revanche, c’est que cette étude ne constitue pas une réplication « chez les noirs » de la découverte concernant R47H.

Le second, signé par Bertram, Parrado et Tanzi, rapporte l’association calculée à partir de leur génotypage de la variante génétique correspondant à R47H dans 6421 échantillons d’ADN issus de sept cohortes étatsuniennes. Ils ont trouvé un odds ratio égal à 1.7 seulement (ils ne donnent pas d’intervalle de confiance), ce qu’ils commentent en rappelant qu’il est fréquent que la taille d’une association soit surestimée dans une publication initiale, les études ultérieures concluant à un effet plus modeste. Par ailleurs, ils soulignent comme je l’ai fait plus haut que compte tenu de la rareté de cette mutation, même avec un odds ratio de 3 ou 4 l’association statistique avec la maladie elle-même (vs avec l’augmentation du risque d’en être atteint) serait sans commune mesure avec celle d’ApoE-e4 et son utilité pratique par conséquent limitée.

Deux autres textes se raccrochent moins directement ou de manière plus anecdotique à la question traitée : un groupe hispano-américain travaillant sur la maladie de Parkinson commente cette découverte en rapportant un résultat suggérant que R47H pourrait accroître le risque d’être atteint de celle-ci, et un chercheur qui avait décrit en 1983 une famille avec maladie de Nasu-Hakola, montré en 2002 que ses membres malades étaient porteurs homozygotes d’une autre mutation de TREM2 et alors suggéré qu’il puisse y avoir un lien avec Alzheimer se félicite que ce lien soit « confirmé presque 30 ans plus tard » (!).

Dans un cinquième texte, Jonsson et Stefansson répondent à ces commentaires. Concernant la maladie de Parkinson, ils disent qu’ils n’ont quant à eux pas trouvé d’association significative sur un échantillon de 2730 cas et 73 710 témoins. Concernant Reitz et Mayeux, ils disent que ce résultat reste compatible avec l’existence d’une autre variante de TREM2 qui conférerait un haut risque d’Alzheimer « chez les noirs », que des études ultérieures devraient pouvoir mettre au jour le cas échéant. Concernant celui plus gênant de Bertram, Parrado et Tanzi, ils mettent en avant deux arguments : s’ils n’ont trouvé un odds ratio que de 1.7, c’est peut-être du au hasard car l’échantillon de ces derniers était moins large que le leur; c’est peut-être aussi du au « choix » (sic) des témoins, dont ils expliquent qu’ils ont vu qu’il avait un effet substantiel sur l’odds ratio (confirmant ici en creux qu’ils ont « choisi », comme je le supposais, le groupe témoins qui donnait la meilleure valeur). Ils formulent également l’hypothèse que l’odds ratio soit encore plus élevé chez les porteurs homozygotes de R47H, sachant que les échantillons utilisés jusque là n’avaient pas la puissance statistique suffisante pour le mettre en évidence le cas échéant (si les porteurs hétérozygotes de la mutation sont déjà rares, les homozygotes sont en effet rarissimes).

Le dernier texte est la réponse de Guerreiro et Hardy, qui n’en est en fait pas une. Ils ne disent rien de Reitz et Mayeux ni de Bertram, Parrado et Tanzi, exposant seulement le résultat de leur méta-analyse des études publiées avant mai 2013 aboutissant selon leurs calculs à un odds ratio égal à 3.4. Le reste est une réflexion à partir du lien entre TREM2 et la maladie de Nasu-Hakola (ils soulignent que la plupart des personnes souffrant de cette maladie examinées post-mortem n’avaient pas les signes neuropathologiques de la démence de type Alzheimer), et de l’implication probable de TREM2 dans divers types de démences neurodégénératives (étayée selon eux par une récente étude de l’expression de ce gène dans le cerveau).

Etat des connaissances sur l’association statistique entre la mutation R47H de TREM2 et Alzheimer

Avant de passer au texte de cette correspondance qui fait l’objet du récent article de RTFlash, arrêtons-nous un instant pour nous demander ce qu’on sait de l’association entre R47H et Alzheimer au moment où le rédacteur de RTFlash publie son article. Depuis les deux publications initiales de fin 2012, il y a eu une flambée d’articles sur cette mutation, qui pour rapporter une réplication, qui pour rapporter une association avec la démence fronto-temporale ou la maladie de Parkinson (ou leur absence), qui pour tenter d’éclaircir l’effet biologique des mutations de TREM2. En ce qui concerne l’association statistique avec Alzheimer, un odds ratio significativement supérieur à 1 mais inférieur à 3 semble émerger, mais il reste à préciser : un biais de publication en faveur des résultats positifs n’est pas à exclure, un odds ratio inférieur à 2 a été trouvé dans une étude récente, et on ne sait pas ce qu’il en est pour les non « caucasiens » et les sujets vivant ailleurs qu’en Amérique du nord ou en Europe (voir la table 3 ci-dessous) [49].

L’ETUDE DIRIGEE PAR PAUL THOMPSON

Venons-en enfin au texte de Rajagopalan, Hibar et Thompson. Les auteurs expliquent leur démarche : intrigués par la découverte concernant R47H, ils ont cherché à comprendre comment « cette rare variante de TREM2 qui grosso modo triple le risque de maladie d’Alzheimer » affectait ce risque, et ce en « cartographiant ses effets dans le cerveau ». Pour ce faire, ils ont examiné les données de 478 sujets dont 100 cas d’Alzheimer de la cohorte ADNI (composée d’environ 800 sujets nord-américains dont environ 200 avec Alzheimer probable) ayant passé un IRM une fois par an pendant deux ans. Les auteurs ont calculé chez ces sujets la perte annuelle de volume d’une région des lobes temporaux dont l’atrophie est selon eux typiquement associée à la maladie d’Alzheimer, et testé l’hypothèse d’une association statistique entre cette perte et le fait d’être porteur de « l’allèle à risque rs9394721, un bon proxy de la variante à risque rs75932628 nouvellement découverte dans TREM2 (r2 = 0.492)».

Substitution discrète et inexpliquée de la mutation par une autre variante génétique

Ah tiens, contrairement à ce qu’ils expliquent en introduction, ce n’est donc pas l’effet de la fameuse mutation qu’ils ont analysé, finalement. Bizarre. Peut-être qu’ils ont été obligés d’utiliser ce proxy parce que pour une raison ou une autre, ils n’ont pas pu déterminer quels étaient les porteurs de R47H ? Les auteurs renvoyant à leurs données supplémentaires en ligne pour plus de précisions, j’y suis allée voir. Eh bien figurez vous qu’ils y expliquent tranquillement qu’ils ont trouvé dans cet échantillon 7 sujets porteurs de R47H tous diagnostiqués Alzheimer, ce qu’ils commentent en soulignant que ça confirme l’association déjà observée, et… c’est tout : ils changent de sujet et n’expliquent pas pourquoi ils ne s’en sont pas servi pour leur analyse. Face à l’absence d’explication de la substitution de R47H par une autre variante, je ne peux m’empêcher d’imaginer qu’ils n’ont pas trouvé d’association statistiquement significative avec cette mutation, et qu’afin de se raccrocher malgré tout au train de ce front « chaud » de la recherche ils ont alors testé d’autres variantes de TREM2 et/ou des proxys de R47H jusqu’à trouver quelque-chose qui « marchait », mais j’ai sans doute l’esprit mal tourné.

Des erreurs qui en disent long dans les données supplémentaires en ligne

Le reste des données supplémentaires contient une autre bizarrerie qui m’a paru très éclairante. Les auteurs expliquent en effet, au présent, que leur analyse des différences intergroupes consiste à « comparer la modification quantitative du cerveau chez les porteurs de l’allèle à risque à celle chez les non-porteurs de l’allèle à risque », ce qui leur permet ensuite de « trouver les régions du cerveau dans lesquelles les porteurs de l’allèle à risque perdent du tissus cérébral plus rapidement » que les non porteurs, et que leur étude vise à déterminer « si le degré moyen de modification du cerveau est différent ou non chez les porteurs de l’allèle à risque, et le cas échéant dans quelles parties du cerveau » (p. 4-5). Comment expliquer la présence de cette description complètement erronée (puisqu’ils n’ont pas regroupé les porteurs de l’allèle à risque mais les porteurs d’un autre allèle et qu’ils n’ont pas non plus déterminé les régions du cerveau qui s’atrophiaient plus vite chez eux mais analysé seulement une région choisie au préalable) ? Pour moi, l’explication est simple : nous avons sous les yeux leur programme de recherche initial, d’où la description au présent qui jure avec la rédaction au passé des passages décrivant les résultats, dont ils n’ont pas rapporté le résultat car il n’était pas celui escompté, et qu’ils ont oublié de réécrire. Ca n’est qu’une hypothèse, mais sincèrement, je n’en vois pour ma part pas d’autre plausible.

Un passage concernant la fréquence de la mutation R47H dans diverses populations a également attiré mon attention dans les données supplémentaires. D’abord, les auteurs présentent comme étant la fréquence de la mutation R47H trouvée « dans la population des USA » celle rapportée par Jonsson et al concernant les 402 sujets témoins de la cohorte d’Emory. Ensuite, après avoir annoncé deux fréquences observées en population générale (qui sont en réalité celles observées dans des groupes de sujets non atteints d’Alzheimer), ils écrivent que cette fréquence « a également été rapportée » par Guerreiro et al comme étant de 0.9% dans la cohorte EADI, 1% dans la cohorte GERAD, et 2% dans la cohorte ANM, or ces fréquences sont celles observées dans les groupes de cas issus de ces cohortes (dans les groupes témoins elles étaient seulement de 0.6%, 0.4% et 0.3% respectivement). Ils poursuivent en indiquant que dans la cohorte de Benitez et al (2013) elle était de 0.3%, ce qui est cette fois correct (mais il s’agit ici de la fréquence observée sur l’échantillon total Alzheimer + témoins), et en citant les données de la base EVS. Pourquoi ce passage est-il aussi approximatif ? Tout simplement parce qu’ils ne se sont pas basés sur les sources primaires qu’ils citent : ce passage est le quasi-copier/coller de la mini revue de la littérature faite pas Benitez et al (2013, fin de p.1 à début de p.2) qui la résume déjà mal, en outre malencontreusement allégée de précisions indispensables. S’ils ne sont ni les premiers ni les derniers à faire ce genre de mini-plagiat, ce détail ajoute néanmoins une touche au tableau qui commence à se dessiner du degré d’éthique scientifique de ces auteurs.

Une présentation manipulatoire des résultats d’analyses statistiques

Revenons à l’article lui-même pour en arriver aux principaux résultats de cette étude en tous points remarquable. Les auteurs écrivent que « les porteurs de la mutation de TREM2 ont perdu annuellement de 1.4% à 3.3 % plus de tissu cérébral que les non-porteurs selon un pattern rappelant le profil cérébral de la maladie d’Alzheimer », et que « les porteurs de la mutation ont eu une perte de tissus cérébral deux fois plus rapide que les personnes âgées en bonne santé ». Comme on va le voir, la notion de présentation trompeuse des données relève ici de l’euphémisme.

D’abord, comme au début de l’article ils font à nouveau semblant de parler de R47H alors qu’ils ont analysé un autre allèle, allèle dont je précise qu’il ne fait même pas partie du gène TREM2. Ce faux-semblant est redoublé dans la légende des tables S1 et S2 des données supplémentaires en ligne où sont fallacieusement évoqués les porteurs de « la variante de TREM2 conférant un risque » et les « porteurs de TREM2 » (sic) respectivement, mais aussi et surtout par le titre des images qui illustrent l’article : « Atrophie cérébrale chez les porteurs de l’allèle à risque de TREM2 au bout de 24 mois ».

Ensuite, lorsqu’on consulte les données supplémentaires on s’aperçoit que ce n’est pas cela qu’ils ont observé : les porteurs de l’allèle n’ont pas perdu de 1.4 % à 3.3 % plus de tissu cérébral que les non-porteurs, et leur perte de tissu cérébral n’a pas été deux fois plus rapide que chez les personnes en bonne santé. En fait, ces chiffres ne concernent qu’une région des lobes temporaux, et les auteurs ne disent rien de ce qu’il en a été dans le reste du cerveau. C’est pour le moins différent. Ce second faux-semblant est là encore redoublé par les images et leur titre, qui donnent l’impression que les auteurs ont observé chez les porteurs de l’allèle une atrophie dans une large région des lobes temporaux et que cette atrophie était confinée dans cette région. Or si seule cette région est en couleurs, ce n’est pas parce que c’est la seule touchée mais parce que les auteurs ont choisi de n’étudier que celle-ci.

Fig.1 de Thompson et al

De plus, ce qui est représenté n’est pas la variation de volume cérébral, et encore moins l’atrophie comme indiqué dans le titre : les zones en vert ou bleu correspondent à des valeurs positives, c’est-à-dire que des zones des lobes temporaux se sont au contraire atrophiées moins vite chez les porteurs de l’allèle (ce que les auteurs se gardent bien de commenter). Ces images sont en fait hautement artificielles et conceptuelles (la projection sur une image composite de scanners de 40 personnes saines d’une représentation d’un paramètre issu d’un modèle mathématique, choisi parmi d’autres possibles, de la différence d’atrophie entre porteurs et non porteurs de l’allèle considéré), mais leur titre laisse croire qu’on voit directement le phénomène en question, à savoir l’atrophie cérébrale elle-même.

Par ailleurs, on dispose de peu d’informations sur la « région d’intérêt » qui a servi aux calculs. Bien que la légende des images parle de « three-dimensional regression coefficient maps », leur examen attentif amène à comprendre qu’il s’agit seulement de plans de coupe, et non d’une projection permettant de reconstituer la forme globale en 3D de la région d’intérêt observée. Les auteurs disent de cette région qu’elle a été « définie statistiquement à l’intérieur des lobes temporaux sur la base des voxels à taux d’atrophie au cours du temps significatifs dans la maladie d’Alzheimer », ce qui peut laisser croire à la fois qu’il s’agit d’un région repérée dans cette maladie de manière générale et que seuls les lobes temporaux contiennent des voxels à atrophie significative. Cette interprétation est redoublée par la formulation suivante dans les données supplémentaires en ligne : « une région d’intérêt définie par les régions cérébrales qui sont le plus communément affectées par la progression de la maladie d’Alzheimer ». Or s’agit-il vraiment des régions « le plus communément affectées », ces images montrent-elles vraiment comme les auteurs le prétendent que les porteurs ont perdu plus de tissu cérébral que les non-porteurs selon un pattern rappelant le profil cérébral de la maladie, et d’ailleurs qu’entendent-ils par « profil cérébral de la maladie d’Alzheimer » ? On ne le sait pas, aucune référence n’étant ici citée. Je note en tout cas que le pattern ci-dessus est assez différent de celui qu’on peut trouver par exemple ici (quadrant A, zones en vert) ou bien… tenez, encore mieux : dans l’article publié quelques mois plus tôt dans Neuroimage par Paul Thomson utilisant les mêmes données.

Petit détour instructif par un article connexe de Paul Thompson

Cet article est cité en référence lorsque les auteurs expliquent qu’ils ont cartographié les effets de la mutation de TREM2 chez les 478 sujets de la cohorte ADNI ayant subi des IRM sur une période de deux ans. La description de l’échantillon colle effectivement à peu près, quoi que pas exactement : dans l’article du NEJM ils disent avoir analysé les données de 283 hommes et 195 femmes âgés en moyenne de 75.5 ans (100 Alzheimer, 221 avec déficits cognitifs légers et 157 témoins), alors que l’article de Neuroimage cité en référence indique que les 468 sujets ayant suivi le cycle complet de visites sur deux ans étaient 274 hommes et 194 femmes (98 Alzheimer, 207 avec déficits cognitifs légers et 163 témoins). Ca aurait été bien qu’ils signalent que ce ne sont en fait pas exactement les mêmes personnes et qu’ils expliquent comment ça ce fait qu’il y en a dix de plus, mais on aura compris qu’il ne faut pas trop leur en demander.

Je relève aussi qu’ils ont observé dans cet échantillon que l’atrophie cérébrale avait été plus marquée au cours de ces deux années chez les porteurs de l’allèle ApoE-e4 que chez les non porteurs. Il est dès lors regrettable qu’ils n’aient pas inclus dans leur analyse statistique de l’effet du fameux allèle la prise en compte de ce facteur de confusion possible.

L’article de Neuroimage apporte surtout une précision utile concernant la fameuse région d’intérêt censément définie par « les régions cérébrales qui sont le plus communément affectées par la progression de la maladie d’Alzheimer ». En réalité, les auteurs ont pris 20 personnes atteintes d’Alzheimer, leur on fait passer deux IRM à 12 mois d’écart, ont recherché à l’intérieur des lobes temporaux les voxels pour lesquels l’atrophie entre ces deux IRM était statistiquement significative à p < 0.00001, et ont défini la région d’intérêt sur cette base (Hua et al, Neuroimage, 2013, p. 651). Ca n’est pas du tout la même chose… et c’est loin de refléter le « profil cérébral de la maladie d’Alzheimer » communément admis. Comme ils l’écrivent eux-mêmes dans cet autre article, « la maladie d’Alzheimer est communément admise comme étant une pathologie affectant principalement l’hippocampe et la matière grise corticale » (ibid., p. 658). L’épaisseur du cortex et le volume de l’hippocampe sont du reste les indicateurs anatomiques communément utilisés pour caractériser l’atrophie cérébrale associée à la progression de la maladie. Comme ils le reconnaissent eux-mêmes dans ce passage, l’atrophie cérébrale liée à la maladie qu’ils reconstituent avec cette nouvelle technique « pourrait sembler contradictoire » avec ces données communément admises, car elle fait apparaître une atrophie plus sévère dans la matière blanche que dans la matière grise.

Je ne sais pas si cette nouvelle technique permet comme ils le pensent de mettre en évidence une dimension de l’atrophie liée à Alzheimer qui échappe aux quantifications habituelles ou bien si elle n’est simplement pas très pertinente. Ce qui est clair en revanche, c’est que ce qu’ils montrent dans l’article du NEJM ne correspond ni à ce qu’on observe classiquement, ni à ce qu’ils ont observé en moyenne chez les 98 cas d’Alzheimer de leur échantillon (voir ci-dessous).

Extrait de Hua et al. 2013

Par ailleurs, puisqu’ils rappellent dans Neuroimage que l’atrophie de l’hippocampe est une des caractéristiques classiques de la maladie, on se demande pourquoi dans le NEJM ils ne donnent qu’une indication qualitative à ce sujet : « après ajustement pour tenir compte de l’âge et du sexe, l’allèle à risque était également significativement associé à un volume de l’hippocampe plus petit » (encore une affirmation fallacieuse puisque ce résultat concerne lui aussi le proxy et non la mutation à risque de TREM2). Ce qui est étrange, c’est qu’alors qu’ils ont vérifié la significativité statistique de la différence d’atrophie dans la « région d’intérêt » entre porteurs et non porteurs d’une part, et qu’ils ont trouvé que l’hippocampe était en moyenne significativement plus petit chez les porteurs et l’était encore plus 24 mois après d’autre part, ils n’ont pas vérifié la significativité statistique de cette différence-là. De trois choses l’une : soit ils ont oublié de faire le calcul, soit ils ont trouvé une différence significative mais ont oublié de la rapporter, soit ils ont trouvé que la différence n’était pas significative et ont donc préféré ne pas rapporter le résultat. Dans les deux premiers cas Paul Thompson et ses deux collaborateurs seraient sacrément distraits, et dans le dernier cas je vous laisse le soin de qualifier la chose.

Une interprétation alternative des données

Enfin, l’examen des données chiffrées présentes dans l’article ou ses données supplémentaires en ligne permet de réaliser à quel point les auteurs rendent compte de leurs résultats de manière aussi peu transparente que pertinente, pour ne pas dire plus.

D’abord, non seulement le nombre de sujets porteurs de l’allèle sur la base desquels les calculs ont été faits n’est indiqué nulle part, mais en outre aucun intervalle de confiance n’est jamais associé aux chiffres annoncés, ce qui est assez extraordinaire. On ne sait pas à quoi les deux chiffres correspondent dans la mention des « 1.4 % à 3.3 % » d’atrophie supplémentaire. S’agit-il de l’intervalle de confiance à 95% ? Le cas échéant, le présenter ainsi comme s’il s’agissait d’une fourchette serait faire montre d’une incorrection rare (dans la littérature scientifique tout au moins, l’interprétation erronée de cette notion statistique subtile étant nettement moins rare dans la vulgarisation).

Par ailleurs, l’article peut laisser croire qu’il s’agit d’une différence entre pourcentages d’atrophie cérébrale alors qu’il s’agit d’une différence d’atrophie cérébrale en pourcentage, selon la description des équations dans les données supplémentaires. Si la nuance vous échappe, voici ce que cela donne en des termes plus clairs, en retenant la moyenne de 1.4 % et 3.3 % (2.35 %) : si les porteurs de l’allèle ont en moyenne perdu chaque année 1.57 % du volume de la région considérée, les non porteurs en ont quant à eux perdu un peu plus de 1.53 %. C’est sûr qu’exprimé comme ça, ça en jette un peu moins. C’est peut-être ce qui explique que ce second chiffre n’apparaisse ni dans l’article, ni dans les données supplémentaires en ligne.

Ensuite, on voit certes que conformément à ce qui est dit dans l’article, les porteurs de l’allèle ont eu en moyenne une atrophie presque deux fois plus rapide que la moyenne des sujets sains (cf 1.9 dans la table 4 ci-contre), mais les auteurs ne précisent pas si cette différence est statistiquement significative (ce qui est pour le moins inusuel). De plus, ils ne parlent que de cette différence-là, or on voit aussi que les porteurs de l’allèle ont eu en moyenne une atrophie presque deux fois moins rapide que les malades d’Alzheimer (cf 1.7 dans la table 4, bien qu’on ne puisse savoir si cette différence est significative), ce qui n’étaye pas vraiment l’interprétation que les auteurs veulent faire de leurs données.

