Arrêt sur images m’avait invitée à venir débattre avec Sébastien Bohler de sa chronique du 16 novembre dernier, mais le tournage a été annulé faute d’autres participants. Dommage, car j’aurais bien aimé voir sa réaction à chaud au dossier à charge qui suit.
QUI PARLE ?
Précisons pour commencer que ce n’est pas ici « la sociologie » qui interpelle « la (neuro)biologie ». Sébastien Bohler et moi avons une formation intellectuelle assez similaire : il est polytechnicien et a fait une thèse en neurobiologie moléculaire, je suis centralienne et ai fait un DEA en sciences cognitives. Immédiatement après la fin de nos études, nous avons tous deux définitivement quitté le monde de la recherche dans ces disciplines.
Ce qui nous différencie clairement en revanche, c’est tout d’abord nos croyances : Sébastien Bohler semble convaincu qu’il existe des différences naturelles entre hommes et femmes sur le plan psycho-comportemental, puisque c’est la thèse qu’il promeut depuis une dizaine d’années via Cerveau & Psycho, des livres grand public, et des interventions faites dans divers médias. Pour ma part, je suis au contraire très dubitative vis-à-vis de cette thèse. Nous avons aussi des sensibilités différentes, ne serait-ce que parce qu’en tant que personne socialement assignée à la catégorie « femme », je me sens personnellement visée quand il est affirmé par exemple que les femmes sont naturellement vénales, ou naturellement versatiles à cause de leurs fluctuations hormonales. Ces croyances et sensibilités différentes nous amènent forcément à considérer avec un esprit critique plus ou moins aiguisé tels ou tels articles ou théories scientifiques.
Une autre différence importante entre lui et moi, c’est que Sébastien Bohler prétend, en tant que professionnel de la vulgarisation, informer le grand public sur ce que nous apprend « la science ». Je ne prétends pas faire cela. Pour ma part, je mène un travail de recherche qui consiste d’une part à analyser la production du discours scientifique de certains champs de recherche (comment ce discours évolue, qui le produit, dans quelles revues il est publié, quels sont les résultats factuels, les points qui font débat, etc), et d’autre part à analyser la façon dont ce discours scientifique est diffusé dans l’espace public (quelles études sont relayées, dans quel contexte, avec quelles distorsions, etc). C’est au titre de ce travail que je m’exprime ici.
LA CHRONIQUE DE SEBASTIEN BOHLER DU 16 NOVEMBRE 2012 sur @SI
Sa chronique du 16 novembre dernier [1] est un bon exemple de ce qui est fait très régulièrement dans les médias depuis de nombreuses années. Cela consiste à affirmer ou à suggérer, sous couvert de vulgarisation, qu’ « on sait » maintenant, ou qu’il vient d’être « montré scientifiquement » qu’il existe des différences entre les sexes d’ordre psychologique ou comportemental qui sont dues à des prédispositions biologiques. Or mes recherches m’ont amenée à la conclusion que c’est tout simplement faux. Mais tenons-nous-en ici à l’analyse de cette chronique. A la fin de celle-ci, Daniel Schneidermann dit à Sébastien Bohler : « vous avez intérêt à avoir des références solides, parce que ça va contester sec », et ce dernier répond : « oui, j’ai tout préparé, oui, oui, j’ai mis les liens », et les références de quatre études sont en effet en ligne sur le site d’Arrêt sur images (@si). On peut aussi y lire : « pour les sceptiques, toutes les études d’où Bohler tire ces constatations bouleversantes sont indiquées sous la vidéo ». Trois des quatre références citées n’étant pas en accès libre, la plupart des internautes n’auront pu vérifier par eux-mêmes si ces « constatations » en sont effectivement tirées. J’y ai pour ma part accès en tant que chercheuse et peux donc en parler.
