Boris Cyrulnik : stop ou encore ? (2ème partie)

C’est avec la complicité plus ou moins volontaire d’innombrables intermédiaires que s’est construit un leurre non seulement étonnant, mais aussi et surtout préoccupant. Car travesties pour le grand public en parole de sagesse pétrie de science, les théories portées par la voix lénifiante du bon docteur sont loin d’être anodines.

Le journal Le Monde a récemment invité Boris Cyrulnik à donner son avis d’expert sur le phénomène des CV mensongers. Les éléments suivants de sa réponse m’ont paru fournir un bon préambule à ce dont il va être question ici :
« Le mythomane est désespéré, quelque chose de douloureux lui est arrivé. Il éprouve de la honte, il se sent jugé par l’autre et veut briller. Alors il se montre à son avantage pour réparer une blessure narcissique, soit en racontant à l’autre une histoire merveilleuse qu’il attend, soit en rédigeant un CV miraculeux […] De nombreux mythomanes ont fait des carrières extraordinaires sur un leurre […] Mais ceux qui sont leurrés sont complices. C’est même nécessaire. Je propose d’unir tout cela sous le mot leurre qui fait partie du vivant. Dès l’instant où l’on est vivant, on est en danger et on a besoin de leurrer. Mais au fond, la société est complice parce qu’elle demande de frimer et parce qu’elle surcote les titres » (Brafman, 13/05/2013)[1]

CARRIERE EXTRAORDINAIRE, HISTOIRE MERVEILLEUSE ET CV MIRACULEUX

La carrière éditoriale et médiatique de Boris Cyrulnik est assez extraordinaire : « Boris Cyrulnik a écoulé plus de 1,5 million d’exemplaires de ses différents ouvrages », relevait ainsi Le Figaro (Jouan, 23/09/2010), dans l’un des innombrables articles que la presse lui a consacrés depuis trente ans. C’était à l’occasion de la sortie de son livre consacré à la honte, « nourri par les acquis les plus récents des neurosciences et de la psychologie » selon son éditrice (Cyrulnik, 2010, 4èmede couverture), issu de ses « investigations rigoureuses » sur des rats, des chimpanzés, des terroristes, des petits enfants dans les crèches, des victimes d’abus sexuels et son petit-fils selon une journaliste du Point (Lanez, 02/09/2010). Avec ce genre de présentation, il n’est pas étonnant que ses livres paraissent sérieux et se vendent si bien. Pour ma part, il me semble qu’une remarque faite par Boris Cyrulnik à propos de ce livre en donne une clé de lecture bien plus pertinente. Il a en effet expliqué qu’il était notamment issu de sa propre expérience infantile de la honte, et qu’on ne se sortait d’une telle expérience qu’en développant une « compensation imaginaire » pouvant soit « devenir le moteur d’une réussite sociale », soit amener à « se laisser glisser dans la mythomanie » [2] (parlant ici de lui, il avait préféré ne pas évoquer la possibilité envisagée en 2013 dans Le Monde que la mythomanie soit elle-même le moteur de la réussite sociale).

Si divers éléments ont contribué à cette carrière extraordinaire, deux me paraissent essentiels. Le premier est que Boris Cyrulnik raconte au grand public, avec un indéniable talent de « conteur ensorcelant » (Lanez, 21/10/2004), d’une voix « douce, enveloppante et délicieusement régressive » (Huret et Cousin, 16/01/2003), « grave, lente et rassurante » (Jouan, 23/09/2010), exactement le genre d’histoire merveilleuse qu’il attend. Car il est le « pape de la résilience » (Weill, 27/09/2012), notion que sa propre réussite faisant suite à une enfance traumatique (dont il ne cesse depuis plus de 12 ans de mettre en scène le récit édifiant, bien qu’elle fût à ses dires révélée contre son gré [3]) incarne de manière éclatante. Or cette notion est on ne peut plus porteuse : maxime optimiste selon laquelle « non seulement les enfants résistent aux épreuves, mais ils s’en servent pour devenir plus forts » (Huret, 01/03/2001), ce concept « révolutionnaire pour le grand public » qu’il a été le premier à vulgariser a fait de lui « le psy qui redonne espoir », le « fournisseur officiel de bien-être » au charme duquel Edgard Morin comme tant d’autres succomba avec enthousiasme [4].

Le second élément qui me paraît essentiel est son « CV miraculeux » de praticien-chercheur à la fois neurologue, psychiatre, éthologue et psychanalyste, qui lui permet de jouer sur plusieurs tableaux. En effet, il peut ainsi au besoin soutenir son discours par des exemples (censément) tirés tantôt de sa pratique de médecin ou de psy, tantôt de sa pratique de chercheur. Par ailleurs, cela fait de lui un expert légitime de chacune des disciplines dont il est censé être un représentant, et il peut ainsi invoquer l’une ou l’autre selon le sujet et selon les attentes de son public, de même que ceux qui le citent peuvent choisir de mettre en avant l’une ou l’autre de ses étiquettes. Enfin et peut-être surtout, il se trouve ainsi positionné comme seul capable de puiser dans chacune de ces disciplines pour accéder à un niveau supérieur de compréhension de l’être humain.

Les témoignages parallèles de journalistes ayant contribué à la construction de son aura médiatique, interrogés récemment à l’occasion de la promotion de son énième livre paru chez Odile Jacob, sont à cet égard significatifs : « Il s’intéresse à tout. A la psychiatrie évidemment, c’est sa formation, il est neuropsychiatre ; à la psychanalyse, il a fait une analyse, donc il a été psychanalyste » (Claude Weill du Nouvel Observateur); « Il s’est spécialisé dans l’éthologie, c’est-à-dire l’étude du comportement des animaux » (Violaine Gelly de Psychologies magazine) ; «[Son travail] a beaucoup changé la vision qu’on a en France de l’enfance, puisqu’on quitte un peu le modèle “tout psychanalyse” pour arriver à un modèle “nous sommes aussi des animaux” » (Emilie Lanez du Point)[5]. Censé embrasser à la fois les ressorts biologiques et psychologiques de nos comportements, ce « réconciliateur » (Dominique Leglu, Sciences et Avenir) incarne ainsi la pointe avancée du dépassement de l’opposition nature/culture [6]. Car pour « comprendre l’humain, impossible de séparer corps et esprit, psychique et physique, affectivité et biologie, nous dit en substance Boris Cyrulnik », qui grâce à ses multiples domaines d’expertise supposés nous est présenté comme le pionnier d’une « ère nouvelle pour la compréhension des plaies de l’âme », où l’on aborde les problèmes « d’une manière non dualiste» en s’appuyant sur les « performances techniques des images du cerveau associées à la clinique neurologique et à la psychologie » (Taubes, 11/2006). A l’heure où « l’hyperspécialisation atomise les savoirs », cet « arpenteur de l’âme humaine » « inclassable, iconoclaste », est « le chef de file d’une nouvelle discipline » qui fait appel « à des connaissances allant de la biologie à la psychanalyse, en passant par l’anthropologie, la neurologie ou la linguistique » ; il « emprunte au généticien comme au linguiste, au primatologue comme à l’anthropologue », « se poste aux frontières des sciences , s’embusque aux confins des disciplines, emprunte des chemins de traverse et engage des dialogues impossibles », va « à l’encontre des modes de la communauté savante de cette fin de XXe siècle», « ouvre portes et fenêtres, mélange, intègre, confronte, associe », « hors des carcans qui verrouillent les universitaires parfois aigris » et ses collègues qui « se spécialisent, délimitant leurs recherches au cordeau » (O’Dy, 23/09/1993 & 17/04/1997). Et si cet « antimandarin » (Weill, 03/01/2002), ce « marginal » qui a pris une « belle revanche sur un système universitaire qui ne l’a guère aidé » suscite ça et là quelques critiques, c’est précisément parce qu’il a refusé d’entrer dans les moules où sont restés pris ses détracteurs, et parce qu’il est « désormais trop célèbre pour ne pas faire des jaloux », nous explique-t-on [7].

« LA SOCIETE EST COMPLICE PARCE QU’ELLE DEMANDE DE FRIMER ET PARCE QU’ELLE SURCOTE LES TITRES »

S’il s’avérait que le CV de Boris Cyrulnik soit trop miraculeux pour être vrai, il lui serait facile d’invoquer la complicité de la société. Car la liste des diplômes, qualités, compétences ou accomplissements remarquables qui lui sont prêtés pour asseoir la légitimité de sa parole – et vendre du papier – est assez impressionnante. En voici un aperçu classé par année et mois croissants (références abrégées détaillées en annexe), loin d’être exhaustif y compris dans les quelques médias choisis (DM = La Dépêche du Midi, JDD = Le Journal du dimanche, LB = Libération, LM(e) =Le Monde (de l’éducation), LP = Le Point, LX = L’Express, NO = Le Nouvel Observateur, PM = Psychologies magazine, S&A = Sciences et Avenir, S&V = Science & Vie). Je vous invite à le parcourir non seulement pour bien prendre conscience de l’ampleur du phénomène, mais aussi parce que les variations sont significatives et parfois cocasses.

1984 : « psychiatre et éthologue », « Sur une quarantaine de cris répertoriés chez le goéland, Boris Cyrulnik n’en “maîtrise” qu’une dizaine », « depuis des années, il observe ces grands oiseaux, les écoute et tente de mieux comprendre leur comportement », mène des travaux « avec une équipe pluridisciplinaire composée de psychanalystes, de neurobiologistes, de psychologues », « L’équipe que dirige Boris Cyrulnik […] travaille actuellement sur le comportement des enfants prématurés (cris, sommeil, sourire, neurobiologie) » (12, LM)

1988 : « éthologue et psychiatre » (3, LM), « éthologue » (12, LM)

1990 : « enseigne l’éthologie à la faculté de médecine de Marseille », « un savant », armé « des connaissances les plus précises en éthologie et en psychanalyse » (4, LM), « éthologue et psychiatre » (10, LM)

1992 : « neuropsychiatre et psychanalyste », parmi les « grands savants d’aujourd’hui » (1a, LM), « neurologue et membre fondateur du Groupe d’éthologie humaine » (1b, LM)

1993 : « psychiatre praticien, également neurologue et psychanalyste, est le chef de file d’une nouvelle discipline, l’éthologie humaine » (9, LX), « psychiatre et éthologue » (10, LM)

1994 : « biologiste » (4, Sc.& Vie), « psychiatre et éthologue » (6, LM), « célèbre éthologue » (10, NO)

1995 : « neurologue » (3, LM), « éthologiste » (9a, LP), « éthologue et psychanalyste » (9b, LP), parmi « les plus grands spécialistes » de « l’intelligence animale » (10, S&A, en couverture)

1996 : une des « personnalités du monde scientifique » (1, LM), « éthologue, psychiatre, neurologue » (4, LM), « éthologue » (9, S&V)

1997 : « Ethologue et neuropsychiatre » (1, LP), « éthologue » (3, LB), « éthologue », « formé à la médecine, la neurologie, la neurochirurgie, la psychiatrie, la psychanalyse », parmi « les pionniers de l’éthologie humaine », « a développé l’observation en psychologie du comportement, notamment à la tête d’un groupe de recherche en éthologie clinique à Toulon », le fœtus « a été élevé au rang de petit être » avec ses « travaux » (4, LB), « neuropsychiatre et psychanalyste », « spécialiste du lien, des interactions entre les êtres vivants », a « étendu le champ d’action » de l’éthologie animale au comportement humain, « architecte d’une nouvelle discipline : l’éthologie humaine » (4, LX), « éthologue » (6, S&V), « médecin, psychiatre, éthologue », « spécialiste notamment de la relation mère-enfant », « donne des conférences dans le monde entier » (8, LB), « psychanalyste, enseigne l’éthologie humaine à l’Université du Var » (8, NO)

1998 : au programme d’ « interventions scientifiques de haut niveau » (2, LM), « spécialiste d’éthologie et d’anthropologie » (6, S&V), «à la tête d’un groupe de recherche international qui explore les “mécanismes de résistance” », « éthologue », « psychiatre et neurologue », « a été l’un des premiers à soigner les schizophrènes en dehors des hôpitaux », « psychothérapeute formé à la psychanalyse » (6, PM), « psychiatre et éthologue » (7, LM)

1999 : « éthologue et psychiatre à la faculté de médecine de Marseille » (1, LM), « psychiatre », « dirige un groupe de recherche sur l’éthologie clinique », « enseigne l’éthologie humaine à l’université », « célèbre éthologue » (3, PM), « pédopsychiatre » (5, LX), « éthologue et psychiatre » (7, LX), « psychiatre et éthologue », fait partie « des plus grands noms de la recherche » (10, LM), « éthologue », « spécialiste de l’étude des comportements humains » (12, LX)

2000 : « psychiatre et éthologue » (1, S&V), « psychanalyste » (3, LB), « psychiatre-éthologue (spécialiste des comportements), professeur à l’université » (3, LM), « éthologue », un des deux « spécialistes du développement psychique de l’enfant » invité à donner son avis sur l’adoption par des couples homos (6, LP), « neurologue, psychiatre, psychanalyste mais aussi éthologue » (6, LM), « éthologue et psychiatre à la faculté de médecine de Marseille » (7, LM), « éthologue » (10, LM)

2001 : « éthologue » (1, PM), « célèbre psychiatre » (2, LB), « pédopsychiatre » (3, LX), « psychiatre et psychothérapeute », « enseigne à l’université de Toulon », « Spécialiste des comportements animaux et humains, il a travaillé sur les processus d’attachement précoces et les rituels amoureux » (3, PM), « l’inventeur de l’éthologie moderne », « célèbre pour ses travaux sur les amours des goélands ou la vie intérieure du nourrisson », « psychiatre », « éthologue » (3, DM), « ce neuropsychiatre, psychothérapeute et éthologue n’en finit pas de percer les mystères de la “résilience” » (5, S&V), « Ethologue, neurologue, psychiatre », « scientifique multidisciplinaire », « porte un regard d’expert sur les enjeux de la sexualité » (6, LX), choisi parmi les « 21 penseurs pour comprendre le XXIè siècle », « rien de ce qui est humain ne lui échappe » (7, LMe), « éthologue et neuropsychiatre » (11, LM)

2002 : « neurologue, psychiatre et éthologue », « connu pour ses travaux sur les interactions affectives, les comportements humains et animaux (l’éthologie) et la “résilience” : la “réparation” des grands blessés de l’existence (orphelins, enfants maltraités, etc.) », « le plus humain de nos penseurs du vivant » (1, NO), « éthologue et psychanalyste » (2, LM), « psychiatre, psychothérapeute, spécialiste des comportements humains et animaux enseigne à l’université de Toulon et anime des groupes de recherche dans toute l’Europe », « spécialiste de la résistance à l’adversité » (3, PM), « neuropsychiatre et éthologue » (6, S&V) « neuropsychiatre et éthologue », « fait autorité en matière d’éthologie » (7, LM), « psychiatre, il dirige un groupe de recherche sur l’éthologie clinique à l’hôpital de Toulon et enseigne l’éthologie humaine à l’université du Var » (9, PM)

2003 : « psy », « éthologue, neuropsychiatre et psychanalyste », « spécialiste des goélands », « est arrivé aux hommes par les bêtes », « Sa première publication, il la consacre à l’éthologie, une discipline qui étudie les comportements animaux dans leur environnement », « Dans les années 1970, il crée en France le premier cercle d’ “éthologie humaine” », n’a pas « inventé » la résilience mais « a collé un mot, facile, utile, pénétrant, au phénomène », « S’appuyant sur de nombreux exemples, observés dans son cabinet, comme lors de ses nombreuses missions à l’étranger – de la Bosnie au Cambodge, en passant par le Brésil » (01, LX), « neuropsychiatre, éthologue, université de Toulon » (2, S&V), « neuropsychiatre devenu éthologue » (2a, LM), « psychanalyste » (2b, LM), « Auteur de 200 publications scientifiques », « pionnier de l’éthologie humaine » (4, DM), « psychiatre et éthologue », fait partie « des plus grands noms de la recherche » (9, LM), un des « chercheurs » qui « doivent à l’éditrice [Odile Jacob] d’être sortis de l’ombre de leurs cercles d’experts » (10, L’Expansion), «père de la résilience » (12, LX)

2004 : « éthologue et neuropsychiatre » (1, S&V), « un grand psy » (en couverture), le « plus sage de nos psys », « psychiatre et éthologue », « connu pour ses travaux sur les interactions affectives et la “résilience” » (2, NO), « fut lui-même éthologue avant de devenir psychiatre » (3, LM), « ethnologue [sic] et neuropsychiatre » (7, LM), «neuropsychiatre et éthologue » (9, PM), « éthologue et neuropsychiatre » (10, LM), « psy », « célèbre éthologue », « neuropsychiatre et éthologue (l’éthologie étant la méthode d’observation du comportement animal, méthode qu’il a adaptée au comportement humain) », « a théorisé puis popularisé un concept : la “résilience”», « spécialiste de l’attachement chez les humains », « avec son équipe de chercheurs, il a mis au point une fiche qui permet d’établir un score d’attachement » (10, LP), « psychiatre, éthologue, il a créé un réseau mondial de recherche sur la résilience » (11, PM)

2005 : « neuropsychiatre, devenu éthologue puis psychanalyste », a « fait école auprès de ses confrères, de plus en plus nombreux à travailler sur les applications cliniques de la résilience » (1, LM), « éthologue éminent » (11, DM)

2006 : « fut éthologue avant de devenir neuropsychiatre » (8, LM), « En pénétrant dans les arcanes de notre cerveau – véritable processeur de nos émotions –, le célèbre neuropsychiatre, théoricien de la résilience, […] » (10, NO), « le spécialiste de la résilience », « démontre, preuves scientifiques à l’appui », « enseigne à l’université », « s’est d’abord fait remarquer par ses travaux sur la naissance du lien mère-enfant chez les animaux et les humains » (11, PM), « neuropsychiatre », « célèbre pour sa théorie de la résilience » (11, Figaro Madame), « neuropsychiatre », s’appuie sur les « récentes avancées des sciences cognitives » (12, S&V)

2007 : « psychiatre » (5, LP), « psychiatre et éthologue, directeur d’enseignement à l’université de Toulon », « a ouvert la voie en France à l’éthologie humaine » (8, S&V), « neurologue et psychiatre », « psychanalyste » (8, LB), « neuropsychiatre et théoricien de la résilience » (8, LM), « chercheur », « neuropsychiatre », « directeur d’enseignement à l’université de Toulon » (9, Les grands dossiers Sciences Humaines), parmi les 15 « savants » interrogés sur « l’avenir de l’homme », « neuropsychiatre, éthologue, directeur d’enseignement à l’université » (11, S&A), « psychanalyste » (11, DM), « éthologue et neuropsychiatre, il mène des recherches depuis près de trente ans sur la résilience », « dirige un enseignement intitulé “Attachement et systèmes familiaux” » (11, LP), « neurologue », « éthologue et psychanalyste » (11, LM)

2008 : parmi les « sept de nos plus célèbres scientifiques » invités à s’exprimer (1, S&A), « le plus célèbre des psys français », « le père de la résilience », « neuropsychiatre » (9, LP), « a inventé une méthode, celle de l’éthologie humaine », « l’enseignement qu’il dirige depuis 1993 à l’université […] ne cesse de superviser thèses et mémoires », « Il y a bien, désormais, une “école cyrulnikienne” » (9, LM), « psychiatre et éthologue » (11, S&V), « éthologue et psychanalyste » (12, LM)

2009 : « éthologue, neurologue, psychiatre et psychanalyste à Toulon », « célèbre éthologue » (2, S&A), « psychiatre, neurologue et éthologue » (3, LM), « psychanalyste » (12, DM), « neuropsychiatre », « père de la résilience » (12, LP)

2010 : « éthologue, neuropsychiatre, spécialiste de la psychologie de l’attachement et de la “résilience”, terme qu’il a inventé pour désigner un processus qui consiste à “renaître de sa souffrance”» (8, FranceCulture.fr), « fameux neuropsychiatre », ses « travaux sur l’éthologie humaine, soit l’étude de la part animale de notre comportement humain, furent pionniers », biographie intitulée « Une vie de chercheur », avec « 1972 à 1991 : Neurologue à l’hôpital de Toulon-La Seyne » (9, LP), « à la fois neurologue, éthologue, psychanalyste et psychiatre » (9, Le Figaro)

2011 : « psychiatre» (4, LM), « neurologue » (5, LM), « neuropsychiatre et théoricien de la résilience » (10, LM), « père de la résilience », « Son expérience le conduira à la théorie qui va le rendre célèbre : la “résilience” », « Devenu neurologue, il […] étend ses activités à l’éthologie, la psychologie, la psychanalyse… » (12, LP), « professeur » , « responsable d’un groupe de recherche en éthologie à l’hôpital de Toulon », « connu pour avoir développé le concept de résilience » (12, DM)

2012 : « neuropsychiatre, éthologue, psychanalyste » (1, DM), « neurologue, psychiatre, psychanalyste et éthologue – à qui l’on doit le concept de résilience » (8, Télérama), « pédopsychiatre » (9, LM.fr), « maître à penser à la fois fraternel et raisonnable », « neuropsychiatre, psychanalyste, enseignant », revisite sa mémoire « à la lumière des plus récents acquis de la neurologie, de la biologie et de la psychologie », « liant recherche fondamentale et expérience clinique », « Jusqu’ici, vos travaux sur la résilience se rapportaient à l’expérience des orphelins roumains, des survivants de la Shoah ou du génocide rwandais » (9, NO) ,« Cette possibilité de se réparer, cette découverte majeure sur le fonctionnement psychologique de l’être humain, n’avait pas été identifiée avant lui en France » (11, LP.fr), « neurologue et psychiatre », apporte « une caution scientifique de poids » (12, LM)

2013 : a « bâti une grande carrière scientifique » (2, La Tribune), « neurologue, psychiatre » (2, LM), « célèbre neurologue et psychiatre », « père du concept de résilience » (2, JDD), «fait appel à sa formation d’éthologue pour comprendre le comportement des enfants dans le choix de leurs jeux » (3, France Info), « neuropsychiatre, éthologue et psychanalyste » (5, LM.fr), « l’éthologue Boris Cyrulnik » (5, Télérama)

Pour compléter cet aperçu issu des médias, notons qu’il est cité en tant que « célèbre neurobiologiste » (!) dans un manuel de SVT édité en 2011[8], et que la communication institutionnelle n’est pas en reste, comme le montrent les trois exemples suivants :
– selon le Centre National de la Documentation Pédagogique, il fait partie des « hommes de sciences », des « scientifiques », et est présenté comme « éthologue », puis comme « neurologue, psychiatre, psychanalyste et cofondateur du Groupe d’éthologie humaine », dirigeant « un groupe de recherche en éthologie clinique » [9];
– selon l’ambassade de France en Israël en 2013, c’est « un scientifique » qui est à la fois « neurologue, psychiatre, professeur d’éthologie (science du comportement des animaux), psychanalyste » [10];
– selon le Conseil général des Ardennes (14/03/2013), il est « Professeur à l’université de Toulon », « neurologue, psychiatre, éthologue et psychanalyste », « Ancien interne des Hôpitaux, Neurologie Paris, psychiatrie Marseille. […] Consultant des Hôpitaux en Neurologie. Deux cent publications scientifiques. Cours internationaux d’Université. Direction d’une cinquantaine de Thèses », « Prix Jean Bernard : recherche médicale », « Ethologue confirmé », et j’en passe.

Le site web des éditions Odile Jacob aurait intérêt à mettre en avant tous ces marqueurs de légitimité scientifique. Il y est cependant présenté très sobrement, comme « neuropsychiatre » et « directeur d’enseignement à l’université de Toulon », c’est tout. Serait-ce qu’en dehors de ce diplôme et de ce poste au contour flou, ce qui est mentionné dans les diverses sources citées ci-dessus n’est pas pertinent ?

SOUS LES ETIQUETTES, DU BŒUF OU DU CHEVAL ?

Il n’a pas été facile de démêler le vrai du faux, d’autant que Boris Cyrulnik a choisi de ne pas répondre à mes demandes d’entretien. Un certain nombre d’éléments clairs sont néanmoins ressortis de mon enquête.

La résilience et les orphelins roumains

Il est étonnant que nombre de journalistes, y compris dans des médias importants tels que Le Monde, Le Nouvel Observateur, Le Point ou encore L’Express, se soient obstinés pendant plus de 10 ans à le qualifier de « père » ou « théoricien » de la résilience. En effet, il n’a inventé ni ce concept, ni son appellation. Celle-ci était présente dans les publications des chercheurs bien avant qu’il ne la popularise en France en 1999, dont en 1985 en anglais sous la plume de Michael Rutter (un chercheur qui semble à maints égards être une source importante de son inspiration sur le sujet), et en 1996 en français sous celle de plusieurs auteurs [11]. Ce qu’il avait écrit dans son premier ouvrage grand public sur le sujet ne laissait pourtant guère place au doute, mais il est vrai qu’il a ensuite parfois entretenu le flou [12], et même confirmé à des centaines de milliers de téléspectateurs qu’il était l’inventeur de ce concept [13].

S’il avait publié des recherches scientifiques ayant marqué ce domaine, on pourrait expliquer en partie la méprise et comprendre que par exemple, Le Nouvel Observateur l’ait en 2002 prétendu connu pour ses « travaux » sur la résilience. Mais ça n’est pas le cas : selon le Web of Science (WoS), base mondiale de référence des publications scientifiques y compris non anglophones, parmi les 4041 publications en psychologie, psychiatrie, neurologie ou pédiatrie comprenant à ce jour le mot resilience dans le résumé ou les mots-clés, une seule est de Boris Cyrulnik, faite en 2008, indexée en tant que matériel éditorial et non article scientifique. Il n’est d’ailleurs (fort logiquement) jamais cité dans les articles scientifique de synthèse sur la résilience que j’ai trouvés dans cette base. Il est vrai que là encore, il a entretenu le malentendu.

Ainsi, il a notamment suggéré qu’il avait été à la pointe de la prise en charge et de l’étude des enfants découverts dans les orphelinats roumains après la chute de Ceausescu en 1989. Il dit par exemple en 2001 : « J’ai beaucoup travaillé avec les orphelins roumains de l’ère de Ceausescu, abandonnés très tôt dans des institutions inhumaines. Quand on parlait de ces enfants, on nous disait : “Ce sont des monstres.” » (Taubes, 03/2001). Quelques années plus tard, il dit avoir eu l’idée de faire passer des scanners à ces enfants et constaté que l’ « atrophie frontolimbique » dont ils souffraient initialement avait disparu un an après leur placement dans des familles [14]. Dans la littérature scientifique rapportant les études de suivi des orphelins roumains adoptés, je n’ai pourtant trouvé ni mention de Boris Cyrulnik, ni article signé par lui. En fait, c’est par Michael Rutter que bon nombre de ces études ont été menées. Comme tous ceux qui ont publié sur le sujet, Rutter a constaté qu’une part significative des anomalies comportementales ou cognitives constatées chez un grand nombre de ces enfants n’avaient pas disparu même plusieurs années après leur adoption [15]. En ce qui concerne les anomalies cérébrales, le récit de Boris Cyrulnik ne reflète pas du tout ce qui a été rapporté dans la littérature scientifique, dans laquelle j’ai cherché en vain la trace du constat qu’il évoque [16]. Il semble bien que Boris Cyrulnik ait ici tenté non sans succès de se faire passer pour le sujet d’une histoire dont il a été le spectateur, et d’en faire l’histoire merveilleuse qu’il lui plaisait de raconter.