Mais il y a pire. Supposons que l’allèle utilisé soit un parfait proxy pour la mutation de TREM2 dont il est question, c’est-à-dire plaçons-nous dans l’hypothèse la plus optimiste concernant la pertinence de cette étude se présentant comme confirmant les effets de la fameuse mutation. Puisque les auteurs indiquent que la mutation n’était présente que chez 7 sujets et que tous étaient des cas d’Alzheimer, voici ce qu’on obtiendrait sous cette hypothèse (voir la table 5 ci-dessous) :

Sous cette hypothèse, donc, on observerait que la mutation semble protéger contre l’atrophie cérébrale de la région considérée, les porteurs de la mutation ayant eu une atrophie cérébrale annuelle réduite de 2.6 % par rapport aux non porteurs. On observerait également que cette mutation semblerait protéger plus encore les personnes atteintes d’Alzheimer contre l’atrophie cérébrale, les malades porteurs de la mutation ayant eu une atrophie cérébrale annuelle réduite de 43.6 % par rapport aux malades non porteurs, c’est-à-dire une atrophie presque deux fois moins rapide. Autrement dit, si la conclusion de cette étude est celle attendue et non l’inverse, c’est uniquement grâce à l’utilisation d’un mauvais proxy au lieu de la mutation que les auteurs prétendaient étudier.

Des conflits d’intérêt

Il me faut maintenant ici encore évoquer des conflits d’intérêt qui d’une part pourraient expliquer en partie le comportement des auteurs, et d’autre part auraient du susciter chez les personnes qui ont relayé l’information auprès du grand public au moins une petite prise de recul vis-à-vis de l’enthousiasme manifesté par Paul Thompson.

Cette étude sur la cohorte ADNI s’inscrit dans un projet plus vaste lancé en 2009 et dirigé par Paul Thomson, le projet ENIGMA. Son objectif ambitieux est d’arriver, en croisant données génomiques et données de neuroimagerie, à découvrir les variantes génétiques responsables d’une variabilité de la structure et du fonctionnement du cerveau. Plus précisément, le but affiché est de découvrir les variantes génétiques jouant un rôle biologique dans l’apparition des troubles neurologiques ou psychiatriques (maladie d’Alzheimer, de Parkinson, schizophrénie, autisme, dépression,…) ou dans le déclin cognitif lié à l’âge, c’est-à-dire notamment les variantes qui seraient responsables d’une variabilité du QI [50].

Les participants à ce projet coûteux ont intérêt à montrer à leurs bailleurs de fonds que ce nouveau paradigme de recherche permet de faire des découvertes prometteuses, de même que les firmes qui financent ces recherches ont intérêt à ce qu’on pense que les outils de médecine prédictive et les traitements ciblés que ce recherches sont censées permettre de mettre au point sont à portée de leur main et vont révolutionner la prise en charge des troubles neurologiques et psychiatriques. Bien que les auteurs écrivent que cela ne constitue pas à leurs yeux de conflit d’intérêt potentiel vis-à-vis de cet article, on relève qu’une liste impressionnante de bailleurs de fonds est citée à la fin de l’article : les NIH étatsuniens, des associations ou fondations (Alzheimer’s Association, Alzheimer’s Drug Discovery Foundation), et un sacré paquet de firmes biopharmaceutiques (Abbott, Amorfix Life Sciences, AstraZeneca, Bayer HealthCare, BioClinica, Biogen Idec, Bristol-Myers Squibb, Eisai, Elan Pharmaceuticals, Eli Lilly, Hoffmann – La Roche/Genentech, GE Healthcare, Innogenetics, Ixico, Janssen Alzheimer Immunotherapy R & D, Johnson & Johnson Pharmaceutical R & D, Medpace, Merck, Meso Scale Diagnostics, Novartis Pharmaceuticals, Pfizer, Servier, Synarc, et Takeda Pharmaceutical).

Il faut également savoir qu’au moment de la publication de cet article, Arthur Toga et Paul Thompson venaient tout juste de transférer à l’Université de Californie du Sud (USC) le célèbre laboratoire de neuroimagerie qu’ils codirigeaient à l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), ses financements, ses quelques 85 employés et eux-mêmes inclus. L’USC, grande concurrente privée de la publique UCLA, avait essayé en vain depuis trois ans de se positionner dans ce champ de recherches concurrentiel en rachetant un labo déjà monté. Les deux chercheurs ont refusé de dire si l’augmentation de leurs salaires (qui étaient respectivement de 1.06 millions et 421 000 dollars en 2011) avait fait partie du deal [51]. Ca me semble être une façon de répondre par l’affirmative, et je me demande si après ce transfert une pression accrue à cracher du résultat ne pèse pas sur Paul Thompson, mais ce n’est que pure conjecture de ma part.

UN PROCESSUS DE PUBLICISATION/VULGARISATION (BANALEMENT) PATHETIQUE

Comme on l’a vu, il y avait plusieurs résultats et commentaires publiés dans cette correspondance. Pourtant, seul celui de l’équipe de Paul Thompson a fait l’objet d’un compte rendu médiatique, et en particulier du fameux article ayant attiré mon attention dans RTFlash le 1er novembre dernier. Ce n’est pas très difficile à comprendre lorsqu’on voit que seul celui-ci a fait l’objet d’un communiqué de presse dans Eurekalert! (un fil d’actualité très utilisé dans le monde du journalisme scientifique) et lorsqu’on voit à quoi ce communiqué ressemble.

Publication d’un communiqué de presse ajoutant une surcouche de désinformation

Le 16 octobre 2013, donc, une attachée de presse de l’équipe Relations Publiques et Marketing de la faculté de médecine de l’USC à laquelle appartient maintenant Thompson (et les deux co-auteurs, qui travaillent dans son labo), chargée de promouvoir les activités et réalisation de cette faculté et de ses employés auprès des médias, émet deux communiqués de presse. L’un est publié sur le site de l’USC et sera repris notamment dans un communiqué des NIH etatsuniens, l’autre est publié sur Eurekalert!. Leurs contenus sont quasi-identiques si ce n’est qu’il y a davantage d’images dans le second, et que le sous-titre passe du loufoque « “Bombe à retardement silencieuse” : la mutation semble multiplier par trois ou quatre le risque d’Alzheimer » au plus futé quoique tout aussi peu pertinent « La découverte pourrait aider à cibler les études cliniques des traitements d’Alzheimer ».

Le titre est à la fois abusivement affirmatif, abusivement généralisant et quadruplement mensonger, puisqu’il annonce : « Une étude de l’USC montre qu’une mutation génétique liée à la maladie d’Alzheimer double la vitesse de perte de tissu ». Pour mémoire :
– cette étude est préliminaire, a été menée sur un échantillon de taille inconnue (on ne connait pas le nombre de porteurs de l’allèle) mais probablement petit, et l’atrophie cérébrale n’a été mesurée que sur une fenêtre de deux ans vers l’âge de 75 ans; elle ne saurait donc avoir « montré » quoi que ce soit, et surtout pas un résultat aussi général,
– l’étude a porté sur l’allèle rs9394721, qui n’a aucun lien connu avec Alzheimer,
– les chercheurs ont trouvé que sa possession augmentait de 1.4 % à 3.3 % l’atrophie annuelle et non la doublait (le quasi-doublement est par rapport aux sujets sains, cette information n’ayant pas plus de pertinence que la quasi-division par deux de cette vitesse par rapport aux sujets malades),
– il ne s’agit pas de la « perte de tissu » en général mais uniquement de celle observée dans une zone indéfinie des lobes temporaux,
– l’article rapporte l’observation d’une corrélation statistique (la variante est liée à une atrophie accrue), pas d’un lien de causalité (rien ne permet d’affirmer que la variante accélère l’atrophie).

Ca ne s’arrange pas ensuite, avec l’affirmation à nouveau mensongère que les chercheurs ont « cartographié les effets de cette mutation génétique » et qu’ils ont « montré pour la première fois comment ce facteur de risque d’Alzheimer affecte le cerveau humain » (ce n’est pas « cette mutation » qui a été étudiée). De manière encore mensongère, le communiqué pose que les chercheurs « ont trouvé que les porteurs de cette mutation [bis repetita] avaient perdu de 1.4 % à 3.3 % plus de leur tissu cérébral que les non-porteurs et deux fois plus vite », et que « la perte semble être concentrée dans le lobe temporal du cerveau et l’hippocampe, des régions qui jouent un rôle important dans la mémoire ». Non seulement ils omettent de préciser que ces chiffres ne portent que sur une région du cerveau, font semblant de croire que les chercheurs ont regardé l’ensemble et observé une concentration de l’atrophie dans ladite région, attribuent le « deux fois plus vite » à la comparaison avec les non-porteurs alors qu’il s’agit de la comparaison avec les sujets en parfaite santé cognitive, mais il omettent en outre de préciser qu’il s’agit de 1.4 % à 3.3 % de plus par an, ce qui permet de masquer la contradiction avec leur « deux fois plus vite » (c’est-à-dire 100 % de plus par an).

Le communiqué attribue en outre à cette étude un résultat plus que douteux : « selon [cette] nouvelle étude de la faculté de médecine de l’USC, les sujets porteurs d’une mutation génétique associée à la maladie d’Alzheimer pourraient développer la maladie trois ans plus tôt ». Rien dans l’étude de Paul Thompson n’aboutit à cette estimation de trois ans : il s’agit en fait de ce qui avait été rapporté dans l’article islandais un an plus tôt, qui comme on l’a vu était très faiblement étayé (NB : une étude indépendante publiée en septembre 2013 a échoué à répliquer cette association entre mutation de TREM2 et âge d’apparition de la maladie [52]).

Et voici pour finir les propos attribués à Paul Thompson dont je vous recommande la lecture attentive : « Notre labo étudie la vitesse de perte de tissu cérébral chez les personnes âgées, afin de découvrir les facteurs qui vous protègent lorsque vous vieillissez […] Jamais nous n’avons vu d’effet aussi considérable que celui de cette variante génétique. Nous avons découvert que si vous êtes porteur de cette mutation, il y a une flambée de perte de tissu dans le cerveau. […] Les personnes en bonne santé perdent typiquement moins d’1 % de leur tissu cérébral par an, perte compensée par la régénération de tissu résultant de la stimulation mentale […] Les symptômes d’Alzheimer commencent à se manifester quand environ 10 % du tissu cérébral s’est érodé. […] C’est la première étude utilisant l’imagerie cérébrale à montrer ce que cette variante génétique fait, et c’est très surprenant. Ce gène accélère l’atrophie cérébrale à un rythme incroyable. Les porteurs de cette mutation génétique, qui représentent environ 1 % de la population, perdent 3 % de leur tissu cérébral par an. C’est une bombe à retardement silencieuse chez 1 % de l’humanité. […] Cette mutation de TREM2 semble multiplier le risque d’Alzheimer par trois ou quatre, ce qui est une information très utile. Enrôler les personnes porteuses de la mutation dans des essais cliniques de traitements de la maladie d’Alzheimer pourrait nous aider à parvenir à des résultats plus tangibles et de manière plus rapide. » (communiqué de presse USC, traduit par moi).

Si ces propos se passent de commentaires, je voudrais tout de même attirer votre attention sur un détail qui vous a peut-être échappé : l’atrophie annuelle chez les porteurs (de l’allèle et pas « de cette mutation », dans une « région d’intérêt » non définie et pas « de leur tissu cérébral ») passe de 1.57 % dans l’étude à 3 % ici dans la bouche de Thompson. En inventant ce chiffre, en prétendant que les symptômes d’Alzheimer commencent à se manifester après 10 % de perte de tissu et en faisant croire que chez les non-porteurs la perte de 1 % est compensée par la stimulation mentale, Thompson donne ainsi l’impression de retomber miraculeusement sur l’avancement du déclenchement de la maladie d’environ 3 ans évoqué dans l’étude islandaise. Trop fort.

Comme tout communiqué de presse publié sur ce fil d’actualité scientifique, celui-ci comporte en pied de page une clause de non-responsabilité de l’AAAS, l’association américaine pour la progression et la promotion de la science qui le finance : « L’AAAS et EurekAlert! n’assument la responsabilité ni de l’exactitude des communiqués de presse publiés sur EurekAlert! par les institutions contributrices, ni de l’utilisation des informations transitant par le système Eurekalert ! ». Une sage précaution dont j’aimerais bien que tous les journalistes comprennent un jour la signification profonde.

Construction par l’AFP d’une « information » par blanchiment du linge sale publicitaire

Le jour même, deux dépêches AFP sont émises par l’équipe basée à Washington en charge de l’actualité scientifique : une en anglais signée ksh/mdl, l’autre en français signée js/gde. Si la première est déjà copieusement désinformatrice, on y trouve du moins la trace d’informations qui semblent puisées à la source (quoique manifestement lue trop vite) [53], et non pas seulement de celles présentes dans le communiqué de presse de l’USC. Quant à la seconde… jugez plutôt :

– de même que le titre du communiqué de presse dont il est proche, celui de la dépêche AFP reformule la corrélation observée en un lien de causalité, assimile indûment l’allèle étudié à la fameuse mutation et est abusivement affirmatif et généralisant (« Une mutation génétique liée à Alzheimer accélère le déclin cérébral »);

– les journalistes parlent tout au long de la dépêche de la mutation de TREM2, passant complètement à côté du fait que les résultats de Thompson concernent un autre allèle (bien que cela soit signalé non seulement dans l’article mais aussi dans le commentaire de Jonsson et Stefansson présent dans la correspondance du NEJM);

– la dépêche reprend en la reformulant la mention du communiqué qui n’était pas étayée par l’étude (« Les porteurs […] développeraient la maladie trois ans plus tôt que la moyenne […], révèle mercredi une étude »);

– elle reprend également l’affirmation fallacieuse à plusieurs titres que « les porteurs de la mutation génétique TREM2 avaient perdu de 1,4 à 3,3% supplémentaires de leur tissu cérébral à un rythme deux fois plus rapide que ceux qui n’avaient pas cette variation » et que les pertes « étaient surtout concentrées dans le lobe temporal et l’hippocampe, des zones jouant un rôle important dans la mémoire »;

– elle cite révérencieusement l’ensemble des interprétations et commentaires de Paul Thomson qui figuraient dans le communiqué de presse (en les lui attribuant bien toutefois, ce qui est la moindre des choses mais n’est malheureusement pas toujours le cas);

– la traduction est erronée, sur trois points en particulier qu’il est intéressant de relever non seulement parce qu’ils montrent que les journalistes ne traduisent pas toujours fidèlement les propos des chercheurs, ne maîtrisent pas toujours leur sujet et ne lisent pas forcément les articles dont ils parlent, mais également parce qu’ils introduisent une nouvelle couche de confusion dont on peut voir qu’elle s’est propagée dans les autres médias : 1. on fait dire à Thompson « Chez les sujets porteurs de cette variation génétique TREM2, nous n’avons jamais constaté un rythme aussi rapide de perte des tissus dans le cerveau », ainsi que « un scanner du cerveau » au lieu de « l’imagerie cérébrale » (traduction correcte de « brain scans » dans ce contexte); 2. la mutation est appelée « variation génétique TREM2 » et « mutation génétique TREM2 » (la mutation R47H est ainsi rebaptisée « TREM2 » alors qu’il s’agit du nom du gène); 3. la perte de « tissu cérébral » (qui d’après ce qu’on a vu correspondait a priori essentiellement à de la matière blanche) et sa régénération deviennent une perte et une régénération des « neurones »;

– la seule et unique mise en perspective de ce résultat par l’AFP est l’ajout d’une mention qui en emphatise l’enjeu, c’est-à-dire une mention devant augmenter les chances que la dépêche fasse le buzz (logique : le responsable de l’actualité scientifique et médicale de l’AFP m’avait expliqué lors d’un entretien réalisé il y a quelque temps qu’il avait chaque matin le nez collé sur le nombre de reprises des dépêches émises la veille, l’indicateur de performance des agenciers);

– dans cet ajout est réitérée l’erreur habituelle consistant à attribuer à la maladie d’Alzheimer les estimations relatives à la démence, ici sans même signaler qu’il s’agit d’estimations (« La maladie d’Alzheimer affecte quelque 36 millions de personnes dans le monde dont 5,5 millions d’Américains. Ce nombre pourrait atteindre 13,8 millions en 2050 aux Etats-Unis […]»).

Reprise par divers médias

Sitôt émise, la séduisante dépêche est reprise par divers supports d’abord à l’identique et signée AFP (par exemple sur LaPressse.ca et sur LeParisien.fr), puis réinterprétée par d’autres avec diverses variations.

Ainsi, sur BFM.tv la dépêche est raccourcie par le rédacteur, ce qui a pour effet mécanique d’en ôter certaines informations erronées, un peu de conditionnel est introduit, ce qui est mieux que rien, mais le message fallacieux est essentiellement le même et la rédaction n’attribue malencontreusement plus l’idée de la compensation « par une régénération des neurones, résultant de la stimulation mentale » à Paul Thomson mais la présente comme s’il s’agissait de l’un des résultats de l’étude.

C’est à peu près la même chose dans l’article publié par viva.presse.fr signé par une journaliste maison. L’article est là encore un résumé de la dépêche AFP, non citée mais dans laquelle la journaliste puise la traduction d’une partie des propos de Thompson (copiés/collés erreur de traduction comprise), et en reprenant à son compte l’affirmation que « Les symptômes de la maladie d’Alzheimer commencent à se manifester quand environ 10 % des tissus cérébraux ont été détruits » alors qu’il s’agissait de propos de Paul Thompson. Le titre est encore plus problématique que celui de l’AFP, puisqu’on annonce carrément : « Une mutation génétique accélère l’entrée dans la maladie d’Alzheimer ». Signalons à son crédit un effort d’adaptation et une amélioration des estimations de nombre de malades qui figuraient dans la dépêche (« La maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées affectent quelque 36 millions de personnes dans le monde dont 6,36 millions de personnes âgées de plus de 65 ans en 2011 en Europe. En France, ces maladies concernent entre 750 000 et un million de personnes »), quoi qu’il y manque quelque-chose comme un « on estime que » afin que les lecteurs sachent que ces chiffres sont incertains.

Le site maxisciences.com y va lui aussi de sa chansonnette (reprise ensuite par yahoo.fr par exemple) résumant la dépêche AFP et amplifiant certaines de ses erreurs.

Le site Information Hospitalière (filiale du groupe pharmaceutique Lavoisier) apporte lui aussi sa contribution à la diffusion de l’intox créée par Thompson et l’USC, mais en remontant quant à lui au communiqué de presse Eurekalert!. Après un titre tout aussi problématique que les précédents (« Alzheimer : le déclin cérébral accéléré par une mutation génétique »), il résume et reformule également le communiqué en reproduisant ses erreurs et en ajoutant une couche d’informations erronées. Je ne vais pas les passer en revue ici car nous allons les voir dans l’article RTFlash : il en est en effet la copie quasi-conforme.

Gravure d’une copie sauvage dans le marbre de la lettre RTFlash

Examinons la brève de la lettre RTFlash et les passages soulignés au début du présent article :

(1) « Alzheimer : les facteurs de risque génétique se précisent… »

Reconnaissons à Georges Simmonds l’effort d’avoir modifié le titre, bien qu’il manque un « s » à « génétique » pour qu’il ait un sens. Notons néanmoins que ce titre n’est pas très raccord avec l’actualité dont il est question ici, l’étude de Paul Thompson n’ayant ni apporté de précision sur un facteur de risque précédemment identifié, ni découvert un nouveau facteur génétique de risque de la maladie puisqu’elle a porté sur un une variante génétique qui n’a aucun lien établi avec Alzheimer.

(2 et 3) « La maladie d’Alzheimer est la plus connue des maladies neurodégénératives. Elle est le résultat d’un double processus : l’accumulation en plaques de peptides anormaux bétâ-amyloïdes dans le cerveau, et l’augmentation de la capacité de phosphorylation de la protéine tau, qui entraînent une concentration élevée de protéines Tau anormales dans les cellules nerveuses en dégénérescence. »

Ce début de l’article est un parfait copier-coller de celui de l’Information Hospitalière, accent circonflexe sur « bétâ » et majuscule à « Tau » malvenus compris. Cette description bateau régulièrement présente à quelques variantes près dans les articles de l’Information Hospitalière avait déjà été copiée telle quelle par la rédaction de RTFlash, comme par exemple dans cette brève sur les bienfaits d’une plante (du moins ce copier/coller-là n’était pas signé RTFlash et incluait un lien vers la version d’origine). Malheureusement pour Georges Simmonds, cette description n’est pas correcte puisque comme on l’a vu, on ne sait pas à ce jour de quoi la maladie est le résultat et on ne peut a fortiori affirmer qu’elle est le résultat de ce double processus, le pluriel de « entrainent » induisant de surcroît qu’il est établi que les plaques amyloïdes sont l’une des causes de la concentration de protéines tau anormales.

Ce qui est assez drôle, c’est que parmi les sources que Georges Simmonds m’a envoyées pour me prouver que ce qui figurait dans « sa » brève était parfaitement correct figurait un article publié dans Nature en octobre 2013 par une journaliste (l’analyse de la typologie des sources sous lesquelles le rédacteur de RTFlash a tenté de m’ensevelir montre qu’il s’appuie quasi-exclusivement sur des sources secondaires, journalistiques ou non) dans lequel on peut lire : « Les scientifiques savent que les patients atteints de la maladie d’Alzheimer subissent […] une augmentation de deux types de protéines […]. Mais on ne sait pas si les amas de protéines tau ou amyloïde sont des causes ou des effets de la maladie » (traduit par moi).

J’ai également relevé que l’explication de la maladie varie selon l’hypothèse de recherche privilégiée par les chercheurs dont RTFlash relaie les travaux. Ainsi, dans une brève signée par Georges Simmonds en mars 2013, il explique que la maladie d’Alzheimer « se produit quand une protéine appelée bêta-amyloïde s’accumule et forme des “plaques séniles” dans le cerveau. Cette accumulation de protéines finit par bloquer les cellules nerveuses dans le cerveau en les empêchant de bien communiquer entre elles. Ce processus entraîne la destruction des capacités cognitives ».

