Le directeur de recherche en sociologie Laurent Mucchielli a publié sur son blog un texte dénonçant la médiocrité médiatique et les intérêts pharmaceutiques se cachant selon lui « derrière la polémique Raoult ». Ce texte ayant participé à la désinformation et au complotisme délétères provoqués par les déclarations de Didier Raoult, pâtissant d’un fort biais de confirmation et d’une absence de vérification des informations, m’a d’autant moins laissée indifférente que j’y suis citée. Ma réponse à cette mise en cause me donne l’occasion d’exposer les faits qui sont au cœur de ce qu’il convient plutôt d’appeler l’affaire Raoult. Continuer la lecture de « “Je ne suis pas complotiste, mais…” : à propos de l’affaire Raoult »
Les cerveaux en bleu et rose selon Jacques Balthazart (partie 2)
Suite de l’examen des éléments mis en avant dans Le Point par Jacques Balthazart à l’appui de la théorie de la « différenciation sexuelle » du comportement humain qu’il promeut. Dans cette seconde partie, il sera question de son invocation de l’existence chez l’humain d’une « bonne dizaine de noyaux sexuellement différenciés » visibles uniquement post-mortem sur des coupes histologiques. Ce sujet mérite qu’on s’y penche en détail, car des données soigneusement choisies et présentées de manière fallacieuse concernant certains de ces noyaux sont au cœur du discours de Jacques Balthazart. Continuer la lecture de « Les cerveaux en bleu et rose selon Jacques Balthazart (partie 2) »
Les cerveaux en bleu et rose selon Jacques Balthazart (partie 1)
Le Point a publié le 17 avril une interview de Jacques Balthazart promouvant son nouveau livre, Quand le cerveau devient masculin[1]. Ce livre remarquable, nous dit-on, « résume » à l’usage du grand public les mécanismes de la différenciation sexuelle du cerveau et du comportement (apparemment connus, donc). En bref, ceux-ci sont masculinisés chez les hommes par l’exposition pré- ou périnatale à la testostérone, affirme l’« éminent spécialiste des hormones sexuelles chez les oiseaux ». Dans cette interview par Thomas Mahler et Peggy Sastre, il « s’explique en longueur sur ces facteurs biologiques qui n’excluent en rien le poids des influences sociales et culturelles ». On suppose donc qu’y sont mis en avant des faits précis et bien établis étayant cette théorie qui traîne depuis 60 ans à l’état d’hypothèse dans la littérature scientifique, et que Balthazart et Sastre défendent vigoureusement dans l’espace public depuis une dizaine d’années. Passons-les donc en revue. Continuer la lecture de « Les cerveaux en bleu et rose selon Jacques Balthazart (partie 1) »
Un indice fiable de quoi ?
En réponse à son portrait publié dans Le Monde, soutenue par la rédaction de Slate.fr, Peggy Sastre appelle à la rescousse le sociobiologiste américain Robert Trivers. Mon affirmation reprise dans ce portrait, selon laquelle le rapport des longueurs de l’index et de l’annulaire (ratio 2D/4D) « n’est pas un indice fiable de l’androgénisation prénatale », illustre bien selon Trivers le « chauvinisme anti-darwinien » et l’ignorance française. Dommage pour lui et pour elle, cette histoire illustre surtout leurs manipulation et ignorance de la littérature scientifique. Continuer la lecture de « Un indice fiable de quoi ? »
Génomique et sexisme : des femmes, des hommes et des chimpanzés
Claudine Junien use depuis deux ans de tout son poids de professeure émérite de génétique et membre de l’Académie nationale de médecine pour diffuser l’idée suivante : la « différence génétique » entre hommes et femmes est égale à 1.5%, une différence selon elle quinze fois plus grande que celle existant en moyenne entre deux hommes, et comparable à celle existant entre le chimpanzé et l’humain. Comme on va le voir, le calcul de ce pourcentage est plus que spécieux dans son principe et complètement erroné dans sa mise en œuvre, et ces deux comparaisons n’ont aucun sens. La mobilisation de cette rhétorique fallacieuse ne peut s’expliquer autrement que par une volonté de défendre à tout prix ce qu’elle appelle « la cause du sexe biologique », ce qui n’est pas sans rappeler certains précédents. Continuer la lecture de « Génomique et sexisme : des femmes, des hommes et des chimpanzés »
Max Bird et la biologie de l’homosexualité
A l’occasion de la journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie, un humoriste spécialisé dans la vulgarisation ludique a réalisé une vidéo qui fait un tabac en ligne. Intitulée « L’homosexualité expliquée scientifiquement », elle prétend expliquer pourquoi l’homosexualité n’est ni un choix, ni contagieuse, ni héritable génétiquement. Si l’intention est louable, l’argumentaire mobilisé est déplorable. Un désastre qui m’oblige à prendre la plume toutes affaires cessantes. Continuer la lecture de « Max Bird et la biologie de l’homosexualité »
Intermède plagiaire