Quant au « réseau mondial de recherche sur la résilience » créé par lui signalé par Psychologie magazine, il s’agit probablement de l’Observatoire international de la résilience (OIR), une association de loi 1901 créée en février 2004 à l’initiative de Jacques Lecomte [17], ancien responsable de la rubrique « Psychologie » de Sciences Humaines ayant soutenu en 2002 à l’EPHE une thèse en psychologie positive. L’OIR était domiciliée dans les locaux de la Ligue française pour la santé mentale (présidée par Roland Coutanceau), Boris Cyrulnik la présidait, et Jacques Lecomte en était le secrétaire général. Le Point l’avait décrite fin 2004 comme ayant « 300 chercheurs » affiliés et sur le point de commencer à publier des « Cahiers de la résilience », et elle devait avoir un site web dédié. En réalité, bien que le statut de président de l’OIR de Boris Cyrulnik ait été à l’occasion mis en avant pour asseoir sa légitimité vis-à-vis du grand public, l’OIR (dissout en octobre 2005) semble n’avoir été qu’une éphémère coquille vide [18].

L’éthologie tout court (la vraie)

Concernant l’éthologie, dont le Petit Robert 2012 nous dit qu’elle est la « science des comportement des espèces animales dans leur milieu naturel », notons tout d’abord que Boris Cyrulnik n’a aucun diplôme dans cette discipline. S’il ne semble pas avoir explicitement prétendu le contraire, il a cependant été suffisamment ambigu pour le laisser croire. Par exemple, il évoque dans un entretien « John Bowlby, qui est celui qui m’a le mieux formé à l’éthologie animale », ce qui fait que son interviewer finit par écrire qu’il est « éthologue de formation » (Revue EPS, 09/2004); ailleurs il répond simplement « Pour moi, les deux vont de pair » lorsqu’on lui demande « Aujourd’hui, vous êtes plutôt éthologue ou neuropsychiatre ? », comme s’il avait cette double formation de base (Desprez , 23/04/2003); dans un autre entretien il explique qu’il a été « un des premiers à essayer d’appliquer aux humains les méthodes que j’avais apprises avec les animaux » (Boncenne, 05/2001); dans un autre encore il raconte que pendant ses études de psychiatrie l’enseignement était si indigent que « par désespoir, j’ai décidé d’appliquer à l’homme ce que j’avais appris à faire en psychologie animale », c’est-à-dire « au lieu d’aller parler avec les malades, observer l’hôpital psychiatrique avec un regard d’extraterrestre. Qui rencontre qui, où, et comment, comme j’avais l’habitude de le noter en psychologie animale » (O’Dy, 23/09/1993). Il n’est certes pas à exclure complètement qu’il ait suivi des cours d’éthologie [18′] avant ses études de psychiatrie, mais de là à en déduire qu’il est éthologue… A ce compte-là je pourrais me dire mathématicienne, physicienne, chimiste, neurobiologiste, psychologue, etc.

Cela étant dit, il n’y a pas que les diplômes qui comptent : il ne serait pas aberrant de le présenter comme éthologue s’il avait occupé un poste de chercheur en éthologie et publié des recherches dans ce domaine, ne serait-ce que sur les goélands dont il a plusieurs fois été écrit qu’il était un spécialiste. Hélas, trois fois hélas : il n’a jamais occupé de tel poste, et le WoS ne contient la trace d’aucun article scientifique signé de son nom publié dans une revue d’éthologie ou relevant de l’observation d’animaux dans leur milieu naturel. Ni sur les goélands, ni sur une autre espèce. Il semble bien que Boris Cyrulnik ne fasse « autorité en matière d’éthologie » qu’aux yeux de ceux qui ont eu la faiblesse d’y croire – ou de vouloir le faire croire. A mon sens, le simple fait de se présenter comme éthologue relève dans son cas déjà de l’imposture.

Psychologie et psychanalyse

Boris Cyrulnik a plusieurs fois été qualifié dans la presse de psychothérapeute, en plus de psychiatre. L’absence de mention explicite d’un diplôme de psychologie même dans ses CV les plus « enflés » suggère qu’il n’en a pas. Il a cependant déclaré « je suis neurologue, psychiatre, psychologue » (O’Dy, 23/09/1993), et répondu à la question « Qu’est ce qui vous définit le mieux : éthologue, psychologue, pédopsychiatre… ? » par une pirouette : « Je pense que depuis quinze ans, ce qui me caractérise c’est la continuité du travail que je mène sur la résilience » (Revue EPS, 09/2004). Sachant qu’il n’est ni éthologue, ni pédopsychiatre, j’inclinerais à penser qu’il n’est pas non plus psychologue, mais ce point reste à confirmer.

D’après Nivelle (21/02/2001), il est devenu « psychanalyste “en ville” à mi-temps » en 1979, activité qu’il dit avoir cessée après la sortie d’Un merveilleux malheur en 1999 notamment à cause du « pré-transfert » créé par ses écrits chez ses patients (Gobin, 01/11/2003). Cette profession n’étant pas réglementée, il a en effet pu la pratiquer sans avoir à faire valoir de formation particulière dans ce domaine. Je note cependant que son activité de psychanalyste ne figure pas dans son CV. D’autre part, bien qu’il revendique celle-ci dans les médias, lorsqu’il fait des conférences ou des publications en compagnie de psychanalystes, ceux-ci sont dûment désignés ainsi et/ou affichent leur appartenance à une société de psychanalyse, mais pas lui. L’étendue réelle de sa pratique de la psychanalyse et de la reconnaissance par des pairs de ses compétences en la matière restent à éclaircir.

Neurologie

Après une carrière de lycéen brillant (il dit avoir été présenté à plusieurs concours généraux) conclue par un bac littéraire, Boris Cyrulnik dit avoir « raté l’inscription » à Sciences po qu’il ambitionnait d’intégrer, et s’être alors inscrit au certificat de physique-chimie-biologie à la faculté des sciences de la rue Cuvier qu’il fallait à l’époque passer pour pouvoir entrer en fac de médecine (Maradan, 13/03/2012). Bien qu’ayant déclaré maintes fois avoir décidé de devenir psychiatre vers l’âge de 10 ans, il semble avoir eu une seconde hésitation après l’épisode Science po. Il déclare en effet dans son CV2008 avoir passé en 1962 (soit a priori au moins 5 ans après son bac) le concours de l’Institut de Psychologie de Paris, puis en 1965 le concours des hôpitaux privés de Lyon, et validé en 1967 un certificat d’études spéciales en Biologie appliquée aux sports [19].

Ce n’est qu’à 30 ans qu’il commence son certificat d’études spéciales (CES) en neuropsychiatrie, faisant dans ce cadre fonction d’interne (précisé dans son CV2007, mais ailleurs c’est gonflé en « interne ») pendant l’année 1967/1968 au sein du service de neurochirurgie du Pr David à l’Hôpital Sainte-Anne. C’est là sans doute qu’il eut l’occasion de croiser Lacan, qu’il dit avoir fréquenté pendant quelques mois à la fin de ses études de médecine (sans doute pas en tant qu’analyste puisqu’il évoque un repas pris avec lui).

A l’issue de sa première année de CES de neuropsychiatrie, celui-ci est supprimé pour être remplacé par deux spécialités : neurologie et psychiatrie. Boris Cyrulnik est nommé interne des hôpitaux psychiatriques au concours de 1968, fait trois années d’internat en psychiatrie au CH spécialisé de Digne, et valide ainsi son CES de neuropsychiatrie [ajouté le 19/07/2013 : selon sa biographie officielle. Cependant, selon Cyrulnik (2006, p.9-11), après que le service de neurochirurgie du Pr David eut refusé de le garder, l’hôpital psychiatrique départemental de Digne dans lequel il commença alors son internat refusa également de prolonger son contrat à l’issue de la première année. Ayant fait en vain appel de cette décision auprès du conseil de l’ordre, il termina semble-t-il son internat en psychiatrie dans le service du Pr “Mutter” à Marseille (plus probablement le Pr Sutter, auquel cas il s’agirait d’un drôle de lapsus)]. En vertu de l’arrêté du 30 décembre 1968 il est autorisé à revendiquer ce diplôme, mais c’est bien en psychiatrie qu’il s’est spécialisé. Selon la base de données de l’ordre des médecins, c’est d’ailleurs en tant que psychiatre qu’il a été inscrit au Tableau du Var (à partir de 1971) et qu’il y figure aujourd’hui (en retraite). On notera en passant que Marcel Rufo, qui a passé avec lui le CES de neuropsychiatrie avant de se spécialiser en pédopsychiatrie, ne se présente quant à lui jamais comme neurologue. Dès la fin de son internat en 1971 et jusqu’en 1978, Boris Cyrulnik a été médecin chef d’un établissement extrahospitalier de postcure psychiatrique (la clinique La Salvate, près de Toulon). Dans son CV2007, la seule mention de sa pratique de la neurologie hormis durant sa formation initiale est la mention « 1986-1991 : Consultant des hôpitaux. Neurologie » (en outre dans la rubrique consacrée à sa formation, et non dans celle consacrée à son « autorité médicale »). Il a donc éventuellement fait des consultations externes pouvant relever de la neurologie, mais alors sous la responsabilité d’un praticien hospitalier (titre qu’il n’a jamais eu) et de manière informelle, puisqu’il n’a semble-t-il jamais été inscrit en tant que neurologue à l’ordre des médecins. Cet aspect de sa carrière reste également à éclaircir.

Enseignement et recherches en éthologie humaine

A la fois critique de la prise en charge des malades mentaux qu’il a observée en hôpital psychiatrique, qu’il qualifie de « démission », et pressé de mettre en œuvre sa méthode consistant, « au lieu d’aller parler avec les malades », à observer « qui rencontre qui, où, et comment » (art. cit.), il coréalise dès son arrivée à La Salvate un travail d’observation des interactions entre schizophrènes « pour savoir s’il est exact, comme on l’affirmait, qu’ils ne rencontrent personne » : « toutes les heures les infirmières me téléphonaient pour me signaler la présence à tel endroit de monsieur x ou ma­dame y. On établissait des diagrammes et […] en les comparant, on pouvait constater que les schizophrènes rencontraient des gens » (07/2001, Le Monde de l’éducation). Ce travail donne lieu à la publication en 1973 d’un article non référencé dans le WoS co-signé avec R.Leroy dans les Annales Medico-Psychologiques. Je suppose que c’est à cet article qu’il fait référence lorsqu’il déclare sur un mode humoristique qu’il a publié « une des toutes premières observations d’éthologie humaine », et que « grâce à ce remarquable travail, il se retrouva d’emblée parmi les meilleurs éthologues de France » (CV2008).

Jean Sutter, professeur de clinique psychiatrique, lui confie alors un séminaire d’éthologie appliquée qu’il animera de 1974 à 1987 à la Faculté de Médecine de Marseille. Notons qu’il y officie en tant que chargé de cours (comme le sont par exemple couramment des étudiants de troisième cycle), et non en tant que professeur, titre qu’il n’a jamais obtenu quoi qu’on ait pu lire dans Le Monde et ailleurs. En 1995 est créé à la Faculté des Lettres et Sciences Humaines de Toulon, à nouveau spécialement pour lui, un Diplôme Universitaire (DU) dont la direction lui est confiée. C’est le poste qu’il occupe encore aujourd’hui : directeur d’enseignement du DU « Attachement et systèmes familiaux » (il ne s’agit pas officiellement d’un enseignement d’éthologie car il ne peut être qualifié ainsi). Je ne sais pas dans quelle mesure il dispense encore ou a dispensé lui-même des cours dans ce cadre. Quoi qu’il en soit, il a manifestement donné des cours d’ « éthologie humaine ». Mais quid de ses recherches dans ce domaine ?

Au début des années 1970, il est invité à participer aux réunions d’un réseau d’échange en matière d’éthologie humaine, probablement par Hubert Montagner, l’ami qui lui a fait découvrir l’éthologie humaine à la fin des années 1960 (selon ce qu’il confie dans Matignon, 09/2000). Fondé selon ses propres termes par « Albert Démaret, auteur du premier livre d’éthologie clinique en langue française »(Ethologie et psychiatrie, 1979) et « les professeurs Jacques de Lannoy, Jacques Cosnier, Hubert Montagner, Jean Lecamus, Claude Bensch et Pierre Garrigues » (Cyrulnik, 2001, p.8), il s’agit du fameux « Groupe d’éthologie humaine » dont il est parfois présenté comme co-fondateur. Jacques Cosnier dirigeait alors le Laboratoire de psychologie animale et comparée qu’il avait créé en 1967 à la faculté des sciences de Lyon [20], d’où la mention erronée qu’on peut parfois trouver de son départ à Lyon pour travailler avec Cosnier au CNRS. A aucun moment Boris Cyrulnik ne fut membre de ce laboratoire, ni de toute autre structure de recherche universitaire ou de type CNRS ou INSERM manifestement.

Pendant ses années de médecin chef de La Salvate (1971-1978), il donne des conférences, publie des articles dans des revues professionnelles, et deux articles scientifiques : un court article rapportant que l’observation des petits humains indique que chez eux comme chez le Chimpanzé, une déficience maternelle crée des troubles de la communication (publié seul dans une revue mineure publiant notamment les comptes-rendus de l’Association française de psychiatrie biologique), puis à nouveau avec R.Leroy et dans les Annales Médico-psychologiques un article sur les « modèles naturels de physiologie familiale » [21].

De 1979 à 1989, il publie ses deux premiers livres : Mémoire de singe et parole d’homme (1983, Hachette Littérature) et Sous le signe du lien (1989, Hachette Littérature), et dirige un ouvrage collectif (Le Visage : sens et contre-sens, 1988, Eshel). Il fait également quelques conférences et publications dans des revues professionnelles, et publie quatre articles pouvant être qualifiés de scientifiques [22]. De 1983 à 1987, c’est au sein du service hospitalier de pédopsychiatrie dirigé à Marseille par René Soulayrol, où se trouve son ami Marcel Rufo, qu’il mène ses recherches sur les jeunes enfants. Il semble qu’il ne dispose alors d’aucun rattachement formel à ce service et ne dirige pas non plus officiellement de groupe de recherche. En effet, il signe de son seul nom les trois articles de cette période, et n’y indique soit aucun rattachement, soit seulement « Association méditerranéenne d’éthologie ». Cette association domiciliée à son adresse personnelle semble n’avoir eu pour objet que de lui fournir un rattachement à un semblant de société savante, car je n’ai trouvé personne d’autre que lui s’en réclamant. De 1987 à 1989 c’est avec Maurice Ohayon, directeur du Laboratoire de Traitement des Connaissances de Faculté de Médecine de Marseille, qu’il mène un travail faisant l’objet d’un article publié avec lui.

De 1989 à 1991, il mène ses réflexions en tant que consultant au Centre médico-psychologique de La Seyne-sur-mer et membre du « Groupe azuréen de recherches en psychiatrie » du Centre hospitalier intercommunal (CHI) de Toulon-La Seyne, dont il est semble-t-il le seul membre [23]. A l’issue de cette période, il publie un unique article dans une revue scientifique, portant sur l’intérêt de l’éthologie en psychiatrie (catégorisé « éditorial » dans le WoS). Il consacre surtout ces années-là à la rédaction de deux livres : De la parole comme d’une molécule (Le Seuil, 1991) et Naissance du sens (1991, Hachette). D’après son CV, il cesse définitivement en 1991 de faire des consultations en psychiatre/neurologie.

De 1991 à 1995, il est maintenant directeur du « Groupe de Recherche en Ethologie clinique [et anthropologique] » au CHI de Toulon-La Seyne. Il indique dans son CV2008 que ce groupe était « uniquement destiné à coordonner les observations sur le terrain » faites entre autres par des vétérinaires, des psychologues, des linguistes, des neurologues et des psychanalystes, et qu’il en fit la matière de son livre suivant, Les nourritures affectives (Odile Jacob, 1993). A l’issue de cette période, il publie deux articles scientifiques comparant les troubles anxieux chez l’être humain à ceux causés chez les animaux par la perturbation de leur sphère relationnelle précoce. PubMed le crédite de deux autres articles publiés dans une revue belge mineure non référencée dans le WoS [24].
D’après son CV2007, les activités de Boris Cyrulnik au sein de ce « Groupe de recherche en éthologie » s’arrêtent définitivement en 1995. Il reste cependant à ce jour président de l’Association Française de Recherche en Ethologie Clinique et Anthropologique (AFRECA) qu’il a créée dans les années 1990. Cette association, presque aussi fantomatique que l’OIR cité plus haut et comme ce dernier rattachée à la Ligue française pour la santé mentale présidée par Roland Coutanceau, lui sert à l’occasion de pseudo-rattachement institutionnel, ainsi qu’à récolter des fonds [25]. Il n’a publié jusqu’à ce jour que trois autres articles scientifiques référencés dans le WoS ou dans PubMed, toujours seul. L’un, catégorisé « éditorial » dans le WoS, porte sur « démence et résilience ». Les deux autres sont une revue de la littérature sur l’éthologie et les corrélats biologiques de l’humeur, et un article sur l’observation en soins infirmiers [26].

Directeur d’une cinquantaine de thèses ?

Comme on l’a vu plus haut, Boris Cyrulnik a récemment été crédité de la direction d’une « cinquantaine de thèses » dans l’annonce d’une conférence, et l’enseignement qu’il dirige à l’université du Sud-Toulon-Var était selon Le Monde en 2008 censé ne cesser de « superviser thèses et mémoires ». Il met également lui-même en avant cette activité. Ainsi, dans Cyrulnik (2001, p.8), il remercie les étudiants de son DU et les « doctorants qui [lui] ont demandé de les juger », et dans Desprez (23/04/2003), il déclare qu’il est actuellement « dans le tourbillon de la résilience. Thèses, travaux, groupes : tout se bouscule ». De même, il indique dans son CV2008 qu’il a dirigé « des thèses et des publications » dont il s’est servi pour écrire son premier livre en 1983, et qu’il a été « directeur d’une cinquantaine de thèses et travaux ». Dans son CV2007, il évoque la « direction et participation au jury d’une cinquante de thèses en France et à l’étranger » en « Psychiatrie Médecine », « Psychologie IIIe cycle », « Neuro-Sciences », « Ethologie » et « Psychoéducation ».

Pourtant, en ce qui concerne la France, il ne peut avoir dirigé aucune thèse au sens usuel du terme, c’est-à-dire un travail de recherche de 3 ans minimum conduisant à l’obtention d’un doctorat universitaire. En effet, il faut pour cela en principe [26′] être titulaire d’une habilitation à diriger des recherches, or il ne l’est pas. En ce qui concerne les thèses de médecine, je n’ai trouvé la trace que de deux mémoires dirigés par lui. L’un portait sur le comportement des mères à l’immersion de leur bébé-nageur, l’autre sur le pointé du doigt chez l’enfant (c’est ce travail fait par Anne Robichez qui est à la source de ses fréquentes allusions au lien qu’il présente comme démontré et fondamental entre le pointé du doigt et l’acquisition du langage) [27]. Je n’ai trouvé dans Sudoc la trace que d’un autre mémoire (co-)dirigé par lui, présenté pour l’obtention du certificat de capacité d’orthophoniste en 2003. Je ne sais pas ce qu’il en est de ses activités à l’étranger : là encore, cela mériterait des éclaircissements.

Un grand nom de la recherche, récompensé pour celle-ci et auteur de plusieurs centaines d’articles scientifiques

Compte tenu de l’indigence de la production proprement scientifique de Boris Cyrulnik, comment se fait-il qu’on en arrive à le présenter comme un « grand nom » de la recherche ? Car un seul de ses articles indexé dans le WoS (publié en 1998) a été cité par d’autres dans l’ensemble de la littérature scientifique qui y est référencée, et ce 5 fois seulement, ce qui dit bien le peu d’intérêt que la communauté scientifique a porté à ses modestes travaux. Par comparaison, un article de Michael Rutter publié sur la résilience la même année a été cité 301 fois, et deux des premiers articles de Rutter publiés sur ce sujet en 1985 et 1987 l’ont été respectivement 842 et 1186 fois [28].

Boris Cyrulnik a certes publié chez Odile Jacob des livres mélangeant littérature et vulgarisation scientifique, fait de nombreuses publications dans divers ouvrages ou revues professionnelles, écrit de courtes chroniques dans La Recherche, journal de vulgarisation de haut niveau, et fait des conférences dont le résumé en quelques lignes a parfois été publié dans des revues scientifiques. Mais il ne saurait ignorer que tout cela ne relève pas de ce qu’on appelle communément « article scientifique » ou « publication scientifique ». En réunissant les bases WoS et PubMed, on arrive au mieux à 14 articles publiés par lui dans des revues scientifiques référencées en tant que telles, dont trois après 2001. Pourtant, selon sa notice Who’s Who de 2000-2001, il est l’auteur de plusieurs centaines d’articles scientifiques (!). De même, dans son CV2007 il se crédite de « 200 publications scientifiques dont une cinquantaine dans des revues qualifiantes ». Si Boris Cyrulnik ne se résoud pas à avouer ce qui relève (pour le moins) de la forfanterie, j’examinerai avec beaucoup d’intérêt la liste de ses centaines d’articles scientifiques, s’il se décide à la fournir.

Mais alors, comment se fait-il qu’il ait obtenu en 2004 un prix de la recherche médicale ? C’est ce que laisse en effet croire son CV2007, où figure la mention « Prix Jean Bernard. Recherche Médicale. Fondation de France », ainsi que l’annonce de sa conférence de 2013 citée plus haut. De même, sur le site de l’Observatoire International du Couple (dont j’ai déjà parlé ici) créé par son ami Philippe Brenot, dont Boris Cyrulnik est membre du comité scientifique, on peut lire non seulement qu’il a à son actif « plus de 200 publications scientifiques dans le domaine de la psychiatrie, de l’éthologie et dans le champ de l’attachement et de la résilience », mais aussi qu’il « a obtenu le prix Jean Bernard pour la recherche médicale en 2004 ». De manière encore plus explicite, sur le site dédié à la publicité du « Théâtre de la science », une programmation culturelle que le même Philippe Brenot a créée en 1996 « sur une idée de Boris Cyrulnik », on peut lire qu’il a été « [r]écompensé par le Prix Jean Bernard pour ses travaux en recherche médicale » [29]. En fait, ce prix lui a été donné non pas au titre de ses travaux en recherche médicale, mais en « hommage à son œuvre qui a permis d’enrichir les connaissances du grand public en matière de neuropsychiatrie », le jury ayant par ailleurs cru (ou fait semblant de croire) qu’il était l’ « inventeur du concept de résilience » [30].

Le meilleur résumé de la carrière scientifique essentiellement théâtrale de Boris Cyrulnik me semble avoir été fait par lui : « J’essaye d’être scientifique, j’ai réussi à le faire croire, de temps en temps » (La grande librairie, 27/09/2012).

« MENSONGE », « MYTHOMANIE », « MEGALOMANE », « MANIPULER », « COMEDIE », « THEATRE »

Il est étonnant que ses arrangements avec la réalité n’aient pas été relevés par des journalistes. Tout d’abord, certains étaient très facilement accessibles. Par exemple, le fait qu’il ne soit pas l’inventeur de la résilience a été écrit à plusieurs reprises (y compris par lui), et je m’étonne donc non seulement que certain-e-s aient néanmoins persisté à écrire le contraire, mais aussi que personne n’ait relevé qu’il lui arrivait de le laisser croire. De même, cinq minutes suffisent pour interroger PubMed ou le WoS et voir qu’il est très loin d’avoir publié les centaines d’articles scientifiques dont il se crédite. Par ailleurs, sous couvert d’autodérision ou non, il a envoyé de multiples messages qui auraient pu mettre la puce à l’oreille.

Par exemple, dès les premières années de sa starisation il ne cesse d’affirmer qu’il existe un lien de causalité entre traumatisme précoce (dont on sait alors qu’il a souffert) et mythomanie, mensonge ou mégalomanie, lien à nouveau affirmé récemment dans les extraits cités au début du présent billet. Ainsi, il évoque le « pouvoir de rêve qu’il qualifie aujourd’hui de pathologique » qui lui a permis de changer le cours de son destin (O’Dy, 17/04/1997), explique que « le mensonge est une preuve d’intelligence » (de Solemne, 03/1999), évoque le « mensonge à soi » qui permet d’anesthésier les blessures (Crignon & Weill, 18/03/1999), affirme qu’ « [o]n observe également une forte dose de mégalomanie chez les résilients » (Taubes, 03/2001), ou encore avoue : « J’étais un rêveur mégalomane, et cela me protégeait de tout » (Nivelle, 21/02/2001).

Il va même jusqu’à expliquer que « nous sommes contraints de nous mentir, nous avons un devoir de “se mentir”. […] ; c’est l’auto-mensonge nécessaire, le leurre nécessaire. Je suis obligé de me leurrer pour me donner une direction et peut-être pour donner sens à ma vie » ; selon lui, « le mensonge participe à la structure de la personnalité, et même la favorise », et parmi les enfants abandonnés dans des situations innommables, « ceux qui s’en sortent sont ceux qui rêvent le plus, ceux qui se mentent le plus […], ces enfants-là se sauvent grâce à l’auto-leurre, grâce au mensonge. D’ailleurs, ce sont des comédiens, des menteurs extraordinaires » (de Solemne, 03/1999).

De manière également significative, il relève des similitudes étonnantes entre son parcours et celui de Jean-Claude Romand, l’homme qui s’est fait passer de nombreuses années pour le médecin et chercheur à l’OMS qu’il n’était pas (dont il préface la biographie), et affirme : « Un enfant qui ne joue pas à faire semblant […] a vraisemblablement de graves troubles de la relation. Il n’ose pas, il ne sait pas manipuler le monde mental des autres […]. Avant la parole, dès l’âge de 15 mois, l’enfant doit savoir faire semblant de pleurer ou de se cacher […] Plus tard, après l’acquisition de la parole, il mentira pour se protéger […] Un enfant qui ne ment pas ne sait pas se protéger […] La mythomanie nous est nécessaire comme mode d’identification […] C’est vital pour la structure. La mythomanie est fondatrice de notre destin. […] Malheur à ceux qui n’ont jamais menti, ils sont soumis au réel ! » (Mathieu, 09/2002).

Concernant plus précisément la nature de son discours pseudo-scientifique, il donne également des pistes. Ainsi, il avait été relevé dans Le Monde que dans son nouveau livre, son « ironie salubre » lui faisait avertir d’emblée ses lecteurs : « les observations qui vont suivre dans ce livre sont fausses » (Jaccard, 06/04/1990). Plus tard, il n’hésite pas à expliciter ce qui à mon avis donne le meilleur éclairage qui soit sur le contenu de tous ses livres : « On croit qu’on est objectif et, en fait, toute opinion est une autobiographie métamorphosée […] Quand j’écris, je m’adresse à l’ami invisible, au lecteur parfait qui me comprendra […] L’écriture maîtrise l’émotion. On expose, on pose hors de soi un problème qui est en soi. Soit parce qu’on a été choqué par la maladie, par un problème personnel, un traumatisme…» (Gobin, 01/11/2003). Il avait dans le même sens été noté dans L’Express que selon son ami Gérard Paquet, ancien directeur du théâtre de Châteauvallon, «”[d]ans ses écrits, il y a une très grande recherche sur lui-même. ” » (Huret & Cousin, 16/01/2003). Il avoue encore ailleurs : « Je suis lâche. C’est pourquoi je ne fais que des autobiographies à la troisième personne. […] J’ai pensé que je cesserais d’être un épouvantail si j’arrivais à devenir psychiatre […] Si j’avais été parfaitement équilibré, je serais devenu ébéniste comme mon père. Ce n’est pas normal d’être psychiatre » (Labbé & Recasens, 18/09/2008). Dans l’autobiographie empreinte d’autodérision qu’il a mise en circulation à l’usage des médias (cf CV2008), il se dit en toute fausse modestie « incroyablement surestimé », incapable d’expliquer son « succès immérité », et avoue pince-sans-rire avoir décidé en 1998 de consacrer ses forces « et surtout celles des autres » à l’étude de la résilience.