L’analyse des quatre références fournies par Sébastien Bohler et le décryptage méthodique de sa chronique permettent de mettre en évidence ce qui en fait un discours profondément trompeur et complètement fallacieux. Comme on va le voir, ce discours n’est qu’une suite de violations de plusieurs règles de l’éthique journalistique, et un concentré de divers types de distorsions :
– qualification trompeuse des disciplines scientifiques invoquées,
– affirmation fausse que tout ce qui est dit est étayé par les sources citées en référence,
– présentation erronée des résultats des études citées,
– déductions et généralisations abusives,
– absence de différenciation entre les faits (rapportés dans les études scientifiques), l’analyse de ces faits (par leurs auteurs), et l’opinion personnelle (de Sébastien Bohler),
– invisibilisation du débat scientifique, consistant à présenter le résultat d’une étude comme un fait établi, consensuel, alors qu’il est contredit par d’autres ou qu’il ne s’agit que d’une étude préliminaire,
– invocation du résultat d’une étude qui a été complètement invalidé.
LA QUALIFICATION TROMPEUSE DES DISCIPLINES SCIENTIFIQUES INVOQUEES
On retrouve ici une distorsion globale dont j’avais parlé il y a quelques mois ici (je citais justement déjà Sébastien Bohler, et ça n’est pas un hasard). Elle consiste à faire passer pour de la biologie ce qui n’est que de la psychologie évolutionniste.
Qu’est-ce que la psychologie évolutionniste ?
Le terme a été créé à la fin des années 1980 par un petit groupe de psychologues et d’anthropologues canadiens et américains. Telle que ses fondateurs la décrivent par exemple ici, la psychologie évolutionniste est une approche de la psychologie consistant à analyser le comportement humain à la lumière de la théorie de l’évolution, approche basée sur l’idée que « l’esprit est un ensemble de systèmes de traitement de l’information qui ont été façonnés par la sélection naturelle pour résoudre des problèmes adaptatifs auxquels faisaient face nos ancêtres chasseurs-cueilleurs ». En gros, son propos est d’expliquer des traits psycho-comportementaux actuels par l’existence de prédispositions psychiques favorisées par des variantes génétiques sélectionnées au cours de l’évolution parce qu’elles maximisaient le succès reproductif de leurs porteurs.
Appliquée aux différences entre les sexes, ça donne par exemple ce genre de raisonnement : puisque pour nos ancêtres la seule façon d’avoir des descendants était de passer par un coït hétérosexuel, la sélection naturelle a certainement privilégié chez les hommes des variantes génétiques induisant une attirance pour les femmes, et chez les femmes des variantes génétiques induisant une attirance pour les hommes. Par conséquent, l’être humain actuel est sans doute naturellement hétérosexuel, à quelques exceptions près. On peut tester cette prédiction en faisant des enquêtes, or elles montrent que les attirances et pratiques hétérosexuelles sont ultra-majoritaires. Les faits sont donc conformes à la théorie, CQFD.
Ce raisonnement semble à certains frappé au coin du bon sens. Pourtant, il est applicable par exemple au bonobo, et devrait donc aboutir à la même prédiction chez ces singes. Problème : les bonobos sont tous bisexuels. D’autre part, des décennies de recherche ont échoué à montrer que la préférence humaine en faveur de partenaires d’un sexe donné est orientée par d’hypothétiques systèmes cérébraux dont la conformation favorisant cette préférence serait génétiquement déterminée (voir par exemple ici pour la génétique de l’homosexualité masculine). Bref, cette théorie n’est qu’une hypothèse, et rien ne permet à ce jour de balayer celle que l’être humain n’a aucune orientation sexuelle naturelle, et que seul son formatage par son environnement est la cause de la réduction du champ de ses possibles.
De manière plus générale, un des problèmes de la psychologie évolutionniste appliquée aux différences entre hommes et femmes, c’est qu’aucune des théories qu’elle a produite n’a pu jusqu’à maintenant être confirmée par la mise au jour des mécanismes biologiques dont elle prédit l’existence. A contrario, tout ce qu’elle prétend expliquer par du biologique peut être expliqué par des influences socioculturelles, dont l’existence est en revanche établie. Ainsi, pour reprendre l’exemple de l’orientation sexuelle, qui constitue la différence entre les sexes de loin la plus claire et la plus « universelle », l’existence d’une injonction sociale et culturelle massive à l’hétérosexualité s’exerçant par mille et un canaux ne fait guère débat à ma connaissance.