(4) « D’après les dernières données épidémiologiques, les experts estiment qu’à travers le monde plus de 35 millions de personnes seraient concernées. »

Cette suite est celle de l’article de l’Information Hospitalière. Ici encore, pas de chance : c’est faux, comme on l’a vu au début du présent article. Lorsque j’ai insisté auprès de Georges Simmonds pour qu’il prenne au moins acte du fait que ce chiffre n’était pas le bon, il m’a expliqué qu’il n’avait pas inventé ce chiffre mais l’avait « retenu » dans « son » article parce que c’était celui qui était retenu dans le rapport mondial sur l’Alzheimer 2010 et par l’OMS. Lorsque je lui ai fait remarquer que ces deux sources indiquaient explicitement qu’il s’agissait d’estimations de la démence en général et non d’Alzheimer en particulier, il m’a répondu que mon argument montrait ma méconnaissance du sujet, car il est selon lui « à présent largement admis par un nombre croissant de chercheurs (grâce aux progrés des marqueurs génétiques que vous semblez ignorer) que la plupart des démences qui étaient auparavant classées comme “atypiques”, sont en fait des formes de maladies d’Alzheimer » (sans commentaire). Comme l’explication de la maladie, l’évaluation du nombre de malades varie en fait selon ce qui est dit dans la source relayée sur RTFlash. Ainsi, le même Georges Simmonds avait écrit dans une brève de mars 2013 (relatant la « découverte » par Paul Thompson d’un « gène prédisposant à la maladie d’Alzheimer »…) que la maladie d’Alzheimer touchait « au moins 20 millions de personnes dans le monde », tout simplement parce que c’est ce chiffre qui figurait dans le communiqué de presse UCLA dont il s’était cette fois inspiré.

(5) « Actuellement, il n’existe aucun traitement curatif ou préventif à cette maladie. »

Toujours rien ici de la plume de Georges Simmonds : c’est la suite de l’article de l’Information Hospitalière. Cette phrase n’est pas problématique en soi mais au regard de ce qui est raconté par ailleurs sur RTFlash. En effet, lui-même ne nous avait-il pas par exemple annoncé en septembre 2013 : « Maladie d’Alzheimer : le régime méditerranéen a bien un effet protecteur ! » (titre de la brève) ? Mais peut-être que seul un traitement pharmacologique peut être qualifié de traitement, alors prenons un autre exemple correspondant à cette définition. Celui-ci est tout frais, signé par René Trégouët en personne. Le 15 novembre dernier, dans un éditorial vantant les innombrables bienfaits de l’aspirine, il nous expliquait ceci :

« L’aspirine semble également avoir des effets thérapeutiques très intéressants sur certaines pathologies touchant le cerveau. En octobre 2012, une étude américaine a ainsi montré que l’aspirine pourrait également permettre de prévenir l’apparition d’états de démence chez certaines personnes âgées. Et par là même de réduire le risque de développer la maladie d’Alzheimer. Une équipe du Puget Sound Health Care System à Seattle, sur la côte Ouest des Etats-Unis, a procédé à l’analyse, pendant trois ans, des différents traitements médicamenteux absorbés par 5 000 patients de plus de 65 ans atteints de démence. Au terme de ce suivi, sur 3 227 survivants, un total de 104 sujets avaient développé la maladie d’Alzheimer. Selon John Breitner qui a dirigé ce travail, “ces résultats montrent clairement que l’utilisation à long terme de l’aspirine réduit de 45 % le risque de maladie d’Alzheimer” (Voir Neurology) ».

Il faudrait savoir : il n’existe aucun traitement préventif, ou bien cet effet préventif possible de l’aspirine a été « montré » de manière si convaincante qu’il mérite d’être présenté ainsi ?

Notons au passage que René Trégouët a copié/collé ce paragraphe d’une news du site destinationsante.com sans la citer, que ladite news date d’octobre 2002, que ce paragraphe était suivi d’une mention limitant la portée de ce résultat qu’il a préféré ignorer, qu’on ne trouve de telle affirmation par John Breitner ni dans l’article de Neurology cité (datant de septembre 2002 et non de 2012), ni ailleurs (ses propos dans le communiqué de presse sont bien différents), que le « 45 % » repris ici concernait les anti-inflammatoires non stéroïdiens en général et non l’aspirine en particulier, qu’il était assorti d’un très large intervalle de confiance…, bon, je pourrais continuer mais je crois que j’en ai assez dit.

(6, 7 et 8) « Loin d’être égaux devant la maladie, certains patients atteints de la maladie d’Alzheimer déclarent plus rapidement que d’autres les premiers symptômes de démence. Afin de comprendre les raisons de ces différences, Paul Thompson et ses collaborateurs de l’Université de Californie du Sud ont analysé et comparé, sur une période de deux ans, les IRM (imagerie par résonance magnétique) et les scanners de 478 adultes âgés en moyenne de 76 ans et vivant en Amérique du Nord, dont 100 étaient atteints de la maladie d’Alzheimer, 221 souffraient de légers troubles cognitifs et 157 étaient en bonne santé. »

Georges Simmonds continue sa copie intégrale de l’article de l’Information Hospitalière, toujours aussi mal inspirée. Rien de bien grave ici mais tout de même trois informations fallacieuses supplémentaires. Tout d’abord, l’idée d’inégalité devant la maladie renvoie à la vision d’une maladie unique à laquelle les patients réagiraient inégalement selon leurs prédispositions (génétiques en l’occurrence). Or cette vision est loin d’être consensuelle : les spécialistes distinguent clairement plusieurs formes monogéniques essentiellement précoces de la forme tardive sporadique, et au-delà la question de l’existence de différentes formes à étiologies distinctes reste ouverte (et discutée). Ensuite, ce n’est pas pour comprendre pourquoi la maladie se déclenche plus vite chez certaines personnes que d’autres que Paul Thomson a fait son étude, mais pour les raisons qu’il expose lui-même dans l’article et que j’ai développées plus haut. Enfin, c’est un détail mais il montre s’il en était encore besoin que la personne qui a rédigé cet article n’a pas lu la source mais seulement résumé le communiqué de presse : ils n’ont pas analysé et comparé les IRM « et les scanners », Thompson parlant de « brain scans » dans le communiqué au sens d’ « imagerie cérébrale ».

(9 à 13) « Ils ont ainsi découvert que si chez les patients sains, la perte annuelle de matière cérébrale est inférieure à 1 % et est compensée par une régénération des neurones stimulée par des activités mentales, certains patients Alzheimer voient leur perte annuelle dépasser les 3 %. Sachant qu’au-delà de 10 % de tissu cérébral détruits, les premiers signes de la maladie apparaissent. »

Ah ! Georges Simmonds a enfin apporté une contribution : alors qu’il était écrit « nos activités mentales » dans la brève copiée, il a préféré « des activités mentales », et il a remplacé « au delà » par « au-delà ». Dommage qu’il n’ait pas plutôt corrigé les cinq grossières erreurs suivantes : ce n’est pas la « perte annuelle de matière cérébrale » mais celle observée dans un sous-ensemble (indéfini) des lobes temporaux ; cette perte de 1 % chez les patients sains n’est pas compensée puisque les chercheurs l’ont observée, et encore moins compensée par une régénération des neurones (!) ; les chercheurs n’ont pas non plus découvert que des activités mentales stimulaient la régénération des neurones ; 3 % est le chiffre inventé avancé dans le communiqué de presse en lieu est place de 1.57 % réellement observé ; ce qui suit « Sachant » aurait dû être laissé dans la bouche de Thompson.

(14 à 17) « Une étude des profils génétiques a permis aux chercheurs de montrer que ce sont les personnes porteuses de la variation génétique TREM2, qui sont affectées par une perte plus rapide de leur matière cérébrale. Par ailleurs, chez ces patients, la destruction du tissu cérébral serait concentrée notamment dans le lobe temporal et l’hippocampe, zones fortement impliquées dans la mémoire. »

C’est toujours le suite de l’article copié, mais au terme sans doute d’une enquête approfondie, Georges Simmonds a encore apporté une modification : il a remplacé « connues pour jouer un rôle important dans la mémoire » par « fortement impliquées dans la mémoire ». Dommage, là encore, qu’il ne se soit pas plutôt soucié des énormités figurant dans ce passage : dans l’échantillon observé ce ne sont pas les personnes porteuses de l’allèle étudié qui sont affectées par une perte plus rapide de leur matière cérébrale (cf la table 4 plus haut), et les chercheurs n’ont pas cherché à savoir si c’était la variante génétique ayant le plus d’effet sur l’atrophie cérébrale; cette variante ne s’appelle pas TREM2, et ce n’est pas elle que les chercheurs ont analysée ; rien ne permet de savoir si les porteurs de l’allèle étaient des patients atteints d’Alzheimer et le cas échéant cela signifierait que cela les a au contraire protégés contre l’atrophie liée à la maladie ; ce n’est pas spécialement chez ces patients que l’atrophie était localisée dans cette région, et rien ne permet de savoir que le surcroît d’atrophie observé chez eux était concentré dans cette région.

(18 et 19) « Article rédigé par Georges Simmonds pour RT Flash », et lien hypertexte vers le NEJM

Georges Simmonds a eu de la chance : il y avait une ligne de plus dans l’article de l’Information Hospitalière signé par Olivier Frégaville-Arcas et elle était également problématique, mais comme elle était dans une seconde page il ne l’a pas prise dans son copier/coller et « son » article s’arrête donc là.

Notons pour finir son incroyable culot : non content de recopier un contenu sans citer le site web dans lequel il l’a trouvé ni son véritable auteur, il prétend explicitement l’avoir rédigé. Il a même osé maintenir cette version des faits lors de nos échanges, m’expliquant qu’il avait rédigé la brève à partir de l’article du NEJM et de son compte-rendu sur MedicalXpress.com, « site réputé pour son sérieux » (dont le contenu correspondant est le communiqué de presse, explicitement présenté comme ayant été fourni par l’USC). En outre, alors qu’il aurait au moins pu renvoyer à la source qu’Olivier Frégaville-Arcas avait l’honnêteté de citer, en l’occurrence le communiqué de presse relayé sur Eurekalert! et non l’article scientifique lui-même, c’est à ce dernier qu’il renvoie comme s’il était la source de cette brève.

ENVOI

Il arrive donc au rédacteur de RTFlash de signer de son nom un texte pioché dans un fil d’actualité et non pas issu de sa lecture des sources primaires, ce fil d’actualité pouvant à l’occasion être celui d’un groupe pharmaceutique. Est-ce exceptionnel ? Non : il faut savoir que « faire connaître les résultats extraordinaires de la Recherche et de l’Innovation » en copiant/collant les contenus de divers sites est le mode de fonctionnement essentiel de RTFlash depuis sa création. Le sénateur honoraire René Trégouët l’avait même assumé publiquement début 2011 (voir les réponses aux commentaires) en n’hésitant pas au passage à expliquer à un producteur de contenus se plaignant de voir ses droits d’auteurs ainsi bafoués que soit il s’en accommodait, soit plus jamais RTFlash n’établirait de lien hypertexte vers son site (j’ai aussi remarqué qu’aucune des photos figurant sur le site n’était créditée, mais peut-être sont-elles du moins, quant à elles, libres de droits).

Cela dit, il faut souligner une énorme différence entre cette époque et ce qui se passe aujourd’hui : alors que le statut de simple agrégateur de flux de RTFlash était rendu (relativement) explicite par le fait que les articles n’étaient le plus souvent pas signés et contenaient un lien vers la source de la copie, depuis début 2013 la plupart sont signés par George Simmonds et le site passe ainsi pour être une source d’informations originales indépendante. Pour prendre une image, dans le cas de la brève et du morceau d’éditorial analysés ci-dessus, nous sommes en présence d’un restaurant qui prétend servir du bœuf en daube fait maison à partir de produits frais sous la houlette d’un chef renommé alors qu’il sert de la daube de viande de cheval industrielle parfois vieille de 10 ans et volée dans le congélateur du restaurant d’à côté. Pour ma part je trouve ça grave, et me demande si les institutions telles que l’INSERM ou le CNRS qui participent au financement de ce site et lui apportent leur caution en sont conscientes. Dans la négative, et au cas où elles souhaiteraient s’assurer de la substantialité du problème, qu’elles sachent que je peux leur fournir les copies des exemples que je cite (archivées au cas où le présent article provoquerait un soudain nettoyage) et d’autres.

Je ne voulais pas en arriver là : mon objectif n’est pas de stigmatiser des personnes ou des médias mais de susciter une amélioration de la qualité de la vulgarisation scientifique, et c’est pourquoi lorsque mon interlocuteur reconnaît son erreur et corrige le tir je m’abstiens d’écrire un article. J’espérais qu’il en serait ainsi avec Georges Simmonds, mais il n’a rien voulu savoir des problèmes que j’avais relevés dans cette brève (nous n’avons pu discuter que de l’estimation du nombre de malades dans le monde). Lorsque je lui ai indiqué que face à ce mur j’allais me fendre d’un article critique, il m’a dit l’attendre sans crainte sachant que mon blog n’avait pas la réputation et les nombreux lecteurs de RTFlash. J’espère que vous me ferez, chers lecteurs qui avez eu le courage de me lire jusqu’ici, le plaisir de lui donner tort.

Je lui avais pourtant donné une porte de sortie en lui disant d’emblée que je comprenais qu’il n’ait pas eu le temps de lire l’article source dans les conditions de production qui sont les siennes. Rendez-vous compte : selon une recherche faite sur le site le 4 novembre, depuis janvier 2013 (moment à partir duquel il a commencé officiellement à travailler pour RTFlash) il avait déjà signé 1015 articles, soit plus de cinq articles par jour ouvré, sur n’importe quel sujet des sciences du vivant (environ 63% des contenus de RTFlash), des sciences de la matière ou encore des TIC. Je pense pour ma part qu’on ne peut prétendre pratiquer un journalisme scientifique de qualité sans se limiter à un domaine de compétences, et qu’il est rigoureusement impossible de faire un compte-rendu informé et pertinent de plusieurs articles scientifiques par jour, a fortiori si on a également la charge d’identifier, dans le flux quotidien des publications scientifiques, celles dont il est judicieux de rendre compte. J’aimerais que René Trégouët en prenne conscience, et qu’il repense radicalement le mode de fonctionnement de son site si son objectif est réellement d’informer sur les progrès scientifiques et techniques.

Je voudrais pour finir revenir sur les dysfonctionnements dans la communication de l’information scientifique qui se produisent en amont de la vulgarisation, et qui justement rendent particulièrement nécessaire le travail véritablement journalistique qui manque cruellement dans ce domaine. Comme on l’a vu ici à travers des exemples dont l’un est certes gratiné mais qui n’ont rien d’exceptionnel, la présentation des résultats de recherche par les chercheurs eux-mêmes peut être fortement biaisée, y compris dans les articles scientifiques. Ces distorsions peuvent avoir de sérieuses conséquences sur la perception des résultats de la recherche passée, et par conséquent à la fois sur ce qu’en conclut le grand public (personnel politique et décideurs divers compris) et sur la qualité de la recherche subséquente elle-même. Si certaines revues scientifiques travaillent à améliorer les choses, on ne peut se reposer entièrement sur leur bonne volonté : outre que celle-ci est très inégalement partagée, l’amélioration de la qualité de l’information qu’on peut en attendre restera quoi qu’il arrive limitée et n’empêchera pas certains chercheurs de raconter n’importe quoi dans la presse. Puisque la période des vœux approche, bien que celui que j’avais émis sur ce blog l’année dernière soit resté lettre morte (la chute marquée des ventes de Sciences & Vie sera peut-être un aiguillon plus efficace), je formule celui que les institutions telles que l’INSERM se donnent les moyens de s’assurer que leurs chercheurs ne respectent pas seulement les règles de bonne conduite scientifique au sens étroit actuel du terme, mais également les règles de transparence et d’éthique dans la communication des résultats de recherche dont la violation régulière risque de finir par discréditer en bloc la science, ce qui serait catastrophique.

Odile Fillod

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Notes

[1] Les sept commentaires et réponses publiés le 16 octobre 2013 sous l’unique titre « TREM2 and neurodegenerative disease » (rubrique « Correspondence ») sont :
– Christiane Reitz, Richard Mayeux, 2013, Comment in NEJM, vol.319(16), p.1564;
– Lars Bertram, Antonio R. Parrado, Rudolph E. Tanzi, 2013, Comment in NEJM, vol.319(16), p.1565;
– Pryia Rajagopalan, Derrek P. Hibar, Paul M. Thompson, 2013, Comment in NEJM, vol.319(16), p.1565-1567;
– Bruno A. Benitez, Carlos Cruchaga, 2013, Comment in NEJM, vol.319(16), p.1567-1568;
– Thomas D. Bird, 2013, Comment in NEJM, vol.319(16), p. 1568;
– Thorlakur Jonsson, Kari Stefansson, 2013, Reply in NEJM, vol.319(16), p. 1568-1569;
– Rita Guerreiro, John Hardy, 2013, Reply in NEJM, vol.319(16), p. 1569-1570.

[2] Les deux articles scientifiques faisant l’objet de cette correspondance sont Jonsson et al., 2013, Variant of TREM2 associated with the risk of Alzheimer’s disease, NEJM, vol. 368(2), p.107-116 et Guerreiro et al., 2013, TREM2 variants in Alzheimer’s disease, NEJM, vol.368(2), p.117-127.

[3] Le rapport 2009 d’Alzheimer’s Disease International (ADI, World Alzheimer Report 2009, en ligne sur www.alz.co.uk/research/files/WorldAlzheimerReport.pdf) rend compte de la plus récente et la plus vaste méta-analyse des études réalisées sur la démence dans le monde (également publiée dans Prince et al., 2013, The global prevalence of dementia: A systematic review and metaanalysis, Alzheimer’s & Dementia, p.63-75). Les auteurs ont analysé pour ce faire les données de 135 études menées dans divers pays. Pour être retenues, elles devaient avoir été réalisées sur un échantillon représentatif de la population d’une zone géographique donnée (ex : une ville), avoir estimé la prévalence de la démence chez les sujets âgés de 60 ans et plus selon les critères du DSM-IV (APA), de la CIM-10 (OMS) ou des critères cliniques similaires, et le recueil des données devait avoir commencé postérieurement à 1979. Sur cette base, les auteurs ont établi une prévalence de la démence chez les personnes de 60 ans et plus sur une pyramide des âges standardisée correspondant à celle de l’Europe de l’Ouest. Elle était généralement comprise entre 5% et 7%, mais avec de fortes disparités régionales : de 2.0% seulement pour l’Afrique de l’Ouest sub-saharienne et 2.6% globalement pour l’Afrique, on passe par exemple à 5% pour la Chine et Taïwan, 8% pour les USA, 7.3% pour l’Europe de l’Ouest et jusqu’à 8.5% pour l’Amérique latine. Les auteurs indiquent que le très faible taux de démence estimé en Afrique pourrait s’expliquer par la moindre prévalence de « facteurs de risques environnementaux » tels que la mauvaise santé cardiovasculaire (p.17).

[4] Bien que mal étayée, l’idée d’un doublement de la prévalence de la démence par tranche de 5 ans d’âge à partir de 65 ans est assez répandue, et est même reprise dans l’introduction du rapport ADI de 2009 (p. 6 et 14). Pourtant, d’après les modèles mathématiques élaborés par les auteurs de ce rapport à partir des données qui y sont présentées (p.34), la prévalence de la démence doublerait à partir de l’âge de 60 ans tous les 5.5 ans en moyenne dans les Amériques et en Asie Pacifique, tous les 5.6 ans en Chine + Taïwan, tous les 6.3 ans en Europe de l’Ouest et en Inde, et tous les 6.7 ans en Asie du Sud-est et en Océanie. Par ailleurs, la volatilité des données utilisées et le degré d’incertitude quant à la pertinence de cette modélisation augmentent eux aussi avec l’âge. Berr et al. (2005) souligne aussi que les estimations européennes pour les 85 ans et plus sont associées à de larges intervalles de confiance et sont très variables selon les études, et doivent donc être utilisées avec précaution. Les auteurs signalent également qu’une étude publiée en 1995 avait suggéré l’existence d’une asymptote vers l’âge de 80 ans plutôt qu’un prolongement de la courbe exponentielle, mais il est possible que cette asymptote ait maintenant disparu en raison de l’augmentation de l’espérance de vie des personnes très âgées atteintes de démence et d’une augmentation dans ces tranches d’âge de l’incidence de certains types de démence. Sources citées : ADI (2009, op. cit.); C.Berr, W.Wancata, K.Ritchie, 2005, Prevalence of dementia in the elderly Europe, European Neuropsychopharmacology, vol.15, p.463-471 (p. 470).

[5] Que ce soient ceux définis par l’OMS en 1993 (CIM-10), ceux définis par l’APA en 1994 (DSM-IV) ou ceux conjointement définis par le NINCDS et l’ADRDA en 1984, les critères diagnostics employés dans les études épidémiologiques ne permettent d’identifier qu’un Alzheimer « probable » : le seul moyen d’établir un diagnostic certain est l’analyse de tissus cérébraux post mortem ou éventuellement par biopsie (rarement effectuée). Selon la synthèse de l’expertise collective Inserm (2007s), ces critères permettraient en moyenne d’identifier 80% des malades, mais a contrario de l’ordre de 70% des personnes pour lesquelles le diagnostic d’Alzheimer probable a été posé s’avèreraient n’en être pas atteintes à l’analyse post mortem. Le rapport Inserm complet (2007r) donne une image un peu différente, indiquant d’une part (p.197) que les critères du NINCDS-ADRDA de maladie d’Alzheimer probable « ont une sensibilité globalement satisfaisante pouvant atteindre jusqu’à 100 % (en moyenne 81 % sur l’ensemble des études), mais une spécificité plutôt faible (avec une moyenne sur l’ensemble des études de l’ordre de 70 %) pour le diagnostic de maladie d’Alzheimer probable avec confirmation post mortem (Knopman et coll., 2001) », et d’autre part (p.204) que « par rapport au gold standard neuropathologique », les critères du DSM-IV (APA, 1994) et du NINCDS-ADRDA (1984) ont une performance diagnostique qui « varie entre 65 et 96 % », et une spécificité par rapport aux autres démences qui « varie de 23 à 88 % » (source non citée). Il faut aussi savoir que les critères du NINCDS-ADRDA définissent également une catégorie diagnostique encore moins spécifique d’Alzheimer « possible », et que les sujets rentrant dans cette catégorie sont dans certaines études comptés comme atteints d’Alzheimer (nous en verrons des exemples dans le présent article). Dans une intéressante discussion des limites inhérentes aux estimations de la prévalence de la démence en Europe, Berr et al (2005) indique qu’une étude sur un échantillon canadien en population générale de sujets âgés de 65 ans et plus avait trouvé une prévalence de la démence très variable selon les critères diagnostiques utilisés, allant de 3.1% selon la CIM-10 à 29.1% selon le DSM-III (!), seuls 1.1% des sujets de l’échantillon se voyant attribuer le diagnostic de démence selon toutes les normes diagnostiques testées (DSM-III, DSM-III-R, DSM-IV, CIM-9, CIM-10 et CAMDEX). Sources citées : Inserm, 2007s, Maladie d’Alzheimer – Enjeux scientifiques, médicaux et sociétaux – Synthèse et recommandations, Les éditions Inserm (118 p.), en ligne sur www.ipubli.inserm.fr, p. 27 et p.112-115 ; Inserm, 2007r, Maladie d’Alzheimer – Enjeux scientifiques, médicaux et sociétaux – Expertise collective, Les éditions Inserm (654 p.), en ligne sur www.ipubli.inserm.fr; Berr et al (2005, art. cit., p. 469).