Soulignons pour finir qu’il a déclaré s’être « longtemps caché » derrière le prénom Bernard (Labbé & Recasens, 18/09/2008), qu’à travers le « petit Bernard » il avait « parfois raconté [s]on histoire avec le masque d’un autre nom » (Colombani, 28/09/2012). C’est-à-dire en particulier que dans le livre qui a fait exploser sa carrière éditoriale et médiatique (Cyrulnik ,1999), lorsqu’il présente et analyse longuement, en tant que psy, le « cas » du petit Bernard , il ment à ses lecteurs en leur cachant qu’il s’agit d’une introspection. Pire, ce cas est en partie inventé puisqu’il raconte (avec force détails poignants) les souffrances du petit Bernard à Auschwitz alors qu’il n’a lui-même jamais été déporté. C’est finalement peut-être dans ce livre qu’on trouve exprimé le plus clairement son rapport à la vérité lorsqu’il s’agit de (se) raconter sa propre histoire : « Il ne s’agit pas de mensonges, mais de recomposition du passé. Il est certain qu’un récit dépend de l’intention de celui qui parle et de l’effet qu’il désire produire sur la personne à qui il s’adresse. Pour réaliser ce projet, [Bernard] utilise les événements de son passé pour inventer une chimère autobiographique […] » (p.31) ; « [Bernard] choisit dans son passé quelques éléments réels dont il se fait une représentation, […]. Il a métamorphosé sa souffrance en œuvre d’art, en théâtre intime […].[…] notre histoire n’est pas la même selon que l’on s’adresse à soi-même, à une femme qu’on veut séduire, à sa famille qu’on veut préserver ou à un courant social qui ne sait entendre qu’un seul type de récit normo-moral. »(p.125-126).

UN JURASSIC-PSY* AU SERVICE D’UNE DROITISATION RAMPANTE DES ESPRITS
* [C’est ainsi qu’il se qualifie lui-même ainsi que son ami Marcel Rufo dans Gobin (01/11/2003)]

Boris Cyrulnik semble bien s’amuser à faire croire qu’il est scientifique, à faire croire qu’il pense [31], et à se payer le luxe de l’avouer aux spectateurs de France 5 et aux lecteurs de Libération en sachant qu’ils ne le prendront pas au sérieux. Il s’amuse même à préciser qu’il n’est pas comme son ami Marcel Rufo motivé par « le plaisir de parler en public », mais par celui de « jouer à parler en public. De jouer » (Gobin, 01/11/2003).

Après tout, pourquoi pas, si ce qu’il raconte sous couvert de science est effectivement scientifiquement établi. Moi qui sur ce blog ne parle qu’en mon nom, et qui ai préféré l’action concrète immédiate dont je ressentais l’urgente nécessité à l’obtention d’un titre de docteur en sociologie, je serais bien mal placée pour dire que la possession de tel diplôme ou titre autorise seule à s’exprimer publiquement sur tel ou tel sujet.

Mais Boris Cyrulnik, non content de se présenter sous un jour pour le moins trompeur, déverse en outre sans vergogne dans l’espace public, au nom de sa pseudo-expertise scientifique, des affirmations fondées non pas sur de solides données scientifiques mais sur ses convictions personnelles, renforcées par des informations douteuses qu’il grappille ça et là et reformule allégrement, des affirmations parfois complètement farfelues et à l’occasion agrémentées de mensonges éhontés, comme j’en ai donné des exemples ici et ici. Comme il l’écrit lui-même dans ce qui ressemble à un nouvel aveu déguisé et plus ou moins conscient : « Parfois, les méthodes scientifiques sont tellement sophistiquées que les résultats difficiles à lire peuvent être interprétés selon nos désirs, même inavouables. […] Il est difficile d’accepter une information pour ce qu’elle est. On est toujours tenté de l’ “idéologiser” et d’établir des rapports de causalité exclusive où une donnée scientifique partiellement vraie mène à une conclusion totalement fausse. Il est tellement plus agréable d’exprimer nos désirs inavouables sous le masque de la science. » (Cyrulnik, 06/2005). C’est là que le bât blesse, et blesse doublement.

Car s’il est déjà problématique en soi qu’une imposture d’une telle ampleur ait pu se mettre en place et durer si longtemps, il l’est a fortiori que cette imposture ait pu servir à instiller dans les esprits des idées qui ont de fortes implications politiques. Depuis plus de vingt ans, Boris Cyrulnik défend en effet de manière diffuse et néanmoins têtue voire obsessionnelle, la faisant passer pour scientifiquement établie soit explicitement, soit du fait de la stature scientifique qui lui est prêtée, l’idée qu’il existe entre individus en général et entre hommes et femmes en particulier d’importantes différences de tempéraments et de comportements qui sont naturelles, déterminées par des prédispositions génétiques, par les hormones sexuelles ou par les modifications physiologiques liées à la maternité. Et il le fait de manière d’autant plus efficiente que ses multiples expertises supposées, son image de réconciliateur non dogmatique, le profond humanisme dont tous ses actes et ses pensées passent pour procéder, et son statut d’opposant par essence à l’idéologie d’extrême droite suggèrent que s’il le dit, c’est que ça ne peut être que vrai.

Compte-tenu de ses immenses succès éditoriaux et surface médiatique, j’incline à penser que Boris Cyrulnik a été un artisan important en France de la banalisation et « scientification » de cette idée. L’exposé de l’épais dossier dont je dispose à ce sujet sortant de l’objet du présent blog et mon billet étant déjà bien long, je m’arrête ici et pour l’instant. J’attends maintenant avec une impatiente curiosité de voir quel effet le présent billet aura sur la communauté journalistique à laquelle il est notamment destiné, et quelle réponse le Dr Cyrulnik y apportera (ou pas).

Odile Fillod

PS (28/09/2017) : le journaliste Nicolas Chevassus-au-Louis a questionné Boris Cyrulnik sur la base du présent billet. Voici comment il s’en est sorti : « Je ne prétends pas être scientifique, et encore moins éthologue. […] On m’a parfois présenté comme psychanalyste, mais je n’ai jamais exercé cette profession » (“Le grand bazar de Boris Cyrulnik”, La revue du crieur, n°6, février 2017, p.23-37). Il continue pourtant à se présenter ainsi sur son blog hébergé par le Huffington Post : “Neurologue, psychiatre, éthologue et psychanalyste”.

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Notes

[1] Toutes les références citées de manière abrégée dans le présent billet sont détaillées ici.

[2] Lanez (02/09/2010) : « [Le Point :] Pourquoi vous, l’homme qui rendit célèbre le phénomène de la résilience, travaillez-vous sur la honte ? Quel est le rapport ? [B. Cyrulnik :] Il y a des raisons objectives et une autre, bien plus personnelle. […][Le Point :] Quelle est la raison plus personnelle ? [B. Cyrulnik :] Mon enfance fut particulière. Juif, orphelin confié à l’Assistance publique à la fin de la Seconde Guerre mondiale, j’ai ressenti ne pas avoir le droit d’exister, ne pas appartenir à l’espèce humaine. J’ai grandi en étant condamné à mort sans savoir pourquoi. Dans ce livre, j’évoque un enfant de 7 ans incroyablement sale, noir de boue, qui dort à côté d’un tas de purin. Un jour, une brave dame arrive de la ville et demande que cet enfant lui soit confié l’espace d’un dimanche. Elle veut le vêtir proprement, le laver, mais ne parvient pas à masquer son dégoût lorsqu’il se déshabille devant elle. Soudain, l’enfant est envahi par la honte. Pour la première fois, il se voit sale, dégoûtant. Cet enfant, c’est moi. J’ai connu la honte. [Le Point :] Comment parvient-on à sortir de la honte ?[B. Cyrulnik :]Dans un premier temps, le honteux se débarrasse de ce poison en développant une compensation imaginaire. Vous croyez que je suis minable, je me sens minable sous votre regard, eh bien, un jour, plus tard, lorsque je serai grand, je serai fort, plus fort que vous. Il existe une force compensatrice de la honte qui peut devenir le moteur d’une réussite sociale. L’autre possibilité est de se laisser glisser dans la mythomanie, masque compensateur de la honte. Le honteux se réfugie dans cet imaginaire, tellement plus satisfaisant. »

[3] Edgard Morin écrit à ce propos : « Au début, il ne l’a pas dit. On l’a dit pour lui. » (Morin, 07/2001). Boris Cyrulnik explique en effet : « J’avais l’intention de ne jamais en parler. […] Mais lorsque Marguerite Farges, cette héroïne qui m’a recueilli pendant la guerre, a reçu la médaille des Justes [le 15 juillet 1997], toutes les télévisions étaient là. J’ai voulu faire demi-tour, mais je l’aurais blessée au lieu de l’honorer. Mon histoire est devenue publique malgré moi. » (Mathieu, 01/02/2003). Il explique ailleurs dans le même sens : « J’ai fait remettre la médaille des Justes à une dame de Bordeaux. Je ne voulais pas d’invités. Toutes les chaînes de télévision étaient là… mais je n’ai pas dit un mot aux journalistes. C’est Pascale Nivelle, du journal Libération, qui a rendu publique cette histoire que, moi, je n’ai pas rendue publique. » (Gobin, 01/11/2003). Notons qu’il avait tout de même consenti à dire quelques mots à Sud Ouest, publiés le 16 juillet 1997 (cf Dubourg, 14/10/2012). La journaliste de Libération a effectivement ensuite raconté cette histoire (Nivelle, 12/08/1997), mais il ne devait pas trop lui en vouloir, puisqu’il lui a accordé trois ans et demi plus tard une interview chez lui, acceptant dans le cadre de la promotion des Vilains petits canards (paru en février 2001) de se confier pour un portrait revenant notamment sur son enfance difficile (Nivelle, 21/02/2001). Quelques-jours avant, c’est à une journaliste du Nouvel Observateur qu’il contait par le menu son passage à l’Assistance publique suivi de son recueil par Marguerite, son arrestation par la police de Papon et son évasion rocambolesque de la synagogue de Bordeaux (Crignon, 15/02/2001), évasion dont les modalités exactes varient d’ailleurs étrangement selon les récits. Quelques années plus tard, dans le cadre de la promotion du Murmure des fantômes (paru fin janvier 2003), il fait la une de Psychologies magazine pour un entretien dans lequel il raconte à nouveau ces épisodes douloureux et sa survie « balloté d’institutions en familles d’accueil » (Mathieu, 01/02/2003), et vient même en parler sur France 2 (Tout le monde en parle, 22/02/2003). Etc, etc. Par ailleurs, si l’épisode de sa protection par Marguerite Farges et de son évasion de la synagogue de Bordeaux n’avait pas encore été raconté avant l’été 1997, la mise en scène du récit de son enfance difficile et de son incroyable rebond était déjà entamée : trois mois avant, il confie en effet à L’Express que ses parents sont morts pendant la seconde guerre mondiale, qu’il fut garçon de ferme à 6 ans, et qu’ « une sorte de courage morbide » lui a permis d’ « échapper à la voie qui s’ouvre [alors] devant ses pas : devenir personne, ou ouvrier agricole, ou bien encore forain » (O’Dy, 17/04/1997). Au moment où il fait remettre la médaille des Justes à Marguerite Farges, il est justement en train de travailler sur Ces enfants qui tiennent le coup, l’édition des actes d’un colloque consacré en juin 1997 à la résilience (organisé au Centre culturel de Châteauvallon dans le Var alors présidé par son ami Gérard Paquet).

[4] Cf Huret et Cousin (16/01/2003) : « Ethologue, neuropsychiatre et psychanalyste, il est convaincu que l’homme peut surmonter les pires tragédies. Cette théorie de la “résilience”, qu’il développe dans Le Murmure des fantômes (Odile Jacob), lui a valu la célébrité. […] Son passé cabossé, il préfère le museler. De peur d’ériger le malheur en une “friandise culturelle”, dit-il à L’Express, de scénariser son enfance douloureuse en une “tragédie qui émoustille” les foules. La voilà, la rançon du succès. En quelques années, le pudique Dr Cyrulnik, éthologue, neuropsychiatre et psychanalyste, est devenu l’un des psys les plus médiatiques de France. Grâce à ses deux ouvrages cultissimes – Un merveilleux malheur en 1999, et Les Vilains Petits Canards en 2001 (Odile Jacob) – il a rendu populaire la résilience, un concept révolutionnaire pour le grand public […] En France, Boris Cyrulnik fut le premier à distiller cette maxime optimiste sur les plateaux de télévision. Le premier à vulgariser un terme jusqu’ici réservé au microcosme universitaire. […] Jamais un psy n’avait été si choyé, si écouté par les Français, depuis la mort de Françoise Dolto, la géniale clinicienne, et la plus originale des psychanalystes d’enfants. La preuve, Edgar Morin a déjà sacré le neuropsychiatre fournisseur officiel de bien-être : la résilience selon Cyrulnik, assure le sociologue, “c’est un refus de la résignation à la fatalité du malheur” (Le Monde de l’éducation). »

[5] Extrait des témoignages diffusés dans La grande librairie sur France 5 le 27 septembre 2012 dans le reportage ad hoc destiné à expliquer « pourquoi et comment » il est devenu « un psy pas comme les autres ». Claude Weill (Le Nouvel Observateur) et Emilie Lanez (Le Point) confortent par ailleurs ici l’idée selon laquelle le concept de résilience est au cœur de son succès, le premier en déclarant : « Le message que Boris Cyrulnik fait passer à la société, et c’est pour ça que ça passionne les gens, c’est “on peut réparer l’être humain”, “il n’y a pas d’irrémédiable”, “il n’y a pas de fatalité du malheur” », la seconde en disant : « Ce qui l’a rendu plus que célèbre, ce qui l’a rendu populaire, c’est le concept de la résilience ».

[6] Cf Leglu (02/2009) : « Verra-t-on, cette année, l’homologue “féminin” [du Viagra] débarquer sur le marché ? […] L’affaire n’est pas mince, car elle touche à l’intime. […] Non, l’affaire n’est pas mince et l’on y retrouve tous les ingrédients des polémiques faites pour durer. Opposition homme-femme, nature vs culture, l’imparable bio contre psycho. Heureusement, il y a les réconciliateurs. Désir et plaisir sont à la fois biologiques et psychologiques, énonce Boris Cyrulnik […] »

[7] A) Cf Huret et Cousin (16/01/2003) : « “Tout le monde en parle, mais c’est un concept énervant, lance Bernard Golse, pédopsychiatre à l’hôpital Necker, à Paris. […] Dans dix ans, on finira par conclure que les vrais facteurs de résilience se trouvent dans l’histoire personnelle de chacun. Et ça, on s’en doutait déjà. J’ai du mal à comprendre ce succès. Le message est beau, c’est sûr, mais on n’a rien de plus à en dire.” […]”Boris a été extrêmement novateur, et cela lui a valu beaucoup d’inimitié, raconte Claude Béata, vétérinaire comportementaliste. […]” […] Boris Cyrulnik refuse de choisir entre l’éthologie, la psychanalyse et la neuropsychiatrie, entre le corps et l’esprit, la parole et la molécule, l’homme et la bête. Un blasphème dans la communauté scientifique, où l’étiquetage est un sport national. […] Iconoclaste, inclassable, Boris Cyrulnik a affiné, au fil du temps, une méthode inédite, la sienne, qui allie l’observation de l’éthologie, les outils du psychiatre et l’empathie du psychanalyste. “C’est un défricheur de territoires, raconte Philippe Brenot, l’ami psychiatre. Il n’entre pas dans le moule universitaire. Il est celui qui s’intéresse au no man’s land entre les disciplines.” Un électron libre, pas un stratège. Un moulin à idées, pas un calculateur. […] En France, la vulgarisation scientifique est un terrain glissant. Elle suscite des ennemis. Alors, parfois, on le méprise. “Il inspire de la jalousie, confirme André Langaney, généticien, professeur au Museum national d’histoire naturelle. […]” […] Et puis, qui lit Cyrulnik ? Tout le monde. Et les spécialistes n’aiment pas ce que tout le monde lit.» ; B) Cf Vincent (18/09/2008) : «”Le concept de résilience apporte beaucoup d’espoir et d’enthousiasme, mais sur le plan clinique, pas grand-chose“, estime Bernard Golse, pédopsychiatre à l’hôpital Necker. “Boris a inventé une méthode, celle de l’éthologie humaine“, rétorque Philippe Brenot. De fait, les ateliers de travail sur l’attachement et la résilience se multiplient partout dans le monde, et l’enseignement qu’il dirige depuis 1993 à l’université du Sud-Toulon-Var ne cesse de superviser thèses et mémoires. Il y a bien, désormais, une école « cyrulnikienne ». Belle revanche sur un système universitaire qui ne l’a guère aidé, lui qui n’a jamais obtenu le titre de professeur. Trop marginal, à l’époque, pour entrer dans le moule. Et désormais trop célèbre pour ne pas faire des jaloux. ».

[8] SVT 1ère S, Nathan, 2011, p.280 : dans l’encadré « Qu’est-ce que l’orgasme ?», un paragraphe tiré de Sciences et Avenir de février 2009 cite « Boris Cyrulnik, célèbre neurobiologiste et psychiatre » au sujet du désir et du plaisir. Dans Sciences et Avenir, il était pourtant décrit comme « éthologue, neurologue, psychiatre et psychanalyste à Toulon », et « célèbre éthologue », ce qui en dit long à la fois sur le flou qui entoure son expertise réelle et sur la manipulation des étiquettes utilisées pour le décrire par ceux qui le citent, selon le contexte de cette citation.

[9] Qualificatifs tirés de l’introduction p.121 et de l’entretien avec Boris Cyrulnik p.127-128 du chapitre « Les hommes de science face à la télévision », in Jean-Claude Arrouge, Anne Brunswic (dir.), 1997, Objectif science : images et sciences à l’école primaire, CNDP, en ligne sur http://www2.cndp.fr/ecole/sciences/objectif_science/pdf/reflexions/hommes_OS_121.pdf et http://www2.cndp.fr/ecole/sciences/objectif_science/pdf/reflexions/cyrulnik_OS_127-128.pdf (accédés le 24 mai 2013). Les trois autres « hommes de sciences » interviewés sont Georges Charpak, Albert Jacquard et Denis Guedj.

[10] Cf http://www.ambafrance-il.org/Boris-Cyrulnik-a-Tel-Aviv.html, compte-rendu de sa conférence du 4 mars 2013 à l’Institut français de Tel Aviv, où il était invité par le bureau pour la Coopération Scientifique et Technologique de l’ambassade de France en Israël (accédé le 24 mai 2013).

[11] Lorsqu’il parle de résilience, Boris Cyrulnik l’envisage tantôt comme un processus, tantôt comme un trait de la personnalité (ou dimension du « tempérament »). Dans le premier cas, il se réfère notamment à la théorie de l’attachement de John Bowlby, issue de l’éthologie et de la psychanalyse, qui met l’accent sur l’importance d’une « figure d’attachement » comme base sécurisée de développement. Dans le second cas, c’est au concept d’ « ego-resiliency » que cela renvoie, défini par le psychologue américain Jacob Block (semble-t-il pour la première fois en 1950 dans sa thèse de doctorat) comme capacité intrinsèque d’une personne à s’adapter positivement aux événements et en particulier à l’adversité. Le terme « resilience » proprement dit a été utilisé dans la littérature savante en psychologie au moins depuis 1980 (cf Frederic Flach, Psychobiologic resilience, psychotherapy, and the creative process , Comprehensive Psychiatry, vol.21(6), p.510-518). Mais c’est surtout Michael Rutter qui l’a incorporé au langage courant, avec son fameux article « Resilience in the face of adversity – protective factors and resistance to psychiatric disorder » publié en 1985 (British Journal of Psychiatry, vol.147, p.598-611), intégrant à la fois des aspects tempéramentaux et des considérations sur l’attachement issues des théories de Bowlby. La psychologue américaine Emily Werner a quant à elle qualifié dans un livre de « résilients» certains des enfants nés à Hawaï en 1955 dans des milieux très défavorisés qu’elle avait suivis (dans Werner E. E., Smith R.S., 1982, Vulnerable but invincible: A study of resilient children, McGraw-Hill) et utilisé le terme resilience dès 1991 au moins dans la littérature scientifique (Cf par exemple Journal of Adolescent Health, vol.13(4), p.262-268). Concernant l’import de cette terminologie dans le monde francophone, on peut signaler que Paul Claudel avait relevé dès 1936 qu’ « il y a dans le tempérament américain une qualité que l’on traduit là-bas par le mot resiliency », qui « unit les idées d’élasticité, de ressort, de ressource et de bonne humeur » (tiré de P.Claudel, « L’élasticité américaine », in Paul Claudel – Œuvres en prose, La Pléiade, p.1204, initialement publié dans Paris-Soir le 23 août 1936 sous le titre « L’américain travaille, s’amuse et se repose sur un rythme de dynamo » ; B.Cyrulnik y fait lui-même référence dans Les vilains petits canards, 2001, p.259). Le mot « résilience » a été utilisé en français dans le sens que lui donne Boris Cyrulnik dès 1996 au moins par deux auteurs : Stefan Vanistendael (dans La résilience ou le réalisme de l’espérance. Blessé, mais pas vaincu, Bureau International Catholique de l’Enfance, coll. Les Cahiers du BICE, cité par B.Cyrulnik dans Un merveilleux malheur, 1999, p.10), et Michel Manciaux (dans « La résilience : mythe ou réalité ? », in Marceline Gabel, Serge Lebovici, Philippe Mazet (dir.), La maltraitance psychologique, Fleurus, p.99-119). Boris Cyrulnik s’est ensuite rapproché de ces chercheurs, par exemple en invitant Michel Manciaux à donner au centre culturel de Châteauvallon en 1997 une conférence basée sur le texte cité ci-dessus.

[12] Dans Un merveilleux malheur (Odile Jacob, 1999), il attribue implicitement à Stefan Vanistendael la transposition de la physique aux sciences sociales du terme « résilience » pour désigner « la capacité à réussir, à vivre et à se développer positivement […] en dépit du stress ou d’une adversité qui comportent normalement le risque grave d’une issue négative » (p.10, tirant cette définition de Vanistendael, 1996, op.cit.). Plus loin il attribue explicitement la création du concept de résilience à Michael Rutter et Emily Werner entre autres (p.209). Dans une interview donnée en 2001, il répond à la question « Quelle est l’origine de ce terme [résilience] ? » par une pirouette laissant croire qu’il en est l’inventeur : « Ce terme est souvent employé par les sous-mariniers de Toulon, car il vient de la physique. En psychologie, la résilience est la capacité à vivre, à réussir, à se développer en dépit de l’adversité. » (Taubes, 03/2001). Dans une autre donnée en 2004, il propose un récit différent – et ambigu : « Quand j’ai commencé je ne nommais pas cela résilience. […] Avant 1990, je travaillais sur le concept de réparation des enfants blessés et je l’ai appelé résilience lorsque j’ai découvert Bowlby » (09/2004, Revue EPS). Dans une autre encore, donnée en 2007, il parle de manière également ambiguë de « ce que nous conceptualisons sous le terme de résilience » (Mottot, 09/2007). Dans le documentaire de la série Empreintes de France 5 qui lui a été consacré en 2008, il cite Emily Werner mais ajoute qu’il ne l’a pas attendue pour travailler sur la résilience.

[13] Dans le cadre de la promotion de Le Murmure des fantômes (Odile Jacob) sur France 2 (Tout le monde en parle, 22/02/2003, en ligne sur le site de l’INA), Thierry Ardisson explique devant lui qu’il est l’« inventeur du concept de résilience », et lorsqu’il lui demande s’il y avait des erreurs dans ce qu’il vient de dire Boris Cyrulnik répond « Non », le corrigeant seulement sur un autre point. A la fin de la séquence, lorsque Thierry Ardisson dit « En tous les cas, vous avez vraiment inventé un truc qui fait beaucoup de bien », il acquiesce d’un mouvement de tête.

[14]Cf Patrick Picard, 01/11/2006, « Boris Cyrulnik : Vous avez dit “Ontogenèse de l’empathie” ? », compte-rendu d’une conférence donnée par B.Cyrulnik en octobre 2006, en ligne sur http://www.cafepedagogique.net/lesdossiers/pages/univsnuipp06_gen2.aspx : « Observant des enfants abandonnés en Roumanie, très dégradés du point de vue du développement physique et psychique, B. Cyrulnik eut l’idée de faire passer des scanners qui montrèrent une atrophie proche de patients lobotomisés. Pourtant, placés dans des familles d’accueil, ces enfants montraient une disparition de l’atrophie neurolimbique en moins d’un an ! » Voir également dans Boris Cyrulnik, 2008, « Questions de stratégies », Reliance, n°28, p.65-71, où il ne donne aucune référence de publication appuyant son assertion : « Notre expérience auprès d’enfants roumains placés en situation d’isolement sensoriel dans des orphelinats […] nous a amené à des conclusions similaires. Ces enfants étaient pseudo autistes. Nous avons demandé des examens au scanner et nous avons constaté que presque tous avaient une atrophie frontolimbique. […] Ces mouroirs ont été fermés et les enfants ont été placés dans des familles. Les mêmes examens de scanner, effectués un an plus tard, ont montré que l’atrophie fronto-limbique avait disparu. ». Dans Un merveilleux malheur (1999, p.100), il écrit aussi : « Les traces cérébrales sont réparables, nous disent les orphelins roumains dont les scanners montrent le gonflement des ventricules et des cortex quand ils se remettent à vivre dans une famille d’accueil. » Dans un entretien rapporté dans van Eersel & de Smedt (09/2007), il explique également : « J’ai été l’un des premier à décrire les atrophies cérébrales liées à une carence affective. Au début, bon nombre de neurologues ne m’ont pas cru : “Ce n’est pas possible, vous vous trompez.” Aujourd’hui, de nombreux confrères confirment cette observation, notamment aux États-Unis.».

[15] Michael Rutter a dirigé la « English and Romanian Adoptees Study Team », qui a publié de nombreux articles sur le sujet depuis la fin des années 1990, tous documentant des altérations comportementales et cognitives durables chez un grand nombre de ces enfants. Les travaux menés dans d’autres pays vont dans le même sens, tels ceux d’Elinor Ames et ses collègues publiés à partir de 1995 sur ces enfants roumains adoptés au Canada, ou encore ceux de la « Manitoba experience » publiés en 1996 sur ces enfants roumains adoptés aux Etats-Unis. L’équipe de Rutter a en particulier rapporté que les pattern d’anomalies observés chez des enfants roumains adoptés en Grande-Bretagne ayant passé au moins 6 mois en orphelinat semblaient stabilisés à partir de l’âge de 6 ans (cf Kreppner, Rutter et al, 2007, Normality and impairment following profound early institutional deprivation: A longitudinal follow-up into early adolescence, Development Psychology, vol.43(4), p.931-946).

[16] Je n’ai trouvé que quatre études publiées sur le cerveau ou son fonctionnement chez des enfants d’orphelinats roumains adoptés après la chute de Ceausescu, toutes rapportant des anomalies persistant plusieurs années après l’adoption : la première rapporte une réduction de l’activité métabolique dans diverses régions du cerveau, la seconde des anomalies de l’électro-encéphalogramme, la troisième une moindre densité des connections entre les lobes frontaux et temporaux, et la quatrième des volumes totaux de matière grise et de matière blanche diminués, et après correction par le volume total du cerveau une amygdale proportionnellement plus volumineuse. Dans aucun de ces articles ni dans la demi-douzaine d’autres que j’ai lus sur le suivi de ces enfants il n’est fait allusion au constat d’atrophie et de sa disparition qu’évoque Boris Cyrulnik. Références : Chugani et al, 2001, Neuroimage, vol.14, p.1290-1301; Marshall et al, 2004, Journal of Cognitive Neuroscience, vol.16(8), p.1327-1338 ; Eluvathingal et al, 2006, Pediatrics, vol. 117(6), p.2093-2100 ; Mehta et al, 2009, Journal of Child Psychology and Psychiatry, vol.50(8), p.943-951.

[17] Selon Serban Ionescu dans sa préface à Jacques Lecomte, Guérir de son enfance (2004, Odile Jacob, p.12).