Comment on nous fait croire qu’il s’agit de données de « la biologie » et « des neurosciences »
Sébastien Bohler débute sa chronique en annonçant qu’il va exposer « ce que la biologie et les sciences du comportement nous disent », et la conclut en disant que Lagardère et sa compagne sont une « caricature de ce que la biologie peut nous apprendre ». Dans le chapeau de la présentation de la chronique sur le site d’@si, il est écrit que Lagardère et sa compagne « se conforment strictement aux lois de la biologie appliquée à la formation des couples. ». En parallèle, au début de la vidéo Daniel Schneidermann annonce que Sébastien Bohler s’est « demandé comment l’image de ce couple interagissait avec notre cerveau », et pendant 7% de la durée de la chronique on voit des images de scanner de cerveaux. Sur le site d’@si, la chronique s’appelle « les hommes, les femmes et nos cerveaux », et Sébastien Bohler y est présenté comme étant leur « spécialiste des neurosciences ». Voyons si c’est bien « la biologie » ou les neurosciences qui nous parlent à travers les quatre références qu’il cite.
Y a-t-il de la biologie ou des neurosciences dans les quatre articles donnés en référence ?
Le premier article [2] a été publié dans une revue de sciences sociales dédiée aux recherches en psychologie sociale et en communication (c’est ainsi qu’elle est catégorisée dans la base mondiale de référence des revues scientifiques, le Web of Science). Qui sont ses auteurs ? L’auteur correspondant est Bram Buunk, docteur en psychologie sociale, enseignant-chercheur dans le département de psychologie sociale et psychologie des organisations de l’université de Groningen. Il s’est spécialisé depuis les années 90 dans l’étude de différences comportementales entre hommes et femmes envisagées dans une perspective psycho-évolutionniste. Vient ensuite Pieternel Dijkstra, docteure en psychologie et collaboratrice de Buunk, la thèse qu’elle a soutenue sous sa direction ayant pour titre « Hommes, femmes et leurs rivaux : la jalousie vue dans une perspective psycho-évolutionniste ». Le troisième co-auteur est Detlef Fetchenhauer, docteur en psychologie sociale, à l’époque post-doctorant dans le département de Buunk. Le quatrième et dernier est Douglas Kenrick, docteur en psychologie sociale, enseignant-chercheur dans le département de psychologie de l’Arizona State University. Il a publié au cours des trente dernières années plusieurs dizaines d’articles sur les différences comportementales entre hommes et femmes envisagées dans une perspective psycho-évolutionniste. Il s’agit donc ici d’une étude en psychologie sociale publiée par quatre chercheurs adeptes de l’approche psycho-évolutionniste, et dès le début de l’article ils expliquent qu’elle été conçue dans ce cadre. La méthodologie était très simple : les chercheurs ont demandé à des gens de remplir un questionnaire, puis ils ont analysé les réponses. Pas une once de biologie ni de neurosciences là-dedans.
Le deuxième article [3] a été publié dans une revue de biologie, et un des auteurs est affilié à un département de biologie. Mais regardons de plus près qui sont ces auteurs et quelle est la nature exacte de l’étude. L’auteur correspondant est Steven Gangestad, docteur en psychologie, enseignant-chercheur au département de psychologie de l’Université du Nouveau Mexique. Depuis la fin des années 90 il développe notamment un programme de recherche sur des différences comportementales entre hommes et femmes envisagées dans une perspective psycho-évolutionniste. Il est ici accompagné de son étudiante de master de l’époque Christine Garver-Apgar, travaillant avec lui sur les contre-stratégies des femmes face à la « coercition sexuelle » exercée par les hommes en tant que comportements sélectionnés par l’évolution et modulés par le cycle menstruel (ils ont ainsi avancé ici que les femmes se protègent instinctivement davantage de la « coercition sexuelle » masculine au moment de l’ovulation). Le dernier co-auteur est Randy Thornhill, docteur en zoologie. Il a soutenu en 1974 une thèse en écologie évolutive sur la mouche-scorpion, une sorte de papillon. Rattaché au département de biologie de l’université du Nouveau Mexique, il a continué au début de sa carrière à travailler sur les comportements sexuels des insectes, mais assez rapidement et de manière exclusive à partir du milieu des années 90, il s’est consacré à la recherche chez l’être humain de pendants à ce qu’il avait constaté chez les insectes, dans une perspective évolutionniste. Il est surtout connu pour avoir développé deux théories psycho-évolutionnistes : l’une de la préférence naturelle des femmes pour les hommes au visage symétrique, l’autre du viol par les hommes et des réactions des femmes au viol comme phénomènes naturels adaptatifs. Ici encore, les chercheurs expliquent en introduction de l’article qu’ils ont cherché à vérifier des prédictions de la psychologie évolutionniste (le mot-clé « evolutionary psychology » est d’ailleurs associé à l’article dans la revue). Pour ce faire, les chercheurs ont demandé à des femmes de remplir un questionnaire à deux moments différents de leur cycle menstruel, puis ils ont analysé les écarts dans leurs réponses entre ces deux moments. L’étude ne porte absolument pas sur des mécanismes biologiques et ne relève pas non plus des neurosciences : les chercheurs rapportent seulement des corrélations, qu’ils commentent en écrivant notamment que les facteurs causaux « restent inconnus », même si les hormones sont à leurs yeux des « candidats évidents ».