Lire, ou écouter et prendre en notes ce que raconte tel ou tel « expert » ; rechercher les sources directes et indirectes de ses propos ; lorsqu’on a réussi à retrouver les sources scientifiques ultimes (s’il y en a), les lire in extenso et estimer leur robustesse et leur portée (y compris en fouillant dans l’exposé détaillé de la méthodologie, dans les données supplémentaires parfois mises en ligne par les auteurs, en vérifiant certains calculs statistiques, etc); Continuer la lecture de « Intermède plagiaire »
Les pouvoirs extraordinaires de France 2 (partie 3)
Suite du chapitre III (“Zooms sur quelques mythes savants indûment propagés”) : sur la différence de stature, sur les différences de masse, force et puissance musculaires, et sur la hauteur de la voix et la pomme d’Adam. Continuer la lecture de « Les pouvoirs extraordinaires de France 2 (partie 3) »
Les pouvoirs extraordinaires de France 2 (partie 2)
III. ZOOMS SUR QUELQUES MYTHES SAVANTS INDUMENT PROPAGES Continuer la lecture de « Les pouvoirs extraordinaires de France 2 (partie 2) »
Les pouvoirs extraordinaires de France 2 (partie 1)
Plusieurs millions de personnes ont regardé l’émission Les pouvoirs extraordinaires du corps humain consacrée le 17 mars 2015 aux différences entre hommes et femmes. Transmutation d’hypothèses en certitudes, de points de vue situés en « vérités scientifiques », d’isomorphismes en dimorphismes, de différences au moins en partie socialement construites en différences naturelles, d’un projet de mise en question des stéréotypes en entreprise de validation d’un monceau d’idées reçues, d’un support de vulgarisation scientifique en outil de diffusion de croyances et de normes prescriptives… Les pouvoirs de France 2 sont réellement extraordinaires, et la chaîne publique en use avec une légèreté préoccupante. Continuer la lecture de « Les pouvoirs extraordinaires de France 2 (partie 1) »
Le camion et la poupée : jeux de singes, jeux de vilains
Un argument est régulièrement invoqué à l’appui de l’idée qu’il existe une différence naturelle entre filles et garçons dans les choix de jouets : la même différence aurait été observée chez les singes. La lecture de la littérature scientifique ayant adressé cette question ne nous apprend pas grand chose sur les singes, et encore moins sur les enfants humains. Elle permet en revanche d’éclairer sous un jour intéressant le comportement des personnes qui ont utilisé cet argument, eu égard à la manière souvent fantaisiste – et toujours fallacieuse – dont ils ont résumé cette littérature. Ce nouvel exemple de vulgarisation scientifique alimentant la naturalisation du genre est aussi l’occasion d’explorer la grande diversité de ses chemins, ainsi que celle des modalités de distorsion des résultats d’études scientifiques. Continuer la lecture de « Le camion et la poupée : jeux de singes, jeux de vilains »
Le connectome et la circulation circulaire des stéréotypes de genre
A en croire maints commentateurs de l’actualité de décembre 2013, des chercheurs auraient démontré l’existence d’une différence frappante entre les « connectomes » cérébraux des femmes et ceux des hommes, et celle-ci serait à l’origine d’une forme de complémentarité de leurs aptitudes et comportements. L’étude en question était pourtant très (très) loin d’autoriser les conclusions annoncées. Ce nouveau cas de validation imaginaire du bienfondé de certains stéréotypes de genre est exemplaire. Comme souvent, cette construction d’une fausse information a été sous-tendue par un tropisme hétérosexiste, favorisée par le manque d’éthique des producteurs de l’article scientifique, et permise par le dysfonctionnement structurel des médias en matière de sciences. Continuer la lecture de « Le connectome et la circulation circulaire des stéréotypes de genre »
Alzheimer : les facteurs de risque de désinformation se précisent
Le 1er novembre dernier, l’annonce d’un progrès dans l’identification des facteurs de risque génétiques de la maladie d’Alzheimer a attiré mon attention. Une fois reconstituée, sa genèse s’avère magnifiquement illustrer divers types récurrents de distorsions de l’information scientifique dont l’accumulation peut finir par construire, comme c’est le cas ici, une image complètement fausse de l’état des connaissances. Continuer la lecture de « Alzheimer : les facteurs de risque de désinformation se précisent »
Sexes, mensonges et vidéo : Baron-Cohen et le modèle norvégien
Depuis environ un an, des réactionnaires de tout poil engagés dans la lutte contre la « théorie du genre » assurent la diffusion en France d’un documentaire norvégien. Une étude présentée dans ce documentaire est particulièrement mise en avant, car elle est censée avoir démontré que filles et garçons se comportent différemment dès la naissance. Il est d’autant plus nécessaire de démonter cette intox que le magazine Sciences Humaines a contribué à la construire, de façon très problématique. Continuer la lecture de « Sexes, mensonges et vidéo : Baron-Cohen et le modèle norvégien »