[18] La domiciliation de l’OIR dans les locaux de la Ligue française pour la santé mentale est signalée dans Lanez (21/10/2004), ainsi que par Jacques Lecomte dans Guérir de son enfance (2004, Odile Jacob, p.353). Ce dernier y signale la création à venir en juin 2004 du site web de l’OIR, www.observatoire-resilience.org, mais ce site n’existe pas (ou plus) à ce jour. Le nom de domaine a été enregistré en décembre 2012 par une certaine Catherine Restegue, et a expiré en décembre 2013. Je n’ai pas trouvé de trace de « Cahiers de la résilience ». En 2004, les éditions Odile Jacob indiquent sur la couverture du 4ème livre de Boris Cyrulnik sur la résilience, Parler d’amour au bord du gouffre, qu’il est non seulement neuropsychiatre, éthologue, psychanalyste et « directeur d’enseignement de la clinique de l’attachement à l’université de Toulon », mais aussi « président de l’Observatoire international de la résilience ». Boris Cyrulnik a également été présenté comme président de l’Observatoire international de la résilience sur le site de l’Observatoire international du couple, une autre association de loi 1901 créée la même année (en septembre 2004) par son ami Philippe Brenot, pour l’annonce d’une conférence qu’il a donnée en octobre 2004 (cf http://www.couple.asso.fr/page/index.php?lang=0&fid=77).

[18′] [Note ajoutée le 11/09/2013] En avril 2011, Boris Cyrulnik a livré un éclairage intéressant sur ce point entre autres : « Alors, j’ai passé le concours de l’Institut de psychologie, et là j’ai été reçu parmi les premiers sans aucune connaissance en psychologie, pour une raison bien simple, c’est que cette année-là, la question posée aux psychologues, c’était ‘la moelle épinière’. […] Donc, grâce à la moelle épinière, je suis rentré à l’Institut de psychologie mais ma carrière a été brève, parce que la psychologie animale consistait à mettre des rats sur une plaque chauffante et de voir à partir de quand ils levaient les pattes. […] Et puis j’ai rencontré des dames, des grandes dames, Jenny Aubry Roudinesco, la mère de qui vous savez, et Jenny Aubry était une grande dame, ça a été la fondatrice de la Société française de psychanalyse, et elle partait avec Myriam David, une autre grande dame, Geneviève Appel, qui est encore avec nous, qui est une grande dame, et ces trois jeunes femmes […] partaient à la Tavistock clinic à Londres, pour suivre des cours d’éthologie animale [Aubry, David et Appel avaient intégré en 1959 le groupe de travail organisé par Bowlby sur l’attachement et les effets des séparations précoces des nourrissons d’avec leur mère]. Et elles suivaient des cours de Tinbergen, qui a eu le prix Nobel, elles prenaient des cours de Hinde, qui a participé à cette éducation, et donc ces femmes étaient psychanalystes et elles se formaient à une démarche : la validation, le tribunal de l’expérimentation. Alors ensuite, dans les années d’après-guerre, quand j’ai commencé à m’intéresser aux difficultés psychologiques, et où je croyais que la psychiatrie pouvait apporter une réponse, ce que je lisais, c’était les théories de la dégénérescence. […] Et dans ce contexte-là, les psychanalystes avaient une forme de noblessse. C’est-à-dire que dans ce contexte-là, les psychanalystes disaient “pas du tout, ce ne sont pas des dégénérés, ce sont des hommes, des femmes, il y a quelque-chose à comprendre pour les aider, et on a un outil conceptuel qui vient de Freud” […] Et puis, j’ai lu La première année de la vie de l’enfant [René Spitz, 1963, préface d’Anna Freud] comme beaucoup de gens dans la salle, hein, sinon vous ne seriez pas dans la salle, et vous vérifierez ce soir que Anna Freud, René Spitz, dans la bibliographie de ce petit livre, les trois quarts de la bibliographie sont des livres d’éthologie animale. […] Ensuite ça a été complètement effacé par une évolution curieuse de la psychanalyse que j’ai eu du mal à suivre. Alors, cette théorie était cohérente, et puis ensuite Widlöcher, qui il y a pas longtemps encore était encore président de l’association mondiale de psychanalyse [non : Widlöcher a rejoint en 1964 l’Association Psychanalytique de France, et a été président de l’Association Internationale de Psychanalyse de 2001 à 2005; l’Association mondiale de psychanalyse a quant à elle été créée en 1992 par Jacques-Alain Miller pour promouvoir la psychanalyse lacanienne vis-à-vis de laquelle Widlöcher, après avoir été analysé par Lacan, a au contraire manifesté sa rupture], j’ai d’emblée fait partie des meilleurs éthologues de France, qui en 1968 étaient au nombre de trois, donc j’étais sûr d’être parmi les trois meilleurs, ce qui est vrai, et Widlöcher, qui était le président de l’association mondiale de psychanalyse [doublement faux : cf ci-dessus], m’a invité dans son service à la Pitié Salpétrière pour donner aux psychanalystes des cours d’éthologie animale, comme le souhaitaient les psychanalystes dans les années d’après-guerre. Et puis Sutter à Marseille m’a proposé un tout petit poste […]. » (à partir de la minute 3:24 dans “Défense et critique de la psychanalyse”, conférence-débat avec Michel Onfray le 8 avril 2011 à Ollioules, organisée par l’Association Française de Recherche en Ethologie Clinique et Anthropologique et l’association Présence Infirmière Ollioulaise, en ligne sur http://www.youtube.com/watch?v=oHTdOZwryn4).

[19] Selon ses propos retranscrits dans Mathieu (01/02/2003), à l’âge de 13 ans Boris Cyrulnik était déjà collégien à Paris. Si son parcourt a été aussi brillant qu’il le dit, il a du passer son bac en 1956 au plus tard. Après avoir épousé Florence Gillis (en 1964), il est possible qu’il ait décidé en 1965 de s’installer comme généraliste pour gagner tout de suite sa vie avant de se raviser, car il a déclaré dans un entretien : « en médecine, mon beau-père, médecin militaire, voulait que je m’installe sans faire de spécialité » (Maradan, 13/03/2012).

[20] Renommé « Laboratoire d’Ethologie des Communications » en 1975 et transféré en 1980 à l’Université Lyon 2 dans un centre de recherches linguistiques et sémiologiques. Le groupe de recherches multidisciplinaires issu de ce laboratoire s’appelle aujourd’hui « Groupe de Recherches sur les Interactions Communicatives » (unité mixte de recherche CNRS / Université de Lyon 2).

[21] Les deux articles scientifiques évoqués sont Cyrulnik B., L’éthologie, L’Encéphale, 1975, vol.1(3) , p.255-258 (référencé dans PubMed seulement), et Cyrulnik B., Leroy R., Ethologie de la famille (modèles naturels de physiologies familiales), Annales Médico-psychologiques, 1977, vol.135(1), p.15-42. Deux résumés de conférences sont référencés dans le WoS, publiés dans Annales Médico-psychologiques : « Ethological approach to territorial determinations by schizophrenics » (1976) et « Ethology and Teddy bear » (1977). Dans son premier livre publié en 1983, il cite quatre autres références datant de cette période. Deux correspondent a priori à des résumés de conférence, publiés dans le Bulletin de la Société de psychiatrie de Marseille et du Sud-Est Méditerranéen (Cyrulnik B., 1975, Approche éthologique des comportements rituels, et Cyrulnik B., Garnier Y., 1976, Approche éthologique des comportements d’espace chez les schizophrènes). Les deux autres sont des articles publiés dans des revues professionnelles (et non scientifiques) : Cyrulnik B., 1975, Co-incidences sur l’éthologie, Psychiatries (revue de l’Association Française des Psychiatres d’Exercice Privé), et Cyrulnik B., Huber J.-P., 1976, Pressions environnementales modifiant la prescription des psychotropes, Instantanés médicaux.

[22] Les trois articles référencés dans le WoS sont : Cyrulnik B., Modèle éthologique de la dépression chez l’enfant, Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, 1985, vol.33(10), p.442- 445; Cyrulnik B., 1988, Comportements de communication – Applications aux enfants, Revue de Médecine Vétérinaire, vol.139(6), p. 641-647 (revue éditée par l’école vétérinaire de Toulouse); Cyrulnik Boris, Ohayon Maurice, 1988, Ethologie du visage âgé dans le miroir, Annales Médico-psychologiques, vol.146(6), p.563-569. Un article supplémentaire est signalé dans PubMed : Cyrulnik B., 1985, The ethological study of early interactions [rédigé en français], Archives Belges, vol.43(5-8), p.240-251. Dans son livre de 1983, il mentionne un article publié avec son épouse non référencé dans ces deux bases, ce qui peut se comprendre dans la mesure où ils y racontent leur observation informelle d’un couple sans enfants semblant reporter leurs désirs inconscients sur leur chien : Cyrulnik Boris, Cyrulnik-Gilis Florence, 1980, « Le cas Pupuce: éthologie des désirs inconscients », L’Evolution psychiatrique, n° 3, p.553-566. Ses conférences référencées dans le WoS (signalées dans Annales Médico-psychologiques) sont « Le cas Pupuce – éthologie de la transmission des désirs inconscients » (1980, avec son épouse), Cyrulnik B., Fady J-C., « L’inhibition de l’inceste chez les animaux » (1980), et « Modèles animaux pour des formes humaines de psychothérapie» (1981).

[23] Selon http://www.le-site-de.com/groupe-azureen-de-recherches-en-psychiatrie-seyne-sur-mer-la_79007.html consulté le 25 juin 2013, les activités du Groupe azuréen de recherches en psychiatrie sont la psychiatrie, et ce groupe a pour effectifs une seule personne.

[24] Indexés dans le WoS : Cyrulnik B., Ethologie des troubles paniques, L’Encéphale, 1996, vol.22(5), p.42-45 ; Cyrulnik B., Ethology of anxiety in phylogeny and ontogeny, Acta Psychiatrica Scandinavica, 1998, vol.98(393), p.44-49. Dans PubMed : Cyrulnik B., Les niveaux affectifs, Acta Psychiatrica Belgica, 1991, vol.91(4-5), p.243-258 (étude d’un cas à partir duquel il disserte sur le développement affectif dans l’enfance), et Cyrulnik B., 1994, Freud, précurseur de l’éthologie, entre Darwin et MacLean, Acta Psychiatrica Belgica, vol.94(4-6), p.299-311.

[25] L’AFRECA est enregistrée en tant que délégation régionale de la Ligue française pour la santé mentale. Je n’ai trouvé la trace que de trois personnes ayant affiché leur appartenance à l’AFRECA à part Boris Cyrulnik : Antoine Alaméda (pédopsychiatre, ex-chef de service au CHI de Toulon à La Seyne-sur-Mer), Michel Delage (psychiatre, ex-chef de service à l’Hôpital d’instruction des armées à Toulon, vice-président de l’AFRECA) et Jacques Colin (acousticien, secrétaire général de l’AFRECA). Michel Delage et Jacques Colin ont dispensé des enseignements dans le DU “Attachement et systèmes familiaux” dirigé par Boris Cyrulnik à l’Université de Toulon (au début des années 2000 au moins). Initialement domiciliée au Centre Hospitalier Intercommunal de Toulon à La Seyne-sur-Mer, l’AFRECA a vu son siège social transféré en décembre 1998 au 863 rue Groignard à Toulon, où se trouve le local commercial « Infirmières Volantes ». Depuis 2010 au moins, l’association Présence Infirmière Ollioulaise organise des conférences de Boris Cyrulnik dont il est stipulé que les droits d’entrée sont à au bénéfice de l’AFRECA. L’AFRECA n’a pas de site web, et ne donne ni adresse email, ni numéro de téléphone dans les annonces de ces conférences (ce sont les coordonnées de l’association Présence Infirmière Ollioulaise qui sont données). L’appartenance à cette association est la seule indication que Boris Cyrulnik donne le concernant en février 1995, dans un article publié avec Antoine Alaméda et Claude Béata dans une revue professionnelle destinée aux vétérinaires (« Le chien de remplacement », Le Point Vétérinaire, vol.26(165), p.23-28). En mars 2009, juin 2010 et décembre 2011, pour les 3èmes, 4èmes et 5èmes Assises Nationales de la Protection de l’Enfance organisées, il est présenté comme « neuropsychiatre, président de l’Association française de recherche en éthologie clinique et anthropologique ».

[26] Article indexé dans le WoS : Cyrulnik B., Démence et résilience : Narration ou retour du passé ?, L’Encéphale, 2008, vol.34(2), supplément 2, p. S95- S102. Les deux autres référencés dans PubMed son Cyrulnik B., Ethology and the biological correlates of mood. 2005, Dialogues in Clinical Neuroscience, vol.7(3), p.217-221, et Cyrulnik B., « L’observation », Recherche en Soins Infirmiers, 2002, vol.71, p.16-21. J’ai également trouvé la trace d’un article non référencé dans ces deux bases bien que publié dans les Annales Médico-psychologiques : Boris Cyrulnik, Michel Delage, M.-N. Blein, Stéphane Bourcet, Annie Dupays, 2007, Modification des styles d’attachement après le premier amour, Annales Médico-psychologiques, vol.165(3), Pages 154-161.

[26′] [Note ajoutée le 11/09/2013] En principe, c’est-à-dire sauf dérogation accordée à titre exceptionnel. C’est en vertu de ce mécanisme que Boris Cyrulnik a obtenu de l’Université de Nantes la co-direction, aux côtés de Martine Lani-Bayle, d’une thèse en sciences de l’éducation en cours depuis décembre 2009 (portant sur la transmission du trauma de la shoah aux deuxième et troisième générations). Avec la thèse d’exercice de médecine de Fabienne Cayol, c’est sa seule direction recensée dans http://www.theses.fr/026808072.

[27] Fabienne Cayol, 1989, Comportements signifiants des mères à l’immersion de leur bébé-nageur. Anne Robichez, février 1990, « Le pointer du doigt. Observation éthologique chez l’enfant normal et l’enfant psychotique » (mémoire pour l’obtention d’un DES de psychiatrie). Anne Robichez a ensuite publié sur ce sujet le seul et unique article qui est mentionné dans son CV daté de mai 2010 : Robichez-Dispa Anne, Cyrulnik B, Observation éthologique comparée du geste de pointer du doigt chez des enfants normaux et des enfants psychotiques. Quelle est la place de ce geste dans l’acquisition du langage ?, Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence. 1992, vol. 40, n° 5-6, p. 292-299 (article non référencé dans le WoS ni dans PubMed).

[28] « Resilience in the face of adversity – protective factors and resistance to psychiatric disorder » (1985), « Psychosocial resilience and protective mechanisms » (1987), et « Developmental catch-up, and deficit, following adoption after severe global early privation» (1998), statistiques du Wef of Science au 25 juin 2013.

[29] Cf http://websites.cap-sciences.net/theatredelascience/pour-en-savoir-plus-intervenants et http://websites.cap-sciences.net/theatredelascience/presentation-theatre-de-la-science, accédés 03/06/2013, et http://www.couple.asso.fr/page/pop.php?fid=62.

[30] Cf http://www.frm.org/recherche-medicale/toute-l-actualite/7325/les-laureats-2004-de-la-fondation-recherche-medicale.html accédé 10/05/2013 : « Directeur de l’enseignement de l’éthologie (l’étude du comportement humain et animal) à la Faculté de médecine de Marseille et à la faculté des sciences humaines de Toulon, le docteur Boris Cyrulnik a reçu par le Prix Jean Bernard, un hommage à son œuvre qui a permis d’enrichir les connaissances du grand public en matière de neuropsychiatrie. » et « Inventeur du concept de résilience (capacité à réagir et s’adapter face à un stress) ».

[31] Cf (31/12/1999, supplément à Libération) : « Je pense que pour faire croire que je pense, j’ai passé de nombreux examens », cité dans Sébastien Lemerle, 2007, In carne veritas ? Le biologisme comme phénomène éditorial en France, 1970-2000, thèse doctorat de l’EHESS, p.260.

139 réflexions sur « Boris Cyrulnik : stop ou encore ? (2ème partie) »

  1. Remarquable et rigoureux, article écrit au scalpel, Cyrulnik mystificateur démasqué de façon implacable!
    Merci pour votre travail qui va permettre de rompre l’envoûtement qu’il exerce (notamment ici dans le var!)

    1. Ouais. Je ne suis, pour ma part, pas très convaincu. Je trouve même cet article “journalistiquement” malsain dans sa manière de vouloir faire passer avec une ferveur quasi alchimique des doutes pour des preuves. Toute la “documentation” censée démontrer avec tant d’efficacité l’imposture ne fait que synthétiser un phénomène qu’on observe, et de manière plus inquiétante, à mon avis, avec les soi disant “économistes” qui pullulent à la tv et ne sont, pour la plupart d’entre eux que des chargés de stratégie économique pour des entreprises, faisant ainsi, sous couvert d’analyse objective, l’apologie systématique d’un capitalisme aggressif. Il ressort de ce billet qu’au delà d’une imposture qui n’en est pas vraiment une au sens strict du terme, son auteur tente de démontrer les limites du discours de Cyrulnik avec une “démonstration” pour le coup carrément grotesque: en bref “il revendique le mensonge comme un outil psychologique donc, c’est un menteur”. Cet enchaînement relève une fois de plus de cette structure de pensée aphorique qu’on retrouve trop souvent dans les médias et dont les Soral, Zemmour, Polony et consort se sont fait une spécialité. Par ailleurs, lorsqu’il s’agit de psychologie et de psychanalyse, de toute façon, on est pas dans un domaine scientifique de l’exactitude, et les théories sont plus contestables les unes que les autres. Essayer de démontrer le caractère douteux des démonstrations psychologiques en mettant en doute avec des arguments purement circonstanciels les diplômes de Cyrulnik relève, à mon sens, de la même catégorie de tentative d’imposture, journalistique cette fois-ci. En conclusion, une enquête valable impliquerait notamment une réponse de l’intéressé suivi d’une recherche sur la base de ces réponses pour s’assurer tout simplement de l’existence ou non des diplômes. Les reste n’est qu’opinion de café du commerce.

      1. Libre à vous de penser que l’apologie d’un capitalisme aggressif déguisée en expertise est plus inquiétante que la diffusion de certaines croyances sur l’être humain déguisée de même (je ne partage pas ce point de vue). Mais quel rapport avec mon article ? Devrais-je m’abstenir de parler d’une chose parce qu’il en existe de plus importantes à vos yeux ?

        N’est-ce pas une véritable imposture de prétendre avoir publié plusieurs centaines d’articles scientifiques quand on n’en a publié qu’une poignée ? De se prétendre éthologue simplement parce qu’on a lu des bouquins d’éthologie ? De prétendre avoir dirigé une cinquantaine de thèses alors qu’il n’en est manifestement rien ? Etc, sans parler de l’imposture construite par les médias le qualifiant de “grand nom de la recherche” et autres descriptions infondées.

        Au-delà des éléments factuels que je mets sur la table, j’exprime des doutes que je ne cherche pas du tout à faire passer pour des preuves : je les exprime comme tels et invite implicitement les journalistes à faire leur boulot en allant y regarder de plus près. Je n’avais pas les moyens de pousser plus avant mes investigations, et étais désireuse de passer à autre chose. J’aurais été ravie d’obtenir des réponses de l’intéressé, contacté par deux fois, mais il a refusé de me répondre. Je l’ai également interpelé publiquement sur son blog du Huffington Post mais il a apparemment choisi de faire l’autruche… tout en essayant de discrètement sauver les meubles de manière assez maladroite, pour ne pas dire risible : voir par exemple ce qu’il dit dans http://www.zigzag-blog.com/Conversation-avec-Boris-Cyrulnik sur Judith Butler après que je l’ai pris en flagrant délit d’ignorance/mensonge dans la 1ère partie de mon “stop ou encore”.

        La tentative de démonstration “carrément grotesque” que vous me prêtez l’est, assurément, au moins autant que l’est le fait que vous me la prêtiez.
        Je n’essaye pas de démontrer le caractère douteux du discours de Cyrulnik en mettant en doute ses diplômes : cf ma réponse à Rg du 28 août plus bas, et lisez mes autres articles en commençant par la 1ère partie de celui-ci.

        Je suis d’accord avec vous quant au caractère non scientifique des théories psychanalytiques (en l’état tout au moins). En revanche, la recherche scientifique en psychologie, en neurosciences et en génétique comportementale, pour ne parler que des principaux domaines au nom desquels Boris Cyrulnik émet des avis, existe bel et bien et ne peut être ainsi balayée d’un revers de la main. Par ailleurs, quoi qu’on pense de ces domaines de recherche (et je ne suis pas la dernière à en connaître et dénoncer les failles structurelles comme circonstancielles), prétendre qu’ils ont mis au jour tel ou tel mécanisme fondamental régissant la psychologie humaine alors qu’ils ne l’ont pas fait est pour moi problématique.

        1. Chère Odile,
          Je ne sais pas ce qu’une si belle réponse peut changer aux accusations infondées et abusivement généralisantes qui dénotent une telle mauvaise foi, mais je vous remercie d’avoir pris la peine de la produire pour éclairer encore davantage le propos déjà excellent de votre “billet” (d’une rigueur et d’une probité intellectuelles qui forcent l’admiration et sont une grande source d’inspiration). Merci pour votre précieux travail qui m’apparait, au-delà du genre du billet de blog, de votre modestie honorable, et de l’absence de légitimation par les titres académiques, d’une qualité scientifique que j’ai trop rarement rencontrée dans le domaine essentiel de la sociologie, impliquant, au sens large, l’analyse des discours et des médias, et le décryptage des processus de légitimation scientifique, institutionnelle et publique.

        2. votre article met en exergue le manque de professionnalisme des journalistes. Interviewee régulièrement et n’ayant pas forcement accès aux réponses je me retrouve avec des métiers plus que farfelus et des notions ou des phrases dont je n’ai jamais parlé. récemment j’ai même vu publier un article en mon nom et soi disant avec mes propos dont je ne connaissais pas l’existence.
          Le jour aussi ou en France on arrêtera de dire les “psy” comme si un pédopsy, un neuropsychologue, un psychothérapeute… était la même profession.
          3ème point, les journalistes aiment créer des légendes, et ont du mal à les détrôner Avez vous regardé le CV de Dolto ?
          Au fait j’ai eu un mal fou à avoir votre CV et comment puis je savoir s’il est vrai ou si c’est un hoax ?

          Je trouve en fait votre article intéressant il va dans le sens de ce qu’ONfray déclare dans le crépuscule d’une idole, il fait comme vous, détruit une légende et il est vilipendé pour cela.
          Boris Cyrulnik a toujours travaillé en équipe, a toujours mis en valeur ses équipiers et n’a pas assez de narcissicisme pour signer toutes les recherches qui grâce à lui ont vu le jour. Il ne s’est jamais et ne se prend jamais pour une idole et c’est en cela que ses travaux sont connus et respectés des médecins et scientifiques qui travaillent au bien être des patients en souffrance
          Je suis désolée de vous dire que notre profession est le soin et la recherche, les questions des journalistes sont hors de propos par rapport à notre quotidien : a noel quel cadeau pour quel enfant? en septembre le stress de l’école (et je peux vous garantir que le journaliste n’a même pas compris ce qu’est le stress. )….
          Un jour Stéphane Paoli, à qui je parlais pour dénoncer le détournement de nos propos, de nos CV, le mépris pour nos bases et nos heures de travail de recherche m’a expliqué ceci : l y a deux types de journalistes : les informants qui font une véritable enquête et cherchent vraiment l’information auprès de quelqu’un dont ils ont vraiment vérifié les compétences; et les communiquants qui ont déjà leurs idées toute faites, prennent une liste de “psy” en attendant qu’un dise oui, font semblant de les interviewer, cite deux phrases qui vont dans leur sens et bien sûr ne vérifie pas leur CV, ce ne sont pour eux que des faire valoir.
          Alors je vous soutiens soyez informante du travail de vos collègues, et méfiez vous des CV wikipedia, collègues, ou Google
          Dr Gisèle George

          1. Merci pour votre commentaire. Pour répondre à vos deux questions :
            – il y a beaucoup à dire au sujet de Dolto, mais je laisse d’autres se charger de son cas, et plus largement de la question de la légitimité singulière donnée en France aux théories et théoriciens de la psychanalyse; comme je traite ici de la vulgarisation scientifique et que ces théories ne relèvent aucunement de la science, ça serait hors-sujet;
            – les grandes lignes de mon CV sont faciles à trouver, il suffit d’aller sur la page “à propos” du présent blog; si vous souhaitez vérifier qu’il n’est pas mensonger, vous aurez déjà pas mal de billes en explorant les liens hypertexte disponibles sur cette page; la seule chose qui vous manquera je pense est la preuve formelle de mon diplôme de Centrale : pour cela il vous faudra consulter l’annuaire, qui à ma connaissance n’est disponible que sur papier.

          2. Dr George, comparer les opinions d’Onfray avec le travail méthodique et rigoureux d’Odile Fillod, c’est un peu insultant pour elle. Ou plutôt, cela montre que vous n’êtes pas dans la capacité de faire la différence, ce qui peut arriver et n’est en rien un reproche. C’est un constat. Mais cette difficulté se rencontre de plus en plus chez les médecins, formés aux sciences rigides.
            D’autre part, vous inversez la situation d’Onfray, qui – faut-il le préciser ? – n’est en rien ni un spécialiste de la psychanalyse, ni un biographe renommé. Il n’a pas été « vilipendé » pour avoir repris, après tant d’autres, toute une série d’insinuations malveillantes sur le comportement de Freud. Au contraire, il a été applaudi pour cela, car il est allé dans le sens du vent dominant, celui de la lutte contre la psychanalyse, qui est, depuis quelque temps, le premier souci des psychologues comportementaliste et cognitivistes.
            Onfray s’est fait approcher par Didier Pleux, lui aussi travaillant à Caen, l’auteur principal du Livre noir de la psychanalyse. Il n’a pas eu de mal à le convaincre qu’il y avait là un filon à exploiter et qu’il pouvait fabriquer un excellent « scud » pour essayer d’abattre encore quelques psychanalystes, s’il en reste. Pour alimenter son ouvrage, Onfray a donc repris, sans les questionner (les penser rationnellement) les opinions de Borch-Jacobsen et d’autres.
            Si vous pensez qu’Odile Fillod a agi de la même manière avec les opinions de Cyrulnik, c’est assez regrettable, voire désespérant.
            Vous n’avez rien à craindre de la soi-disant légitimité donnée en France aux théories et théoriciens de la psychanalyse. Du moins : qu’elles auraient eu à une certaine époque lointaine et révolue. Vous avez le vent en poupe, votre avenir est assuré. Vivez heureuse.

  2. Voilà une très belle biographie professionnelle de ce faussaire très médiatisé. Après cette lecture, l’atmosphère se dégage, l’on respire et l’on est heureux. Bravo et merci mille fois. Si Bourdieu était encore là – lui qui a si bien vu et dénoncé très tôt le danger de ces « intellectuels » médiatiques qui se sont multipliés ces dernières décennies et font écran aux travaux des vrais scientifiques –, il aurait apprécié votre « mise au point ».
    Laurent Goumarre, dans son émission Le Rendez-vous (France-Culture, 19-20 h), a posé cette question à Élise Lucet à propos de son magazine « Cash investigation » sur France 2 qui essaye d’introduire l’investigation à l’anglo-saxonne dans ses enquêtes : mais pourquoi donc toutes les émissions d’investigation en France sont tenues par des femmes ? Madame Fillod, en va-t-il de même dans la recherche « d’investigation » comme vous la pratiquez ? Rencontre-t-on des hommes qui font le même travail que vous dans d’autres domaines ? Ou bien êtes-vous seule ?
    Enfin, que Cyrulnik ait été psychanalyste, comme il le laisse entendre, est contredit en permanence par ses conceptions biologisantes du fonctionnement humain picorées ça et là dans les neurosciences. A contrario, si l’on peut dire, votre interprétation du très long mensonge cyrulnikien s’apparente bien aux méthodes psychanalytiques. Ce serial menteur a, depuis longtemps, laissé derrière lui quantité d’indices de ses supercheries, que vous identifiez très bien. La façon dont il a berné tout le monde scientifique depuis si longtemps lui pèse aussi parfois. Du moins, on l’espère.