[6] Selon Inserm (2007s, p.1), la maladie d’Alzheimer est rencontrée dans « environ 70 % des cas de démence». Selon ADI (2009, p.14), entre 50 et 75% des personnes démentes ont un Alzheimer, entre 20 et 30% une démence vasculaire, entre 5 et 10% une démence fronto-temporale et moins de 5% une démence à corps de Lewy, et les études post mortem « suggèrent que de nombreuses personnes démentes souffrent à la fois d’Alzheimer et d’une démence vasculaire, et que cette ‘démence mixte’ est sous-diagnostiquée ». Les auteurs précisent également que l’estimation de ces pourcentages fait débat, et ce rapport fait apparaître d’importantes disparités entre pays dans l’estimation de la prévalence de la démence (cf note [3]). Breteler et al. signalaient en 1992 que si en moyenne deux patients déments sur trois recevaient le diagnostic d’Alzheimer en Europe et en Amérique du Nord, ce n’était le cas que pour un patient sur trois au Japon et en Chine, où la démence vasculaire avait été rapportée de manière récurrente comme étant plus fréquente que la démence de type Alzheimer. Les auteurs indiquaient que cela pourrait être dû à une application différente des critères diagnostics, une étude menée en Chine après que les psychiatres participants aient été « rigoureusement formés aux Etats-Unis ou par des personnes venant des Etats-Unis » à l’utilisation des critères diagnostics standards ayant trouvé pour la première fois des résultats comparables aux données occidentales. Selon Querfurth et LaFerla (2010), dans les études basées sur des autopsies ou sur des critères diagnostics cliniques, un Alzheimer seul est présent chez 50 à 56% des sujets déments, et une démence mixte (Alzheimer et vasculaire) chez 13 à 17% de sujets. Selon Duthey (2013), la maladie d’Alzheimer « contribue possiblement » à 60 à 70% des cas de démence (p. 6.11-6), ou encore est présente dans 50 à 75% de l’ensemble des cas de démence (p.6.11-11). Les sources primaires rapportent des résultats assez variables. Voici ce qu’il en est dans deux études d’épidémiologie fréquemment citées. Dans Ott et al. (1995) tout d’abord, une étude en population générale faite sur les habitants de Rotterdam, 335 des 463 sujets déments âgés de 65 ans et plus ont été diagnostiqués comme ayant un Alzheimer « probable » ou « possible » soit seul, soit mixte (avec démence vasculaire), i.e. dans 72% des cas de démence. La démence vasculaire seule représentait quant à elle 15 % des cas, la démence liée à Parkinson 6 %, les 5% de cas restants étant principalement des démences alcooliques ou liées à une tumeur. On notera que les démences fronto-temporale et à corps de Lewy ne sont pas citées dans cette étude. Dans Lobo et al. (2000), étude collaborative basée sur 11 cohortes en population générale issues de 8 pays européens (dont celle de Ott et al., 1995), les auteurs rapportent que chez les 2346 sujets déments âgés de 65 ans et plus analysés, 53.7% avaient un diagnostic d’Alzheimer (et 15.8% de démence vasculaire). Ce pourcentage variait fortement selon les cohortes, allant de moins de 40% en Italie à 80% en France (étude PAQUID) en passant par environ 60% en Espagne. Aucun pays d’Europe de l’Est ne figure dans cette étude. Sources citées : Inserm, 2007s (op. cit.); ADI, 2009 (op. cit.) ; Breteler, Claus, van Duijn, Launer and Hofman, 1992, Epidemiology of Alzheimer’s disease. Epidemiologic Reviews, vol.14, p.59-82 ; Henry Querfurth et Frank LaFerla, 2010, Alzheimer’s disease, New England Journal of Medicine, vol.362(4), p.329-344 ; Béatrice Duthey, février 2013, Background Paper 6.11 – Alzheimer Disease and other Dementias, annexe au rapport Priority Medicines for Europe and the World publié par l’OMS en juillet 2013 (en ligne sur www.who.int/medicines/areas/priority_medicines/en/); Ott, Breteler, van Harskamp, Claus, van der Cammen, Grobee et Hofman, 1995, Prevalence of Alzheimer’s disease and vascular dementia: association with education. The Rotterdam study, British Medical Journal, vol.310, p.970-973; Lobo, Launer, Fratiglioni, Andersen, Di carlo, Breteler, Copeland, Dartigues, Jagger, Martinez-Lage, Soininen et Hofman, 2000, Prevalence of dementia and major subtypes in Europe: A collaborative study of population-based cohorts. Neurologic Diseases in the Elderly Research Group, Neurology, vol.54(11 suppl 5), p.S4-S9.

[7] Selon ADI 2009 (op. cit.), on pouvait estimer à 35.6 millions le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus atteintes de démence dans le monde en 2010, dont 4.4 millions en Amérique du Nord, 10 millions en Europe et 7 millions en Europe de l’Ouest. Pour obtenir ces estimations, les auteurs ont multiplié les prévalences estimées par eux par tranches d’âges par le nombre estimé (selon les Nations Unies) de personnes se trouvant en 2010 dans chacune des tranches d’âge. 70% de 35.6 millions donnent 24.9 millions. La prise en compte des personnes âgées de moins de 60 ans ne changerait pas l’ordre de grandeur de ces estimations, la démence étant très rare avant cet âge (sa prévalence est estimée à moins de 0.1%). La proportion des démences de type Alzheimer dans cette classe d’âge n’est pas connue, mais elle est a priori nettement plus faible que chez les personnes âgées. Une étude réalisée en Grande-Bretagne a trouvé chez les sujets déments de moins de 65 ans 34% de cas d’Alzheimer : cf W.M. van der Flier, p. Scheltens, 2005, Epidemiology and risk factors of dementia, Journal of Neurology, Neurosurgery & Psychiatry, vol.76(Suppl V), p.v2-v7.

[8] La faible qualité de certaines des études utilisées faute de mieux pour établir les estimations du rapport ADI 2009 ainsi que le manque de données pour certaines régions du globe sont soulignés dans le rapport lui-même. Duthey (2013, op. cit.) indique que les estimations du rapport ADI 2009 doivent être considérées comme provisoires, jugeant les données insuffisantes notamment pour l’Europe de l’Est, l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient, la Russie, et l’Afrique sub-saharienne (p.6.11-16).

[9] Les études utilisées pour produire l’estimation de 35.6 milllions du rapport ADI 2009 sont pour la plupart anciennes : plus de 20 % portent sur des données collectées entre 1980 et 1989, près de 60 % sur des données collectées entre 1990 et 1999, et aucune donnée collectée après 2006 n’y est prise en compte. En particulier, j’ai relevé que les 6 études sur la population britannique qui sont prises en compte avaient été publiées entre 1989 et 1998, or une étude récente fait état d’une réévaluation nettement à la baisse de la prévalence de la démence en Grande-Bretagne à partir de données recueillies entre 2008 et 2011 : de 884 000 cas projetés à partir des résultats précédents, les chercheurs sont passés à 670 000 cas seulement (cf http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736%2813%2961570-6/abstract). [Ajouté le 20/12/2013 :] Voir également http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMp1311405 : au moins 4 autres études ont rapporté une nette tendance à la baisse de la prévalence de la démence, aux Etats-Unis (2), aux Pays-Bas (1) et en Suède (1). Cette tendance semble commune aux pays développés et attribuable à l’élévation du niveau d’études, l’amélioration de la santé vasculaire et celle de l’hygiène de vie dans ces pays. A contrario, en prévision d’une réunion du G8 dédiée à la démence et afin de faire pression pour obtenir des crédits pour la recherche (cf http://www.reuters.com/article/2013/12/05/us-dementia-global-idUSBRE9B400G20131205), ADI vient de publier une réévaluation à la hausse de son estimation dans un document destiné aux chefs de gouvernements. Dans ce document dont le détail est accessible sur http://www.alz.co.uk/research/G8-policy-brief, ADI fait passer son estimation de 35.6 à 44 millions sur la base de nouvelles données portant sur la Chine et sur l’Afrique sub-saharienne.

[10] Comme les auteurs de l’expertise collective Inserm 2007 le soulignent, il n’existe pas d’indicateur sanitaire fiable, ni de registre permettant un recensement exhaustif et pérenne des cas de démence et d’Alzheimer en France (Inserm, 2007s, op. cit., p.52). C’est la députée UMP Cécile Gallez, pharmacienne retraitée, qui a proposé cette estimation dans un rapport parlementaire (Gallez, 2005). Pour l’obtenir, elle a utilisé la prévalence de la démence entre 65 et 74 ans issue de « données italiennes » (De Ronchi et al., 2005), et chez les 75 ans et plus celle observée en 1989-1999 dans l’étude PAQUID (Ramaroson et al., 2003). En rapportant ces prévalences aux données de population 2004 de l’INSEE, elle a estimé le nombre de sujets déments en France métropolitaine à 766 425 chez les 75 ans et plus, et à 856 662 chez les 65 ans et plus. Dans De Ronchi et al. (2005), les auteurs ont d’abord identifié les 12 743 habitants âgés de 61 ans et plus vivant dans la municipalité de Faenza et Granarolo au 31 décembre 1991, puis ont pu examiner 7 930 d’entre eux. 513 ont été diagnostiqués comme atteints de démence, soit 6.5%. Chez les 1915 sujets âgés de 65 à 69 ans et les 1335 sujets âgés de 70 à 74 ans, il y avait respectivement 19 et 35 cas de démence (cf tables 1 et 2), soit une prévalence dans ces tranches d’âges de 0.99% et 2.62% respectivement. Dans Ramaroson et al. (2003), l’équipe PAQUID rapportait une réévaluation à la hausse de la prévalence à partir de 1461 de leurs 3777 sujets âgés de 65 ans et plus lorsqu’ils avaient été recrutés en 1988-1989. Réexaminés dix ans plus tard, 260 d’entre eux ont été jugés déments (dont 79.6 % atteints d’un Alzheimer « probable » ou « possible » selon les critères NINCDS-ADRDA), soit une prévalence de 17.8% au lieu des 7.7% observés chez les 75 ans et plus de leur cohorte en 1988-1989. Ils notent que leur estimation est nettement plus haute que celles données par plusieurs études antérieures menées dans divers pays, mais jugent que la leur est plus pertinente. En rapportant leurs données à la population métropolitaine française selon l’INSEE, ils évaluent à 769 000 le nombre de déments âgés de 75 ans et plus en 1999 (p. 408). Sources citées : Cécile Gallez, juillet 2005, Rapport sur la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées, Office parlementaire d’évaluation des politiques de santé, en ligne sur http://www.assemblee-nationale.fr/12/rap-off/i2454.asp; Diana De Ronchi, Domenico Berardi et al., 2005, Occurrence of cognitive impairment and dementia after the age of 60: a population-based study from Northern Italy, Dementia and Geriatric Cognitive Disorders, vol.19(2-3), p.97-105 ; Hanta Ramaroson, Catherine Helmer, Pascale Barberger-Gateau, Luc Letenneur, Jean-François Dartigues, 2003, Prévalence de la démence et de la maladie d’Alzheimer chez les personnes de 75 ans et plus : données réactualisées de la cohorte Paquid, Revue Neurologique, vol.159(4), p.405-411.

[11] L’étude PAQUID est menée par une équipe Inserm/Université de Bordeaux Segalen dirigée par Jean-François Dartigues. A la fin de l’article rapportant la révision à la hausse des données PAQUID chez les 75 ans et plus et l’attribution de 80% des cas de démence à Alzheimer, les financeurs de l’étude sont remerciés, parmi lesquels figurent Novartis Pharma, SCOR, Péchiney et 2010 Media (Ramaroson et al., 2003, art. cit.). A la fin d’un article de synthèse signé par cette équipe (Dartigues et al., 2012), sont cités dans un paragraphe intitulé « Conflits d’intérêts » des rémunérations par Pfizer, Lundbeck et Novartis à titre personnel, des versements par Novartis, Ipsen, Lundbeck et Eisai au budget de l’institution de rattachement, et le financement de l’étude PAQUID par les laboratoires Novartis et Ipsen. Au-delà des liens avec l’industrie biopharmaceutique, l’intérêt des auteurs de l’étude est plus largement d’obtenir une reconnaissance de l’utilité de leurs travaux et leur financement y compris public. Comme François Dartigues l’explique lui-même, l’estimation par PAQUID de la prévalence « de la maladie d’Alzheimer et des maladies apparentées » (notez le choix d’appeler désormais ainsi la démence) a été reprise « dans le rapport au Parlement français écrit par Madame Gallez en 2005 », et « [l]’estimation de 850 000 cas prévalents de démences en France en 2008 a été un des arguments majeurs de la mise en place du Plan Alzheimer 2008-2012 » (Dartigues et al., 2012, art. cit., p. 328). Jean-François Dartigues est par ailleurs co-auteur du rapport d’expertise Inserm 2007 ayant repris l’estimation de « plus de 850 000 personnes » atteintes de démence en France (Inserm, 2007s, op. cit., p. XIII, p.53 et p.99). Ce rapport insiste notamment sur la nécessité de poursuivre et élargir les études épidémiologiques, et nommément celles menées par Jean-François Dartigues (p.99-100) : il est en effet investigateur principal non seulement de l’étude PAQUID, mais également des deux autres études de cohortes en population française menées actuellement (3C et AMI). Il a été responsable de la mise en œuvre de la mesure n°32 du Plan Alzheimer 2008-2012, mise en œuvre à laquelle il a lui-même directement participé en tant que formateur (voir par exemple http://etudes.isped.u-bordeaux2.fr/alzheimer/media.aspx). Les auteurs de Tuppin et al. (2012) travaillent quant à eux à la direction de la stratégie et des études statistiques de la CNAM et déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Sources citées : Jean-François Dartigues et al., 2012, Paquid 2012 : Illustration et bilan, Gériatrie et Psychologie Neuropsychiatrie du Vieillissement, vol.10 (3), p.325-331; Revue Neurologique, vol.168, p.152-160.

[12] Sur la base des données médicales disponibles de 2007 à 2009 sur environ 80% des personnes de 60 ans et plus vivant en France, Tuppin et al. (2012, art. cit.) ont estimé à 0.55 million le nombre de malades atteints de démence en 2009. Les auteurs signalent pour comparaison que l’extrapolation à la population à janvier 2010 des premiers résultats de l’étude PAQUID (avant leur révision à la hausse de 2003) donnerait 0.46 millions, ceux d’Eurodem (Lobo et al., 2000) 0.71 millions, et ceux de la combinaison des résultats italiens et PAQUID révisés utilisée dans le rapport Gallez 0.80 millions (soit curieusement 56 000 personne de moins que dans ce rapport pourtant basé sur des données de population inférieures). Ils ne prétendent pas que 0.55 est plus proche de la réalité que 0.80, donnant au contraire des éléments suggérant une possible sous-estimation. Toutefois, ils ne quantifient pas celle-ci, soulignent que les prévalences décrites par PAQUID sont très supérieures aux moyennes européennes trouvées par Eurodem surtout pour les âges élevés (27.6% chez les 85-89 ans et 47% chez les 90 ans et plus selon Paquid, vs environ 18% et 28.5% respectivement selon Lobo et al. 2000), et les auteurs de PAQUID ont eux-mêmes qualifié leur estimation de controversée en citant cette publication. Sans préjuger de la pertinence de leur argumentaire visant à démontrer la meilleure qualité de l’estimation par PAQUID, on note que l’affirmation que leur étude « reste controversée parce que 500 000 cas de démences seulement ont été enregistrés dans le système d’information de l’Assurance-maladie » en 2008 (Dartigues et al., 2012, art. cit., p.328) est fallacieuse. En effet, Tuppin et al. (2012) rapporte que seulement 224 426 des personnes âgées de 60 ans et plus étaient en 2008 enregistrées dans ce système comme souffrant d’une affection de longue durée (ALD) pour « maladie d’Alzheimer et autre démence ». En ajoutant les sujets non enregistrés comme tels mais ayant dans l’année soit eu au moins deux remboursements d’un médicament spécifique à Alzheimer, soit été hospitalisés au moins une fois avec un diagnostic principal « Maladie d’Alzheimer » ou « Troubles mentaux et du comportement », les auteurs arrivent à 337 038. En extrapolant ce chiffre à l’ensemble de la population française de 60 ans et plus, ils arrivent à 452 000 en 2008 (470 000 en 2009). Afin de limiter encore le risque de sous-estimation, les auteurs ont retenu pour 2009 tous les sujets ayant satisfait au moins un des trois critères (ALD, médicaments ou hospitalisation) en 2007, 2008 ou 2009 et toujours vivants en 2009, i.e. en comptant comme malades en 2009 près de 16% de sujets supplémentaires même s’ils ne satisfaisaient aux critères retenus ni en 2009, ni en 2008. C’est en extrapolant ce dernier chiffre à l’ensemble de la population française de 60 ans et plus qu’ils obtiennent in fine l’évaluation de 551 000 personnes en 2009, qui est donc infiniment plus large que le nombre de cas de démences « enregistrés dans le système d’information de l’Assurance-maladie ».

[13] Selon le rapport d’expertise Inserm (2007r, op. cit., p.197 et 204), les critères du NINCDS-ADRDA de maladie d’Alzheimer probable ont « une spécificité plutôt faible (avec une moyenne sur l’ensemble des études de l’ordre de 70 %) pour le diagnostic de maladie d’Alzheimer probable avec confirmation post mortem » et les critères du DSM-IV (APA, 1994) et du NINCDS-ADRDA (1984) ont une spécificité par rapport aux autres démences qui « varie de 23 à 88 % ». Dans l’autre sens, cf p. 504 : « La progression des lésions neurofibrillaires dans le cortex (cortex entorhinal puis hippocampe, et enfin néocortex) correspond à la progression des symptômes. En revanche, les dépôts de peptide Aβ sont moins bien corrélés aux symptômes. Il est fréquent de trouver, chez un sujet âgé considéré comme intellectuellement normal, des dépôts diffus de peptide Aβ dans le cortex cérébral associés à des dégénérescences neurofibrillaires dans l’hippocampe et le cortex entorhinal. Ces lésions paraissent constantes dans le cerveau de centenaires ayant fait l’objet d’un examen post mortem. Elles peuvent être rencontrées chez des sujets jeunes considérés comme asymptomatiques. Leur signification est discutée. Leur fréquence a laissé penser qu’elles pouvaient rester stables et n’être le témoin que du vieillissement cérébral physiologique, un concept aux limites peu précises. Selon une autre hypothèse, ces lésions, même sans conséquence clinique, pourraient signer la présence d’une maladie d’Alzheimer encore asymptomatique. »

[14] cf http://news.sciencemag.org/brain-behavior/2013/09/nihs-33-million-alzheimers-gamble : « Yesterday [18 sept 2013], the National Institutes of Health (NIH) announced that it is giving $33 million to a study that researchers hope will either revive the amyloid hypothesis, or put it to bed. ».

[15] Pour une bonne introduction à ce débat, on pourra lire http://lecerveau.mcgill.ca/flash/i/i_08/i_08_cl/i_08_cl_alz/i_08_cl_alz.html, http://lecerveau.mcgill.ca/flash/a/a_08/a_08_cl/a_08_cl_alz/a_08_cl_alz.html puis http://lecerveau.mcgill.ca/flash/a/a_08/a_08_p/a_08_p_alz/a_08_p_alz.html.

[16] Les auteurs de la synthèse du rapport Inserm de 2007 estiment à « moins de 1 % » les formes monogéniques héritées. Selon Duthey, 2013 (op. cit.), le consensus actuel est que les formes monogéniques héritées représentent 0.1% des cas, et qu’en dehors de ces cas la maladie « n’est pas génétiquement héritée bien que des gènes puissent intervenir en tant que facteurs de risque ».

[17] Les auteurs de la synthèse du rapport Inserm de 2007 posent qu’il est « maintenant clairement établi que des facteurs génétiques peuvent être impliqués » dans les plus de 90 % de cas d’Alzheimer dits sporadiques, relaient l’idée qu’ « au moins 4 gènes majeurs présentant un effet similaire à celui de l’APOE, existeraient », jugent « probable que plusieurs dizaines de gènes présentant un effet plus modeste, interviennent aussi » et que « [l]a très grande majorité de la part génétique de la maladie d’Alzheimer reste donc encore à caractériser », concluant ainsi : « La caractérisation de ces gènes devrait aider à la compréhension du (ou des) processus physiopathologique(s) impliqué(s) dans le développement de la maladie d’Alzheimer. Cette compréhension contribuera au développement de nouvelles thérapies en ciblant des protéines clés du processus physiopathologique. Des profils génétiques individuels pourront potentiellement être établis afin de définir la prise en charge thérapeutique la plus efficace » (Inserm, 2007s, op. cit., p.10-13). On peut cependant lire ceci dans le rapport complet : « En résumé, même si l’allèle e4 de l’APOE a été décrit comme un facteur de risque majeur de la maladie d’Alzheimer depuis 1993, de nombreuses hypothèses physiopathologiques ont été proposées pour comprendre cette association, sans permettre de définir un véritable consensus. Ce constat pointe du doigt la difficulté d’établir un lien de causalité entre variation génétique et processus biologique et pondère la logique prédisant que la caractérisation de déterminants génétiques est “la solution” pour comprendre le processus physiopathologique d’une maladie et proposer des cibles thérapeutiques pertinentes. » (Inserm, 2007r, op. cit., p. 85).