Boris Cyrulnik : stop ou encore ? (2ème partie)
C’est avec la complicité plus ou moins volontaire d’innombrables intermédiaires que s’est construit un leurre non seulement étonnant, mais aussi et surtout préoccupant. Car travesties pour le grand public en parole de sagesse pétrie de science, les théories portées par la voix lénifiante du bon docteur sont loin d’être anodines. Continuer la lecture de « Boris Cyrulnik : stop ou encore ? (2ème partie) »
Boris Cyrulnik : stop ou encore ? (1ère partie)
Dans une récente pastille radiophonique, la distorsion de la réalité opérée par le célèbre médecin a atteint des proportions record. Cette nouvelle prouesse amène à lever le voile sur un trompe-l’œil dont l’étendue et la persistance ne laissent pas d’étonner. Les implications politiques de ses opinions, massivement diffusées sous les atours d’une parole de sagesse pétrie de science et d’humanisme, sont suffisamment sérieuses pour qu’on s’y penche. Continuer la lecture de « Boris Cyrulnik : stop ou encore ? (1ère partie) »
Le mariage raté du Vatican et de la science
Par le truchement de son Conseil pontifical pour la famille, le Vatican a tenté d’enrôler la science dans sa croisade contre le féminisme, la reconnaissance sociale des couples de même sexe et le concept de genre. Bien mal lui en a pris. Débouchant sur un paradoxe pour le moins cocasse, l’examen de ses sources s’avère instructif. Continuer la lecture de « Le mariage raté du Vatican et de la science »
Arrêt sur l’envers d’un mirage
La manipulation Bohlerienne continue, avec la bienveillance et la force de frappe médiatique que lui assure complaisamment Daniel Scheidermann via Arrêt sur images. Continuer la lecture de « Arrêt sur l’envers d’un mirage »
Un Noël multitâche
Sur la médiatisation de résultats supposés d’expériences fantômes, sublimés dans le Science & Vie de Noël : pièce en trois actes et vœux de nouvel an. Continuer la lecture de « Un Noël multitâche »
Arrêt sur mirages
Arrêt sur images m’avait invitée à venir débattre avec Sébastien Bohler de sa chronique du 16 novembre dernier, mais le tournage a été annulé faute d’autres participants. Dommage, car j’aurais bien aimé voir sa réaction à chaud au dossier à charge qui suit. Continuer la lecture de « Arrêt sur mirages »
Habemus sex papam : suite
Dans le traitement médiatique de l’information scientifique, les manquements à l’éthique journalistique et le manque de professionnalisme sont monnaie courante. Mais là, Le Point fait encore plus fort. Continuer la lecture de « Habemus sex papam : suite »
Habemus sex papam
Ce blog était mis en veilleuse pour cause de thèse en cours, mais trop c’est trop ! L’accumulation d’allégations fantaisistes sur les différences entre les sexes proférées au nom de la science, relayées par les médias alors que le débat sur l’adoption et le mariage « gays » fait rage et que celui sur la « théorie du genre » renaît, a eu raison de mes priorités. C’est Jean-François Bouvet sur LePoint.fr qui m’a fait craquer hier matin. Continuer la lecture de « Habemus sex papam »
Genre et SVT : copie à revoir
Loin de propager une « théorie du genre » fantasmatique, les programmes de SVT de première fournissent le cadre d’une naturalisation du genre aussi discrète qu’incontrôlée, un cadre en outre incohérent. Suite à une surprenante réécriture du programme, des discours pour le moins ambigus, discutables, voire contraires à l’état des connaissances se sont immiscés dans les supports pédagogiques. Continuer la lecture de « Genre et SVT : copie à revoir »
Schizophrénie : la carte n’est pas le territoire
Le 15 mai dernier, une dépêche de l’AFP annonçait qu’une cartographie génétique de la schizophrénie venait d’être établie. A y regarder de plus près, cette dépêche s’avère bien moins instructive que la dé(sin)formation associée au processus de sa production. Continuer la lecture de « Schizophrénie : la carte n’est pas le territoire »
Des inégalités dans la douleur
La vulgarisation scientifique adresse régulièrement la question floue des inégalités dans la douleur. De glissements sémantiques en approximations, de déductions hardies en affabulations, c’est finalement de tout autres phénomènes qu’elle nous parle involontairement. Continuer la lecture de « Des inégalités dans la douleur »
Les tours de passe-passe de la psychologie évolutionniste du genre
Peggy Sastre, une essayiste et chroniqueuse associée au Nouvel Observateur qui promeut activement les théories psycho-évolutionnistes du genre, vient à nouveau d’exprimer sa foi ardente dans celles-ci et son mépris de ses contradicteurs. Cette charge publiée sur un site ayant une large audience ne pouvait rester sans réponse. Continuer la lecture de « Les tours de passe-passe de la psychologie évolutionniste du genre »
Le « débat inné/acquis » est-il vraiment dépassé ?