  3. Travail sérieux, argumenté, documenté et réfutable, attendons-donc la réfutation si elle doit venir… A mon avis il n’y a guère de réaction à attendre de la “communauté journalistique”. Le journalisme (français) baigne dans la culture psychanalytique (qui partout ailleurs dans le monde est désormais considérée comme une vaste mystification ayant connu dans le passé son heure de gloire), laquelle est réputée n’être accessible qu’à une élite intellectuelle dont les journalistes font bien évidemment partie. Or rien n’est plus difficile pour quelqu’un qui se prétend intellectuel et qui regarde avec condescendance et moquerie madame Michu avaler toutes crues les fadaises de l’astrologie que de reconnaître qu’il a succombé lui-même et de la même façon aux impostures intellectuelles de la psychanalyse.

    1. Vous êtes hors-sujet. Resaisissez-vous. Ce que vous appelez le “journalisme français” est une abstraction. Aucun intérêt. Parlez de faits précis et concrets (comme Mme Fillod). Et accuser en plus ce soi-disant “journalisme français” d’être soumis à la psychanalyse est une triste plaisanterie dans le style de celles de Cyrulnik. Vous connaissez très mal ledit “journalisme” soi-disant français. De grâce, revenez au sujet, relisez l’article ci-dessus.

      1. “Vous êtes hors-sujet. Resaisissez (sic !)-vous”. Euh, vous vous croyez où et vous vous prenez pour qui ?
        Cela dit puisque cela semble vous avoir échappé, je vous signale que l’article se termine par la phrase “J’attends maintenant avec une impatiente curiosité de voir quel effet le présent billet aura sur la communauté journalistique”, de sorte que mon commentaire prédisant qu’il n’y a guère de réactions à attendre de ladite communauté est parfaitement dans le sujet.

        Quant à ma connaissance du journalisme français, non seulement vous n’en savez strictement rien, mais en outre il suffit de se référer (Google est votre ami..) à l’accueil qui a été fait en son temps au livre “Mensonges freudiens” de Jacques Bénesteau ou plus récemment au “Livre noir de la psychanalyse” pour constater que la grande majorité des journalistes français est hostile à tout ce qui vient critiquer le dogme psychanalytique si solidement implanté en France.

  4. Voilà une rectification qui ne laisse pas la place à l’approximation. On aimerait qu’il en soit toujours ainsi car je doute qu’il soit le seul dans ce cas. Ce personnage est anxiogène pour moi tellement il a l’air emberlificoté dans sa représentation tout en s’y complaisant. Ce qui serait intéressant de savoir c’est pourquoi il s’est aventuré sur un terrain aussi brulant, se pensait-il hors d’atteinte ou croit-il vraiment ce qu’il a dit?

  5. Merci pour cet article brillant et implacable.
    J’ai bien compris le propos et les raisons invoquées pour vous en tenir là pour l’instant. Si je puis me permettre, j’aurais trouvé plus rigoureux et plus efficace soit que vous n’évoquiez pas la “droitisation rampante des esprits” dans ce billet, soit que vous publiez dans la fouée la troisième partie que vous évoquez, afin qu’un procès en “syllogisme” ne puisse vous être fait (je mets des guillemets car j’ignore le terme exact, j’espère que vous comprendrez le sens de ce commentaire néanmoins, veuillez pardonner mon inculture).
    Je suppose qu’il y aura un écho médiatique important et que le grand public prendra de la distance avec les propos de cet homme. J’espère que vous profiterez de cette audience pour démonter aussi dans la foulée argument contre argument ses allégations fumeuses sur la place du biologique.

    1. Je comprends ce que vous voulez dire, mais il m’a semblé important d’évoquer cet aspect afin de mettre en perspective ce dont je parle ici : sans cette dimension du discours de BC, je n’aurais pas pris la peine de dénoncer cette mystification.
      Concernant ses allégations fumeuses sur la place du biologique, j’en ai déjà fait l’objet de deux billets : http://allodoxia.blog.lemonde.fr/2012/03/19/serotonine-races-et-civilisations/ et dans http://allodoxia.blog.lemonde.fr/2013/05/24/boris-cyrulnik-stop-ou-encore-partie1/. Il y a encore beaucoup à dire et je le ferai a priori dans un autre cadre que ce blog.
      Quant à l’écho médiatique, j’aimerais que vous ayez raison, mais sachant que la plupart des grands médias sont mouillés jusqu’au cou dans cette histoire, je suis un peu pessimiste…

  6. La philosophe Élizabeth de Fontenay vient de publier un ouvrage avec, entre autres, Peter Singer et… Boris Cyrulnik présenté comme « éthologue et neuropsychiatre » (Les Animaux aussi ont des droits, Seuil, début avril 2013).

    Déjà, dans son précédent ouvrage sur les animaux (Le Silence des bêtes : la philosophie à l’épreuve de l’animalité, Fayard, 1998), Fontenay citait Cyrulnik, mais une seule fois (page 20) dans une note : « Cf. les travaux de recherche et de clinique de Boris Cyrulnik, pour qui l’analogie entre animaux et hommes est une hypothèse féconde. »
    Et c’est tout : AUCUN ouvrage, AUCUN article, AUCUNE recherche de cet étonnant « éthologue » ne sont cités dans Fontenay.

    Autrement dit, elle aussi s’est fait berner par ce grand illusionniste de la science. On espère que vous lui avez communiqué le résultat de vos recherches sur ce monsieur. On attend ses réactions.

  7. Article très bien documenté, bravo. Je n’ai pas les moyens de vérifier vos références, voyons si l’intéressé ou quelque journaliste pourra nous présenter un contre CV…

    Du coup, je vais lire tous vos articles en espérant qu’ils sont du même tonneau !

    Merci,
    SD

    1. Merci pour l’info. Je suppose donc qu’il a obtenu une dérogation de l’université de Nantes pour être autorisé à co-diriger cette thèse (en cours depuis décembre 2009).
      Nous en sommes donc pour la France à 3 (co-)directions de “thèses” recensées : 2 thèses de médecine dirigées en 89 et 90 (quoique la seconde soit curieusement absente de theses.fr), et une thèse en sciences de l’éducation en cours. Nous restons très loin du compte de la “cinquantaine de thèses” dirigées, et il n’y a toujours pas de trace de thèse antérieure à 1983 alors qu’il a écrit s’être servi de thèses qu’il a dirigées pour alimenter son premier livre (publié en 1983).
      Le plus simple serait que Boris Cyrulnik en donne la liste, vous ne trouvez pas ?

      1. Le lien ci-dessus n’indique qu’une thèse de médecine et une thèse de sciences de l’éducation en co-direction.
        – chacun sait que les thèses de médecine sont une blague, et il est parfaitement plausible que Cyrulnik en ait dirigé 50, mais cela ne constitue pas de la direction de recherches, c’est purement formel. (j’ai dirigé une thèse de médecine et le candidat était tout étonné que je relise son mémoire…)
        – il peut tout à fait co-diriger une thèse de sciences sans en avoir toutes les prérogatives, du moment que l’autre co-encadrant les a. La question de la nature véritable de sa contribution reste ouverte. Certains trouvent sans doute que ça fait joli d’avoir le nom de Cyrulnik sur sa thèse, ce qui peut très bien expliquer qu’il ait été invité à siéger dans de nombreux jurys de thèse (là encore, une HDR n’est pas nécessaire pour chaque membre, à condition qu’il y ait suffisamment d’HDR ou de professeurs dans l’ensemble du jury)

  8. Un grand merci pour ce travail édifiant, Odile Fillod.

    Evidemment, ce n’est pas agréable de réaliser que l’on a fait partie de la grande foule des bernés. Bien sûr, on a une circonstance atténuante quand on voit comment les cercles des grands clercs (journalistes, médecins mêmes parfois…) ont contribué à la consolidation du mythe alors même qu’ils sont les seuls à pouvoir mener l’enquête ou juger de la véracité des allégations. Il est vrai aussi qu’ici le mensonge est particulièrement abouti et complexe (contrairement à d’autres, comme les frères Bogdanov).

    On se sent idiot, car au fond on se disait tout de même “c’est trop beau : ce CV, ce parcours, ces concepts…”. Mais on s’est laissé embarquer quand même. Cyrulnik est donc bien le formidable miroir de la société en demande d’histoires de grenouilles qui se changent en princes.

    Donc triste nouvelle pour tous les enfants qui ont connu des parcours traumatiques. Espérons qu’ils ne feront pas de leurs propres névroses un sujet d’empapaoutement national.
    La bonne nouvelle : les voies traditionnelles comme la psychanalyse peuvent sans doute encore beaucoup aider ces enfants là et les autres. (Du moins plus qu’Odile Jacob ! )

    Enfin, on peut se questionner sur les Rutter de ce monde : plagiés, siphonnés de leurs concepts et privés d’une certaine légitime reconnaissance, que n’ont-ils exercé leur devoir d’alerte ? Ce monsieur qui manifestement est le “vrai ?” père du concept de résilience, n’a semble t-il pas pris ombrage du gonflement spectaculaire d’un imposteur.

    Ou alors on ne l’a pas entendu, ce qui est fort possible.
    Cela plaide en faveur de la création d’une instance de vérification des écrits scientifiques ou médicaux.

    Que faire pour contribuer à faire la lumière, au delà de partager largement le travail d’Odile Fillod ?
    Il me semble que l’envoyer de façon ciblée à quelques points critiques serait efficace : librairies indépendantes, Mediapart bien entendu… autres idées ? C’est déjà sans doute en cours mais on en est au tout début car une recherche google “Cyrulnik” + “imposteur” ou “menteur” trouve zéro résultat à ce stade.

    C’est le début, observons la suite de près.

    1. Merci.

      A mon sens Rutter ne peut pas non plus être qualifié de “vrai” père de ce concept (mou) qu’est la résilience, dans la mesure où il en existe des usages antérieurs (cf la note [11]).

      Je ne pense pas que Rutter ait pu se sentir plagié ni qu’il faille voir les choses ainsi : Rutter produit des articles scientifiques, Cyrulnik fait de la vulgarisation dans laquelle il s’en inspire et où il le cite parfois explicitement. Il n’y a entre eux aucune concurrence puisqu’ils ne jouent pas dans la même cour, et il y a même au contraire une alliance : Cyrulnik contribue à faire circuler certaines des idées de Rutter, et il l’invite à des colloques qu’il organise.

      Au-delà de ce point, il me semble que vous soulevez un question essentielle : les scientifiques ont-ils un devoir d’alerte lorsque des vulgarisateurs racontent n’importe quoi ? Vous évoquez le cas des frères Bogdanov, beaucoup plus grossier en effet. Or dans http://www.slate.fr/story/54131/freres-bogdanoff, Michel Alberganti, journaliste scientifique (et producteur de l’émission Science Publique sur France Culture) s’étonne de « la réaction bien tardive des scientifiques » ; selon lui, « Il était grand temps que la communauté des chercheurs s’exprime » pour dénoncer l’imposture des Bogdanov. Mais n’est-ce pas plutôt aux journalistes de faire leur travail ? Aux responsables des médias, y compris des chaînes publiques, qui les ont accueillis et permis d’ « exploit[er] leurs titres de docteurs pour crédibiliser des théories scientifiques plus qu’improbables », pour reprendre les mots d’Alberganti, de s’interroger sur leurs pratiques ? Il me semble à la fois trop facile et malsain de mettre cette responsabilité sur le dos de “la communauté des chercheurs”. Les journalistes doivent jouer leur rôle d’information et d’enquête y compris en matière scientifique. Le principal problème à mon avis est le manque de moyens affectés à ce travail : le nombre de journalistes scientifiques ayant une formation adéquate est très insuffisant, et les médias ne donnent pas à ceux qui pourraient travailler correctement les moyens de le faire.

      J’ai bien-sûr alerté Mediapart et d’autres. Comme vous le dites : attendons, et observons la suite de près.

  9. et la même chose pour Ruffo …je demande a voir !
    Rappelons que cet “éminent” pédospy à dit que ” “L’immense majorité des enfants « abusés » vont bien …

  10. Dans son CV déposé au consulat de France à Jérusalem, BC fait état de la composition de son jury de HDR. S’il possède une HDR il peut donc diriger une thèse. Par ailleurs il a donné une conférence à l’Université de Mons (UMons) en Belgique où il est présenté comme Professeur à l’Université de Toulon. Tout ça est effectivement peu clair !

      1. Ce qui montre bien à quel point ces “scientifiques” de la médiasphère peuvent bénéficier de passe-droit et de petits arrangements : pour faire partie d’un jury de HDR, il faut en principe (sauf rare dérogation) en être soi-même détenteur, selon le principe du jugement par les pairs.

  11. Boris Cyrulnik n’est évidemment pas Professeur de l’université de Toulon (USTV), son nom ne figure même pas à l’annuaire du personnel. Il est par contre “directeur d’enseignement” (?) du DU d’éthologie dispensé dans cette même université : http://formation.univ-tln.fr/DU-Ethologie.html. Un peu de prestige médiatique pour faire mousser une formation, ça attire le chaland estudiantin. Rappelons que les diplômes universitaires sont des formations maison (ce qui ne les rend pas forcément inintéressants sur le principe, mais relativise toutefois l’impact irradiant du grand savoir dispensé).

    Surtout, il est désormais “responsable du cursus psychologie” et président du “Conseil scientifique” de l’université privée installée à 50 mètres de la précédente, le très controversé “centre universitaire Fernando Pessoa”.

    Sur cette page : http://www.ufpfrance.fr/index.php/sciences-humaines-et-sociales/psychologie/ , on lira qu’il est neuropsychiatre, psychanalyste, ethologue et aussi… écrivain (oui, c’est le même vocable qu’on emploie pour Proust).
    Sur celle-ci : http://www.ufpfrance.fr/index.php/universite/conseil-scientifique/ apparaîtront en outre le docteur en médecine et l’ancien interne des hôpitaux de Paris (neurochirurgie)…

  12. Malgré un travail rigoureux et implacable qu’il faut souligner, ce billet ne me convainc pas. J’ai l’impression que vous êtes davantage guidée par une haine anti-Cyrulnik, qui incarne selon vous la persistance de la naturalisation du social au XXIe s. – et donc la domination des hommes – , que part une tentative d’évaluation sincère de ses idées et positions. Bref, mue par votre idéologie davantage que par un questionnement scientifique.

    Ce qui m’alerte particulièrement est le commentaire de MouettedeParis : “Donc triste nouvelle pour tous les enfants qui ont connu des parcours traumatiques. ” Comme si vraiment la guérison des enfants résiliants dépendait de l’authenticité des titres et de la précision des étiquettes qui présentent BC.

    Je pense que sur le fond, ses écrits ont amélioré la vie de nombreuses personnes, et dans votre acharnement vous mettez sur le même plan les approximations ou mensonges sur ses “credentials” et son apport, peut-etre surfait, à la diffusion en France de la théorie et des pratiques de résilience.
    Mais continuez, je lis votre blog avec plaisir!

    1. Merci pour votre commentaire, qui appelle plusieurs clarifications et réponses.

      1) Votre premier paragraphe
      Je n’éprouve aucune haine vis-à-vis de BC. Je suis certes en colère, à la fois contre lui (en raison de la légèreté avec laquelle il se permet d’asséner des contre-vérités et de la manière dont il use et abuse de sa position d’autorité médiatique) et contre les médias qui ont créé l’aura extraordinaire dont il bénéficie. Mais vous m’accorderez je l’espère qu’il y a loin de la colère à la haine. Pour être tout-à-fait sincère, mes sentiments à son égard sont doubles : en dépit de cette colère, je ne peux m’empêcher d’avoir de la pitié pour quelqu’un qui a passé sa vie à (se) construire une fausse identité, et qui en est encore à plus de 70 ans à rechercher si avidemment les feux de la rampe.

      Par ailleurs, je n’ai pas écrit qu’il “incarnait la persistance” de la naturalisation du social, mais qu’il avait été à mon avis “un artisan important en France de la banalisation et « scientification » de cette idée” : c’est différent.

      Surtout, votre “et donc la domination des hommes” n’engage que vous : je ne suis absolument pas dans ce combat-là ! En revanche, lorsque par exemple il répond, quand on l’interroge sur ce qu’il pense de la “théorie du genre” : « Je pense que le “genre” est une idéologie. Cette haine de la différence est celle des pervers, qui ne la supportent pas. Freud disait que le pervers est celui qu’indisposait l’absence de pénis chez sa mère. On y est. », ça m’interpelle. Idem quand il développe l’incroyable ramassis d’affabulations dont j’ai parlé dans mon billet précédent. Idem quand il raconte à tort et à travers qu’il est établi que les variantes du gène du transporteur de la sérotonine déterminent une prédisposition génétique à la dépression, à la honte, à la recherche d’une vie tranquille, au suicide, etc.

      Je ne prétends pas être mue par un questionnement “scientifique”, ni plus largement que ce que j’écris sur ce blog est scientifique. Je revendique en revanche la plus grande rigueur dans l’évaluation des ses idées et positions, pour reprendre vos termes. Il se trouve que dans le cadre de mon analyse de la production et de la diffusion des discours de naturalisation du genre, j’ai plusieurs fois croisé la route des écrits et déclarations de BC. Je les ai analysés au même titre que le reste de ces discours, et ai découvert qu’ils n’étaient absolument pas fondés scientifiquement. Comme il va particulièremen loin dans l’affabulation et comme c’est une véritable star, je me suis ensuite penchée plus particulièrement sur son cas et ai découvert qu’il était plus grave encore que je ne le pensais, d’où ces billets que je lui ai consacrés.

      1. Non mais vous n’avez pas honte d’écrire ceci: “en dépit de cette colère, je ne peux m’empêcher d’avoir de la pitié pour quelqu’un qui a passé sa vie à (se) construire une fausse identité” ???
        Vous vous prenez pour qui ou quoi?

        1. Vous ne voyez donc pas que le cas de Cyrulnik est “pitoyable” ? Vous ne comprenez pas son “trouble”, ses “souffrances” ? Ne pas pouvoir faire autrement que de bâtir une vie professionnelle sur des mensonges, vous appelez ça une vie, vous ? Cyrulnik vit dans le noir, il a la tête dans le sable. Le réel lui échappe, sa vie lui échappe. Oui, ce type fait pitié.

    2. 3) Votre troisième paragraphe
      Les mails que j’ai reçus de deux personnes et les (rares) réactions négatives à mon article sur le web confortent votre point de vue. En effet, il y a indéniablement des gens que la lecture des livres de BC a beaucoup aidés. Eux-mêmes amochés par la vie et enfermés dans une identité de victime définitivement bousillée, c’est la lecture du message optimiste de BC qui leur a semble-t-il permis de croire en leur avenir et in fine de s’en sortir.

      Mais au-delà de ça, quelles-sont donc les “pratiques de résilience” qu’il a selon vous contribué à diffuser en France ? J’aimerais bien le savoir.

      Par ailleurs, faudrait-il s’interdire de critiquer les arguments et souligner les mensonges de quelqu’un simplement parce qu’ils sont susceptibles de faire du bien ?

      Enfin, pour rester sur ses écrits sur la “résilience”, s’ils ont sans doute amélioré la vie de certaines personnes, ils sont aussi susceptibles d’avoir gâché la vie de pas mal d’autres. Que pensez-vous par exemple de ceci :
      “Les femmes victimes d’inceste en parlent, en moyenne, quarante ans après… Et elles ont raison. […] Auparavant, elles se sont rendues suffisamment fortes pour enfin évoquer verbalement ce qu’elles ont subi. […] Si nous étions dans une société, dans une humanité, qui dit le vrai, ces enfants seraient définitivement enfermés dans des circuits pour débiles… ! En réalité, s’ils sont hébétés de malheur au départ, quelques années plus tard, quand ils ont un peu cicatrisé, ils reprennent alors leur évolution.” ?
      … ou encore de ceci : “Le paradoxe de cette impressionnante découverte, c’est que le traumatisé est biologiquement MIEUX préparé au stress comme un champion entraîné à répondre aux épreuves. L’adaptation émotionnelle au traumatisme n’est pas une réaction de défense transitoire, c’est un mode de réaction biologique acquis […]” ?

    3. 2) Votre second paragraphe
      Je n’ai pas lu le commentaire de MouettedeParis dans le même sens que vous. Dans la mesure où elle/il ajoute “Espérons qu’ils ne feront pas de leurs propres névroses un sujet d’empapaoutement national”, il me semble que l’idée était juste de dire : si BC ne s’est pas sorti si brillamment que ça de son propre parcours traumatique, alors :
      – ça n’est pas si facile qu’il le prétend,
      – il ne peut plus servir de figure d’identification positive pour ceux qui ont connu un parcours traumatique,
      donc mauvaise nouvelle.
      A MouettedeParis de confirmer ou infirmer si elle/il est encore dans les parages.

      Bien entendu, l’inauthenticité des étiquettes qui permettent à BC de tenir des discours d’autorité n’enlève rien au fait que le processus de “résilience”, ou quel que soit le nom qu’on lui donne, existe. Il y a effectivement des gens qui arrivent à très bien surmonter leurs traumatismes… et d’autres qui n’y arrivent pas, ou le font de manière problématique.

  13. Augustin :

    « guidée par une haine anti-Cyrulnik » :
    Préjuger des intentions secrètes de l’auteur d’un article dont l’argumentation est aussi serrée – sans se souvenir de tous ceux publiés auparavant sur ce blogue selon cette même méthode –, en se référant simplement à la dichotomie populaire classique Haine/Amour, c’est plutôt court, non ? Pour discourir selon le même schéma de pensée (courte), on pourrait vous objecter que, face à la dislocation de la statue du Commandeur BC, vous craignez quelque chose, que vous « culpabilisez », que vous manquez de courage, etc. Mais quel intérêt ? car là n’est pas le problème.
    « mue par votre idéologie davantage que par un questionnement scientifique » :
    Et même si c’était le cas, ce que est soumis au public, c’est le résultat d’une analyse scientifique des cv et mensonges à répétition du Commandeur. C’est cela que vous pouvez passer au crible de votre propre analyse critique. Où sont les failles et les erreurs éventuelles de cet article ? Tous les lecteurs de ce blogue vous seraient reconnaissants.
    « ses écrits ont amélioré la vie de nombreuses personnes »
    Ce n’est pas le sujet de cet article, mais pourquoi pas ? Des écrits semblables, il en existe des centaines, qui sont très lus (c’est un formidable marché en expansion continuelle), mais leurs auteurs ne prétendent pas posséder un cv et des titres comme Cyrulnik.
    « la guérison des enfants résiliants ».
    1° Guérir ? Une « guérison » peut être due à une multitude de causes extrêmement variées : pèlerinage à Lourdes, visite à un saint guérisseur, magnétiseur, régime diététique, visite à un chaman ou à n’importe quel « charlatan » (ça marche aussi), prière, récitation d’une formule rituelle, jeûne, etc., ou simplement recours à son généraliste, à un psychanalyste, etc.
    2° Guérir ? Mais guérir de quoi ? C’est quoi la maladie de la résilience ? Vous en connaissez, vous, des gosses résilients ? Comment ça se présente ?

    1. En effet, m’attribuer une haine de BC est peut-être symptomatique. Ca m’a fait penser au “Pourquoi tant de haine” d’Elisabeth Roudinesco…
      Mais permettez-moi d’insister : pour ma part, je ne qualifie pas de “scientifique” l’analyse que j’ai présentée ici.

      1. PS : le sens de mon allusion à E. Roudinesco est explicité dans http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article1424.

        Attention : sur ce site intéressant se trouvent neanmoins aussi des contenus scientifiquement incorrects. Ainsi, Franck Ramus y promeut (là comme ailleurs) sa vision des influences génétiques sur le développement cognitif en invoquant des études très discutables. Ici (http://www.pseudo-sciences.org/spip.php?article1546), c’est notamment l’hypothèse selon lui “amplement confirmée” selon laquelle l’allèle court du gène du transporteur de la sérotonine induit une susceptibilité accrue à la dépression face à des événements stressants. Cette hypothèse était déjà très fragile au moment de la publication de la première version de son article, et était devenue plus que controversée (en fait assez improbable) bien avant celle de cette version sur pseudo-sciences.org. Sur ce sujet, voir http://passeurdesciences.blog.lemonde.fr/2013/01/20/faire-une-depression-est-il-inscrit-dans-les-genes/ et http://allodoxia.blog.lemonde.fr/2012/03/19/serotonine-races-et-civilisations/.

        1. Effectivement, ayant mis à jour ma biblio récemment, j’ai pu constater que l’interaction 5HTT-traumatismes-dépression n’était pas bien répliquée, et je m’abstiens désormais d’en faire état.
          Par contre, il semble que l’interaction MAOA-maltraitance-trouble des conduites, elle, résiste bien à l’épreuve des réplications. On ne peut donc tout de même pas balayer tous les résultats portant sur des influences génétiques d’un revers de main, comme vous semblez le faire un peu facilement.

          1. Merci de reconnaître que vous étiez allé un peu vite en besogne au sujet de 5HTT.
            Concernant les interactions MAOA-comportements, “il semble”, comme vous dites… Ce sujet est également dans ma to-do-list, et je serai intéressée par vos commentaires sur l’article que je lui consacrerai dans quelques temps. Il s’agira comme pour les autres sujets que j’ai déjà traités d’une discussion de fond, données en main, car je n’ai pas pour habitude de balayer les choses facilement ni d’un revers de main.

  14. Tout d’abord, bravo pour la défense et l’illustration de ce qu’est l’imposture scientifique: votre travail sur ce blog est très intéressant.
    Par contre, votre analyse de l’inventivité de BC ressemble un peu beaucoup à une charge de magistrat instructeur qui aurait oublié d’instruire le dossier à décharge: vous passez un temps fou à prouver sur des indices concordants la mauvaise foi de l’un, l’aveuglement des autres et la complicité de tous, mais jamais ne vous vient à l’esprit que le diplôme n’est qu’une reconnaissance sociale, que l’absence de diplôme n’est pas un signe d’incompétence, que l’interprétation indue de résultats exacts ou le survol d’article avec contre-sens, font partie de la vie de l’esprit? Que la plupart des découvertes en science et en technique sont fondées sur des erreurs d’un autre calibre que les mensonges par omission, par ruse, par tricherie ?
    Lorsqu’on est à cheval sur les titres, les compétences et les diplômes, c’est qu’on est parfaitement discipliné, moulé et copie conforme: ce n’est pas un signe très prometteur du point de vue de l’inventivité.

    1. 1) “jamais ne vous vient à l’esprit que le diplôme n’est qu’une reconnaissance sociale, que l’absence de diplôme n’est pas un signe d’incompétence”
      Loin de moi l’idée que l’absence de diplôme est un signe d’incompétence. Dans le cas de BC je critique d’une part les faux-semblants et mensonges sur les diplômes et titres (“éthologue”, “grand nom de la recherche” auteur de “200 publications scientifiques”, etc), qui sont un problème en soi, et d’autre part les propos fantaisistes de BC qu’il fait passer pour de la science, qui sont le résultat d’un mélange de malhonnêteté intellectuelle, d’incompétence et d’aveuglement par des convictions personnelles. Ces deux critiques ne sont pas liées entre elles. C’est ce que j’exprime explicitement à la fin de ce billet : “Après tout, pourquoi pas […] , je serais bien mal placée pour dire que la possession de tel diplôme ou titre autorise seule à s’exprimer publiquement sur tel ou tel sujet. Mais Boris Cyrulnik, non content de se présenter sous un jour pour le moins trompeur, déverse en outre sans vergogne dans l’espace public, au nom de sa pseudo-expertise scientifique […]”.