Le troisième article [4] a été publié dans la revue Evolution and Human Behavior, journal officiel de la principale société savante regroupant les chercheurs qui étudient les comportements humains dans une perspective évolutionniste (la Human Behavior and Evolution Society, fondée en 1988). Avant que deux psychologues canadiens co-fondateurs de la psychologie évolutionniste n’en prennent la direction et ne lui donnent un nom plus politiquement correct (elle s’appelait jusqu’en en 1996 Ethology and sociobiology), c’était la principale revue de sociobiologie. L’auteur correspondant de l’article est Thomas Pollet. Il était à l’époque enseignant-chercheur dans le département de psychologie sociale et psychologie des organisations de l’université de Groningen dirigé par Bram Buunk, auteur du premier article vu plus haut. Après un diplôme de sociologie, il a fait un master puis un doctorat en psychologie, tous deux explicitement dans un cadre psycho-évolutionniste. Le co-auteur est Daniel Nettle, son co-directeur de thèse, qui a quant à lui fait des études de psychologie puis un doctorat en anthropologie biologique. Sur sa page personnelle que j’avais copiée fin 2009, il explique très clairement ce qu’il fait (je traduis) : « Ce qui m’intéresse est d’appliquer au comportement humain des idées venant de l’écologie et de l’évolution. […] Mes recherches utilisent d’une part des données comportementales recueillies dans plusieurs pays et plus particulièrement en Grande-Bretagne, d’autre part la modélisation théorique.». Cet article est donc publié dans une revue dédiée aux approches psycho-évolutionnistes, écrit par deux chercheurs qui se consacrent à ces approches et ne sont pas biologistes, et il n’y a ici encore pas une once de biologie ni de neurosciences : les chercheurs ont simplement demandé à des femmes de répondre à un questionnaire, puis ils ont calculé des corrélations entre les réponses données aux différentes questions.
Le quatrième et dernier article [5] a été publié dans une revue de psychologie sociale. Pour aller vite et conclure sur ce point, signalons que ses auteurs sont chercheurs en marketing ou en communication, et que la méthodologie a consisté à montrer des photos à des hommes après une interaction avec une jeune femme, à leur faire écrire ce dont ils se rappelaient, puis à calculer des statistiques basées sur le nombre de mots écrits. L’étude a ici encore été conçue dans un cadre psycho-évolutionniste exposé en introduction de l’article, et ici encore il n’y pas une once de biologie ni de neurosciences dans le dispositif expérimental.
En résumé, les quatre références citées par Sébastien Bohler comme étayant solidement ce qu’il expose dans sa chronique ne sont ni des recherches en biologie, ni des recherches en neurosciences, contrairement à ce qui est très fortement suggéré. Cette invocation trompeuse de ces domaines disciplinaires est importante parce qu’évidemment, l’impact sur l’auditoire ne serait pas le même si la chronique était introduite non pas par « selon la biologie », mais par quelque-chose comme : « selon des études en psychologie et en marketing & communication menées dans une perspective psycho-évolutionniste, visant à vérifier l’hypothèse qu’il existe des causes génétiques de différences comportementales entre hommes et femmes et interprétées en ce sens par leurs auteurs, bien que l’existence de telles causes ne soit pas avérée et que leurs résultats soient tout autant explicables par des effets socioculturels dont l’existence est quant à elle avérée ». Vous me direz qu’après une telle introduction, la suite n’intéresserait personne. C’est bien le problème : Sébastien Bohler est payé pour intéresser le grand public. Alors même s’il n’a rien de solide sous la main, il se débrouille pour le faire croire (en tout cas ici).