[18] Cf Kaj Blennow, Mony J de Leon, Henrik Zetterberg, 2006, Alzheimer’s disease, Lancet, vol.368(9533), p. 387-403, p. 387 :« Although environmental factors might increase the risk of sporadic Alzheimer’s disease, this form of the disease has been shown to have a significant genetic background. A large population based twin study showed that the extent of heritability for the sporadic disease is almost 80% ». Selon le Web of Science en novembre 2013, cette revue de la littérature parue dans le Lancet en 2006 avait déjà été citée dans plus de 900 publications scientifiques.

[19] On parle d’agrégation familiale lorsqu’une personne a significativement plus de chance d’être atteinte d’une maladie si l’un au moins de ses parents proches en est atteint que dans le cas contraire. Lorsqu’on constate une telle agrégation, les études de jumeaux ou d’adoption servent à (tenter) d’estimer les parts respectives de l’environnement partagé et de la génétique dans cette « héritabilité » au sens large, i.e. familiale. Un faible degré d’agrégation familiale est peu compatible avec l’idée d’une forte influence génétique. Or concernant Alzheimer, la faiblesse de cette agrégation en même temps que celle des données qui la documentent sont notables. Le rapport Inserm évoque une « agrégation familiale évidente pour environ 5 à 8% des cas », l’existence d’ « antécédents familiaux » étant « associée à une augmentation de 2 à 5 fois du risque de développer la maladie d’Alzheimer » (Inserm, 2007r, p. 508 sans source citée, p.79 sans le second élément mais avec deux sources citées). Or lorsqu’on examine les deux sources citées en référence, à savoir Breteler et al. (1992) et Fratiglioni et al. (2000), on s’aperçoit pour commencer que la seconde source ne contient pas d’information à ce sujet. Quant à la première, les auteurs y indiquent d’abord que des études génétiques suggèrent que l’agrégation familiale « pourrait être spécifique aux cas d’Alzheimer à déclenchement précoce » (6 références citées). Ils indiquent ensuite que si 9 des 10 études qu’ils ont examinées ont trouvé un risque d’Alzheimer significativement plus élevé chez les personnes ayant un parent au premier degré atteint de démence, une portant sur l’Alzheimer tardif (i.e. la forme commune) n’a pas trouvé d’élévation du risque. Enfin, l’augmentation « de 2 à 5 fois du risque de développer la maladie d’Alzheimer » présente dans le rapport Inserm semble correspondre à l’augmentation de 3.5 fois du risque rapportée dans cet article lorsqu’au moins un parent au premier degré était atteint de démence tous types confondus, avec un intervalle de confiance à 95% allant de 2.6 à 4.6 : il s’agit donc d’une estimation incertaine, et il ne s’agit pas d’une mesure de l’agrégation familiale de la maladie d’Alzheimer proprement dite. La source citée est un article publié par le même groupe de chercheurs (van Duijn et al., 1991) dont le résumé rapporte effectivement cette estimation, ainsi que celle d’une augmentation du risque par 7.5 (avec un i.c. à 95% très large allant de 3.3 % à 16.7 %) lorsqu’il y avait au moins deux cas de démence chez un parent au premier degré, et précise également que plus l’âge de déclenchement de la maladie était élevé, plus cette augmentation du risque diminuait, devenant tout juste significative en cas de déclenchement après 80 ans (i.c. à 95% = 1.3 à 5.2). Ce sont ces mêmes estimations, anciennes, incertaines et encore une fois ne portant pas strictement sur la maladie d’Alzheimer qui sont utilisées sur la page d’information de l’Inserm (www.inserm.fr/thematiques/neurosciences-sciences-cognitives-neurologie-psychiatrie/dossiers-d-information/alzheimer accédé le 25 nov 2013) : « La maladie d’Alzheimer possède une base génétique. Le risque de la contracter est en effet multiplié par trois si un apparenté au premier degré est touché, par sept si deux ou plus le sont. » Dans une étude ultérieure du même groupe (Rao et al., 1994), les chercheurs signalent que près de 13% des malades qu’ils avaient utilisés dans une précédente étude ne satisfaisaient plus aux critères diagnostiques d’un Alzheimer probable (ils étaient devenus Alzheimer « possible » seulement ou « autre démence ») et que plus de 9% des 32 supposés malades pour lesquels une autopsie a été faite n’avaient en fait pas la maladie d’Alzheimer, ce qui ajoute à la fragilité des résultats précédents. En dehors de Van Duijn et al. (1991) et des études dont cet article fait la synthèse, peu d’articles adressant cette question sont cités dans la littérature scientifique. Il est intéressant de noter que l’un d’entre eux, Fratiglioni et al. (1993), rapporte dans l’échantillon considéré une multiplication du risque d’Alzheimer tardif par 3.2 par la présence d’au moins un parent au premier degré atteint de démence, mais aussi par 4.4 par l’abus d’alcool et par 5.2 par l’exercice d’une profession manuelle, données ni plus ni moins incertaines mais auxquelles il n’est curieusement pas fait la même publicité. Par ailleurs, une étude plus récente, menée sur un plus gros échantillon et considérant spécifiquement la démence de type Alzheimer chez les apparentés au premier degré (« probable » ou « possible ») a trouvé une multiplication du risque par seulement 1.5 (i.c. à 95% = 1.2 à 1.9). Par comparaison, Visscher et al. (2008, p.259) cite pour la schizophrénie une multiplication du risque par 9 chez les apparentés au premier degré associée à une héritabilité génétique de 16%, et pour la dépression majeure une multiplication du risque par 3 associée à une héritabilité génétique de 12%. Sources citées : Inserm (2007r, op. cit.) ; Breteler et al. (1992, art. cit., p.68-69) ; Fratiglioni, Launer, Andersen, Breteler, Copeland, Dartigues, Lobo et al., 2000, Incidence of dementia and major subtypes in Europe: A collaborative study of population-based cohorts, Neurology, vol.54(11 suppl 5), p. S10-S15; Van Duijn, Clayton, Chandra, Fratiglioni, Graves, Heyman, Jorm, Kokmen, Kondo, Mortimer, Rocca, Shalat, Soininen, Hofman et al., 1991, Familial aggregation of Alzheimer’s disease and related disorders: a collaborative re-analysis of case-control studies, International Journal of Epidemiology, vol.20(suppl 2), p. s13-s20; Rao, van Duijn, Connor-Lacke, Cupples, Growdon et Farrer, 1994, Multiple etiologies for Alzheimer disease are revealed by segregation analysis, American Journal of Human Genetics, vol.55(5), p. 991-1000. Fratiglioni, Ahlbom, Viitanen et Winblad, 1993, Risk factors for late-onset Alzheimer’s disease: a population-based, case-control study, Annals of Neurology, vol.33, p. 258-266; Devi, Ottman, Tang, Marder, Stern, et Mayeux, 2000, Familial aggregation of Alzheimer’s disease among Whites, African-Americans, and Caribbean Hispanics in Northern Manhattan, Archives of Neurology, vol.57(1), p.72-77. Wisscher, Hill et Wray, 2008, Heritability in the genomics era – concepts and misconceptions, Nature Reviews Genetics, vol.9, p.255-266.

[20] Selon le rapport complet de l’expertise collective Inserm (2007r, op. cit.), l’importance de la composante génétique dans la maladie d’Alzheimer « a porté à controverse » (p.79) : « pour la très grande majorité des cas de maladie d’Alzheimer (>90 %), formes essentiellement à début tardif, aucune agrégation familiale n’est documentée […]. Au-delà de biais potentiels de censure, ce simple constat peut donc suggérer que la composante génétique de la maladie d’Alzheimer est finalement restreinte. Les premières études réalisées dans des populations de jumeaux, bien que suggérant parfois une faible augmentation de la fréquence de la maladie d’Alzheimer chez les jumeaux monozygotes par rapport aux jumeaux dizygotes, semblaient d’ailleurs conforter ce constat (Hunter et coll., 1972 ; Nee et coll., 1987 ; Rocca et coll., 1988 ; Breitner et coll., 1995). » Les auteurs du rapport considèrent cependant qu’« un consensus semble s’être dégagé, indiquant un rôle important de déterminants génétiques. Des efforts considérables ont donc été déployés au cours des vingt dernières années pour caractériser ceux-ci. » (p.75).

[21] L’étude dont il est question ici utilise une méthode classique de comparaison de la corrélation de la mesure d’un trait observée entre jumeaux monozygotes (MZ) à celle observée entre jumeaux dizygotes (DZ). Si la première est supérieure à la seconde, les chercheurs qui s’inscrivent dans ce paradigme de recherche en déduisent qu’il existe une influence génétique sur la variabilité de ce trait. Pour quantifier cette influence, une méthode classique (c’est celle utilisée dans la présente étude) consiste à partitionner la variance observée du trait en trois composantes : la composante génétique additive (A), la composante environnementale partagée (C) et la composante environnementale non partagée (E). Elles sont calculées à partir des corrélations observées entre monozygotes (rMZ) et entre dizygotes (rDZ) en posant le système d’équations suivant : rMZ = A + C et rDZ = A/2 + C, d’où A = 2 (rMZ – rDZ) et C = 2rdDZ – rMZ, ces équations pouvant être rectifiées selon des modèles mathématiques plus ou moins complexes afin de prendre en compte divers paramètres (comme c’est le cas dans la présente étude). La modélisation par ce système d’équations repose sur les hypothèses suivantes : la contribution génétique à la similarité de deux jumeaux est deux fois moindre chez les DZ que chez les MZ car ils partagent en moyenne 50% vs 100% de leur génome, la contribution de l’environnement partagé par deux jumeaux à leur similarité est la même qu’ils soient DZ ou MZ, la contribution de l’environnement est indépendante de la contribution génétique. La composante environnementale non partagée s’obtient par E = 1 – A – C (i.e. on attribue à la variabilité de l’environnement non partagé tout ce qui n’est attribuable ni à la variabilité génétique, ni à celle de l’environnement partagé), ou ce qui revient au même par E = 1 – rmz (i.e. les différences entre deux jumeaux MZ sont entièrement dues à l’environnement non partagé). L’existence de nombreux biais pouvant induire une surestimation de A dans ce type d’études a été soulignée. Le plus important d’entre eux est le fait que les MZ subissent des influences environnementales plus similaires que les DZ : la majorité des MZ et aucun des DZ partagent le même placenta ou les mêmes membranes in utero, on a tendance à les traiter de manière plus similaire du fait de leur ressemblance physique, ils développent des liens beaucoup plus intimes, partagent davantage d’activités et s’identifient plus l’un à l’autre que les dizygotes (cf par ex. Horwitz et al. 2003). La plupart des chercheurs menant des études de jumeaux reconnaissent ce fait, mais contournent cette critique avec trois types d’arguments : soit en posant par principe que cette différence est certes réelle mais ne joue pas, faisant porter sur leurs détracteurs la charge de la démonstration qu’elle porte sur des dimensions influençant le trait observé, soit en incorporant dans leurs études la pseudo-vérification que les environnements des deux types de jumeaux étaient équivalents (vérification en réalité évidemment impossible), soit en affirmant que c’est par leurs comportements plus similaires que les MZ créent un environnement plus similaire, et que cette similarité comportementale est elle-même due à leur similarité génétique. Ce dernier argument, qui reste la principale défense avancée par les chercheurs concernés face à cette critique de fond des études de jumeaux, fait reposer toute la logique des celles-ci sur un raisonnement circulaire qui est en gros le suivant : l’héritabilité génétique des traits de la personnalité/comportementaux est importante (les études de jumeaux l’ont montré), donc la plus grande similarité environnementale entre MZ qu’entre DZ est d’origine génétique, donc cette méthode de calcul de l’héritabilité des études de jumeaux ne surestime pas la composante génétique. Selon Joseph (2012, p.73), des chercheurs éminents de ce champ sont pourtant arrivés à la conclusion que la prémisse de ce raisonnement circulaire était contredite par une étude d’adoption considérée par eux comme solide. Il existe de multiples autres biais susceptibles d’induire une surestimation de l’influence génétique dans ce type d’études, dont voici les plus simples (voir par exemple Joseph 2012 dans une perspective critique, et Vissher et al. 2008 qui argumente au contraire en faveur de ces études mais en décrit néanmoins diverses limites) : un biais de recrutement peut être présent parce que ce sont les MZ qui se ressemblent le plus qui tendent à se porter volontaires; certains jumeaux qu’on croit DZ justement à cause de leurs dissemblances s’avèrent être MZ et inversement, or les études de jumeaux n’incluent pas de vérification génétique systématique; le partage de 50% du génome codant entre DZ n’est vrai qu’en moyenne (induit un risque de biais important sur un petit échantillon); dans les études de génétique psychiatrique, le diagnostic de la maladie est typiquement établi en sachant si le sujet a un vrai jumeau et si ce dernier est atteint (risque d’effet de prophétie auto-réalisatrice dès lors que la croyance en l’héritabilité génétique de la maladie est présente chez les psychiatres participant à l’étude, ce qui est typiquement le cas). Il est assez amusant de constater que la pertinence des estimations d’héritabilité génétique par les études de jumeaux est présentée de manière très variable dans la vulgarisation selon le sujet. Typiquement, on les considère suspectes lorsqu’elles portent sur l’héritabilité du QI mais convaincantes lorsqu’elles portent sur celle des traits de la personnalité, ou bien suspectes lorsqu’elles portent sur l’héritabilité de traits cognitifs et comportementaux ‘normaux’ mais convaincantes lorsqu’elles portent sur celle de maladies. Parfois c’est plus spécifique, comme par exemple chez Stanislas Dehaene. Il explique en effet dans La bosse des maths (1996, Odile Jacob, p. 176) que selon les études de jumeaux l’héritabilité des performances en arithmétique serait de 50%, mais comme il ne pense pas que la moitié de la variabilité des capacités en mathématique est d’origine génétique, il ajoute que cette interprétation reste vivement contestée en raison des multiples influences non quantifiées par cette méthode, citant notamment le fait que près de 70% des monozygotes partagent le même placenta ou les mêmes membranes durant la grossesse. Il souligne par ailleurs (à raison) que même si l’origine génétique des points communs entre jumeaux était démontrée, il se pourrait très bien que les gènes en question n’aient aucun lien direct avec le talent mathématique : un gène favorisant la croissance osseuse pourrait ainsi avoir une influence négative sur celui-ci simplement par ce que ses possesseurs seraient conduits à se consacrer au basket-ball plutôt qu’à leurs études. En revanche, dans Les neurones de la lecture (2007, Odile Jacob, p. 313), s’agissant d’étayer la conception de l’origine biologique de la dyslexie à laquelle il adhère, ces précautions disparaissent et il prend pour acquises les estimations d’héritabilité des compétences liées à la lecture : « De vastes études de génétique comportementale […] ont confirmé la grande héritabilité des compétences liées à la lecture. Elles ont notamment montré que les vrais jumeaux (monozygotes) présentent des scores bien plus étroitement corrélés que ceux des faux jumeaux (dizygotes) de même sexe. » Sources citées : Jay Joseph, 2012, The ‘‘Missing Heritability’’ of Psychiatric Disorders: Elusive Genes or Non-Existent Genes?, Applied Developmental Science, vol.16(2), p.65-83; Visscher et al., 2008 (art. cit.); Allan V. Horwitz, Tami M. Videon, Mark F. Schmitz, Diane Davis, 2003, Rethinking twins and environments: possible social sources for assumed genetic influences in twin research, Journal of Health and Social Behavior, vol.44(2), p. 111-129.

[22] Voir par exemple Sun-Wei Guo, 2001, Does higher concordance in monozygotic twins than in dizygotic twins suggest a genetic component?, Human Heredity, vol.51, p. 121-132. De plus, lorsqu’un effet de la variabilité génétique sur celle d’un trait est établi, reste à prouver que cet effet correspond bien à une chaîne de causalité biologique allant des variantes génétiques concernées à ce trait, et non à un facteur causal social (cf l’exemple donné par Stanislas Dehaene sur les capacités en mathématiques en fin de note précédente).

[23] La référence citée par Blennow et al. (2006) est Margaret Gatz, Chandra A. Reynolds, Laura Fratiglioni L et al., 2006, Role of genes and environments for explaining Alzheimer disease, Archive of Geneneral Psychiatry, vol.63, p.168-174. Les auteurs sont partis d’un échantillon de 11 884 paires de jumeaux référencés comme tels dans un registre suédois, nés au plus tard en 1935 et toujours vivants au début des années 2000, et ont au final calculé l’héritabilité sur la base du degré de concordance dans les 4 225 paires pour lesquelles toutes les informations jugées requises étaient disponibles (428 masculines monozygotes et 679 dizygotes, 655 féminines monozygotes et 1009 dizygotes, et 1454 paires de jumeaux dizygotes de sexes différents). Le degré de concordance du statut malade/non malade a été défini sur la base du diagnostic d’Alzheimer « probable » ou « possible » (sans que le soin soit pris d’établi le diagnostic en étant aveugle à la gémellité et au diagnostic du jumeau), et les sujets ayant un parent atteint de la maladie (i.e. les cas non sporadiques) n’ont pas été exclus.>

[24] Une estimation de l’héritabilité génétique d’un trait n’est valable que dans les conditions génétiques et environnementales de la population dont l’échantillon considéré est censé être représentatif à un moment donné. Ainsi, par exemple, contrairement à ce qu’on pourrait croire l’héritabilité génétique du nombre de doigts de la main dans l’espèce humaine pourrait prendre n’importe quelle valeur comprise entre 0 et 100 % selon la population considérée, en fonction de la distribution dans celle-ci de mutations génétiques induisant une anomalie du développement de la main et selon les modalités d’exposition in utero de cette population à des produits toxiques ayant le même effet. Par ailleurs, l’échantillon utilisé ici n’était pas aléatoire, et les auteurs n’ont veillé à s’assurer qu’il était représentatif de la population générale ni globalement, ni pour chacun des cinq sous-échantillons utilisés. Ca n’est clairement pas le cas, ne serait-ce que parce que la prévalence de la démence dans l’échantillon de dizygotes de sexes différents (2.95%) était nettement inférieure à la prévalence moyenne habituellement observée chez les 65 ans et plus en Europe du nord.

[25] La mention suivante : « each individual is coded as having the disease or not having the disease, and the threshold is the z score that corresponds to the rate of the disease. Thus, the model assumes an underlying normally distributed liability » (cf Gatz et al., 2006, p. 170) laisse deviner que ce qui est estimé dans cette étude n’est pas l’héritabilité génétique de la maladie, mais l’héritabilité génétique de la susceptibilité à la maladie. Cette subtilité est importante, car dès lors que l’incidence de la maladie est faible, la seconde estimation est par construction substantiellement supérieure à la première. Selon Wisscher et al. 2008 (art. cit. dans Nature Reviews Genetics, p.259 et boîte 5 p.262), qui je le précise n’est pas un article critique concernant ce type d’études mais entend au contraire en souligner l’intérêt au-delà de leurs limites, l’héritabilité génétique de la schizophrénie serait ainsi estimée à 16% mais celle de la susceptibilité à la schizophrénie à 81%, et l’héritabilité génétique de la dépression majeure serait estimée à 12% mais celle de la susceptibilité à la dépression majeure à 37%, leurs incidences respectives étant estimées à 1% et 3%.

[26] Les auteurs ont partitionné la variance en trois composantes selon la méthode classique exposée dans la note 21 ci-dessus : la composante génétique additive A, la composante environnementale partagée C, et la composante environnementale non partagée E. A l’aide d’un modèle mathématique complexe incorporant notamment l’hypothèse additionnelle (qu’ils justifient mais reste discutable) de l’égalité des contributions génétiques et environnementales entre hommes et femmes, les auteurs ont trouvé A = 58 %, C = 19% et E = 23% après ajustement par l’âge. C’est ce résultat qu’ils synthétisent dans le résumé de l’article par : « Heritability for AD was estimated to be 58% in the full model ». Ce qui n’est précisé ni dans le résumé, ni dans le texte mais apparaît dans la Table 2, c’est que l’estimation de 58% pour A était assortie d’un intervalle de confiance à 95% assez considérable : 19 % à 87 %. Par ailleurs, je me pose quelques questions au sujet de ce calcul que je n’ai pas les moyens de vérifier (si un lecteur bien informé peut m’éclairer, je l’en remercie par avance) : comment se fait-il que la valeur 58% soit si différente du centre de l’intervalle de confiance (53 %) ? Comment se fait-il que l’ajustement par l’âge (nécessaire, car une partie de la similarité des jumeaux en termes d’atteinte par la maladie d’Alzheimer provient de leur similarité en âge) laisse pour les hommes la composante A quasi-inchangée (passe de 59 % à 58 %) mais la fait passer pour les femmes de 37% à 45% (la plus grande longévité des femmes ne me paraît pas pouvoir expliquer cela) ? Comment se fait-il qu’à partir d’une composante A égale à 58% chez les hommes et à 45% chez les femmes les auteurs trouvent 58% pour les deux sexes confondus ? Si c’est dû à la prise en compte des paires de DZ de sexes différents, comment se fait-il que les auteurs expliquent (p. 171) qu’en ne tenant pas compte de ce 5ème groupe on obtient une estimation « essentiellement identique » ? Comment se fait-il que la prévalence d’Alzheimer (comme celle de la démence) était environ deux fois moindre dans l’échantillon de jumeaux dizygotes de sexes différents que dans les autres échantillons ? Dans quelle mesure l’estimation de l’héritabilité serait-elle différente en ne faisant pas leur choix (non justifié) de traiter les cas de démence de type non Alzheimer comme des données manquantes ?

[27] Le modèle standard n’était pas très satisfaisant, l’estimation de l’héritabilité génétique à 58 % qu’il avait permis d’obtenir étant associée à un intervalle de confiance considérable. Comme il est d’usage dans ce champ de recherches, les auteurs ont donc testé d’autres modèles mathématiques pour voir s’ils en trouvaient un « meilleur », c’est-à-dire permettant de diminuer cet intervalle de confiance sans dégrader de manière significative l’adéquation du modèle aux données observées. C’est ainsi qu’ils ont trouvé 79 % (i.c. à 95% = 67 % à 88 %) en supprimant tout bonnement la composante environnementale partagée des équations : c’est ce résultat qu’ils synthétisent dans le résumé de l’article par : « Heritability for AD was estimated to be […] 79% in the best-fitting model ». Ce genre de manipulation laisse assez songeur, car comment justifier la pertinence d’un modèle qui pose que l’environnement non partagé a une influence sur la susceptibilité à la maladie (à hauteur de 21%) mais que l’environnement partagé n’en a aucune ? Les auteurs ne s’en soucient nullement, se contentant de jongler avec des équations pour obtenir un résultat plus favorable. Le détail de ce jonglage est d’ailleurs intéressant : on voit que selon leurs calculs, on pouvait chez les hommes (mais pas chez les femmes) supprimer la composante génétique sans non plus qu’il y ait une perte significative d’adéquation du modèle aux données, c’est-à-dire proposer une estimation de l’héritabilité génétique de la susceptibilité à la maladie égale à 0% chez les hommes (voir p. 171, colonne de droite).