C’est devenu un lieu commun de la vulgarisation scientifique : en ce qui concerne les dispositions psychiques humaines, la science a permis de dépasser le débat entre « inné » (de droite) et « acquis » (de gauche). Mais de quel débat parle-t-on exactement, et sur quelles données scientifiques cette affirmation est-elle fondée ? Continuer la lecture de « Le « débat inné/acquis » est-il vraiment dépassé ? »
Ocytocine et instinct maternel : suite
Un échange contradictoire sur la théorie de l’ocytocine comme cause d’un « instinct maternel » fournit de nouveaux exemples d’utilisation douteuse des publications scientifiques par des vulgarisateurs. C’est aussi l’occasion de montrer ce qu’on trouve réellement, quand on prend la peine de la lire, dans la littérature scientifique invoquée à l’appui de cette théorie. Continuer la lecture de « Ocytocine et instinct maternel : suite »
Les faux nez biologistes de la psychologie évolutionniste
Les hypothèses de la psychologie évolutionniste, notamment relatives à des prédispositions liées au sexe, sont régulièrement relayées auprès du grand public sous couvert de vulgarisation de travaux de biologistes. Retour sur quelques impostures et un malentendu. Continuer la lecture de « Les faux nez biologistes de la psychologie évolutionniste »
Sérotonine, races et civilisations
La vulgarisation des études portant sur la génétique de la dépression, notamment telle qu’elle est faite par Boris Cyrulnik, mérite largement une analyse critique. Celle-ci s’impose d’autant plus que la portée politique de cette vulgate est incalculable. Continuer la lecture de « Sérotonine, races et civilisations »
Instinct maternel, science et post-féminisme
Les écrits d’une sociobiologiste servent régulièrement de caution scientifique à l’idée qu’il existe un « instinct maternel ». Deux magazines de vulgarisation viennent d’en donner un nouvel exemple. S’agit-il vraiment de vulgarisation scientifique, ou de la défense d’une croyance « post-féministe » ? Continuer la lecture de « Instinct maternel, science et post-féminisme »
Sexe et bosse des maths
Selon Science & Vie, une étude récente permet d’affirmer que « la bosse des maths n’est pas une question de sexe ». Selon un neuroscientifique auteur d’un livre sur la fameuse bosse, il existe une « suprématie masculine » en maths sans doute en partie due à la testostérone. Tous deux semblent se réclamer de la science. Où est l’erreur ? Continuer la lecture de « Sexe et bosse des maths »
Intelligence et génétique : qui s’y frotte…
Une étude à paraître est présentée comme « confirmant » que « les variations génétiques sont responsables de près de la moitié des variations de QI ». Ce n’est pourtant pas du tout ce qu’on peut en déduire. Continuer la lecture de « Intelligence et génétique : qui s’y frotte… »
Quand Luc Ferry s’improvise expert en biologie du genre
Les comptes-rendus fantaisistes de la littérature scientifique autorisés par l’expertise – implicite ou revendiquée – de leurs auteurs ne se trouvent pas que dans les médias qui en font commerce. Luc Ferry en a récemment offert un exemple qui prêterait à rire si l’on ne songeait ni au cadre institutionnel dans lequel ses propos se sont déployés (et sont accessibles en ligne), ni à son statut d’intellectuel médiatique, ni aux hautes responsabilités qui lui ont été confiées depuis 1994 [1]. Continuer la lecture de « Quand Luc Ferry s’improvise expert en biologie du genre »
Le café, antidépresseur pour les femmes ?
Intriguée par une brève parue dans le numéro de décembre 2011 du magazine Clés, j’ai comparé le contenu de l’article scientifique qui en était la source à celui de cette brève, ainsi qu’à celui des 8 premiers billets sur le sujet ramenés par une recherche dans Google des termes femmes+café+dépress : la comparaison s’avère édifiante. Continuer la lecture de « Le café, antidépresseur pour les femmes ? »