EXAMEN DES DIFFERENTS « FAITS » CENSEMENT CONSTATES PAR LES SCIENTIFIQUES
Pour mettre en évidence le caractère fallacieux du discours de Sébastien Bohler, il suffit de passer en revue ses affirmations et de vérifier dans quelle mesure elles sont étayées par les « références solides » indiquées sur le site d’@si.
Affirmation n°1 : Les hommes flashent sur les femmes d’un certain rapport taille/hanches
« Du coté des hommes, disons qu’ils sont notamment attirés par les femmes qui ont une certaine forme de la taille et des hanches. Oui, on a étudié ça scientifiquement. On caractérise ça par le rapport taille-hanches, […], et le rapport taille-hanches idéal vaut 0,7 dans toutes les cultures apparemment. […] Et quand on montre à des hommes des silhouettes qui possèdent cette caractéristique et qu’on mesure l’activité de leur cerveau dans des scanners, […], eh bien on voit s’activer certains centres cérébraux liés à la perception et à l’évaluation du plaisir, comme ici, ce petit centre qu’on voit s’activer, qui s’appelle le cortex orbito-frontal. » (S. Bohler)
Ici nous avons un premier problème, c’est qu’aucun des quatre articles cités en référence ne rapporte une étude portant sur le rapport taille/hanches (RTH), et encore moins une étude de l’activité cérébrale en réaction à sa vision. Un internaute l’a signalé dès le lendemain de la mise en ligne de l’émission, mais c’est resté lettre morte [6]. Je pourrais passer directement aux affirmations suivantes, mais ce mythe savant du RTH idéal égal à 0.7 est si répandu, et Sébastien Bohler insiste si lourdement dessus que ça vaut la peine de s’y attarder un peu.
C’est Devendra Singh, psychologue évolutionniste au département de psychologie de l’Université du Texas à Austin, qui a lancé l’idée de l’existence d’une préférence inconsciente adaptative des hommes pour les femmes ayant ce RTH. Dans le fameux documentaire Du baiser au bébé (2005), présenté par le non moins fameux Pr René Zayan et riche en billevesées de même nature que celles dont il est question ici, on voit ainsi Singh expliquer : « L’homme, partout dans le monde, dirait qu’une femme en âge de se reproduire est désirable. Ceci vient des proportions de son corps : un ratio particulier taille/hanches. Si un artiste devait le décrire, et cela peu importe sa localité, que ce soit en Grèce, en Inde ou en Chine, il décrirait une femme avec les mêmes proportions que la poupée Barbie telle qu’on la voit aujourd’hui. ». Dans l’article de 1993 [7] par lequel il a fait connaître cette théorie, publié dans une revue de psychologie (sociale), il rapporte tout d’abord son analyse des mensurations déclarées (lorsqu’elles l’étaient) des playmates du cahier central de Playboy entre 1955 et 1990, et de celles des gagnantes de Miss America de 1923 à 1987.
Bien que mettant en évidence une évolution (divergente) du RTH dans ces deux séries de représentantes du nec plus ultra de la beauté féminine, et surtout sa grande variabilité (il ne communique pas la plage de valeurs, mais à vue de nez ça va de 0.53 à 0.76 environ, avec une moyenne plus proche de 0.65 que de 0.7 dans les deux séries), Singh tire de ces données la conclusion que le RTH est resté « stable » au fil des ans, augmentant légèrement « de 0.68 à 0.72 » dans Playboy, et diminuant légèrement « de 0.72 à 0.69 » chez les gagnantes de Miss America, c’est-dire qu’il est « resté dans la plage 0.68-0.72 » (!), donc en gros égal à 0.7. Les vulgarisateurs qui ont présenté cette analyse d’une mauvaise foi confondante comme s’il s’agissait d’un simple constat font preuve à tout le moins d’un manque de discernement regrettable. Mais continuons.