      2) “l’interprétation indue de résultats exacts ou le survol d’article avec contre-sens, font partie de la vie de l’esprit”
      C’est vrai, que ce soit dans la vulgarisation ou dans la littérature scientifique elle-même, d’ailleurs. Est-ce à dire qu’il faut s’en satisfaire, que ça n’a aucune importance que soient affirmées dans l’espace public des contre-vérités issues de cette dimension de la “vie de l’esprit” ? Je n’ose comprendre que c’est votre position. Ca n’est en tout cas pas la mienne.

      3) “la plupart des découvertes en science et en technique sont fondées sur des erreurs d’un autre calibre que les mensonges par omission, par ruse, par tricherie”
      Que voulez-vous dire ?

      4) “Lorsqu’on est à cheval sur les titres, les compétences et les diplômes, c’est qu’on est parfaitement discipliné, moulé et copie conforme: ce n’est pas un signe très prometteur du point de vue de l’inventivité.”
      Je ne suis pas à cheval sur les titres etc : cf 1). Par ailleurs, vous trouvez vraiment que mon parcours, la création de ce blog, et ma remise en cause vigoureuse de discours tenus par des figures d’autorité témoignent d’un comportement parfaitement discipliné, moulé, et exempt d’inventivité ? Je ne sais pas ce qu’il vous faut…

    2. — « L’inventivité de BC »

      Où voyez-vous de « l’inventivité » dans les articles et ouvrages de Cyrulnik ? En avez-vous lu ? Ils ne sont généralement que le résultat de compilations tout azimut dont il use et abuse pour étayer ses croyances. On ne trouve trace d’inventivité chez lui que dans les affabulations de son cv.

      — « Être à cheval sur les titres, les compétences et les diplômes. »

      Vous voulez parler sans doute de Cyrulnik ? Puisqu’il a jugé nécessaire de s’inventer des titres, des compétences et des diplômes à foison qu’il n’a jamais eus.
      Le propos de l’article ci-dessus ne prétend pas que la recherche de Cyrulnik est sans valeur parce que son auteur n’aurait ni titre, ni compétence, ni diplôme. Il montre que BC est tellement « obsédé » par les titres, les compétences et les diplômes qu’il ne craint pas l’imposture. Et ses conséquences dévastatrices éventuelles.

      — « La plupart des découvertes en science et en technique sont fondées sur des erreurs d’un autre calibre que les mensonges par omission, par ruse, par tricherie. »

      Cette conception fait partie de la légende du progrès scientifique. Si « erreur » il y a dans l’histoire d’une découverte ou d’une invention, elle n’est signifiante que pour un scientifique expérimenté engagé dans une recherche de longue haleine.

      — « Être parfaitement discipliné, moulé et copie conforme : ce n’est pas un signe très prometteur du point de vue de l’inventivité. »

      ÊTRE À CHEVAL sur les titres, compétences et diplômes = chercheur plutôt discipliné, moulé et copie conforme,
      contre
      NE PAS ÊTRE À CHEVAL sur les titres, compétences et diplômes = chercheur plutôt inventif.

      Voilà une conception très manichéenne et démago des découvertes scientifiques ou techniques. Ça ne se passe pas comme ça. La recherche actuelle est toujours collective et elle s’inscrit dans un monde de forces, de controverses et de conflits. Les équipes sont constituées d’individus, généralement très indisciplinés, dont les titres, les compétences et les diplômes peuvent être de valeur très inégale.

      Ces équipes sont traitées différemment selon les rapports de forces du moment. Certaines sont soutenues par leur hiérarchie, leurs travaux sont valorisés, tandis que d’autres sont marginalisées. Cependant, la hiérarchie peut changer d’avis, parfois rapidement, lorsque ce qu’elle appelle la « demande sociale » a justement besoin de « l’inventivité » de cette équipe. Alors, on la remet en selle si elle ne s’est pas dispersée entre temps.

      L’absence d’inventivité que vous signalez peut découler non d’un excès de titres, de compétences et de diplômes, mais de la conformité au désir de la fameuse « demande sociale », telle que l’a formulée la hiérarchie.

      Lorsqu’une équipe est marginalisée par l’institution ou l’entreprise, elle peut résister en cherchant appuis et notoriété à l’extérieur. Tout dépend de la volonté de ses membres et de leur chef, de l’intensité et de la durée des mesures de rétorsion utilisées à leur encontre (baisse ou suppression des crédits et du personnel auxiliaire, avancement refusé, changement de locaux, etc.), etc. Cette situation inconfortable peut libérer « l’inventivité ».

  15. Je voulais vous envoyer un lien sur un article qui semble parfaitement correspondre au thème général de votre blog :

    http://www.lesnouvellesnews.fr/index.php/cafouillage/66-sexisme-ordinaire/3030-filles-garcons-humour-cerveau-a-bon-dos?utm_source=Abonn%C3%A9s+Newsletter&utm_campaign=87f9da27c8-Club6_21_2013&utm_medium=email&utm_term=0_77e3d16605-87f9da27c8-41057041

    Et je suis donc tombée sur votre dernier article qui pose effectivement beaucoup de questions.
    Comme vous le suggérez très bien, le problème n’est pas en soi le cas Cylrulnik, le problème c’est ce développement presque incontournable de ce genre de situation basée sur le mensonge ou l’exagération. Ce qui est gênant ici, ce ne sont pas les opinions de Cyrulnik, chacun peut avoir des opinions, mêmes mauvaises, mêmes scandaleuses, c’est le fait qu’il les légitime par l’exagération mensongère d’une formation scientifique rigoureuse. Son propre trauma aurait pu effectivement servir de base à sa réflexion idéologique ou philosophique, et cela n’aurait rien enlevé à la valeur de celle-ci que de reconnaître son origine (si tant est qu’il y en eut… de la valeur).
    Bref. Ce que je voulais surtout dire ici :
    Notre société occidentale fonctionne sur un mirage. Ce miroir aux alouettes qui nous persuade de croire en la véracité de tout ce qui nous semble correspondre à nos idéaux et alimente notre espérance en notre propre beauté et bonté. Nous espérons tellement être plus que ce que nous sommes qu’inversement à ce que nous prétendons nous croyons faux ce qui est vrai et vrai ce qui est faux. Et courons après les fausses espérances (l’espoir de la guérison facile ou miraculeuse par exemple).
    Et puis nous aimons aussi particulièrement tout ce qui est simpliste et sensationnaliste. Les idées courtes ont le privilège de rentrer facilement dans nos cerveaux étriqués. Par contre un commentaire (article) tel que le votre, c’est plus compliqué… Il donne trop à réfléchir, remet en question les idées reçues, s’appuie sur des références solides qui nécessitent du temps pour les trouver, les comprendre et les synthétiser. Ce n’est pas donné à n’importe quel journaliste qui n’a plus de temps, plus de formation réelle ni plus aucun intérêt financier. Un travail exigeant du temps n’est pas rentable. Il n’est pas non plus donné à n’importe quel lecteur de se pencher sur votre travail (en toute modestie) pour cette même raison – le temps qu’il faut pour lire, comprendre, intégrer – du fait des habitudes prises des messages et commentaires sous forme de sms plus proches des réponses instinctives rapides que des réflexions profondes exigées par de tels thèmes.
    Il se trouve que l’instinct est peut-être ce qui engendre nos croyances parce qu’il offre une réponse rapide pour solutionner un problème immédiat. L’instinct n’est pas un mal en soi, il a de ces qualités qui nous permettent de survivre dans l’environnement naturel, mais tout se complique lorsque l’on confond les choses et que l’on lui demande de gérer des situations complexes d’ordre « surnaturelles ». La science n’est pas naturelle, la philosophie n’est pas naturelle, la réflexion spirituelle n’est pas naturelle, chacune exige du temps pour évoluer et être comprise. Toutes exigent que nous évoluions en même temps qu’elles. Attendre des réponses rapides, instinctives donc, c’est ne pas comprendre le processus qu’elles mettent en place et croire à une possible instantanéité miraculeuse du solutionnement des choses. D’où croyances et religions naïves.
    Boris Cyrulnik a bien compris que pour être crédible il doit aussi créer sa propre mythologie (et c’est d’autant plus facile pour lui du fait de son enfance réellement traumatisante), il crée la croyance en lui-même de par sa force d’auto-persuasion (il est persuadé lui-même donc il persuade les autres, tactique marketing). Il s’est donné naissance à lui-même d’une manière si fascinante que le monde aveuglé, croit sincèrement à la véracité de son message ou exploite sans vergogne le coté spectaculaire de ses interventions (médias).

  16. Bonjour cher Odile Fillod,
    Tout d’abord merci pour votre excellent blog qui m’est très utile dans mes activités d’internaute féministe. Je vous écrit pour vous signaler un article à propos d’une étude qui me semble étrange. C’est ici http://sante.lefigaro.fr/actualite/2013/08/07/21102-davantage-bebes-filles-fukushima-apres-seisme
    Je trouve étrange ces affirmations sur les fœtus masculins qui seraient plus gros et demanderaient plus d’énergie à la mère. Je n’ai jamais entendu cela avant et je me demande si c’est un phénomène qui ne serait pas plutôt due à la disparition des structures d’accueil et de soins des femmes enceinte pour cause de catastrophe naturelle ou non… Bon je ne suis pas scientifique et vous n’êtes pas ici pour répondre à mes interrogations, mais peut être que ça vous intéressera. Merci pour tout et bonne continuation à vous. J’attend de mon côté toujours avec impatience vos publications sur Allodoxia.

    1. Merci. Je ne connais pas ce domaine de recherches, mais ai comme vous été interpellée par cette explication donnée à la fin de l’article du Figaro qui me semble fumeuse… et j’ai donc tout simplement cliqué sur le lien vers le résumé de l’article de 2011 censé l’étayer. Or ce que rapportent en fait les deux chercheur.e.s est que l’exposition des mères au stress d’un gros tremblement de terre au Chili avait augmenté de manière significative les naissances avant terme des bébés filles seulement, la durée de gestation des garçons n’étant quant à elle pas significativement affectée. Quant à l’impact sur le ratio garcons/filles à la naissance, il est si proche de la non significativité statistique que les auteur.e.s parlent de cet autre constat de leur étude au conditionnel (“l’exposition au stress en début de grossesse pourrait également contribuer à une diminution” de ce ratio). Bref, le dernier paragraphe de cet article du Figaro semble être complètement farfelu, ce qui n’a malheureusement rien d’exceptionnel… Je vous encourage à interpeller la journaliste via un commentaire sous son article, pour voir (et tenez-nous au courant des suites eventuelles !).

  17. Bonjour et merci. A dire vrai, je suis bluffée par votre travail, et moi qui suis thésarde en anthropologie/sociologie (en fait secteur 71, mais trop compliqué à expliciter ici) sur le tard, ayant repris mes études à 50 ans au terme d’un parcours qui m’avait fait fuir toute “normalisation” voulue et nécessaire dans le domaine académique et donc dit en France “scientifique”, je mesure toute la pertinence de votre propos critique sur les médias et l’académisme, à bien des égards. Et je vous remercie de cet article dont je vais faire le plus grand partage, croyez le.

    Mais je voulais tout de même vous poser une question sur la personnalité de ce monsieur dont j’ai, comme beaucoup d’autres, lu quelques ouvrages, et en particulier sur la résilience car… mais je ne vais pas vous raconter ma vie ! ☺

    Tout de même, chère Odile Fillod, puisque vous avez fait ce remarquable travail d’enquête et apportez de façon magistrale la preuve de la mythomanie, on pourrait presque dire organisée mais non pas médiatisée et par contre largement assumée par BC, n’êtes vous pas touchée par ses tentatives de démystification ?

    Vous le dites vous même à la fin de votre article. Je vous cite : « C’est finalement peut-être dans ce livre [(Cyrulnik ,1999),] qu’on trouve exprimé le plus clairement son rapport à la vérité lorsqu’il s’agit de (se) raconter sa propre histoire : « Il ne s’agit pas de mensonges, mais de recomposition du passé. Il est certain qu’un récit dépend de l’intention de celui qui parle et de l’effet qu’il désire produire sur la personne à qui il s’adresse. Pour réaliser ce projet, [Bernard] utilise les événements de son passé pour inventer une chimère autobiographique […] » (p.31) ; « [Bernard] choisit dans son passé quelques éléments réels dont il se fait une représentation, […]. Il a métamorphosé sa souffrance en œuvre d’art, en théâtre intime […].[…] notre histoire n’est pas la même selon que l’on s’adresse à soi-même, à une femme qu’on veut séduire, à sa famille qu’on veut préserver ou à un courant social qui ne sait entendre qu’un seul type de récit normo-moral. »(p.125-126).”

    Moi qui travaille « scientifiquement » (je continue de trouver ce concept très surfait, et vous assure le plus sincèrement du monde que je trouve votre article bien plus « scientifique » que certains écrits annoncés comme tels grâce à une surenchère de références bibliographiques qui prouveraient que l’auteur connaît ses classiques et sait faire allégeance à ses « maîtres »…) sur la capacité de l’être humain à se construire en se recréant une autobioraphie dans le cadre de jeux de rôle en ligne (autobiographie que je nomme alors persona-fiction), je trouve que Mr BC est un parfait exemple de cette capacité mise en œuvre dans la vraie vie, d’autant plus qu’il en est conscient !

    Même si tout le tapage médiatico-journalistique fait sur un CV gonflé pour la starisation voulue par le lecteur est à dénoncer, et je vous suis sur ce terrain, n’avez vous pas le sentiment que ce n’est pas cet homme qu’il faut juger et critiquer car il a bien essayé de se dévoiler ? Pas de façon très nette, je vous l’accorde, mais… tout de même ! Comme vous le dites, c’est assez pathétique de voir ce besoin de lumière toujours présent passés 70 ans, mais comme dit l’adage “on ne se refait pas”.

    Je ne lui cherche pas d’excuses, mais, après tout, il n’a pas comme Roman tué père et mère, épouse et maîtresse, et sa mystification n’a fait que le rendre plus fortuné qu’avant, tout comme ses éditeurs, probablement. Péché véniel, pourrais je dire. Toujours est-il qu’il participe de notre imaginaire commun et aura (dé)montré ou devrais je dire plutôt bien raconté combien tout est possible en ce monde, du moment qu’on y croit soi-même ?

    Encore une fois, merci, je vais suivre votre blog, que je ne connaissais pas.

    FV

    1. 1° Pourquoi la méthode scientifique serait-elle négative en soi ? Surtout à l’université ? Pourquoi essayer de penser rationnellement et travailler avec méthode serait-il considéré comme « académique », voir stérile ? De toute façon, quelle est l’alternative à la méthode scientifique ? Le fait que toute thèse doive s’insérer dans un cadre « normalisé » n’a jamais empêché tout doctorant de travailler « scientifiquement » s’il est décidé à faire du bon travail ni de produire une thèse novatrice et, parfois, de grande valeur. Le problème éventuel, c’est le thésard, non l’université.
      2° Bien sûr que certains travaux (articles, ouvrages, thèses même) rédigés par des hommes de science ne répondent pas aux critères exigés par la méthode scientifique. C’est le jury de thèse qui est en cause, non la science. Ces travaux peu sérieux ne doivent pas nous interdire de penser avec méthode, ni nous autoriser à renier le mot « scientifique ».
      3° Bien sûr, les références bibliographiques doivent montrer que l’auteur n’a rien oublié, qu’il a bien pris connaissance de tous les travaux qui ont précédé le sien et qui concernent de près ou de loin son sujet d’étude. Ceci d’une part afin d’éviter de réinventer la roue, de démontrer ce qui a déjà été démontré, et d’autre part de permettre aux lecteurs et travailleurs scientifiques futurs de consulter ces articles, ouvrages et thèses de base pour leurs propres travaux. Cette revue de la littérature fait partie des premiers moments les plus excitants du travail de recherche. C’est ça qui aide à mieux cerner son propre sujet et à élaborer avec pertinence sa propre problématique.
      Où est l’allégeance aux « maîtres » là-dedans ?

  18. Très troublant. Bravo pour cette enquête qui a l’air bien plus documentée que les articles qu’elle épingle… Une fois de plus on se contente de recopier ce que les autres ont déjà écrit. Pauvres de nous.
    Pour votre gouverne, une autre itw de Cyrulnik dans la presse suisse, au Temps, en 2012. Et cela fait tout drôle de relire ce texte après le votre… http://www.letemps.ch/Page/Uuid/499339e8-1a26-11e2-a6b0-f3455eab8fd8|3#.UhFFSBBhiK0

  19. Hello,
    je viens de finir de lire de votre article – et les commentaires – avec grand plaisir. Quid des reactions attendues de la presse, apres 2 mois? Avez vous vu les retombees esperees? BC s’est il explique?
    Merci
    Nicolas

      1. Il ne faut pas désespérer. Après quelques mois on a vu Sébastien Bohler disparaître d’@si. Les choses se font sans tambours ni trompettes, mais petit à petit.

  20. Très intéressant. Cyrulnik fait partie d’une poignée de scientifiques que les médias utilisent comme figure totémique de la Science. La qualité première de ces scientifiques est leur capacité à “bien parler”, ce que les médias audiovisuels appellent les “bons clients”. L’originalité, la pertinence, la justesse de leurs propos sont secondaires.
    Dans un domaine – l’économie – que je connais un peu mieux que celui des sciences cognitives le phénomène est encore plus prononcé.

  21. Nous vivons dans une societe mediatique,c’est a dire faite d’intemediaire. Nous sommes nombreux, plongé dans un systeme de production integré (mais pas integre), l’organisation de nos vie et du discours social est centralise. Cela favorise au niveau economique, scientifique ou politique le clanisme (maffia), la fayotage et l’imposture.

    Il ne faut pas chercher ailleurs la recurrence ou la generalisation d’un constat: ce ne sont pas les plus integre, intellectuellement solides, les plus curieux, les plus “serieux” qui s’en sortent…Dans aucun domaine. Tout cela decoule de la structure d’une societe.

    Comment peut on verifier a la tele les diplomes, ni meme la veracite d’une affirmation. Meme en science dure des imposteurs on fait la loi (lors de ma these c’etait l’allemand Henrik Schön du bell lab qui dictait le rythme de la recherche mondial en physique du solide, en fait tout etait bidonné).

    Je suis docteur, ingenieur. J’ai emigre en suede pour travailler. Une fois en fin de carriere de precaire, j’ai obtenu ou bout d’un combat acharne de deux annes entieres la reconnaissance de mon DEA er de ma these par les autorites suedoises. On ne reconnait toujours pas mon diplome d’ingenieur a cause de tracasserie concernant l’original. Resultat deux ans de vadrouille et l’impossibilite d’acceder a des formations specialisee (par exemple pour faire prof) pour me reconvertir. J’ai niveau bac officiellement en Suede. C’est ridicule a l’heure de “l’europe” et de la libre circulation mais c’est la realite des systemes sociaux complexes.

    Comment demander a des medias de verifier des diplomes quand les autorites “competentes” peuvent mettre des annes… Parrellelement, une enquete a montre que 70 % des CV en suede etait arrangé et 30 % grossierement truqué (cursus non acheve etc…). Je parie qu’en France, on a les memes statistiques.

    Il est evident que le type honnete est serieusement handicape dans notre societe. Au final seul le malhonnete, le roublard prospere. D’ou l’admiration mediatique pour les Tapie, Cyrulnik, Sarkozy, BHL, Minc, Allegre, Sarkozy etc… (excuse moi pour la non exhaustivite …)

  22. Merci pour votre article.
    C’est encore plus édifiant que ce que je soupçonnais. Comme enseignant-chercheur en psychologie, je dois faire face souvent à des collègues, amis, etc. qui pensent que tout le monde peut faire de la psycho et qui me citent comme sources “ah mais j’ai lu Cyrulnik tu sais”! J’aurais votre article à transmettre. Venant d’enchaîner la lecture d’un article sur le grand rabbin de France et le votre, me voilà servie pour la journée!

  23. Bonjour, vous avez écrit : “Moi qui sur ce blog ne parle qu’en mon nom, et qui ai préféré l’action concrète immédiate dont je ressentais l’urgente nécessité à l’obtention d’un titre de docteur en sociologie”.

    En quoi consiste l’action concrète en question ?

      1. Je viens de relire la page ” à propos “, mais je ne suis pas sûr de comprendre. Voulez-vous dire que vous vous consacrez entièrement à ce blog ?

        1. Je veux dire que j’ai choisi d’agir pour essayer de faire changer les choses, plutôt que produire des écrits académiques destinés à un public très restreint et par nature moins efficaces. Je travaille sur les mauvaises pratiques dans la production et la communication scientifiques dans certains domaines qui me préoccupent particulièrement. Ce blog est mon principal outil de communication/action, et j’y consacre environ 50 % de mon temps.

          1. D’accord, mais si vous passiez votre thèse, cela commencerait à faire du bruit aussi dans le monde spécialiste concerné.
            À partir de cette thèse, vous pourriez publier un livre facilement pour le “grand public”. Et alors là, ça ferait grand bruit dans les médias.
            Donc, nous sommes tous impatients de pouvoir posséder votre ouvrage et de le faire lire autour de nous.

            1. Je me suis aperçue que la thèse n’était ni une condition nécessaire pour faire “du bruit” dans les mondes spécialistes concernés (j’en ai reçu de nombreuses preuves), ni un prérequis à la publication d’un livre (des éditeurs m’ont fait savoir qu’ils seraient ravis que je leur donne un manuscrit). A partir de là, j’ai réalisé que je n’avais aucune raison d’aller au bout si ce n’est pour pouvoir parer mon discours d’une forme de légitimité scientifique (et encore, s’agissant d’une thèse en sociologie…), or je ne souhaite pas entrer dans le jeu médiatique de l’ “expertise” que je dénonce justement : si ma parole porte, il faut que ce soit parce que je mets sur la table des éléments convaincants, pas parce que mon titre garantirait que je parle au nom d’une discipline et que mon discours serait par définition validé par des pairs. Il se trouve que l’objectif de terminer ma thèse avant fin 2013 était incompatible avec la réalisation de choses qui m’on paru plus importantes : j’ai donc eu à choisir, et le choix a été vite vu.

  24. dans un merveilleux malheur on peut lire ,que dans la vie l homme ne doit pas se tromper sur deux choses :les etudes universitaires et le choix du conjoint.cette histoire de mystification donne une toute autre lumiere a cette phrase.
    a mediter….

  25. “Neurologie”, 3e paragraphe: “après que le service de neurochirurgie du Pr David ait refusé de le garder”: après la locution après que, le verbe doit être conjugué au mode indicatif car l’action a déjà eu lieu et donc il n’y a plus de doute; l’emploi du subjonctif, qui est le mode du doute, de l’incertitude, de la subjectivité est illogique et un contre-sens: “Que le Pr David l’ait refusé … on n’en est pas sûr!” Quant au temps du verbe, si l’action est achevée, ponctuelle (comme dans la phrase ci-dessus), c’est le passé simple/défini qui est employé; dans le cas présent, le verbe de la principale est conjugué au passé composé, il faut donc mettre le verbe de la subordonnée au passé antérieur: “après que le service … eut refusé…”. Faut-il préciser que “eût refusé” (avec accent circonflexe) est le plus-que-parfait du subjonctif? Subtilité de la langue française…

    1. Erreur très courante et néanmoins impardonnable. Je corrige dès que j’ai accès à un ordinateur (je suis en vacances). Merci.

  26. Étudiante en psychologie clinique il y a une dizaine d’années j’ai lu quelques uns des ouvrages de Cyrulnik… dans le groupe d’étudiants que nous étions alors, il n’a pas été investi comme un de nos maîtres à penser, bien au contraire… néanmoins votre article précis et rigoureux m’apporte un éclaircissement et dissipe la confusion ressentie face à ces lectures, ce qui me pousse à vous remercier aujourd’hui, et à partager une anecdote là-dessus.
    Aujourd’hui j’exerce auprès de personnes âgées atteintes de pathologies neurodégénératives. Une patiente commente régulièrement ses lectures au cours de nos entretiens. Il y a quelques mois elle me parle du livre de Cyrulnik sur la question de la honte et dit : « il dit beaucoup de conneries ce Monsieur et il aime s’écouter parler, mais bon, il paraît qu’il est médecin, alors je vais quand même le lire jusqu’au bout son bouquin ! »
    Pour conclure je trouve ça rassurant de voir qu’à un âge avancé, une femme souffrant d’un Alzheimer, n’est pas forcément dupe pour autant. Néanmoins, la normalisation des pensées est en marche dans nos sociétés et tomber sur un blog comme le vôtre fait du bien à ce niveau-là.
    Une nouvelle lectrice

  27. Désespérant que cet article en béton. Sommes nous donc condamnés à reconnaître des faussaires et des baratineurs dans la science ou la littérature ?
    J’ai bondi quand j’ai découvert que BC a entretenu des liens avec Hubert Montagner que j’ai eu à croiser dans des circonstances qu’il est inutile de raconter ici et pour lequel – sans avoir alors construit une enquête aussi méticuleuse que la votre – je me suis convaincu qu’une bonne partie de ses “titres” et de ses “recherches” relevaient de l’affabulation ou tout au moins, pour rester charitable, de l’exagération.
    Doit on en conclure que les menteurs fonctionnent en groupe ? Comme BC et aussi sérieusement que lui, mes connaissances en éthologie me poussent à croire que oui.

  28. Merci, madame Fillod, pour ces deux livraisons relatives à Mr Cyrulnik.
    Les processus sociaux et culturels à l’oeuvre dans cette étrange aventure sont aussi révélateurs que ce que le “héros” cache ou laisse dans l’ombre …
    En février 2010, Mr Cyrulnik a été fait Docteur Honoris Causa de l’Université de Louvain (Louvain-la-Neuve, cf. http://www.uclouvain.be/312557) Il y a dû y avoir un brin de négligence dans l’examen du CV du lauréat …

    1. Malheureusement, j’ai de plus en plus l’impression qu’il y a pléthore de “Docteurs Honoris Causa”, en tout cas précisément à l’UCL, et les titres et le cv n’ont que peu de rapport avec l’attribution du titre — ce qui pose sérieusement la question de sa légitimité : que signifie l’attribution d’un DHC par une université ? Ça ressemble fort à un échange de bons procédés sous forme de promotion réciproque… L’université y gagne une plus-value humaniste et l’honorable docteur une légitimation intellectuelle (dont BC n’avait, il est vrai, déjà plus besoin). Il faut croire que la cause honorable fut, dans son cas, la fameuse popularisation de la résilience qu’il compte à son actif. Reste que les dommages infligés dans la foulée par les préjugés scientifiques qu’il répand devrait lui valoir un Doctorat Inhonoris Causa… Mais les Universités, pourtant foyers notoires de vigilance critique, ne travaillent pas en ce sens. Je propose alors, puisqu’il a reçu ce titre dans une grande université belge, qu’il soit candidat à l’entartrage…

  29. Merci pour ce travail.

    Malheureusement, je dois dire que j’ai cessé depuis longtemps de lire de la vulgarisation en français, et je me demande si je ne vais pas cesser de lire tout ce qui n’a pas passé d’abord l’excellent filtre “Oxford University Press”. Encore que Lovelock soit passé à travers, mais peut-être doit-on le remercier d’avoir amélioré la santé financière d’un groupe aussi utile.

    L’absence de vérification des diplômes, des CVs ou des plagiats est très française, que ce soit dans le monde scientifique ou professionnel. Les impostures sont quantité en France, car la France se croit plus qu’elle n’est et que les carrières se font moins sur les compétences réelles. Peu en France on le réflexe de vérifier ce qui se passe à l’étranger (alors même que presque tout se passe à l’étranger), tandis que tout le monde le fait aux USA.