[28] Les trois auteurs de l’article de 2006 dans le Lancet sont Kaj Blennow, Mony J de Leon et Henrik Zetterberg. Blennow et Zetterberg ont selon le Web of Science signé ensemble entre mai 2002 et novembre 2013 pas moins de 161 articles scientifiques sur les marqueurs ou facteurs biologiques d’Alzheimer et 22 revues de la littérature sur ce sujet (soit plus d’un par mois depuis presque douze ans !), et Mony J de Leon a publié une centaine d’articles sur les marqueurs ou facteurs biologiques de troubles mentaux, principalement des études de neuroimagerie portant sur la maladie d’Alzheimer. Dans cet article dont Blennow est l’auteur correspondant, celui-ci déclare les conflits d’intérêt suivants : co-inventeur de trois brevets, rémunération pour des prestations de service par Innogenetics et AstraZeneca, et honoraires perçus pour donner des conférences. Mony J de Leon déclare quant à lui être sur la liste de plusieurs brevets déposés par son université (NYU) et recevoir des financements de Forest Laboratories et de Jansson pour donner des conférences. Selon http://patents.justia.com/inventor/kaj-blennow consulté le 22 novembre 2013, Kaj Blennow est co-inventeur de 11 brevets demandés ou délivrés concernant des biomarqueurs de la maladie d’Alzheimer déposés entre mai 2004 et juillet 2010, pour la plupart par Vermillion Inc (sous ce nom ou sous son ancien nom Ciphergen Biosystems Inc), une entreprise spécialisée dans le diagnostic moléculaire cotée au NASDAQ. A noter que le biais des auteurs en faveur d’explications génétiques de la maladie d’Alzheimer transparaît également dans leur résumé de la méta-analyse publiée par Farrer et al. en 1997. Les auteurs affirment en effet qu’elle « montre que l’allèle APOE-e4 multiplie le risque de la maladie par trois chez les hétérozygotes et par 15 chez les homozygotes » (p.388, ma traduction) alors que cette méta-analyse fait état d’odds ratios ayant ces valeurs, sans compter qu’elle indique que ces valeurs ne sont valables que pour « les caucasiens ». Il reste possible que ces chercheurs ignorent simplement la différence entre odds ratio et risk ratio, mais ce serait surprenant – et affligeant.

[29] Cf Inserm, 2007r, op. cit., p.79 : « Récemment, une autre étude regroupant 11 884 paires de jumeaux dont 392 présentaient au moins un individu développant une maladie d’Alzheimer, a permis d’établir que cette composante génétique expliquerait à elle seule de 60 à 80 % des facteurs causaux de la maladie d’Alzheimer (Gatz et coll., 2006). » Plus prudents que Blennow et ses collègues qui n’ont retenu que la plus haute des deux estimations données dans le résumé de l’article (58% et 79%), les auteurs du rapport ont repris les deux, en les reformulant toutefois indument en termes de fourchette. Ils ont également fait disparaître une partie de l’incertitude associée au mode de diagnostic en écrivant « développant une maladie d’Alzheimer » au lieu de « ayant reçu le diagnostic de maladie d’Alzheimer probable ou possible ». On notera la contradiction entre le conditionnel « expliquerait » et le très affirmatif « a permis d’établir », comme si les auteurs avaient souhaité manifester leur conviction que le projet de recherche de facteurs génétiques était solidement fondé tout en conservant un doute quant au fait que l’étude citée établissait réellement ce résultat. La mention du nombre impressionnant de 11 884 paires de jumeaux semble avoir pour fonction de (se) convaincre que ces résultats sont solides, les calculs de concordances entre jumeaux retenus par les auteurs pour calculer cette estimation ayant pourtant été faits sur un sous-ensemble de 4255 paires de cet échantillon initial (cf le nombre de paires complètes indiqué dans la Table 1 de Gatz et al., 2006, et p.170 : « incomplete pairs […] contributed information for the estimation of thresholds but not for twin resemblance»). Mon hypothèse est que les auteurs n’avaient simplement pas les ressources (temps et/ou compétences) nécessaires pour examiner soigneusement cet article et évaluer la solidité de ses estimations.

[30] Pour un compte rendu pas trop biaisé (mais l’étant toutefois, par exemple dans sa surévaluation du risk ratio associé à ApoE-e4) de l’état des recherches sur la question écrit juste avant la « découverte » du gène TREM2 dont il est question ici, voir Karolien Bettens, Kristel Sleegers, Christine Van Broeckhoven, 2013, Genetic insights in Alzheimer’s disease, Lancet Neurology, vol.12, p.92-104. On notera que les auteures distinguent l’identification de variantes génétiques par les études d’association génétiques de l’identification des « vraies » variantes de risque qui « pourraient » aider à comprendre sa pathogénèse (« Elucidation of the true risk variants might bring about important insights into pathomechanisms of disease. […] strong association does not necessarily imply causality »).

[31] rs79011726, chr6:41236977, rs142232675, rs143332484, chr6:41237236 et rs75932628, selon Jonsson et al. (2013), données supplémentaires en ligne, table S1.

[32] La différence entre porteurs et non porteurs de la mutation de TREM2 était selon leurs dires significative à p=0.048, i.e. même s’il n’y a en réalité aucune différence entre porteurs et non porteurs dans l’âge d’apparition de la maladie, les chercheurs avaient une chance sur 20 d’en trouver une dans cette réunion des échantillons islandais et néerlandais.

[33] Dans ce document associé en ligne à l’article, les auteurs déclarent eux-mêmes les liens financier existant ou ayant existé au cours des trois dernières années susceptibles de constituer des conflits d’intérêt. En ne retenant que les liens avec des entreprises commerciales, j’ai relevé que Ingileif Jonsdottir et Kari Stefansson déclarent avoir reçu des actions ou des stock options de deCODE Genetics, et que Thorlakur Jonsson, Augustine Kong, Ingileif Jonsdottir, Stacy Steinberg, Unnur Thorsteinsdottir et Kari Stefansson déclarent leur statut d’employés de DeCODE Genetics (mais pas Hreinn Stefansson bien que cela soit mentionné en première page de l’article). Ingileif Jonsdottir déclare en outre sa rémunération en tant que membre du conseil scientifique de EVI, pour des prestations de service par NordForsk, et pour des conférences par Pfizer. Trois autres cosignataires non membres de deCODE déclarent des conflit d’intérêt potentiels conséquents : Harald Hampel déclare sa rémunération par diverses firmes biopharmaceutiques pour des prestations de service (B.R.A.H.M.S. Biotech, Pfizer, GSK Bio, Novartis, BMS, Sanofi-Aventis, Schwabe GmbH, Eli Lilly / Avid, Elan, GE Healthcare, Janssen-Cilag, Merz Pharmaceuticals, Hoffmann-La Roche, Boehringer-Ingelheim, Astra Zeneca, Wyeth et Eisai) et pour des conférences (Pfizer, GSK Bio, Novartis, Sanofi-Aventis, Schwabe GmbH, GE Healthcare, Merz Pharmaceuticals, Hoffmann-La Roche, Boehringer-Ingelheim et Eisai), et il déclare également que son institution de rattachement a reçu ou est en attente de financement de Hoffmann-La Roche, GE Healthcare, Novartis, Sanofi-Aventis et Genentech (excusez du peu !) ; James Lah déclare que son institution de rattachement a reçu ou est en attente de financements de Ceregene, Elan, Janssen, Merck, Medivation et Bristol-Myers Squibb ; Allan Levey déclare sa rémunération en tant que membre du conseil d’administration de Genomind.

[34] Thorlakur Jonsson, Hreinn Stefansson, Stacy Steinberg, Ingileif Jonsdottir, Unnur Thorsteinsdottir et Augustine Kong. Leur appartenance à cette entreprise est clairement indiquée en première page de l’article du NEJM.

[35] Palmi V. Jonsson , Jon Snaedal et Sigurbjorn Bjornsson, médecins au Landspitali University Hospital selon la première page de l’article du NEJM. Ingileif Jonsdottir est également employée comme chercheur dans cet hôpital depuis 1984, bien que ce rattachement ne soit curieusement pas mentionné dans la première page de l’article (cf http://lifvisindi.hi.is/staff/ingileif-jonsdottir, accédé le 7 novembre 2013).

[36] Pour DeCODE Genetics et son histoire, j’ai utilisé http://fr.wikipedia.org/wiki/DeCODE_Genetics et http://en.wikipedia.org/wiki/DeCODE_genetics (accédés le 5 novembre 2013), http://www.geneticliteracyproject.org/2012/12/13/genetic-testing-service-decodeme-shutting-down-in-wake-of-amgendecode-deal/, http://www.prnewswire.com/news-releases/decode-genetics-announces-webcast-of-presentation-at-the-nasdaq-us-small-cap-conference-55215397.html, http://www.decode.com/decode-requests-hearing-with-nasdaq-following-receipt-of-staff-determination-letter/, http://www.wikinvest.com/stock/DeCODE_genetics_(DCGN), http://www.wikinvest.com/stock/DeCODE_genetics_(DCGN)/Filing/10-K/2006/F83581802, et http://www.wikinvest.com/stock/DeCODE_genetics_(DCGN)/Filing/8-K/2010/F83581621 (accédés le 7 novembre 2013).

[37] http://www.nature.com/nature/journal/v488/n7409/full/nature11283.html. Cette publication avait fait l’objet d’une dépêche AFP et d’annonces plus ou moins prudentes et plus ou moins pertinentes sur divers sites francophones : voir par exemple http://www.europe1.fr/International/La-mutation-genetique-qui-protegerait-d-Alzheimer-1167595/, http://www.huffingtonpost.fr/2012/07/12/alzheimer–une-mutation-genetique-protegerait-islandais_n_1668352.html, http://www.santelog.com/news/neurologie-psychologie/alzheimer-la-mutation-genetique-islandaise-qu-on-voudrait-tous-avoir_8672_lirelasuite.htm, http://www.maxisciences.com/alzheimer/une-mutation-genetique-protegerait-d-039-alzheimer_art25732.html, ou encore http://www.allodocteurs.fr/actualite-sante-alzheimer-une-mutation-genetique-protectrice–7712.asp?1=1.

[38] Cf http://www.forbes.com/sites/matthewherper/2012/12/10/with-decode-deal-amgen-aims-to-discover-drugs-like-we-meant-to-1999/ (accédé le 7 novembre 2013).

[39] Cf A.W. Butler, M.L. Hamshere et al., 2009, Meta-analysis of linkage studies for Alzheimer’s disease – a web resource, Neurobiology of Aging, vol.30(7), p.1037-1047 (p. 1037, traduit par moi).

[40] Cf les références citées dans Guerreiro et al. (2013) : A) Juha Paloneva, Tuula Manninen et al., 2002, Mutations in two genes encoding different subunits of a receptor signaling complex result in an identical disease phenotype, American Journal of Human Genetics, vol.71(3), p. 656-662, en accès libre sur www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC379202/. Les cinq mutations identifiées ici et SNP correspondants le cas échéant sont W78X (rs104893998), K186N (rs28937876), D134G (rs28939079), C au lieu de T à 482+2, et W44X (rs104894001). B) Rita Guerreiro, Ebba Lohmann et al., 2013, Using exome sequencing to reveal mutations in TREM2 presenting as a frontotemporal dementia-like syndrome without bone involvement, Archives of Neurology, (pré-publié en ligne le 8 octobre 2012), en accès libre sur http://archneur.jamanetwork.com/article.aspx?articleID=1377555. Les trois mutations identifiées ici sont Q33X (rs104894002), Y38C et T66M. Pour mémoire, la mutation mise en avant par Jonsson et al (2013) et par Guerreiro et al (2013) est la permutation R47H (SNP correspondant = rs75932628).

[41] Cf Marino Muxfeldt Bianchin, Ana Lucia Abujamra, Ivan Izquierdo, 2013, TREM2, Frontotemporal Dementia-Like Disease, Nasu-Hakola Disease, and Alzheimer Dementia: A Chicken and Egg Problem?, JAMA Neurology (ex-Archives of Neurology), 70(6), p.805-806. Les auteurs formulent l’hypothèse que dans le cas de la maladie de Nasu-Hakola et de la démence fronto-temporale, la perte de fonction de TREM2 et/ou d’un autre gène entraînerait un dysfonctionnement de la microglie aboutissant in fine à la dégénérescence des neurones et aux symptômes associés, alors que dans le cas de la maladie d’Alzheimer, celle-ci causerait d’abord une dégénérescence des neurones qui entraînerait une réaction de la microglie, et le dysfonctionnement de TREM2 possiblement induit par la possession d’une copie mutée altèrerait cette réaction de sorte que cela accélèrerait la progression de la maladie.

[42] A la fin des données supplémentaires en ligne, les auteurs remercient Genentech et Pfizer en précisant qu’ils n’ont joué aucun rôle « dans la décision de publier » (sic) ce travail. Par ailleurs, en ne retenant que les liens financiers avec des entités commerciales (sachant que de nombreux financements reçus d’Alzheimer Research UK, du MRC britannique, des NIH étasuniens, de l’Alzheimer Association, etc, sont à juste titre également déclarés par les auteurs en tant que « conflits d’intérêts potentiels »), on trouve les déclarations suivantes dans le document associé en ligne à l’article : John Hardy (auteur correspondant) déclare le cofinancement de cette étude par Fidelity (qui a aussi financé une série documentaire sur Alzheimer), sa rémunération pour des prestations de service par Eisai dans les domaines d’Alzheimer et de Parkinson, et des honoraires reçus de Neotope (une branche d’Elan spécialisée dans la recherche sur Alzheimer dont le lancement en bourse à la fin de l’année avait été annoncé trois mois avant la publication du présent article); Philippe Amouyel déclare sa rémunération pour des prestations de service par Servier, Total et Genoscreen (société lilloise spécialisée en génomique pour laquelle il a déposé des brevets sur des biomarqueurs génétiques relatifs à Alzheimer notamment), la possession d’actions ou stock-options de Genoscreen, la fourniture de prestations de service à AlzProtect à titre gratuit (son recrutement comme membre du conseil scientifique d’Alzprotect a été annoncé moins de deux mois après la publication du présent article), et que son institution de rattachement a reçu ou est en attente de financements de SanofiAventis, Ipsen et AstraZeneca; John Collinge déclare son statut de membre du conseil d’administration de D-Gen Limited et la possession d’actions ou stock-options de cette entreprise ; Nick Fox déclare sa fourniture de prestations de service à GE Healthcase, Janssen-Cilag, Janssen-Elan, AVID Radiopharmaceuticals, Lilly, Eisai et Johnson & Johnson; Alison Goate déclare sa rémunération pour divers types de missions par Finnegan, Howrey & Associates, Dickstein Shapiro, Pfizer et Genentech, et que son institution de rattachement a reçu ou est en attente de financements de Genentech et de Pfizer dans les deux cas pour des projets de recherche sur la génétique de la maladie d’Alzheimer; Simon Lovestone déclare sa rémunération par Lundbeck pour des conférences ; Patricia Mecocci déclare sa rémunération en tant que membre du conseil d’administration de Lundbeck, pour des prestations de service par Lundbeck, Shire, Pfizer, Novartis et Baxter, et pour des conférences par Lundbeck, Pfizer et Novartis; John Morris déclare sa rémunération pour des prestations de services par Eisai, GlaxoSmithKline, Novartis, Otsuka Pharmaceuticals, Pfizer, Avid Radiopharmaceuticals, Esteve et Janssen et pour des conférences par Ohio Wesleyan, ABA Soriano Lectureship, Morrell Lecture, Eisai et Bial Neurology Forum, et que son institution de rattachement a reçu ou est en attente de financements du Janssen Alzheimer Immunotherapy Program et de Pfizer ; Ronald Petersen déclare sa rémunération pour des prestations de service par Pfizer, Janssen Alzheimer Immunotherapy, Elan Pharmaceuticals et GE Healthcare, et pour une conférence par Novartis Pharmaceuticals; Tamas Revesz déclare sa rémunération pour des prestations de service par MerckSerono et pour une conférence par Novartis, et avoir reçu ou être en attente de financement à titre personnel par plusieurs entités dont Orion Pharma; Martin Rossor déclare la rémunération de son institution pour sa participation à l’essai clinique Pfizer/Janssen Immunotherapy pour Alzheimer; Magdalini Tsolaki déclare sa rémunération pour des conférences par Novartis et Pfizer.

[43] La PAF (population-attributable fraction) est égale à f*(OR – 1)/(1 + f*(OR – 1)), avec f = fréquence de l’allèle dans la population considérée. En tablant sur un odds ratio de 3, on trouve PAF = 0.5 avec f = 0.5% et PAF = 0.09 % avec f = 0.05%. Bertram et al. (2013) considère que la fraction des cas d’Alzheimer attribuable à cette mutation serait d’au mieux 1.5% et plus probablement inférieure à 0.5%, qu’il compare à 25% ou plus estimée pour ApoE-e4. Cuyvers et al. (2013) estiment quant à eux que seuls 0.55% des cas d’Alzheimer en Flandres pourraient être attribués à cette mutation contre plus de 30 % pour ApoE-e4 selon leurs données. Gonzalez-Murcia et al. (2013) estiment à 0.4 % la part des cas d’Alzheimer attribuables à cette mutation contre 20% pour ApoE-e4 dans la région des Etats-Unis considérée dans leurs données. Sources citées : cf note 49.

[44] Le mauvais usage consistant à interpréter l’odds ratio d’une étude cas-témoins comme s’il s’agissait d’un risk ratio a été dénoncé maintes fois depuis la fin des années 1990, cette pratique restant malheureusement courante dans la littérature scientifique et chez les journalistes. Pour plus de details sur le sujet, voir par exemple Carsten Oliver Schmidt, Thomas Kohlmann, 2008, When to use the odds ratio or the relative risk?, International Journal of Public Health, vol.53(3), p.165-167.

[45] Cf Mark Furness, 02/12/2012, « Maladie d’Alzheimer : la piste génétique se précise », en ligne sur www.rtflash.fr (accédé le 12 nov 2013), et Le Monde.fr avec AFP, 15/11/2012, « Une nouvelle variation génétique liée à Alzheimer découverte », en ligne sur la page santé de www.lemonde.fr (accédé le 11 nov 2013). L’article du Monde.fr est la reprise quasi à l’identique (légère modification du titre, correction de trois fautes de français et ajout de l’intertitre « Ni suffisant ni nécessaire pour déclencher Alzheimer ») de la version courte de la dépêche AFP émise le jour même par js/abl, qui ont émis un peu plus tard une version rallongée d’un paragraphe.

[46] Cf Information Presse [Contact chercheur : Philippe Amouyel], 15/11/2012, « Un nouveau facteur de susceptibilité génétique de la maladie d’Alzheimer découvert grâce à l’étude d’une maladie rare », en ligne sur http://www.inserm.fr/espace-journalistes/un-nouveau-facteur-de-susceptibilite-genetique-de-la-maladie-d-alzheimer-decouvert-grace-a-l-etude-d-une-maladie-rare (accédé le 6 nov 2013). Concernant les conflits d’intérêts potentiels déclarés de Philippe Amouyel, cf note 42.

[46′] [note ajoutée le 27/12/2013] Voir par exemple le dépliant d’appel aux dons de l’Institut Pasteur de Lille daté du 4 février 2013 en ligne sur http://www.pasteur-lille.fr/userfiles/images/actus/depliant_alzheimer.pdf. On peut notamment y lire ceci : « En France, 900 000 personnes sont atteintes d’Alzheimer et elles sont 160 000 de plus chaque année. […] “Dès 2009, nous avons pu identifier le gène CR1, connu pour participer à notre système de défense immunitaire. En 2012, nous avons pu montrer qu’il y avait un risque cinq fois plus élevé de développer la maladie d’Alzheimer lorsqu’on était porteur de mutations dans le gène TREM2. Or ce gène est aussi impliqué dans cette ligne de défense !” [propos attribués à Philippe Amouyel] Pourquoi notre découverte du gène TREM2 est porteuse d’espoir […] Le gène TREM2 qui joue un grand rôle dans nos défenses naturelles face aux maladies n’est plus efficace dès lors qu’il a muté. Or, on a constaté que des cas de maladie d’Alzheimer se développaient après mutation du gène TREM2. Cela confirme bien l’implication de notre système immunitaire dans la maladie d’Alzheimer. En quoi est-ce une avancée majeure ? Cela nous ouvre une voie nouvelle de recherche pour lutter contre ce fléau. Quelle est la prochaine étape ? Trouver les moyens de stimuler notre système immunitaire pour l’aider à prévenir l’apparation de la maladie et gagner ce combat. Et à terme ? Dans les prochaines années, cette découverte pourrait aboutir à un traitement qui modulerait le système immunitaire. Il permettrait d’enrayer, voir de guérir cette maladie d’Alzheimer ! »

[47] Voir http://www.medpagetoday.com/Geriatrics/AlzheimersDisease/35958, news prudente datée du 14/11 qui semble avoir été la principale source d’inspiration de la dépêche AFP datée du 15/11, à la fin de laquelle un encadré précise : « Stefansson and colleagues reported relationships with Pfizer, GlaxoSmithKline, Novartis, Bristol-Myers Squibb, Sanofi, Schwabe, Eli Lilly/Avid, Elan, GE Healthcare, Janssen-Cilag, Merz, Roche, Boehringer Ingelheim, AstraZeneca, Wyeth, Esai, Genentech, EVI, Nordforsk, Ceregene, Medivation, and Merck. Several authors were deCode employees. ».