La deuxième étape de sa démonstration du caractère idéal de la valeur 0.7 a consisté à demander à deux échantillons d’hommes d’émettre des jugements sur trois séries de silhouettes dessinées de femmes (« en sous-poids », de poids « normal » ou « en sur-poids ») de RTH égal à 0.7, 0.8, 0.9 ou 1. Le premier échantillon était constitué de 106 étudiants « blancs ou hispaniques » âgés de 18 à 22 ans (peut-être ses propres étudiants : il ne le précise pas), le second de 89 hommes « blancs » âgés de 25 à 85 ans, incluant notamment certains de ses voisins, amis et collaborateurs, ainsi que des parents ou grands-parents d’étudiants (c’est lui qui le dit). Les résultats sont présentés dans l’article de manière imprécise, et sans quantification de l’effet statistique du RTH. Ce que souligne Singh, c’est que dans chacune des trois séries prise séparément, plus la femme avait un RTH faible, plus elle était jugée attirante. Il souligne aussi que celle de poids normal et de RTH = 0.7 est celle qui a été en moyenne jugée la plus attirante dans les deux échantillons. Il note néanmoins qu’aucun des étudiants n’a jugé aucune des femmes « en surpoids » comme étant la plus attirante, quel que soit son RTH, et que seuls 5% des hommes du second échantillon ont jugé attirante la femme « en sous-poids » de RTH = 0.7.
On peut aussi faire les trois constats suivants à partir des données qu’il présente :
1) un RTH = 0.7 n’est pas nécessaire pour faire flasher les hommes (en tout cas pas les Texans « blancs ou hispaniques » adultes au début des années 90), puisqu’environ 30% des étudiants ont désigné comme étant la plus attirante une silhouette de RTH = 0.8 ou plus ;
2) un RTH = 0.7 n’est pas suffisant non plus, puisqu’une femme un peu en chair ayant ce RTH a été jugée bien moins attirante que deux autres de RTH = 0.8, de même qu’une femme maigre hormis par les hommes jeunes ;
3) même dans une catégorie de poids donnée, ces résultats ne montrent pas que 0.7 est optimal, car pour ce faire il aurait fallu aussi inclure des silhouettes de RTH < 0.7 ; Singh ayant vu que des femmes de RTH égal à 0.6, voire proche de 0.5, avaient été jugées assez sexy pour gagner le concours de Miss America ou figurer comme playmate dans Playboy, son choix de ne pas en inclure relève d’une manipulation dont le caractère grossier laisse songeur à la fois quant à la qualité de la revue dans laquelle l’article a été publié, et à nouveau quant au discernement de ses vulgarisateurs.
En fait, les résultats qu’il présente ne font qu’étayer l’hypothèse assez triviale que ces hommes ont trouvé les femmes de RTH typiquement féminin plus attirantes que celles de RTH typiquement masculin. Singh écrit en effet qu’il « a été montré que la plage typique de valeurs du rapport taille/hanches est 0.67-0.80 chez les femmes non ménopausées en bonne santé, contre 0.85-0.95 chez les hommes en bonne santé ». Il est d’ailleurs assez amusant de voir cette phrase reformulée ainsi dans Cerveau & Psycho [8] : « Un rapport taille-hanches compris entre 0,67 et 0,80 (typiquement, pour des mensurations 90 – 65 – 90) est jugé le plus attirant par les hommes, et l’on sait que c’est ce type de rapport taille-hanches qui maximise la probabilité d’une femme d’avoir des enfants. ».
Là, Sébastien Bohler admettrait peut-être que cette étude était un peu foireuse et de portée très limitée, mais ajouterait sans doute que des études ultérieures ont bien établi ce caractère idéal de la valeur 0.7 « dans toutes les cultures ». Il faudrait alors qu’il commence par nous expliquer pourquoi il décide d’ignorer une étude publiée en 2004 pourtant relayée par lui dans Cerveau & Psycho [9].