    Hier, je feuilletais le dernier livre de E. O. Wilson, je me demandais s’il valait le coup d’être lu. Comme à mon habitude, je cherche un petit passage qui est de mon domaine de compétence, et je le lis. J’en ai été fort déçu. Quand on voit qu’un vrai scientifique, double gagnant du prix Pulitzer se permets des approximations, ça ne donne plus envie de lire de vulgarisation.

  30. Bravo pour l’opiniâtreté de votre recherche et sa pertinence car on comprend mieux de quelle façon (la même), la légende du “découvreur de l’inconscient”, le bon Docteur Freud a pu se bâtir.

    A mettre en balance avec un personnage comme Tobie Nathan qui lui, n’a jamais cherché à se faire passer pour l’inventeur de l’ethnopsychiatrie, ni pour un découvreur, mais simplement comme un curieux productif.

  31. Chere Madame,

    merci pour cet article remarquable.

    Mathematicien professionnel je voudrais souligner que l’imposture des Bogdanoff a perdure dans la presse jusqu’a un article tres fouille paru et reste en ligne sur le site Acrimed qui faisait le point sur leur parcours.

    Il me semble que votre texte est appele a jouer un role similaire dans le cas de BC.

    VM (CR – CNRS)

  32. Je ne suis pas tout à fait convaincu par votre article. Que M. Cyrulnik ne soit pas en grand chercheur scientifique est certainement vrai mais ses diplômes et son expérience l’autorisent tout à fait à “vulgariser”.
    Vous nous affirmez “il n’est ni ceci ni cela” mais à chaque fois on peut trouver de quoi pondérer vos affirmations. Par exemple, il n’a pas de diplôme d’éthologie mais il a été chargé de cours et il a quelques publications dans le domaine (mineures certes).
    Par ailleurs, certaines de vos affirmations sont tout simplement fausses.
    Par exemple:
    “Pourtant, en ce qui concerne la France, il ne peut avoir dirigé aucune thèse au sens usuel du terme, c’est-à-dire un travail de recherche de 3 ans minimum conduisant à l’obtention d’un doctorat universitaire. En effet, il faut pour cela être titulaire d’une habilitation à diriger des recherches, or il ne l’est pas.”
    C’est faux car il existe dans toutes les universités des dérogations pour diriger des thèses. La démarche est interne à chaque université comme le montre le lien suivant:
    http://www.univ-lyon1.fr/etudes-et-scolarite/etudes-doctorales-hdr/hdr/procedure-d-obtention-d-une-derogation-de-direction-de-these-sans-hdr-669341.kjsp
    Par ailleurs, certains directeurs de thèse habilités ne dirigent pas dans les faits la thèse (faute de temps) et délègue à un autre chercheur non-habilité l’encadrement.
    C’est très commun et je suis étonné que vous ne soyez pas au courant.
    De plus, M. Cyrulnik a bien été membre de jury de thèses comme le prouve par exemple le lien suivant:
    http://www.ethnopsychiatrie.net/actu/theses.htm
    Il est particulièrement remercié par M. Lecomte pour sa Thèse de doctorat en psychologie (sous la direction de Mr Etienne Mullet) “BRISER LE CYCLE DE LA VIOLENCE” (Ecole Pratique des Hautes Etudes, Section des Sciences de la vie et de la terre, Laboratoire Cognition et Décision
    Toulouse, 2002).
    Evidemment, en faisant des recherches sur internet, on peut trouver d’autres références qui pondèrent vos affirmations.

    Pour conclure, je n’ai jamais considéré M. Cyrulnik comme un grand chercheur scientifique mais plutôt un neuro-psychiatre psychologue qui écrit des livres à la mode et votre article me semble plutôt démontrer la manière dont fonctionne le monde des médias plutôt que la preuve flagrante d’une usurpation ou d’une escroquerie.

    PS: troisième tentative de commentaire sur votre blog. Je n’ose imaginer que vous censurez mes messages ce qui serait contraire à l’éthique que vous défendez.

    1. 1) “ses diplômes et son expérience l’autorisent tout à fait à « vulgariser »”
      Aucun diplôme n’est nécessaire ni suffisant pour faire de la vulgarisation scientifique; il existe de bon vulgarisateurs qui n’ont aucun diplôme scientifique, et de bons scientifiques qui font de la très mauvaise vulgarisation. Par ailleurs, comme je l’ai écrit (dans le présent article, que vous avez semble-t-il lu trop vite) et répété (voir les précédents commentaires), mon point n’est absolument pas de remettre en question son “droit” à faire de la “vulgarisation” en lien avec sa non détention de tel diplôme ou son manque d’expérience de la recherche scientifique. Les lieux communs, avis péremptoires non étayés scientifiquement, erreurs, et approximations mensongères qui émaillent son discours sont une chose, le problème de l’écart entre les diplômes et expérience qu’il revendique ou que les médias lui attribuent (qui donnent à sa parole une aura indue) et la réalité en est une autre. Je n’établis pas de lien entre les deux, et j’ai justement traité ces deux aspects dans des articles distincts.

      2) “il n’a pas de diplôme d’éthologie mais il a été chargé de cours et il a quelques publications dans le domaine”
      Outre son absence de diplôme d’éthologie, il n’a pas été chargé de cours d’éthologie proprement dite, et n’a fait aucune publication scientifique en éthologie. Si vous avez des informations contradictoires à ce sujet, soyez plus précis. Pour savoir ce qu’est un vrai éthologue, voir par exemple http://biogeosciences.u-bourgogne.fr/cv/cezilly/.

      3) Direction de thèses
      Sur ce point, voir ci-dessus le commentaire de SD du 30 juin et ma réponse du 1er juillet. Voir également le commentaire de F.B. du 19 août.

      4) “De plus, M. Cyrulnik a bien été membre de jury de thèses”
      Je n’ai jamais dit le contraire.

      5) “à chaque fois on peut trouver de quoi pondérer vos affirmations. Par exemple […]””, “Evidemment, en faisant des recherches sur internet, on peut trouver d’autres références qui pondèrent vos affirmations.”
      Ces accusations vagues sont un peu faciles : merci de préciser.

      6) “PS: troisième tentative de commentaire sur votre blog. Je n’ose imaginer que vous censurez mes messages”
      Comme je vous l’ai écrit par mail (mais il semble que non content d’écrire sous pseudo, vous avez également fourni une adresse électronique bidon), j’étais en vacances avec un accès à internet très limité et un simple smartphone sur lequel il était difficile d’écrire de longs textes, et c’est pourquoi je n’ai pas mis en ligne immédiatement votre commentaire car je ne souhaitais pas qu’il soit visible pendant 10 jours sans réponse de ma part. Cela étant dit, il m’arrive de ne pas mettre en ligne des commentaires déplacés, insultants, ou faisant la publicité de certains sites Internet par exemple. Ca n’est pas de la censure, juste une saine préservation de cet espace du spam et des trolls.

  33. rhaaaaaaa, vous lire, même avec retard (tiens, qui ou que démolit-elle ces temps ?) est toujours jouissif ! je ne suis pas scientifique, je ne vais donc pas vérifier point par point vos démontages. la flemme, un peu, mais également une confiance a priori dans votre démarche de dénonciations des impostures – hélas bien solitaire, parmi les louanges préformées qu’on rencontre deça delà… merci de continuer ce travail de sape, hautement roboratif et stimulant !

    1. Parce que le contexte de ma thèse ne me permettait pas de faire ce que je fais sur ce blog (entre autres), et que j’ai jugé que ceci était moins important que cela.

  34. Bonjour, je viens par hasard de regarder la page wiki concernant BC. Je vois avec surprise que tout ce qui avait été mis sous le chapeau de “controverse” a été sucré totalement, ainsi le lien qui menait à cette page.
    C’est bien dommage !

  35. Merci pour le boulot ! j’ai toujours douté de l’existence des “grands” scientifiques, un exemple de plus je suppose.

    Concernant l’éthologie, ne vous fiez pas (ou plus) à la définition du dico : le domaine est très large et peuvent être considérées comme éthologues toutes personnes qui étudient le comportement animal, dans la nature ou dans des conditions captives. Dans la plupart des villes de France, il y a des labos qui bossent sur les comportements animaux d’un point de vue neurobiologique, sociologique ou écologique. Rares sont les chercheurs à avoir un diplôme d’éthologie (dont la mention n’est utilisée à ma connaissance que pour les master de Rennes, Paris et Strasbourg et celui de Cyrulnik bien sur 😉

    Au final, se dire éthologue, c’est surtout pour faire genre ^^ d’autant plus que maintenant le terme à la mode c’est cognition animale 😉

    Plus sérieusement, toujours pas ou peu d’échos dans le presse ? Je vous conseille d’envoyer votre billet à Mr Omphray, ça devrait lui plaire !

    Merci encore

    1. NB : Boris Cyrulnik ne dirige pas un master, c’est-à-dire un diplôme national délivré au nom du ministère de l’enseignement supérieur accessible après une licence ad hoc, et encore moins un master d’éthologie. Il est “directeur d’enseignement” (mais pas responsable pédagogique) du DU “Clinique de l’attachement et des systèmes familiaux” délivré par l’université de Toulon, une formation propre à cette université accessible à toute personne titulaire d’un diplôme de niveau bac+2.

  36. « Les philosophes Michel Onfray et Elisabeth de Fontenay, l’écrivain Erik Orsenna, l’astrophysicien Hubert Reeves, le moine bouddhiste Matthieu Ricard, le neuropsychiatre Boris Cyrulnik, l’historien et journaliste Jacques Julliard… Ils sont 24 au total : 24 intellectuels français à avoir signé un manifeste, rendu public le 24 octobre sur le site de la Fondation 30 millions d’amis, pour réclamer que notre Code civil cesse de considérer les animaux comme des chaises ou des tondeuses à gazon. » (Le Monde, 24 octobre 2013)

    On peut faire circuler des pétitions pour toutes les causes que l’on veut. Encore faudrait-il être un peu spécialiste de la question soulevée, comme Élisabeth de Fontenay et Florence Burgat ! Et ne pas raconter trop de « mensonges » ou inexactitudes par ailleurs, sur n’importe quel sujet que ce soit, comme Onfray, Reeves, Frédéric Lenoir, Sallenave, Orsenna et le « moine » bouddhiste Ricard, qui s’est laissé complètement embrigadé par l’idéologie des neuroscientifiques américains, et notre cher Cyrulnik.
    Aucun de ces personnages n’a étudié, de quelque façon que ce soit, la question du statut juridique des animaux.

    Au fait, est-ce que les Roms sont des animaux ?

  37. Depuis quelques temps, en particulier depuis que j’observe quelques personnalités “scientifiques médicales” de son acabit (Ruffo, Naouri entre autres ) envahir les médias écrit et les radios nationales, pour justifier des mouvements de pères grimpeurs de grues, je me posais bien des questions à son sujet; en particulier sur la réalité de sa qualité de chercheur et de ses publications scientifiques. Ayant vécu de nombreuses années auxx ccôtés d’un imposteur se prétendant psychanalyste, comme les chiens renifleurs de stupéfiants, mon nez me chatouillait gravement.
    Vous y avez répondu avec une rigueur remarquable.
    Une chose me semble assez claire: la mythomanie fait partie des comportements pervers; les enfants maltraités auraient tendance à devenir des adultes avec troubles de la personnalité, en particulier la perversion. cf. les statistiques de maltraitance à enfants
    Boris Cyrulnik est un cas clinique l’illustrant de façon exemplaire.
    Le problème n’est pas qu’intellectuel.Ces imposteurs inspirent nos politiques, souvent ignares, pour voter des lois contraires à la protection de l’enfance. Ces lois sont de véritables bombes à retardement en matière de santé mentale.
    Je ne fais pas ici un instant allusion au mariage pour tous mais à la loi de 2002 inspirée par des associations de pères; cette loi est un instrument diabolique au profit de cette poignée d’individus bruyants et dominateurs , spécialistes en violences intrafamiliales qu’elles soient physiques, psychiques, ou sexuelles, et qui regrettent le patriarcat. Un scandaleux amendement à été voté au Sénat en septembre dernier. S’il est voté à l’Assemblée, des centaines d’enfants sont en danger d’être confiés à des hommes violents grâce à la résidence alternée IMPOSÉE par loi et ceci sans aucun garde fous.
    http://www.senat.fr/amendements/2012-2013/808/Amdt_108.html‎

  38. Ce que je retiens de votre écrit, c’est que ce qui est avancé par une personne à vous lire n’aurait de valeur qu’à l’aulne de ses supposés diplômes et qu’un personnage médiatisé s’enveloppe d’un relent fétide et de fiel…

    Que chacun avance sa théorie et y croit me semble participer du collectif et de la construction du monde. Que certains points de vue et concepts ne vous conviennent pas ne me semble pas vous autoriser à en dénier l’existence pour tous. Le monde s’enrichit de la diversité, de la singularité et avoir autant envie de démonter certaines personnalités me semble en dire plus sur vous que sur l’auteur que vous évoquez… que blesse t’il en vous dans son projet et dans sa vision que cela vous pousse à écrire autant ? Vous intéressez vous autant à des choses bien plus abominables qui blessent et tuent ? Le respect et la politesse me semblerait de mise car vos écrits vu de mon écran chez moi semble bien aussi partisan que ce que vous reprochez à cet auteur.

    Une question : avons nous le droit de ne pas penser comme vous ?

    bien à vous
    Ronie Bouchon

    1. Ronie, si vraiment c’est ce que vous avez retenu de ce que j’ai écrit, je ne peux que m’en désoler car c’est un parfait contre-sens. J’ai pourtant déjà répondu le 1er septembre à une critique silimaire à la vôtre (voir http://allodoxia.odilefillod.fr/2013/06/27/boris-cyrulnik-stop-ou-encore-partie2/#comment-1562). Que dire de plus ?

      Bien-sûr que non, la possession d’un diplôme en rapport avec ce dont on parle n’est pas une condition nécessaire (ni suffisante) pour que ce qu’on dit ait de la valeur, et le fait d’être un personnage médiatisé ne justifie pas en soi d’être attaqué.

      Boris Cyrulnik a bien-sûr le droit de penser ce qu’il veut, et même de l’écrire et de raconter ce qu’il veut pour amener ses lecteurs à penser comme lui. Je lui reproche non pas de penser ce qu’il pense, mais d’une part de tromper ses lecteurs en leur faisant croire que ce qu’il dit est étayé par les sciences dont il se réclame (cf mes autres articles le concernant), et d’autre part de s’inventer des titres et accomplissements scientifiques afin de légitimer sa parole aux yeux du grand public. Et je reproche aux média leur participation à la construction de cette imposture.

      La diversité des points de vue est certes une richesse pour le collectif, mais en quoi la désinformation en est-elle une ?

  39. madame, ravie de voir que vous lisez les commentaires et j’entends bien ce que vous dites. Mais peut etre inversons les choses si les choses que vous avancez étaient avérées ce que je n’ai aucun moyen de vérifier et ce que vous dites est l’inverse de ce qu’on dit de Mr Cyrulnik… donc pas de raison de prendre vos paroles plus vraies que les siens..

    Mais si tant est que cela le soi… j’aurai tendance à poser la question à l’envers… parlerions nous de lui, de ce qu’il dit si les médias ne relayaient pas ou inventaient ( car ils sont forts à ce jeu là ) un passé d’universitaire, de chercheur reconnu. La France ne supporte pas le quidam et ne lui donne aucun crédit… je le dis d’autant plus volontiers que j’ai 2 masters et 3 ans de recherche derrière moi… Sans un master de l’IAE je n’exercerai pas ma profession car je ne bénéficierai pas d’une “étiquette” marketing alors que c’est mon autre master qui me donne la capacité d’analyse des situations complexes dans l’organisation…

    Il est parfois nécessaire de se donner un atout “marketing” pour être lu et que les gens s’intéressent à ce qu’on dit et recherche. Parlerait on de Matthieu Ricard si c’était un “juste moine” occidental ou son cursus universitaire (hors mis ses liens de parentés) influe t’il pour relayer ses paroles et ses prises de positions ?

    Le rôle d’un vulgarisateur, comme tout formateur, n’est pas de plagier mais de rendre accessible la pensée qui permet à l’Autre de se confronter à un point de vue différent pour se construire dans sa singularité. Il me semble que Mr Cyrulnik fait ça à merveille ! Il interpelle avec un regard décalé en témoignant de son vécu dans une démarche clinique qui est tout à fait habituelle dans les sciences humaines.

    Bien cordialement
    Ronie Bouchon
    http://www.arianesud.com

    1. Je suis d’accord avec vous : on accorde particulièrement en France une importance indue aux “étiquettes”, et concernant Boris Cyrulnik les médias sont coupables d’avoir relayé et inventé des “étiquettes” indues (ce que ma longue liste d’extraits de la presse fournie ici avait justement pour fonction de mettre en évidence).

      Cela étant, il reste coupable d’avoir lui-même menti (sur ce point au moyen, je pense que vous avez les moyens de vérifier ce que j’ai écrit), et on ne saurait l’en excuser au motif que ce serait le seul moyen qu’il ait trouvé pour avoir de l’audience.

      Le rôle d’un vulgarisateur est de permettre à un large public d’accéder à (l’évolution de) la culture scientifique, en traduisant dans un langage compréhensible par tous ses acquis, ses avancées, mais aussi ses échecs et ses débats. Ce n’est pas ce que fait Boris Cyrulnik, ou alors il le fait extraordinairement mal. S’il expliquait clairement qu’il ne fait que partager ses opinions personnelles et autres intuitions tirées de son vécu sans prétendre qu’elles sont scientifiquement fondées, il n’y aurait pas de problème.

  40. Bravo pour cet article ! Trop de moutons, trop peu de réflexions, trop de bien-pensants, trop peu d’indépendance d’esprit ! Que c’est bon de lire de telles analyses et dénonciations ! Enfin !

    La France est un pays où il est très difficile de faire valoir une contre-vérité.
    Qui croira, par exemple, à l’affabulation totale de la si renommée Betty Mamhoody avec son best-seller “jamais sans ma fille” ? Là encore, comme souvent, une recherche exhaustive sur internet s’impose…

    Encore merci pour votre travail sérieux et précis.

  41. Bravo pour cette enquête très fouillée. Ayant des interrogations similaires sur Cyrulnik, j’avais également sondé les bases de données bibliographiques internationales et constaté son absence totale de production scientifique. J’avais comme vague plan d’en faire un jour un article, mais vous l’avez fait avant moi et c’est tant mieux, car je n’aurais jamais fait une étude aussi systématique du décalage entre ses prétentions et la réalité.

    Le seul point à sa décharge, c’est qu’il est quasiment impossible de contrôler ce que les journalistes disent de vous. Je me retrouve moi aussi parfois affublé de titres fantaisistes sans que j’ai jamais eu l’opportunité de les faire corriger avant publication (et qui ne justifient pas non plus un droit de réponse). Ceci dit, il est clair que les affabulations que vous listez ne peuvent pas être toutes mises sur le dos de journalistes complaisants et peu scrupuleux.

  42. Je trouve quand même que le gros point noir de cet article est sa conclusion, qui tente de discréditer a priori l’hypothèse d’influences génétiques sur les différences cognitives entre êtres humains, en lui attribuant une connotation politique qu’elle n’a pas, alors que c’est une hypothèse scientifique tout à fait respectable qui a tout de même pas mal de données derrière elle.
    De manière ironique, vous faites dans cette conclusion exactement ce que vous reprochez à Cyrulnik dans son commentaire sur Catherine Vidal: tenter de discréditer les propos de quelqu’un en lui attribuant des intentions politiques (réelles ou supposées) plutôt qu’en discutant sur le fond, données en main.

  43. Merci infiniment d’avoir fait cet énorme travail. Je ne suis donc pas seule à faire des bonds quand j’entends tant d’inepties (la dernière en date sur France inter ou culture : “tous les enfants sont sous l’emprise de leurs parents” !).

  44. J’ai lu avec beaucoup d’intérêt votre article. Il confirme l’impression que j’ai eue à plusieurs reprises que Cyrulnik citait en référence à ses affirmations des ouvrages qu’il n’avait pas lus ou dont il déformait sans scrupules le contenu. Voici par exemple comment il tire du livre du psychiatre Léon Goldensohn Les Entretiens de Nuremberg (Flammarion, 2005), le contraire de ce que dit cet ouvrage. Le passage ci-dessous est un extrait de mon livre La Violence éducative, Un trou noir dans les sciences humaines (L’Instant présent, 2012) : “Mais c’est en ce qui concerne les responsables nazis que Boris Cyrulnik va le plus loin dans le déni de la réalité et l’affirmation d’une thèse que rien ne justifie. D’après lui, le nazi, « hyperadapté au monde d’un seul amour » (celui d’une mère dominante), « se retrouve en situation d’apprendre la perversion. Cela explique l’étonnement du psychiatre Léon Goldensohn qui, lors du procès de Nuremberg, s’attendait à voir des monstres puisque ces hommes avaient commis d’impensables monstruosités. Il fut désorienté en entendant les coupables lui raconter une enfance heureuse, dans une famille aimante. Ils n’étaient pas pervers et pourtant s’étaient comportés comme de grands pervers. » (p. 117.) « […] Seul Hermann Goering présentait des signes de psychopathie. Tous les inculpés du procès de Nuremberg ont été des enfants “gâtés”, bien aimés et bien élevés. » (p. 118.)
    Surpris de telles affirmations, je me suis procuré l’édition française du livre de Goldensohn : Les Entretiens de Nuremberg , et j’ai eu la stupéfaction de constater que ce qu’affirme Cyrulnik ne repose sur aucune base dans ce livre qu’il cite pourtant comme une référence.
    En effet, sur trente-trois accusés ou témoins interrogés par Goldensohn,
    – quinze d’entre eux, soit près de la moitié, ne disent pas un mot de leur enfance ;
    – quatre sont extrêmement évasifs et ne disent rien non plus qui permette de dire si leur enfance a été heureuse ou malheureuse.
    Ce qu’affirme Cyrulnik (« Tous les inculpés du procès de Nuremberg ont été des enfants “gâtés” ») ne peut concerner au maximum que moins de la moitié des accusés (quatorze sur trente-trois). Qu’en est-il pour eux ?
    – Trois disent explicitement que leur enfance a été malheureuse.
    – Six disent qu’ils ont eu un père “strict “ou “très strict”.
    Quand on sait ce que signifiait “être strict” dans l’Allemagne de la fin du XIXe siècle et du début du XXe où la majorité des enfants étaient élevés à la baguette, cela interdit bien évidemment de dire qu’ils ont été des “enfants gâtés”.
    Ne restent donc que cinq accusés, sur lesquels trois seulement disent avoir été “gâtés”. Mais, dans deux cas sur trois, c’est uniquement par leur mère et avec un père “strict”. Quant au troisième, Funk, qui dit effectivement avoir été “terriblement gâté”, on apprend ensuite qu’à partir de l’âge de neuf ans, il n’a plus vécu dans sa famille et a été mis constamment en pensionnat. Or, dans les pensionnats allemands de cette époque, il y a quelques raisons de douter que les enfants aient été “gâtés” !
    Comment et pourquoi Cyrulnik se permet-il de telles contrevérités, qui, grâce à sa notoriété de “scientifique”, risquent de passer dans l’opinion publique ? Combien de lecteurs confiants dans son prestige vont-ils penser que choyer les enfants est la meilleure manière d’en faire des terroristes et des bourreaux ?”
    La citation de Cyrulnik est tirée de Autobiographie d’un épouvantail, Odile Jacob, 2010.

  45. En ce début d’année, pourquoi ne présenterait-on pas de vœux à une personne comme vous qui êtes capable de fouiller une question, un problème d’une manière aussi systématique, pointue et efficace. Seule méthode, il est vrai, qui devrait être mise en œuvre dans tous les domaines de la recherche (et également par les journalistes).

    Je vous souhaite donc – c’est un peu utopique, mais rêvons un peu – de ne plus recevoir en 2014 de commentaires où leurs rédacteurs montreraient qu’ils sont incapables de faire la différence entre votre travail et celui de Cyrulnik, ce qui est quand même très inquiétant.

    Je vous souhaite donc de posséder très longtemps l’énergie nécessaire pour ce genre de travail salutaire, malgré des insinuations comme celles-ci reçues en 2013 :

    •: « je n’ai aucun moyen de vérifier et ce que vous dites est l’inverse de ce qu’on dit de M. Cyrulnik… donc pas de raison de prendre vos paroles plus vraies que les siennes… » (1 novembre 2013 à 13:10)
    –> « Ce qu’on dit » ? mais qui dit quoi ?

    • « avoir autant envie de démonter certaines personnalités me semble en dire plus sur vous que sur l’auteur que vous évoquez… que blesse-t-il en vous dans son projet et dans sa vision que cela vous pousse à écrire autant ? Vous intéressez vous autant à des choses bien plus abominables qui blessent et tuent ? Le respect et la politesse me sembleraient de mise, car vos écrits, vu de mon écran chez moi, semblent bien aussi partisans que ce que vous reprochez à cet auteur. » (31 octobre 2013 à 20:32)
    ––> « semblent » ? mais sur quelles bases ?

    • « une enquête valable impliquerait notamment une réponse de l’intéressé suivi d’une recherche sur la base de ces réponses pour s’assurer tout simplement de l’existence ou non des diplômes. Les reste n’est qu’opinion de café du commerce. » ( 19 août 2013 à 12:37)
    ––> « Une réponse de l’intéressé » ? On attend toujours.

    • « J’ai l’impression que vous êtes davantage guidée par une haine anti-Cyrulnik, qui incarne selon vous la persistance de la naturalisation du social au XXIe s. – et donc la domination des hommes – , que part une tentative d’évaluation sincère de ses idées et positions. Bref, mue par votre idéologie davantage que par un questionnement scientifique. » (15 juillet 2013 à 09:39)
    ––> « J’ai l’impression » ? sur quelles bases ?

    « L’unique but de la science, c’est de rendre immensément joyeux », comme dit Victor Hugo dans Les Chansons des rues et des bois.

    Joyeuse année !

  46. BC ment donc, comme celui qu’il appelle “papa Freud” dans ses conférences. Un habile leurre de langage.
    Tout se tient !!! Les chiens ne font pas des chats !

  47. Cyrulnik est décrié depuis longtemps dans le domaine médical, il donc n’a pas réussit à berner tout le monde. Concernant d’abord ses titres, il est uniquement psychiatre, rien d’autre. Il faut noter également le parcours chaotique de son cursus où à 2 reprises ses stages n’ont pas été reconduis. Il n’a par ailleurs aucune habilitation universitaires, ni titres de prof !
    Concernant le concept de résilience, elle existe depuis bien longtemps, elle a déjà été discutée et décrite, mais n’est jamais entrée dans le champs diagnostique ou thérapeutique : il s’agit d’un concept flou, pas stupide, mais trop général et purement psychologique, qui n’aurait presque aucune utilité pratique dans une psychothérapie.
    Cyrulnik et certainement quelques autres en ont certainement vu l’intérêt médiatique, commercial voire même politique…
    Pas mal de gens se doutait déjà que c’était une “sorte” d’ imposteur , et votre travail remarquable vient le confirmer par une recherche et argumentation détaillée.

  48. Votre article est fantastique. J’ai toujours eprouvé une profonde antipathie pour BC sans pouvoir l’expliquer.
    Pendant que vous y êtes, pourriez-vous vérifier le CV de Rufo, en voilà un autre qui m’horripile!

    1. Je peux vous dire qu’ayant bossé dans un centre ADAPEI son directeur nous avez parlé des “enfants roumains” dans les orphelinats, donné à l’adoption a des couples français, en manque d’enfants, et surprise les “dits enfants” ont en vérité été abandonné par leurs parents en Roumanie à cause de maladies mentales diverses dont l’autisme.

      Qu’on fait les parents en question devant tant de difficultés ? Et bien ils les ont abandonné à leur tour à l’ADAPEI ! Car la grande majorité étaient trop malades et pas seulement manquants d’affection comme on l’a soutenu à l’époque.