[48] Je n’ai trouvé aucune reprise de cette info en ligne à part par LeMonde.fr et des sites mineurs tels que santelog.com ou encore u-mutuelles.fr. La rédaction de ce dernier site s’est distinguée par sa nullité crasse en titrant « Une découverte qui explique la cause du développement de la maladie d’Alzheimer » (!) et en produisant un texte bourré d’idioties telles que « les chercheurs français ont découvert un nouveau facteur pouvant entraîner l’Alzheimer », « Monsieur Philippe Amouyel a expliqué que la mutation du gène TREM 2 n’est pas héréditaire », ou « De nouvelles pistes de traitements sont donc ouverts [sic] pour aider les souffrants de cette maladie qui touche plus de 850 000 Français » (21/11/2012, en ligne sur http://u-mutuelles.fr, accédé le 6 nov 2013). L’auteur (anonyme) s’est visiblement exclusivement basé sur la description de l’événement faite par Philippe Amouyel et l’a comprise de travers. L’identification d’une mutation génétique protectrice vis-à-vis de la forme tardive courante d’Alzheimer annoncée en juillet 2012 par Kari Stefansson avait quant à elle également fait l’objet d’une dépêche AFP et d’annonces plus ou moins sérieuses ou fantaisistes sur divers sites (voir http://www.europe1.fr/International/La-mutation-genetique-qui-protegerait-d-Alzheimer-1167595/, http://www.huffingtonpost.fr/2012/07/12/alzheimer–une-mutation-genetique-protegerait-islandais_n_1668352.html, http://www.santelog.com/news/neurologie-psychologie/alzheimer-la-mutation-genetique-islandaise-qu-on-voudrait-tous-avoir_8672_lirelasuite.htm, http://www.maxisciences.com/alzheimer/une-mutation-genetique-protegerait-d-039-alzheimer_art25732.html, http://www.allodocteurs.fr/actualite-sante-alzheimer-une-mutation-genetique-protectrice–7712.asp?1=1). La dépêche AFP était cette fois moins prudente, faisant notamment miroiter des perspectives de traitement, ce qui peut expliquer qu’elle ait été davantage reprise que celle de novembre 2012. Elle stipulait toutefois clairement l’appartenance de Kari Stefansson à « la compagnie deCODE Genetics » et le fait que parmi les cosignataires de l’étude figurait un chercheur « travaillant pour la firme américaine Genentech », ce qui peut expliquer qu’elle ait été peu reprise comparativement à des dépêches du même type.

[49] – Publié en janvier 2013 : Pottier et al. (2013) ont recherché les associations possible entre variantes de l’exon 2 de TREM2 et la forme précoce (<= 65 ans) d’Alzheimer chez des “Caucasiens d’origine française” (726 cas « probables » et 783 contrôles). Sur les 8 variantes trouvés dans cet échantillon, seule la mutation p.R47H était significativement associé à la maladie (OR = 4.07, i.c. à 95% = 1.3 à 16.9), y compris en combinant leurs données avec celles de Guerreiro et collègues (les auteurs soulignent en particulier que l’association avec D87N n’était pas significative).
– Publié en février 2013 : Benitez et al. (2013) ont étudié cette association chez des sujets « espagnols d’origine espagnole » : 180 atteints de la forme précoce, 324 atteints de la forme tardive (diagnostic « probable » dans les deux cas) et 550 contrôles. Ils ont trouvé la mutation p.R47H chez 4 des premiers, 3 des seconds, et aucun des derniers (le calcul d’un OR étant de ce fait impossible). Les trois autres mutations de TREM2 également génotypées étaient soit absentes (p.Q33 /rs104894002) soit non significativement associées à la maladie (p.D87N/rs142232675 et p.R62H/ rs143332484).
– Publié en avril 2013 : Giraldo et al. (2013) ont trouvé pour la mutation p.R47H, dans la combinaison d’échantillons tirés de banques de cerveaux états-uniennes et européennes de 1990 sujets avec une neuropathologie de type Alzheimer et 1158 contrôles (tous « d’origine européenne » auto-définie), un OR = 2.9 non statistiquement significatif (i.c. à 95% = 0.3 à 137.7)
– Publié en juillet 2013 : Gonzalez-Murcia et al. (2013) rapportent l’étude d’association de la maladie à la variation R47H genotypée chez 427 cas (diagnostic « probable ») et 2540 contrôles en population générale d’une région des Etats-Unis. Ils trouvent un OR de 3.5 (i.c. à 95% = 1.3 à 8.8).
– Publié en septembre 2013 : Ruiz et al. (2014) rapportent un OR = 4.12 (i.c. à 95% = 1.21 à 14.00) sur un échantillon d’Espagnols tous « d’origine européenne », 3172 ayant reçu le diagnostic d’Alzheimer probable dont 466 atteints de la forme précoce et 2169 contrôles. En méta-analysant ces données et celles des 4 premières études ayant rapporté une association entre Alzheimer et la mutation p.R47H, ils trouvent un OR = 4.11 (i.c. à 95% = 2.99 à 5.68). Je note qu’ils interprètent de manière erronée cet OR comme une multiplication du risque de développer la maladie, et surtout que leur méta-analyse est fortement biaisée : ils ont choisi de retenir de Guerreiro et al. (2013) les échantillons n°1 et 3 et pas le 2 de taille plus importante dans lequel l’OR n’était que de 1.99 (sans le signaler ni a fortiori le justifier dans l’article), et ils ont choisi de retenir pour l’échantillon islandais étudié par Jonsson et al. (2013) l’OR de 4.66 obtenu en limitant le groupe témoin aux sujets de 85 ans et plus ayant obtenu le score maximal au test d’intégrité cognitive (là encore sans le signaler ni a fortiori le justifier, ce choix étant de fait totalement injustifiable).
– Publié le 9 octobre 2013 : Cuyvers et al. (2014) rapportent l’étude systématique de toute la région codante de TREM2 sur un échantillon d’habitants des Flandres (Belgique) contenant 1216 cas d’Alzheimer probable ou possible et 1094 contrôles. Les auteurs ont trouvé un OR = 3.01 non statistiquement significatif (i.c. à 95% = 0.83 à 10.94) pour R47H. Comme Ruiz et al. (2014), ils présentent une méta-analyse de leur étude regroupée avec les précédentes, en ignorant eux aussi l’OR de l’échantillon n°2 de Guerreiro et al. obtenu par imputation, mais en prenant en revanche l’OR pertinent de Jonsson et al. (2.26), et en ajoutant ceux de Gonzalez-Murcia et al. et de Giraldo et al. (pourtant obtenu par imputation comme celui ignoré de Guerreiro et al). Ils obtiennent ainsi OR = 2.76 (i.c. à 95% = 2.1 à 3.28), et OR = 3.87 (i.c. à 95% = 1.91 à 6.99) en excluant les échantillons de découverte de Guerreiro et al. et de Jonsson et al.
– Publié le 17 octobre 2013 : Bertram et al. (2013) ont génotypé 6421 échantillons d’ADN issus de trois cohortes familliales (NIMH-Alzheimer Disease Genetics Initiative Family Study, National Cell Repository for Alzheimer’s Disease et NIA-LOAD) et quatre cohortes de cas-témoins (NIA-LOAD, GenADA, TGEN2 et ADNI) tous étatsuniens. Ils ont trouvé sur cette base un OR = 1.7 seulement (i.c. non communiqué, a priori moins large que les précédents au vu de la taille de l’échantillon). A noter que dans un poster présenté au dernier colloque de l’American Society of Human Genetics (22-26 octobre 2013), ces auteurs ont rapporté un OR = 1.48 (i.c. à 95% = 0.94 à 2.35) sur un échantillon plus large restreint aux sujets « caucasiens » de six de ces cohortes.
– Publié le 17 octobre 2013 : Reitz et Mayeux (2013) ont tenté de répliquer les résultats de Guerreiro et al. et Jonsson et al. sur un échantillon de 5896 sujets « noirs ». Parmi les 154 SNPs testés situés dans ou à proximité du gène TREM2, cinq étaient significativement associés à la maladie d’Alzheimer, mais pas rs75932628 (les auteurs expliquent qu’il n’a pas passé le contrôle qualité car il était présent chez 0.09% des sujets). Parmi ces cinq variantes, celle ayant la plus forte association était l’allèle G du marqueur rs7748513, avec un odds ratio très modeste de 1.16 (i.c. à 95% = 1.11 à 1.21). Les auteurs disent avoir relevé dans leur échantillon une association statistique entre ce marqueur et celui identifié par les autres (rs75932628/R47H), mais ils ne la quantifient pas.
– Publié le 17 octobre 2013 : Guerreiro et Hardy (2013) ont fait une méta-analyse n’incluant que les études publiées avant mai 2013. Comme les autres ils en excluent (sans le signaler) leur gros échantillon sur lequel ils n’avaient trouvé que 2.0, mais incluent celui de Giraldo et al ayant pourtant utilisé de même une technique d’imputation. De Jonsson et al, ils choisissent de retenir l’OR obtenu avec les témoins de + 85 ans (cette méta-analyse mélange donc des choux et des carottes comme celle de Ruiz et al). Pour Benitez et al ils retiennent un OR de 10 environ, soit à peu près la même valeur que dans Cuyvers et el mais associée à un intervalle de confiance curieusement bien plus restreint, également moins large que dans Ruiz et al qui ont quant à eux retenu 7.7 pour Benitez er al.
– NB : le 27 octobre 2013, les chercheurs du European Alzheimer’s Disease Initiative Consortium ont publié les résultats de la plus vaste étude d’association génétique jamais faite sur Alzheimer (Lambert et al., 2013). L’analyse de dizaines de milliers de variantes génétiques (SNPs) chez plus de 74 000 sujets européens a permis d’en identifier 20 (hors ApoE) significativement associées à Alzheimer et 13 dont l’association approchait la significativité, aucune ne se trouvant au niveau du gène TREM2. Cette étude ne constitue cependant pas un échec de réplication, car les variantes portées par moins de 1% des sujets de l’échantillon ont été éliminées d’emblée, et donc certainement R47H en particulier.
Références citées : Pottier et al., 2013, TREM2 R47H variant as a risk factor for early-onset Alzheimer’s disease, Jour. of Alzheimer’s Disease, vol.35(1), p.45-49; Benitez et al., 2013 [publication avancée en ligne], TREM2 is associated with the risk of Alzheimer’s disease in Spanish population, Neurobiol. of Aging, vol.34(6); Giraldo et al., 2013 [publication avancée en ligne], Variants in triggering receptor expressed on myeloid cells 2 are associated with both behavioral variant frontotemporal lobar degeneration and Alzheimer’s disease, Neurobiol. of Aging, vol. 34; Gonzalez-Murcia et al., 2013 [publication avancée en ligne], Assessment of TREM2 rs75932628 association with Alzheimer’s disease in a population-based sample: the Cache County Study, Neurobiol. of Aging, vol.34(12); A. Ruiz, O. Dols-Icardo et al., 2014 [publication avancée en ligne], Assessing the role of the TREM2 p.R47H variant as a risk factor for Alzheimer’s disease and frontotemporal dementia, Neurobiol. of Aging, vol.35(2); Cuyvers et al., 2014 [sous presse, publication avancée en ligne], Investigating the role of rare heterozygous TREM2 variants in Alzheimer’s disease and frontotemporal dementia, Neurobiol. of Aging; Bertram et al., 2013 [publication avancée en ligne], TREM2 and neurodegenerative disease, NEJM, vol.319(16), p.1565; Reitz et Mayeux, 2013 [publication avancée en ligne], TREM2 and neurodegenerative disease, NEJM, vol.319(16), p.1564; Guerreiro et Hardy, 2013 [publication avancée en ligne], TREM2 and neurodegenerative disease, NEJM, vol.319(16), p.1569-70; Lambert et al., 2013, Meta-analysis of 74,046 individuals identifies 11 new susceptibility loci for Alzheimer’s disease, Nature Genetics, vol.45, p. 1452-1458 (auteurs correspondants : Philippe Amouyel et Julie Williams).

[50] Cf http://www.brainmapping.org/NITP/images/Summer2012Slides/ENIGMA-Thompson.pdf (accédé le 04/11/2013).

[51] Cf http://www.scpr.org/news/2013/05/10/37198/brain-transplant-ucla-s-loni-neuro-imaging-lab-is/, http://articles.latimes.com/2013/may/10/local/la-me-0510-usc-ucla-brain-research-20130510 et http://articles.latimes.com/2013/may/18/local/la-me-usc-ucla-recruit-20130518.

[52] A. Ruiz, O. Dols-Icardo et al., 2014 [publication avancée en ligne le 13 septembre 2013], Assessing the role of the TREM2 p.R47H variant as a risk factor for Alzheimer’s disease and frontotemporal dementia, Neurobiology of Aging, vol.35(2).

[53] La dépêche en anglais est accessible ici (sans les initiales des journalistes). Pour commencer, le titre reformule en lien de causalité une corrélation et est abusivement affirmatif et généralisateur : « Une mutation génétique accélère le déclin cérébral dans la maladie d’Alzheimer », sans compter que l’article du NEJM ne dit pas que les porteurs de l’allèle étaient atteints de la maladie, et que s’ils l’étaient, ça signifierait comme on l’a vu que la mutation ralentit au contraire l’atrophie cérébrale dans la maladie d’Alzheimer. Ensuite, les journalistes passent complètement à côté du fait que les résultats de Thompson ne concernent pas la fameuse mutation de TREM2, bien que ça soit signalé dans l’article de Thompson et dans la réponse de Jonssson et Stefansson (« Rajagopalan et al. indicate that rs9394721, a proxy for rs75932628, correlates with several biologic and pathologic measures of Alzheimer’s disease in an elderly population »). Ils précisent dans un premier temps « deux fois plus vite que les personnes âgées en bonne santé » (conforme à la source NEJM) mais se trompent ensuite en parlant de détérioration deux fois plus rapide que « chez les non-porteurs » (non conforme à la source, erreur issue du communiqué de presse). Ils mésinterprètent également, sans doute guidés sur cette fausse piste par le communiqué, la manière dont la région d’intérêt a été constituée (« La perte de tissu cérébral était concentrée dans les centres de la mémoire, incluant le lobe temporal et l’hippocampe »). Enfin, ils affirment fallacieusement qu’une étude a confirmé le lien entre la fameuse mutation de TREM2 et Alzheimer « chez les noirs aussi » (je ne sais pas s’ils ont lu trop vite et compris de travers l’article de Reitz et Mayeux ou s’ils se basent ici sur une source secondaire erronée).

17 réflexions sur « Alzheimer : les facteurs de risque de désinformation se précisent »

  1. Bonne surprise, je ne m’attendais pas à ce que vous rebondissiez sur ce sujet!

    Merci pour cet article ! Votre site est d’utilité publique, quoi qu’en dise certains!

    Il mérite d’être mieux connu et surtout présenté comme exemple auprès des étudiants qui côtoient la production d’articles scientifiques, ce dont je ne me prive pas de faire.

    L’apparition dans le langage courant de plus en plus régulièrement du “une étude à montré que” comme preuve irréfutable de l’argument avancé démontre toute l’importance des analyses critiques que vous portez.

    Encore merci d’investir autant d’énergie (car il en faut!) dans cet espace critique qui est malheureusement peu soutenu.

  2. Travail admirable et cela pour trois raisons : La première, votre article est clair et compréhensible pour une personne n’évoluant pas dans le domaine des bio-sciences (comme moi), la deuxième, l’étude des sources et leur vérifications, la troisième, vous dégonfler des outres pleines de vent.
    A la lecture de votre article je suis dubitatif sur cette volonté de certains chercheurs à vouloir prouver absolument que la maladie d’Alzheimer serait d’origine génétique et très abusivement héréditaire, les conflits d’intérêts ne sont certainement pas étrangers à cet axe de recherche mais n’expliquent certainement pas tout. Je pense que le vieux fond puritain anglo-saxon qui ne voit dans chaque individu uniquement un individu entièrement responsable de ses actes y compris la maladie, permet en fait d’escamoter l’environnement dans lequel cet individu vit. Cet environnement, familial, niveau de vie, contacts ou non avec des polluants, durant sa gestation ou après,la liste est certainement beaucoup plus longue, peut, je pense être un facteur peu être pris en compte.
    Encore toute mon admiration.

  3. “Nous” avons un double problème, avec “la science”.

    – D’une part, une science hyper-réductionniste, qui conduit à des conclusions dites scientifiques, mais limitées par le champ étudié, structurellement hyper restreint (un transgénéticien ne s’inquiète qu’à la marge des relations de niveaux supérieurs, voire inférieurs.).

    – D’autre part, un contexte ultra-libéral qui conduit à faire dire/imposer des conditions de rentabilité à des processus qui demandent de la liberté, de l’imagination, du temps… toutes choses non réductibles à une ligne sur un bilan.

    Une meilleure science est possible, si le “système scientifique” (les scientifiques, ceux qui financent et/ou contrôlent) peut à la fois, s’attacher à une approche multidisciplinaire PAR DEFAUT et se libérer de la contrainte de l’idéologie du fric.

    Le réductionnisme structurel conduit au développement de micro-solutions ultra spécialisées, et plus facilement vendables. Et tant pis si cette micro-solution induit des problèmes à d’autres niveaux, non pris en compte au départ… en raison justement du réductionnisme de base.

    Ajoutons une pincée de confiance souvent excessive dans la techno-science: elle a de fait produit des résultat impressionnants, et utiles… ce qui permet, comme c’est pratique, d’esquiver les conséquences non prévues: “la science” peut tout!

    Nous avons là un système très efficace et très difficile à “réorganiser,” en particulier dans le contexte idéologique de notre temps. On “inventera” un nouvel OGM pour “corriger” les problèmes produits par les anciens. L’approche est excellente pour le commerce. Elle l’est aussi en donnant du travail aux spécialistes. Est-elle vraiment bonne à moyen et long terme ?… En tous cas, “le marché” s’en moque, qui ne voit l’avenir que dans le court terme immédiatement exprimable en ligne comptable.

    Supposer qu’il suffise que les Etats financent quelques modestes recherches publiques dans leur coin pour “contrer” cette approche mercantile me semble totalement illusoire. La science n’est pas seule à être corrompue.

    En tout cas, tout ce qui reste au clampin ordinaire, c’est peut-être (surtout) un esprit critique incisif… et pour commencer, à se rendre compte qu’il y a plusieurs façons de FAIRE de la science, et que la plus “durable” (?) n’est peut-être pas celle qui nous est vendue.

  4. Félicitation pour le travail colossal qu’a dû demander cet article.
    Je reconnais que je ne l’ai lu en totalité (euphémisme) bien que le sujet m’intéresse, mon père ayant été atteint de cette maladie.
    Cet article m’a dissuadé de faire tester le gène apoE4 comme j’en avais eu l’intention…

  5. Votre contribution riche et exigeante témoigne d’un grand respect pour le simple citoyen qui comme moi essaie de comprendre ce qui se passe autour de nous. Elle ouvre de nombreuses pistes de réflexion, autour des connaissances sur Alzheimer et de leur diffusion. Merci de ce cadeau de Noël.

  6. Bonjour Odile,
    Cet article est juste indigeste, votre analyse est extrêmement longue et pointue et je pense qu’une majorité va vite déconnecter àl lecture. Dommage de ne pas vulgariser en un rendu plus léger et synthétique et de réserver en lien votre démarche pour ceux qui sont concernés par vos propos…
    Sinon, chapeau bas, je vous souhaite tous les échos et la juste gratification pour ce travail titanesque !

  7. Bonjour Madame Fillod

    Je suis médecin et je voudrais simplement vous dire que je partage tout à fait l’avis précédent : la longueur et la lourdeur de votre démonstration la rend parfaitement indigeste et, finalement, incompréhensible et peu convaincante.

    Il se trouve que je lis régulièrement, comme nombre de mes confrères, depuis des années la revue RTFlash que vous citez. Il s’agit d’une lettre d’informations scientifiques sérieuse, honnête et indépendante, comme le montrent les excellents éditoriaux de Monsieur Trégouet qui prend souvent des positions iconoclastes sur des sujets importants.

    Il existe un vieil adage qui dit que “Le mieux est l’ennemi du bien” et vous vous êtes manifestement noyée dans votre démonstration, emportée par votre désir de
    prouver à tout prix “l’erreur ” contenu dans cet article sur les bases génétiques d’Alzheimer.

    On sent parfaitement derrière votre pesante démonstration et votre charge disproportionnée contre cette lettre d’information gratuite et d’excellent niveau, que vous êtes vous même enfermée dans votre grille de lecture de lecture idéologique qui refuse d’admettre ce que pourtant tous les praticiens peuvent observer dans leur cabinet : il existe évidemment, indépendamment des autres facteurs de risque connus (âge, sexe, alimentation, niveau d’éducation, niveau de sociabilité, santé cardio-vasculaire notamment) un important terrain génétique qui prédispose à cette terrible maladie et la recherche fondamentale, comme la recherche clinique confirment cette réalité que vous ne voulez pas voir!

    1. Je comprends qu’emporté par votre désir de croire que ce support d’information que vous lisez depuis des années est “d’excellent niveau” (comme le dit un vieil adage, asinus asinum fricat), vous restiez imperméable à l’exposé de faits qui contredisent votre croyance .
      En revanche, j’ai du mal à comprendre comment font “tous les praticiens” pour “observer dans leur cabinet” qu’ “il existe évidemment […] un important terrain génétique qui prédispose à cette terrible maladie” : pouvez-vous m’éclairer ?

  8. Madame Fillod,

    Tout d’abord, merci d’avoir publié mon commentaire et d’y avoir répondu rapidement.

    Comme vous le savez, il existe aujourd’hui un large consensus scientifique pour considérer que la maladie d’Alzheimer résulte de multiples facteurs génétiques et environnementaux intriqués.

    Ma conviction est que les bases génétiques de cette maladie sont diffuses et complexes et font intervenir une multitude de gènes et variations génétiques, dont certaines sont rares et difficilement identifiables (Voir à ce sujet http://www.nature.com/nature/journal/vaop/ncurrent/full/nature12825.html). Mais, l’existence de ce terrain génétique n’en est, à mon sens, pas moins incontestable et se révèle progressivement.