La série des RTH de la « playmate de l’année » de Playboy qu’ont analysée les auteurs de cette étude montre une tendance à l’augmentation semblable à la série des playmates analysée par Singh, ainsi qu’une relative dispersion autour de la valeur moyenne égale à 0.665 (donc ni égale à 0.7, ni comprise entre 0.67 et 0.8). Ils rapportent quant à eux avoir trouvé une forte corrélation entre le RTH de cette série et un indicateur de la conjoncture économique aux Etats-Unis : selon eux, le RTH idéal n’est pas fixe, mais modulé par celle-ci. Ils signalent en outre qu’un article [10] de 2001 a rapporté des données contraires à celles de Singh : un échantillon de 240 étudiants a en moyenne trouvé les femmes « en sous-poids » plus attirantes que celles de poids normal ou « en surpoids », et celles de RTH = 0.86 plus attirantes que celles de RTH = 0.72 (les deux seules valeurs proposées ici), quel que soit leur poids. Cette étude de 2004 et celle de 2001 ont elles aussi bien des limitations, mais force est de constater qu’outre le fait que les données de Singh ne disent pas vraiment ce que Sébastien Bohler leur fait dire (et qu’elles ne démontrent en rien l’existence d’un effet de « la biologie »), il choisit de ne pas tenir compte de données contradictoires présentées dans un article qu’il a pourtant lu. Mais ça n’est pas tout.
D’autres chercheurs ont publié en 1998 dans Nature [11] le résultat d’une étude montrant que dans une tribu péruvienne préservée de l’influence de la culture occidentale, les hommes préféraient des femmes de RTH élevé à celles de RTH = 0.7. Ils suggèrent que loin d’être inscrit dans la nature humaine par l’évolution, ce standard de beauté pourraient n’être qu’un artefact culturel. Singh – accompagné notamment de Thornhill, dont j’ai parlé plus haut – y a répondu [12] en tirant de son chapeau une explication ad hoc comme les psychologues évolutionnistes excellent à en produire : ce résultat s’expliquerait par le fait que dans les cultures où les fils ont plus de valeur que les filles, les hommes ont une préférence adaptative pour les femmes de RTH élevé car, disent-ils sur la base d’une petite étude vite faite sur 114 Jamaïcaines, il semble que plus le RTH d’une femme est élevé, plus la probabilité qu’elle accouche d’un fils l’est, bien que la corrélation qu’ils ont trouvée ne soit pas statistiquement significative (!). Notons au passage que Singh a donc lui-même reconnu que la préférence supposée pour le RTH = 0.7 n’était pas observée dans toutes les cultures. Ajoutons que des chercheurs travaillant pourtant dans le même cadre théorique que lui ont rapporté en 2007 [13] les résultats d’une étude menée en Chine sur plus de 600 étudiants montrant que parmi des images de femmes de RTH variant de 0.5 à 1.0, c’est celle de RTH = 0.6 qui a été jugée la plus attirante, suivie de celle de RTH = 0.7. Les fils ont pourtant davantage de valeur que les filles dans la culture Chinoise, si je ne m’abuse… A moins que… bon sang, mais c’est bien sûr ! Tout peut sans doute s’expliquer par le fait que la valorisation des fils en Chine n’est pas assez ancienne pour s’être inscrite dans les gènes des Chinois.
En fait, l’importante variabilité « ethnique » qui a été observée – par exemple ici, ici, ici, ou encore là [14] – reste compatible avec une explication psycho-évolutionniste : il suffit de supposer qu’elle provient des différences de contextes dans lesquels la sélection naturelle a opéré selon le lieu géographique d’origine de nos ancêtres, voire selon la caste à laquelle on appartient en Inde, comme il est suggéré dans un de ces articles. C’est comme ça que ça se passe en psychologie évolutionniste comme en génétique comportementale : échouant à démontrer la robustesse transculturelle de leurs « découvertes », certains chercheurs de ces champs introduisent le facteur « origine ethnique » pour conserver leurs hypothèses fondamentales. Mais des différences entre les « races » mises en avant dans cette littérature pour sauver l’idée d’une prédisposition biologique à préférer certaines valeurs de RTH, dont la caractère non « universel » est clairement établi contrairement à ce qu’il affirme, Sébastien Bohler se garde bien de nous parler.