      N’est ce pas honteux ? le fameux “abandonnisme” ou “manque d’affection” n’était pas réel, les femmes roumaines soumises a avoir plusieurs enfants, ont été obligé d’abandonner les “petits malades” a cause de pathologies psychiatriques. Vraiment la psychanalyse est un escroquerie !

      Pourtant B. C lui ne parle pas trop de “psychanalyse” freudienne et semble être plus pragmatique, vraiment je ne sais pas quoi penser. Il n’a jamais réfuté vos dires pourtant et continue a faire “illusion”.

      La France avec L’Argentine est le dernier pays ou cette pseudo-science est encore, un peu, à la mode. Sophie Robert a eu raison de donner un bon coup de pieds dans la fourmilière. Mais le combat pour les enfants autistes continue.

  49. Vous réjouissez les médisants scrupuleux qui sont rarement prêt à voir qu’une personne qui à écrit autant de livres de vulgarisation d’une thèse “douce pour l’âme” à plus apporté au monde qu’ils ne le ferons jamais.
    Vous qui ne croyez qu’aux diplômes vous ne voyez que le papier, issue de “Central” on doit se croire très valeureuse de faire honneur à la “vérité”, sans voir qu’il y a des discours de haine et des discours de paix.
    La résilience à le droit au prosélytisme tant pis pour les petites bourgeoise qui n’ont pas de cicatrices et qui crie à l’imposture.

  50. Merci pour cet article remarquable. Personnellement je n’ai pu m’empêcher de penser à “la fabrique des imposteurs” de Roland Gori. Un vrai scientifique celui-ci, rassurez-moi?! Voici déjà quelques années que je grimace quand à l’antenne on m’annonce un grand nom scientifique, même sur France Culture, un comble!

    1. Je ne saurais dire ce qu’est un “vrai scientifique”, et encore moins décerner un brevet de scientificité à telle ou telle personne. Mon travail sur ce blog consiste à mettre en évidence des écarts entre le contenu de certains énoncés prétendant s’appuyer sur les résultats de la recherche scientifique et les données que celle-ci a réellement produites. Le présent billet sur Cyrulnik est vraiment à part, car en travaillant sur un certain nombre de ses énoncés du type que je viens de décrire, je me suis incidemment rendu compte que j’avais affaire à un cas exceptionnel, à une imposture beaucoup plus globale, si je peux dire, en tout cas à quelque-chose allant bien au-delà des petits arrangements avec les données scientifique que je relève habituellement.
      Je rebondis sur votre allusion au travail de Gori car je la trouve judicieuse sur deux points au moins. Le premier est sa définition de l’imposteur comme celui qui a su parfaitement s’identifier au désir de l’autre, et avec Cyrulnik c’est éclatant : il dit exactement ce que les gens ont envie d’entendre, et c’est pourquoi ils l’adorent. Le second est l’idée (connexe) de Gori que l’imposteur est le miroir de sa société et de son époque, et là encore ça me semble pertinent d’envisager le cas Cyrulnik sous cet angle : pseudo-“réconciliation” de l’inné et l’acquis, conformisme profond se donnant des airs d’anti-conformisme, éloge de l’adaptation, invitation à accepter son sort et rester à sa place… bref, dépolitisation, conservatisme…

      1. Je vous remercie pour votre réponse. L’expression “vrai scientifique” était une boutade. J’aime lire ou entendre des gens comme vous et les trouve bien trop rares (voire absents) dans les média. C’est pourquoi je me réjouis d’avoir trouvé un-e autre intellectuel-le qui scrute notre société et ses élites sans concession aux modes de pensées actuelles, façon Bourdieu. Ici c’est mon féminisme qui m’a fait réagir à certains propos de Cyrulnik et m’a amenée à m’interroger sur ses références et son parcours en tant que scientifique. D’où ma découverte de ce blog. Au plaisir de vous lire sur d’autres sujets…

  51. J’ai lu avec grand intérêt votre article. Je partage néanmoins les réserves de certains quand à la forme que prend celui ci, soit un dossier à charge. Je continue à m’interroger vos motivations. A mon sens, vous semblez aussi vous arranger avec la réalité. Vous mentionnez le peu de publications scientifiques en vous limitant à deux voir trois banques de données (certes reconnus). Qu’en est-il des publications de cyrulnik dans des revues? Sur Cairn on en recense un certain nombre (collaborations inclus) et il est cité de nombreuses fois non pas comme le créateur de la “résilience” mais comme celui qui l’a popularisé en France/contribué à la vulgariser. Pour ce qu’il est du titre de thérapeute, sachez qu’il n’y en a pas. Profession réglementée depuis peu ce titre est conféré aux médecins psychiatres ou psychologue justifiant d’une pratique.

    Je trouve aussi navrant que cela se termine pour certains par la diabolisation de la psychanalyse. Nul ne force qui que ce soit à croire. Pour ma part, c’est le fondement même de mon pratique.

    1. Il s’agit effectivement d’un dossier à charge, et mes motivations me semblent ressortir assez clairement de ce billet, ainsi que des précédents dans lesquels je tacle déjà Boris Cyrulnik : étant tombée de manière répétée sur ses discours lorsque j’analysais les fondements scientifiques d’allégations concernant des différences de prédispositions psychologiques innées entre individus ou groupes sociaux, étant donné que lesdits discours étaient particulièrement fantaisistes et souvent graves, et au vu de l’immense surface médiatique dont bénéficiait cet essayiste, j’ai jugé nécessaire de m’attarder sur son cas pour montrer combien son aura médiatique n’était pas justifiée et pour inviter à prendre à l’avenir avec beaucoup plus de circonspection les “avis d’experts” exprimés par lui. Je me réjouis d’ailleurs de savoir que nombre de journalistes de la presse écrite française m’ont lue et en ont tiré certaines conséquences (la prise de conscience tarde manifestement à venir en Suisse et dans une moindre mesure en Belgique, ainsi que chez France Télévision, mais c’est déjà ça).
      Je ne m’arrange pas avec la réalité : de nombreuses publications recensées sur la plateforme Cairn ne relèvent pas de ce qu’on entend habituellement par “publications scientifiques” ou plus précisément par “article de revue scientifique”, et c’est pourquoi j’ai utilisé les bases de référencement de publications scientifiques reconnues et habituellement utilisées en sociologie des sciences (j’ai même étendu ma recherche au-delà du minimum habituel). En outre, le “domaine” d’une revue est important à considérer : par exemple, j’ai publié dans une revue indexée sur Cairn un article dans lequel je parle d’aspects biologiques (https://gss.revues.org/3205), mais je ne peux pas être créditée d’une publication scientifique en biologie sachant qu’il s’agit d’une revue de sociologie. De même, ce n’est pas parce que Cyrulnik parle de comportement animal dans une revue de psychiatrie ou de psychanalyse qu’il peut être crédité d’une publication en éthologie, par exemple.
      Je m’intéresse ici à sa présentation trompeuse dans les médias en tant que “père” ou “créateur” de la résilience (entre autres modes de présentation trompeurs). Le fait que dans des publications plus “sérieuses” cette caractérisation erronée n’ait pas été reprise ne contredit donc en rien ce que j’expose.
      Je n’ai pas prétendu qu’il aurait dû avoir le “titre de thérapeute”. Relisez mon billet : mes doutes concernant sa présentation comme “psychanalyste” ou comme “psychiatre et psychothérapeute” sont exprimés de manière plus précise.
      Enfin, je ne suis pas responsable de l’utilisation qui est faite par d’autres de mes billets. C’est par exemple avec la plus grande consternation que j’ai découvert qu’Egalité et Réconciliation citait mes billets sur Cyrulnik pour alimenter leur propagande antisémite. Mais qu’y puis-je, et ce risque d’instrumentalisation devrait-il m’inviter à éviter de critiquer toute personne juive ? Evidemment non.

  52. Un psychiatre qui a une pratique de la thérapie est un psychothérapeute. Bref, nous n’allons pas jouer sur les mots. S’il s’avère qu’il ait été en analyse et ait une pratique d’analyste, il est psychothérapeute. Pour ce qui est des publications, je tend à penser que lorsqu’on parle de son nombre de publications (les revues, livres et articles scientifiques sont pris en compte) mais ce n’est que mon avis. Cela étant dit, je peux entendre qu’il s’attribue des “découvertes” qui ne sont pas les siennes et que d’un point de vue scientifique il y a en effet usurpations.

    Pour finir, je trouve un petit peu dommage cette forme de “dossier à charge” dans le sens où votre travail est très bien construit mais à mon sens toucherait plus de gens s’il laissait un peu plus de place à une argumentation, au jugement d’autrui… j’apprécie néanmoins la rigueur de votre recherche.

  53. Cyrulnik n’est que la partie visible de l’iceberg qui cache l’énorme néant médical de la psychiatrie ; néant, affabulation de la théorie , intolérance de nature policière sous couvert de science , tels sont les psychiatres , telle est la psychiatrie , cette soi-disant science qui n’est en réalité que la justification d’un système carcéral abominable .
    Merci pour votre si éclairant exposé .

  54. Les rares fois où j’ai entendu parler BC, j’ai ressenti un malaise. N’étant pas du tout spécialiste des questions abordées, je suis heureuse de vous avoir lue. Votre analyse est tout à fait pertinente. Cette personne fait partie des réactionnaires, en particulier contre le féminisme et développe une pensée de droite plutôt musclée sous une apparence “bon enfant”.

    Connaissez-vous l’article de Colette Guillaumin “Les harengs et les tigres. Remarques sur l’éthologie” ? paru en 1978, dans Critique XXXIV, et republié dans son livre “Sexe, race et pratique du pouvoir. L’idée de Nature” (côté-femmes, 1992 ; rééd. Éditions iXe, 2016).

    Bien amicalement.

    Claire Michard

    1. Merci pour votre commentaire.
      Oui, je connais ce texte de Colette Guillaumin, qui comme tout le reste du recueil de ses textes publié en 1992 est excellent. Ce livre m’a en tout cas aidée à penser ces questions quand j’ai commencé à m’y intéresser sérieusement, et je me réjouis que les éditions iXe, qui font décidément du très bon travail, l’aient réédité. Il faut le faire connaître, vous avez raison !

  55. Madame,
    A la lecture de votre très documenté blog, je suis atterré et meurtri par ce qu’il semble démontrer. En effet cette notion de résilience portée à bout de bras par cet homme doux, psychothérapeute , scientifique et enfant déporté (du moins je le croyais) apparaissait comme un espoir formidable pour les enfants les plus meurtris. Qu’est-ce à dire ? Que cette théorie est fausse car portée par un imposteur ? C’est là que votre travail prend, selon moi, tout son sens et doit pouvoir nous aider à répondre à cette question. Ceci dit, on le sait , parler dans les media vaut tous les diplômes. Pourquoi dès lors les journalistes dénonceraient leurs “propres” experts ? Nous sommes dans la communication et c’est tellement confortable : pas de recherches (sans mauvais jeu de mots) à faire !
    Merci beaucoup en tout cas
    Bien cordialement

  56. Non, cet homme n’est pas doux dans la moindre émission aucune où il n’est ramené les femmes à des statistiques de maternité ce type est pathologiquement malade; ça je l’ai toujours senti et miracle toute sa construction se révéle au grand jour ceci étant la perdurance d’un tel personnage n’est possible que par le reilement d’une inouie prégnance des médias. Et au final c’est autant ces médias que le personnage qui sont impliqué dans cette arnaque oui arnaque le mot, désolée n’est pas trop fort qui doivent , avec leurs signature rendre compte.

  57. article très intéressant ! Boris Cyrulnik n’est qu’un cas parmi d’autres, sans doute. Mais je ne comprends pas bien la fin de l’article : en quoi Boris Cyrulnik est-il dangereux ? Ses livres racontent de belles histoires, même si cela repose sur du vent. Je le vois plus comme un polygraphe comme d’autres, mais pas comme un dangereux idéologue qui dresserait les gens les uns contre les autres

    1. Je n’ai pas écrit qu’il était “dangereux” ni qu’il “dressait les gens les uns contre les autres”, mais qu’il avait apporté du crédit à une idéologie droitière (“Depuis plus de vingt ans, Boris Cyrulnik défend […] l’idée qu’il existe entre individus en général et entre hommes et femmes en particulier d’importantes différences de tempéraments et de comportements qui sont naturelles, déterminées par des prédispositions génétiques, par les hormones sexuelles ou par les modifications physiologiques liées à la maternité.). Vous en trouverez des exemples commentés dans http://allodoxia.blog.lemonde.fr/2013/05/24/boris-cyrulnik-stop-ou-encore-partie1/ (sur les différences entre femmes et hommes), dans http://allodoxia.blog.lemonde.fr/2012/03/19/serotonine-races-et-civilisations/ (“gène du surhomme”), ou encore dans http://allodoxia.blog.lemonde.fr/2012/05/30/debat-inne-acquis/ (sur le “débat inné/acquis” de manière plus générale). Par ailleurs, il a aussi tenu un discours absolument immonde sur les abus sexuels subis par les filles/femmes : il vaudrait mieux qu’elles n’en parlent pas, pour laisser “la résilience” agir. Et je me permets d’insister sur le fait que Cyrulnik n’est pas un cas parmi d’autres : d’une part, en termes de surface médiatique, de volume de vente de ses bouquins, de popularité voire d’aura même auprès des politiques (cf les missions qui lui ont été confiées sous Sarkozy), il est exceptionnel, et d’autre part en termes d’imposture il est allé particulièrement loin ; au fait, j’en profite pour signaler que dans le prolongement de mon post, Nicolas Chevassus-au-Louis a mené une enquête et pu interviewer Cyrulnik (à moi, il n’avait pas daigné répondre) qui lui a apparemment dit ceci : « Je ne prétends pas être scientifique, et encore moins éthologue. […] On m’a parfois présenté comme psychanalyste, mais je n’ai jamais exercé cette profession » (propos recueillis publiés dans La revue du crieur).

  58. J’ai découvert Boris Cyrulnik il y a 25 ans environ, car à l’époque j’étais à la recherche de réponses pour m’aider à surmonter différents traumatismes graves de mon enfance et j’avoue que j’avais été séduite par cette belle théorie de la résilience, telle qu’il l’a décrite dans ses ouvrages édités par Odile Jacob. Depuis, ma vision de la résilience a bien changée et individuellement, je n’adhère plus du tout à ce “subterfuge” pour panser nos plaies intérieures et continuer à jouer notre rôle de bon petit résilient. Je viens de découvrir ce soir, votre article et je suis choquée par le comportement de ce monsieur. Merci à vous pour ce travail de recherche précis et édifiant.

  59. d’accord très souvent ou pas (très rarement) avec OF, très intéressants échanges ; il est certain que BC a “séduit” (et “séduit” encore) par médias peu critiques interposés ; mais qui lit Winicot , Dolto , et bien d’autres , à part les professionnels concernés ; qui fait la une de la presse grand public et surtout POURQUOI ne pas essayer de rendre accessible au plus grand nombre : parents , professionnels de la petite enfance ……HELP ! tous les commentateurs critiques à juste titre pourraient “les colibris” porteurs , transmetteurs , diffuseurs….

  60. Votre article a sûrement nécessité de très nombreuses heures de travail.
    Mais je ne parviens pas à en saisir réellement l’objectif.
    Vous êtes contre les théories qu’il met en avant ? Vous rejetez le concept de résilience et entendez le démolir ?
    Freud en son temps fut aussi très attaqué et l’est encore aujourd’hui !
    Finalement vous rendez bien involontairement un bel hommage à Cyrulnik, qui a voué sa vie à s’occuper des autres !

    1. Mes objectifs généraux sont exprimés très clairement sur la page “A propos” du blog, et comme je l’explique dans cette série de deux billets exclusivement consacrés à Cyrulnik, son “cas” est si grave et sa surface médiatique si considérable que cela justifiait à mon sens de lui consacrer tout ce temps. L’usage que fait Cyrulnik de la notion de résilience, hautement critiquable, n’est pas mon sujet de préoccupation ici, encore une fois conformément à l’axe indiqué sur la page “A propos”. Pas vos deux exclamations finales vous rendez bien involontairement un bel hommage à mon travail en démontrant l’ampleur de la méprise et de l’illusion créée par et autour de ce personnage.

  61. Bonjour Odile,

    Je dois dire que je suis un peu embêté, ça fait quelques mois que je m’intéresse à comment fonctionne mon cerveau et mon corps, comment je peux “aller mieux”, comment mieux accompagner ma fille… (ouais, il était temps de m’en préoccuper…), et j’ai pas mal lu (Christophe André, Isabelle Filliozat, Laurent Gounelle, Virginie Grimaldi entre autres), et là j’ai acheté deux livres de BC: Les âmes blessées et Alimentation sous influences (a priori pas écrit par lui, mais sous sa direction). Je disais donc, je suis embêté, notament pour le livre sur l’alimentation. Je ne l’ai pas encore lu, mais je pensais pouvoir (ré)-apprendre et peut être évoluer sur la façon de me nourrir (et de nourrir ma fille). Le problème c’est qu’après la lecture de votre article, j’ai l’impression que BC n’est autre qu’un menteur, et peut être même dangereux. D’où mes questions, doit on mettre à la poubelle tout ce qui vient de Cyrulnik, et si oui, comment fait-on, en tant qu’humain qui souhaite juste s’améliorer et apprendre pour choisir les livres dans les librairies ? Tous ces livres de vulgarisation sont ils finalement à proscrire ? Et d’ailleurs je me suis aussi posé la question de savoir si Christophe André n’était pas finalement un nouveau Cyrulnik ?

    J’espère que vous pourrez m’éclairer,

    Sylvain, un bisontin un peu désemparé.

    1. A moi d’être embêtée… Il est difficile de répondre à vos questions. J’essaie quand même.

      Pour ce qui est de la production de Boris Cyrulnik (livres, conférences), je considère qu’elle n’est d’aucun intérêt dans la mesure où j’ai pu constater que sa démarche était globalement dénuée de toute rigueur, que l’essentiel de son propos n’était pas scientifiquement étayé, et que sa présentation des rares résultats d’études scientifiques qu’il mobilise à l’appui de ses dires est la plupart du temps trompeuse, quand elle n’est pas carrément fantaisiste.

      Quant au livre Alimentation sous influences, je n’en connais pas le contenu, mais la maison d’édition, la direction par Boris Cyrulnik, ainsi que la présence d’au moins deux contributeurs dont j’ai pu constater qu’ils ont par le passé raconté des énormités (Stéphane Clerget et Pierre Bustany), m’inciteraient à le lire avec de grosses pincettes. Par rapport aux questions que vous vous posez, prendre de grosses pincettes signifie ne pas prendre pour acquise une information figurant dans ce livre qui ne serait pas étayée par des références scientifiques dont vous pourriez vérifier qu’elles soutiennent effectivement le propos.

      Concernant Christophe André, tout ce que je peux vous dire, c’est qu’au cours de l’analyse ciblée que je mène depuis plus de 10 ans des propos à prétention scientifique, tenus en direction du grand public depuis le milieu des année 1990, relevant d’une naturalisation du social, je n’ai jamais eu l’occasion de croiser sa route – je veux dire de le prendre en “flagrant délit” de participer à la production de cette doxa en invoquant des bases scientifiques en réalité inexistantes ou ne soutenant pas son propos.

      A la question plus générale de savoir comment choisir un livre de vulgarisation et que faire plus généralement face à tout cette littérature, je n’ai pas de vraie réponse. Le critère qui est à mes yeux le plus important est la citation de références scientifiques qui étayent le propos. Si celles-ci sont inexistantes ou s’il s’agit non pas d’études scientifiques mais de références à d’autres ouvrages grand public, je dirais : “fuyez !”. Après, on peut invoquer des références scientifiques en s’en servant de manière biaisée (cherry picking, ou présentation trompeuse d’un résultat). Seuls certains indices peuvent alors être utilisés, sans garantie de fiabilité : certaines maisons d’édition sont plus sérieuses que d’autres, certain.es auteur.es sont plus rigoureux.ses que d’autres, certain.es auteur.es ont des intérêts personnels ou des parti-pris idéologiques manifestes dont il faut tenir compte quand on les lit…

      1. Merci d’avoir pris le temps d’écrire, votre réponse a le mérite de m’éclairer, et si je dois en retenir l’idée générale, je pense que c’est finalement d’aiguiser mon esprit critique par rapport aux livres de vulgarisation, et peut être même directement d’aller chercher des infos dans les résultats des recherches.

        1. Mon “à fuir” ou “à lire avec de grosses pincettes” était en réponse à votre question concernant l’achat/lecture d’ouvrages de vulgarisation. La logique n’est pas la même pour une interview ou un ouvrage d’un autre genre.
          Par définition, la vulgarisation scientifique consiste à présenter les résultats de la recherche scientifique de façon à les rendre accessibles à des non spécialistes, et non à affirmer des choses sur la seule base de son expérience personnelle en les faisant passer pour de la vulgarisation, à affirmer quelque-chose sur l’être humain sur la seule base d’une étude faite sur des rats, etc. C’est ce que fait Stephane Clerget quand par exemple, il raconte n’importe quoi sur les effets des “hormones mâles” sur le cerveau des garçons, d’où ma remarque le concernant.
          Si en revanche quelqu’un s’exprime en faisant part d’un avis fondé sur son expérience personnelle, il n’y a pas de raison de “fuir” a priori. Il s’agit juste de prendre les propos pour ce qu’ils sont, à savoir un témoignage. La plupart des ouvrages écrits par des médecins en tant que praticiens, et non chercheurs, relèvent de cette logique : ils ont constaté des choses dans leur cabinet, et ils en tirent certaines idées qui valent ce qu’elles valent, avec tous les biais possibles liés au fait que leur patientelle constitue un échantillon biaisé de la population, au fait qu’ils se fondent sur leur perception et non sur une méthode rigoureuse d’évaluation, etc. Ce ne sont juste pas des résultats d’études scientifiques.

  62. Votre problème et celui de bien d’autres de vos pairs, est celui de prendre en compte uniquement un point de vue scientifique à rendu mathématique, alors que Boris Cyrulnik est interconnecté, il croise les données, sensibles, humaines et scientifiques dans un discours qui est le sien, ce qui n’est pas entendable et surtout pas donné à tout le monde.
    Par ailleurs, son discours a-t’il déjà mis à défaut ou nuit à quelqu’un ?
    Si j’avais vos connaissances, je passerai plus de temps à améliorer les transmissions de ce grand homme, plutôt que de chercher à démontrer scientifiquement, à notre époque, ce que vous avez appris de plus ou maitrisez de plus, car ce genre de papier, lui, pourrait être nuisible !
    A bon entendeuse !

  63. POur vous répondre, il y a encore beaucoup de personnes qui pensent comme BC, où avez-vous lu qu’il n’y avait pas scientifiquement de différence entre femme et homme et entre individus ??? Et encore, que les prédispositions génétiques n’intervenaient pas dans certaines de ces différences ??? Par ailleurs, il m’étonnerait que le discours de BC n’est pas évolué avec son temps et les avancées scientifique, aussi, il se peut comme d’autres qu’il ai fait des erreurs par le passé.

    Par ailleurs, le dit discours que vous appelez absolument immonde, sur les abus sexuels subis par les filles/femme compris comme, il vaudrait mieux qu’elles n’en parlent pas, pour laisser « la résilience » agir.

    Encore une fois, dénué de son contexte, ça ne va pas loin.
    La question d’immondice n’étant pas votre spécialité, ni celle de l’absolu.
    Peut-être, à l’époque, a-t-il dit cela, pour dans un premier temps, éviter le rejet/exclusion violent ou d’être identifié à l’abus…

    Faudrait lui demander de préciser avant de lui attribuer de mauvaises intentions !
    A bon entendeuse !

  64. Travail d’investigation exemplaire qui a fait pourtant naître en moi un certain malaise. Qu’est-ce qui a bien pu vous pousser à dédier autant de temps et d’énergie à démontrer l’illégitimité d’un homme qui connaît un certain succès littéraire ? De nos jours, pour avoir de la légitimité, il faut avoir validé un diplôme dans une discipline précise. Or ce que l’éducation prône aujourd’hui c’est la transdisciplinarité dès les premières années de l’école primaire. Ne peut-on pas être diplômé dans une discipline et s’intéresser de manière transversale à d’autres domaines qui y sont liés ? Dans la Grèce Antique, les philosophes n’étudiaient pas que la philosophie au sens où on l’entend aujourd’hui. Ils étaient aussi mathématiciens, astrologues et j’en passe. Au 15ème siècle, un certain Léonard de Vinci, homme “sans lettres”, comme il se définissait lui-même, étudiait l’architecture, la botanique, l’anatomie, l’hydraulique et j’en passe et est considéré aujourd’hui comme le plus grand génie universel de tous les temps.

    1. Je ne cherche évidemment pas à montrer qu’il n’a pas de légitimité à s’exprimer sur tel ou tel sujet parce qu’il n’a pas tel ou tel diplôme. Ce serait complètement incohérent, puisque je passe moi-même mon temps à écrire sur des études scientifiques relevant de domaines dans lesquels je n’ai pas de diplôme. Ce que je dénonce, c’est une imposture – c’est très différent.
      Ce qui m’a poussée à consacrer du temps et de l’énergie à dénoncer cette vaste imposture, c’est tout simplement le fait que ce monsieur raconte n’importe quoi sur un certain nombre de sujets, que ses propos passent à tort pour être fondés scientifiquement, qu’il a une énorme audience et que ses propos sont lourds de conséquences. Par ailleurs, j’ai trouvé qu’il y avait là matière à une étude de cas assez riche, pour qui s’intéresse à la fabrique des experts médiatiques.

  65. Bravo. Très éclairant et intéressant.

    Ayant également lu une bonne partie des commentaires, j’avais lu dans l’un de ceux-ci que la section “Critique” de sa page Wikipédia avait été supprimée. Curieux, j’ai été voir ce qu’il en était actuellement et je constate qu’une section “Critique” est bien présente, il y est fait, entre autres, mention, à juste titre, des deux billets de blog que vous lui consacrez.

  66. Madame,
    Le temps de lecture de votre article devrait être remboursé par la Sécu ( étant suisse je ne me sens pas concerné par un éventuel remboursement) tellement votre article apporte une nouvelle lumière sur BC.
    On me l’ a servi à toutes les sauces et à toutes les occasions. Mais comme j ai été de tout temps un cyrulnikien athée, je n ai entendu ses théories que d une oreille.
    Pourtant j ai tj été fasciné par son discours, sa voix; et c est là que réside son pouvoir. Et il le sait fort bien , il en use abondamment.
    Dans ma longue carrière d enseignant spécialisé j ai eu la chance de suivre de nombreuses formation avec un neuro pédiatre ( au moins 40 années de pratique) de renommée mondiale il y a50 ans déjà. Et c était d un autre niveau que les jolies histoire de BC.
    Mais bon il n a fait de mal à personne, a amené beaucoup de lecteurs à s intéresser à un ou des sujets nouveaux pour eux et à donner aux non initiés l impression d être ignard en la matière et de se gausser d érudition en matière de psycho-neuro-etho machin.
    En fait BC aurait pu vendre n importe quoi, du sable aux touaregs et ou des glaçons aux esquimaux.
    Sans le dire, ou même le faire sentir ( ça je trouve très fort) c’est le côté affairiste qui me déplaît. Et entre éditeur, invitation sur certains médias tv et presse, il y a quelque chose qui tourne très rond, un peu comme un circuit fermé.
    Et ça je n aime pas du tout!
    Encore Madame pour votre travail

    1. Merci pour ce commentaire et cet éclairage. Pour ma part je ne dirais pas qu’il n’a fait de mal à personne dans la mesure où la propagation par lui de certaines théories plus ou moins fantaisistes sous couvert d’expertise psycho-neuro-éthologo-psychiatrique a indirectement contribué à “faire du mal”. En même temps, il a manifestement “fait du bien” à un grand nombre de ses lecteurs avec ses “jolies histoires”, sans quoi il n’aurait pas eu un tel succès.

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