    L’équipe de Jean-Charles Lambert a ainsi découvert en 2009 deux nouveaux déterminants génétiques de cette pathologie, la CRI et la clustérine et la CRI, respectivement impliquées dans 4 % et 9% des formes de la maladie. (Voir http://www.nature.com/ng/journal/v41/n10/abs/ng.439.html

    Autre découverte majeure, fin 2011, celle l’équipe du professeur Philippe Amouyel à l’Institut Pasteur de Lille (en collaboration avec une équipe de l’Université de Cardiff) qui, après analyse comparative de 8 millions de mutations génétiques, a identifié cinq nouveaux facteurs de prédisposition génétique impliqués dans le développement de la maladie (ABCA7, MS4A, EPHA1, CD2AP et CD33) et ont par ailleurs confirmé le rôle du gène BIN1 dans l’apparition de cette pathologie neurodégénérative.
    (Voir “Common variants at ABCA7, MS4A6A/MS4A4E, EPHA1, CD33 and CD2AP are associated with Alzheimer’s disease” http://www.nature.com/ng/journal/v43/n5/full/ng.803.html)

    Depuis 2011, d’autres avancées scientifiques ont confirmé la réalité des bases génétiques de cette maladie. Il s’agit notamment les études suivantes :

    -Novembre 2012: NEJM
    “TREM2 Variants in Alzheimer’s Disease”
    http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1211851

    -Octobre 2013: Nature Genetics
    ” Meta-analysis of 74,046 individuals identifies 11 new susceptibility loci for Alzheimer’s disease”
    http://www.nature.com/ng/journal/v45/n12/full/ng.2802.html

    -Décembre 2013 : Nature
    “Rare coding variants in the phospholipase D3 gene confer risk for Alzheimer’s disease”
    http://www.nature.com/nature/journal/vaop/ncurrent/full/nature12825.html

    Enfin j’observe que le Professeur Amouyel, scientifique et chercheur de niveau international, estime que le risque de développer un Alzheimer est déterminé à environ 60% par le patrimoine génétique du patient et souligne que les gènes ont un rôle important dans cette maladie, même s’ils n’en sont en aucun cas la cause unique… (Voir déclaration http://www.larecherche.fr/actualite/evenement/maladie-alzheimer-trois-nouveaux-genes-identifies-01-11-2009-86285)

    L’Institut Pasteur souligne pour sa part “Longtemps on a cru, qu’à de rares exceptions près, la maladie d’Alzheimer n’avait pas de déterminant génétique. On sait désormais que la génétique intervient, au moins pour moitié, dans son développement.”
    ( Voir http://www.pasteur-lille.fr/fr/recherche/pathologies/alzheimer.html).

    Je pense donc que l’ensemble de ces travaux permettent d’affirmer qu’il existe bien une base génétique forte, bien que particulièrement complexe et diffuse, à la maladie d’Alzheimer.

    Mais vous avez bien entendu toute liberté de penser et d’affirmer que ces découvertes ont été mal interprétées et que votre grille de lecture méthodologique est la seule valable…

    Je pense cependant, comme beaucoup de mes confrères, que vous aurez du mal à convaincre l’Institut Pasteur et le Professeur Amouyel qu’ils sont dans l’erreur…

    Pour ma part, vous me permettrez, pour l’ensemble des raisons que je viens d’exposer, de ne pas adhérer à votre démonstration et de considérer que le titre de l’article qui a suscité vos foudres « Alzheimer : les facteurs de risques génétiques se précisent”, sans doute maladroit sur la forme, ne me semble pas, sur le fond, relever d’une “désinformation” ou d’une contre-vérité choquante!

    Il reste, j’en conviens bien volontiers, un gigantesque travail de recherche biologique, génétique, génomique, clinique et bien sûr épidémiologique à accomplir, comme le souligne souvent le Professeur Amouyel, pour mieux cerner l’ensemble des bases génétiques et génomiques de cette pathologie particulièrement complexe et multiforme.

    Mais il me semble aujourd’hui de plus en plus difficile de nier, d’une part, que les facteurs de risques génétiques de cette maladie existent, d’autre part, et qu’ils sont de mieux en mieux compris, à la fois sur le plan quantitatif et qualitatif.

    J’ajoute que la plupart de mes confrères sont, comme moi, persuadés de la réalité et de l’importance de ces bases génétiques dans la Maladie d’Alzheimer et c’est bien ce point, au-delà de l’article incriminé, qui constitue le cœur de notre débat.

    Mais je vous rassure : nous sommes parfaitement conscients du caractère complexe et circulaire de cette causalité, qui n’a rien d’un déterminisme univoque et hiérarchisé, vision idéologique réductrice, peu heuristique et un peu naïve qui a longtemps prévalu mais n’est plus tenable aujourd’hui.

    La génomique nous montre en effet à quel point les subtils modes d’expression de nos gènes peuvent être profondément et durablement modifiés par nos modes de vie et les facteurs environnementaux.

    Je crois donc que cette opposition quasi-philosophique entre les généticiens (qui seraient imperméables à toute influence de l’environnement) et les “environnementalistes”, qui refuseraient de voir les bases biologiques et génétiques de cette pathologie, n’ a plus aucun sens aujourd’hui et je refuse, pour la part, de me laisser enfermer dans cette alternative scientifique réductrice et stérile qui ne correspond plus aux connaissances scientifiques actuelles sur le fonctionnement du génome humain.

    Je suis d’ailleurs convaincue qu’il faut évidemment poursuivre, en y consacrant des moyens importants, l’étude des facteurs environnementaux, sociaux et relationnels, nombreux qui viennent s’articuler aux facteurs génétiques particuliers du sujet pour favoriser ou déclencher cette pathologie dont l’apparition et l’évolution ne me semblent pas séparables – ce point est essentiel – de l’idiosyncrasie du sujet.

    Pour conclure, je souhaite que le désaccord dont nous faisons état, de manière franche mais courtoise, soit perçu comme constructif et contribue à enrichir et à faire progresser ce débat important mais complexe, qui ne se limite pas à ses dimensions scientifiques et épidémiologiques mais constitue également un enjeu social et politique majeur.

    Bien à vous

    Docteur Bert

    1. Je ne souhaite pas prolonger inutilement cet échange qui s’éloigne du sujet de mon article et me contenterai donc de faire trois commentaires :

      – Vous n’avez pas répondu à ma question.

      – “Je pense donc que l’ensemble de ces travaux permettent d’affirmer qu’il existe bien une base génétique forte […] à la maladie d’Alzheimer.”
      => Les déclarations du Pr Amouyel dans La Recherche ou sur le site de l’Institut Pasteur de Lille ne sont pas des “travaux”. Les études que vous citez et dont je n’ignorais pas l’existence lorsque j’ai écrit cet article ne permettent pas d’affirmer qu’il existe une “base génétique forte”, au sens où le risque de développer un Alzheimer serait “déterminé à environ 60% par le patrimoine génétique”.

      – “La génomique nous montre en effet à quel point les subtils modes d’expression de nos gènes peuvent être profondément et durablement modifiés par nos modes de vie et les facteurs environnementaux.”
      => L’épigénétique, pas la génomique.

    2. … je ne peux m’empêcher néanmoins d’ajouter six remarques au sujet de l’article de 2009 que vous citez :

      1) Les auteurs n’osent pas y affirmer que “le risque de développer un Alzheimer est déterminé à environ 60% par le patrimoine génétique du patient”.
      Voici ce qu’ils écrivent : “Twin studies suggest that genes may have a role in more than 60% of Alzheimer’s disease susceptibility”, citant comme (seule) référence l’article de Gatz et al (2006) dont j’ai montré ici la surinterprétation et qui mérite – comme ils le font ici – d’être présentée avec beaucoup de précautions.

      2) Les auteurs n’ont pas, comme vous le prétendez, découvert deux “déterminants génétiques” de cette pathologie, la CRI et la clustérine “respectivement impliquées dans 4 % et 9% des formes de la maladie”.
      – Ils ont observé une association statistique, sur un échantillon d’environ 7000 sujets européens, avec des marqueurs des gènes CLU et CR1.
      – Les allèles minoritaires en population générale identifiés ici sont dans cet échantillon associés à une diminution du risque de la maladie pour CLU, à une augmentation pour CR1.
      – Les auteurs disent avoir calculé sur cette base des fractions de risque attribuables (PAF) à CLU et CR1 égales à 8.9% et 3.8% respectivement, et précisent : “the estimates are biased upward.”.
      – Ils concluent prudemment (à raison) qu’ils ont via cette étude identifié des loci des gènes CLU et CR1 “that are potentially associated with the risk of late-onset Alzheimer’s disease”.

      3) L’article d’octobre 2013 que vous citez est une méta-analyse de plusieurs études des mêmes auteurs regroupant 74 000 individus d’ascendance européenne. Selon cette méta-analyse :
      – pour CLU, aucun des trois marqueurs statistiquement associés à un moindre de risque dans l’étude de 2009 (rs2279590, rs11136000 et rs9331888) n’était cette fois significativement associé au risque d’Alzheimer; les auteurs trouvent ici une association entre le SNP rs9331896 de CLU et un moindre risque d’Alzheimer, avec une PAF estimée à 5.3%,
      – pour CR1, la PAF associée au SNP rs6656401 a été réestimé légèrement à la baisse (3.7%).
      Source : l’article et ses données supplémentaires en ligne (Supplementary Table 6, p.28).

      4) J’ai cherché une réplication de ces associations par d’autres équipes et sur des échantillons représentatifs d’autres groupes ethniques. Pour info, une méta-analyse de 12 études indépendantes regroupant 15 000 individus faite par un autre groupe de recherche (http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/20697030) a trouvé :
      – une association avec les SNP rs11136000 et rs7982 de CLU et les SNP rs3818361, rs6701713 et rs1408077 de CR1 (rem : pas les mêmes) chez les “Blancs” (sic),
      – aucune association chez les “Blancs” avec les autres SNP de CLU et CR1 (tous ont été testés de manière systématique),
      – aucune association avec un SNP de CLU ou de CR1 dans les autres groupes ethniques représentés (“Afro-américains”, “Arabes-israéliens” et “Hispaniques de Carraïbes”),
      – des odds ratio bruts plus modestes que ceux trouvés dans les études dirigées par Philippe Amouyel après ajustement par l’âge et le sexe (OR bruts = 0.91 pour CLU et 1.14 pour CR1, versus OR ajustés = 0.86 et 1.21 dans l’étude de 2009),
      – après ajustement par l’âge, le sexe et la présence d’au moins une copie de l’allèle e4 du gène APOE, les odds ratio trouvés chez les “Blancs” étaient de 0.92 pour CLU (rs11136000, que les auteurs ont choisi de retenir dans l’abstract) et 1.15 pour CR1 (rs3818361, idem).

      5) “L’équipe de Jean-Charles Lambert a découvert en 2009 deux nouveaux déterminants génétiques, la clustérine et la CRI, respectivement impliqués dans 9% et 4% des formes de la maladie.” = affirmation fallacieuse présente sur http://www.pasteur-lille.fr/fr/recherche/pathologies/alzheimer.html accédé le 22/01/2014.

      6) RTFlash (http://www.rtflash.fr/deux-nouveaux-genes-predisposition-maladie-d-alzheimer/article) avait comme il se doit annoncé les “résultats extrêmement rapides, en à peine 16 mois” (commentaires du Pr Amouyel relayé par RTFlash) de cette étude “menée dans le cadre du volet recherche du Plan Alzheimer 2008-2012 lancé en février de l’année dernière par le Président de la République” (merci monsieur le Président Sarkozy : que serait devenue la recherche sur Alzheimer sans vous ?).

  9. Madame Fillod,

    Votre conception du débat est pour le moins curieuse : vous refusez la discussion à partir du moment où vos interlocuteurs ne sont pas d’accord avec vous et quand la réalité des faits vous déplait, vous tordez la réalité pour la faire entrer dans votre grille d’interprétation, la seule valable évidemment…

    Pour ma part, je vous renvoie, ainsi que vos lecteurs, aux déclarations du Professeur Amouyel dont la compétence scientifique est reconnue et me semble, sans vouloir vous offusquer, plus grande que la vôtre dans ce domaine…

    Le Professeur Amouyel a déclaré le 18 novembre 2013 :”L’implication de facteurs génétiques dans les maladies neurologiques dégénératives, dans les protéinopathies, et donc dans la maladie d’Alzheimer est un fait qui n’est plus discutable mais dire «implication de facteurs génétiques» ne veut pas dire maladie héréditaire.”
    (http://www.espace-ethique.org/ressources/intervention/maladie-dalzheimer-sur-la-susceptibilit%C3%A9-g%C3%A9n%C3%A9tique)

    Celui-ci précise que « après de nombreuses études réalisées sur des jumeaux, on estime que le patrimoine génétique de l’individu compte pour environ 60 % dans le risque de développer la maladie, le reste venant de l’environnement. Par comparaison, dans les maladies cardiovasculaires la “part” des gènes serait de 20 % seulement ». (Déclaration faite dans la revue “La Recherche http://www.larecherche.fr/actualite/evenement/maladie-alzheimer-trois-nouveaux-genes-identifies-01-11-2009-86285

    Libre à vous de continuer à nous expliquer que ce chercheur (et beaucoup d’autres, comme le Professeur Lambert, qui partagent ce point de vue) se trompe ou qu’il n’a pas voulu dire ce qu’il a dit…

    Si, d’après vous, le fait d’affirmer simplement que “Les bases génétiques de la maladie d’Alzheimer se précisent”, relève de la “désinformation”, comment, par ailleurs, expliquez-vous les récentes déclarations du Professeur Cruchaga (http://news.wustl.edu/news/Pages/26263.aspx) qui souligne, qu’après une étude comparative portant sur 11 000 personnes, son équipe de l’Université Washington à St Louis a découvert une mutation sur le gène PLD3 qui peut doubler le risque d’Alzheimer ?

    J’invite d’ailleurs tous vos lecteurs à lire eux-mêmes l’article de Nature qui précise que ” A rare variant in PLD3 (phospholipase D3; Val232Met) segregated with disease status in two independent families and doubled risk for Alzheimer’s disease in seven independent case–control series with a total of more than 11,000 cases and controls of European descent.”( http://www.nature.com/nature/journal/vaop/ncurrent/full/nature12825.html?WT.mc_id=TWT_NatRevNeurol)

    Si cela ne permet pas de dire que “Les bases génétiques de la maladie d’Alzheimer se précisent” (ni plus, ni moins) , c’est que les mots n’ont plus de sens et que nous ne parlons pas la même langue!

    A moins que votre refus systématique de reconnaître ces avancées scientifiques concernant les bases génétiques de cette maladie et votre obstination à vous enfermer dans ce combat d’arrière-garde et à nier la réalité ne soit en réalité de nature idéologique, ce que je n’ose croire…

    Je dois également vous dire que je trouve vos indignations bien sélectives : il me semble en effet curieux que vous consacriez tant de temps et d’énergie à dénoncer cette soi-disant “désinformation”, que la très grande majorité de la communauté scientifique considère pourtant comme une réalité, alors qu’il existe de véritables désinformations scientifiques, bien réelles celles-ci et autrement plus dommageables en matière de santé publique.

    Je pense par exemple à certains discours obscurantistes de plus en plus relayés dans les médias, s’opposant violemment au principe même de la vaccination et en contestant l’utilité globale…

    Je pense également au scandale sanitaire des particules fines émises par les véhicules diesels et qui fait toujours l’objet d’un discours lénifiant de la part des constructeurs automobiles… À cet égard, la lettre RTFlash, si médiocre à vos yeux, a eu, elle, le courage de dénoncer cette situation dans un récent éditorial très argumenté.

    Cette indignation à géométrie variable est pour le moins étrange…

    Comme l’avait bien vu Pascal “Ceux qui font les antithèses en forçant les mots font comme ceux qui font de fausses fenêtres pour la symétrie : leur règle n’est pas de parler juste, mais de faire des figures”.

    Bien à vous

    Docteur Bert

    1. Madame “docteur Catherine Bert” (ou dois-je vous appeler “George Simmonds” ?),
      En résumé, donc :

      – peu importent les éléments factuels et arguments précis développés dans mon article, auxquels vous n’avez rien à répondre, qui remettent en question la solidité de cette estimation de 60% de “part génétique” dans la maladie d’ALzheimer; puisque le grand Professeur Amouyel a dit que ce chiffre avait été validé par “de nombreuses études réalisées sur des jumeaux”, c’est qu’il l’est.

      – peu importe que j’aie mis en évidence certains écarts importants (restons soft) entre les données factuelles rapportées dans des études et ce que des chercheurs leur font dire, sur lesquels vous n’avez rien à répondre non plus; puisqu’ils sont impliqués dans ce champ de recherche, ils sont experts et leur parole est d’or.

      – peu importe que je n’aie jamais prétendu montrer ni même suggéré qu’aucun facteur génétique n’intervient dans la développement de la démence sénile; c’est à votre avis ce que j’essaie de dire, et d’ailleurs je suis enfermée dans un déni de la réalité et un refus systématique de reconnaître les avancées scientifiques de la génétique.

      – peu importent les problèmes de non réplications, de délimitation floue des populations de cas pris en compte, de limitations à des populations “d’ascendance européenne”, etc, et peu importe qu’une association statistique ne soit pas synonyme de relation de cause à effet; à chaque fois qu’une étude annonce avoir trouvé qu’une variante génétique est statistiquement associée au risque d’être diagnostiqué d’un Alzheimer “probable” voire seulement “possible”, ça signiie qu’on avance dans la compréhension des “bases génétiques de la maladie d’Alzheimer”.

      – peu importe que la PAF de 9 % associée à un SNP du gène CLU (clustérine) trouvée par le Professeur Lambert et son équipe en 2009 n’ait pas été confirmée par des études ultérieures, et peu importe qu’il s’agisse d’une PAF préventive; son équipe a découvert que la clustérine était un “déterminant génétique” de la maladie d’Alzheimer impliqué dans “9% des formes de la maladie” (!), point final.

      – peu importent mes critiques de l’étude bancale de Thompson, et peu importe que j’aie signalé qu’elle ne portait pas sur une variante génétique associée à Alzheimer, ceci me permettant d’affirmer que la news “de RTFlash” (mal copiée/collée d’une source non créditée) qui a motivé mon article relevait effctivement de la désinformation; vous n’avez rien à répondre à mes arguments mais j’ai tort, un point c’est tout.

      Je crois qu’on a bien compris votre point de vue, il me paraît inutile d’en remettre une couche.
      Je vous laisse à vos supputations concernant mon “indignation à géométrie variable”.

  10. Bonjour,

    Je suis chercheur dans le domaine des neurosciences, et plus particulièrement sur la “maladie d’Alzheimer”. Je dois dire que votre article est très intéressant (il y a beaucoup de travail) sur plusieurs points malgré quelques petites choses sur lesquelles je ne suis pas vraiment d’accord.
    J’ai toujours été choqué par le peu de relevance et l’espèce de “mode” autour des grandes études de génétiques qui ne mène la plupart du temps à rien de concret. Régulièrement on voit la découverte d’une nouvelle mutation qui pourrait être corrélée au risque (à postiori) de développer un Alzheimer chez 1% ou moins des patients. Dire que ce genre de découverte toute relative va permettre une amélioration des traitements en clinique ou à une meilleure prédiction de l’apparition de la maladie me consterne profondément. Ces résultats n’existent que sur la taille des échantillons qui suffit à faire ressortir n’importe quelle corrélation pour peu que l’on “classe” un peu ses contrôles et ses cas, la loi des grands nombres avec un peu plus de biais.

    Pour en venir aux choses sur lesquelles je trouve superflues et qui alourdissent un peu cet article :
    – Les conflits d’intérêts, tant qu’ils sont déclarés on s’en fiche pas mal. Tout le monde en a, seuls les résultats comptes. Si les résultats avaient été corrects, auriez-vous perdu du temps sur ces éventuels conflits ? Vous démontrez très bien à quel point les statistiques sont erronées ou exagérées, à vrai dire les tables 4 et 5 suffisent à elles seules à discréditer l’article + le petit “slip” de mutation. Le reste est une perte de temps, je dis ça car visiblement des lecteurs se sont perdus en route, peut-être y gagnerez-vous en élaguant un peu.
    – “L’ergotage” sur les patients qui “possiblement Alzheimer” ou non. C’est un fait qu’il n’existe pas de marqueurs précoces fiables de la maladie, d’où l’absence de réels traitements préventifs et que les symptômes se confondent avec le vieillissement normal. Alors que fais t-on, on prend plus large ou on prend moins large au niveau de l’échantillonnage ? Il faudrait de toute manière au moins corréler cela à l’un des stigmates admis de l’Alzheimer (Amyloïde ou Tau) visibles post-mortem pour être sûr de notre échantillon, mais on peut difficilement se permettre d’attendre que les patients meurent donc pour travailler il faut faire un choix. Cet aspect là alourdi un peu le billet (bien qu’il est intéressant au départ vis à vis du mélange Alzheimer et autres déficits cognitifs, mais ce ne peut-être pas forcément la peine d’y passer autant de temps car au final on s’en fout un peu des grands chiffres pour vendre, il est clair que c’est une maladie de plus en plus répandue du fait du vieillissement de la population entre autre, que ça soit 400000 ou 800000… ça coûte de plus en plus d’argent).

    Du reste j’apprécie l’effort que vous faites dans ce domaine trop rare démêlage de la presse et de la science, mélange indispensable qui fait mauvais ménage. Si vous appréciez les choses fallacieuses j’en ai une belle pour vous (qui m’a fait sauter de mon siège lorsque je l’ai vu) : Un superbe test sanguin (!) qui dépiste l’Alzheimer avec (accrochez-vous) 90% de précision (!), imaginez la mine d’or. Publié par Nature medicine : http://www.nature.com/nm/journal/v20/n4/full/nm.3466.html

    Et rapporté par la presse avec toute sa splendeur :

    http://www.liberation.fr/sciences/2014/03/10/un-test-sanguin-pour-detecter-les-risques-d-apparition-d-alzheimer_985902
    http://www.lesechos.fr/entreprises-secteurs/grande-consommation/actu/0203362412830-un-test-sanguin-pour-alzheimer-precis-a-90-655766.php (et d’autres journaux j’ai pris les premiers de google)

    Ce n’est pas le premier cas du genre il me semble, mais celui-ci montre une belle utilisation des statistiques.
    Comme disait l’autre…:
    3 kind of lie
    – Damn lie
    – God damn lie
    – And statistic

  11. Bonjour Madame Fillod.

    Je suis un dinosaure du web.Un fossile.J’ai erre sur des milliers peut être des millions de sites lu quantités de niaiseries sans fond.Depuis 98.
    Vous avez réussi à me faire écrire,réagir, moi, devenu un a-qua-boniste du web.
    Je trouve votre travail remarquable.Le simple fait que vous puissiez me lire traduit déjà en soi tout un exploit.Bravo.

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