Affirmation n°2 : L’effet de la vision d’une femme sexy sur ce à quoi pensent les hommes
« Donc ce pauvre Lagardère, il est littéralement piloté par son cortex orbitofrontal. Mais ensuite, que fait un homme quand il voit un rapport taille-hanche de 0,7 ? Eh bien, il sort une Porsche. Oui, c’est la réaction classique du mâle homo sapiens universel. Une étude de l’université de Louvain en Belgique, justement, montre ainsi que devant une femme apprêtée de façon provocante et sexy, les hommes pensent spontanément à des voitures de sport ou des articles de luxe, alors que si on leur montre la même qui arbore des vêtements plus discrets, ils pensent à des objets de consommation courante. » (S. Bohler)
Admettons que l’étude censée montrer une activation du cortex orbitofrontal chez des hommes à la vue d’un RTH = 0.7 ne soit pas une pure invention de Sébastien Bohler (à lui de nous le confirmer), et faisons l’hypothèse improbable que ladite étude met réellement en évidence une activation spécifiquement liée à cette valeur. La déduction que Lagardère est « littéralement piloté par son cortex orbitofrontal » est évidemment abusive et tendancieuse. Tout processus mental étant par définition a priori associé à une activité cérébrale, un tel raisonnement permettrait par exemple de dire que lorsque Sébastien Bohler fait sa chronique, bien qu’il ait l’air d’être conscient de ce qu’il dit et de contrôler son discours, il est en fait pendant tout ce temps « littéralement piloté » par les régions de son cerveau liées à la production du langage, aux émotions, etc, et d’ailleurs aussi par son cortex orbito-frontal qui n’a certainement pas manqué de s’activer durant sa chronique.
Par ailleurs, parler de « réaction classique du mâle homo sapiens universel » relève bien-sûr de la généralisation abusive, ici particulièrement appuyée. Mettons ça sur le compte d’une pointe d’humour du chroniqueur, qui en profite au passage pour utiliser à nouveau un vocabulaire rattachant symboliquement son discours à des disciplines qui n’ont rien à voir avec l’étude en question.
Notons ensuite l’équivalence également parfaitement abusive qui permet à Sébastien Bohler de passer de « femme au rapport taille/hanche = 0.7 » à « femme apprêtée de façon provocante et sexy ». Notons aussi le glissement de sens que produit l’ajout de « provocante », les auteurs de l’article ne parlant quant à eux que de tenue « sexy ». Mais Sébastien Bohler a raison : il ne faut jamais manquer une occasion de rappeler aux femmes qu’être habillée de manière sexy, c’est être provocante, c’est-à-dire que ça provoque des choses chez ceux qui les voient (qu’elles n’aillent pas se plaindre après ça, on les aura prévenues).
Mais venons-en plus précisément à cette histoire de Porsche. Les auteurs de l’étude partent du raisonnement psycho-évolutionniste que voici : en raison de l’asymétrie physiologique entre les sexes dans la procréation, l’évolution a sélectionné chez les hommes une prédisposition génétique à être attirés par les femmes qui ont l’air d’être fertiles, donc qui ont l’air « jeunes et en bonne santé », et chez les femmes une prédisposition génétique à être attirées par les hommes susceptibles de les soutenir elles et leurs enfants, donc qui exhibent des « traits associés à un haut statut social et à la prospérité financière ». De plus, l’évolution a logiquement aussi sélectionné chez les humains une prédisposition génétique à mettre en valeur leurs traits de nature à faire naître chez un congénère désirable le désir de s’accoupler avec eux. En particulier, les hommes ont donc sans doute une prédisposition génétique à mettre en valeur leur haut statut social s’ils sont mis en contact avec une femme exhibant de bons indicateurs de fertilité. Par ailleurs, si un objectif même inconscient est activé dans notre cerveau, celui-ci fonctionne sans doute de sorte à faciliter la perception des objets susceptibles de nous aider à l’atteindre. Par conséquent, chez un homme mis en présence de divers objets, la vision d’une femme activant chez lui l’objectif qu’elle ait envie de s’accoupler avec lui (c’est-à-dire d’une femme mettant en valeur ses indicateurs de fertilité) devrait orienter son attention en direction des objets susceptibles de lui permettre de mettre en valeur son haut statut social. C’est ce qu’ils ont voulu tester via cette étude.
Elle a été réalisée sur un échantillon de 133 étudiants, a priori à l’Université Catholique de Louvain en Belgique (peut-être ceux du Pr René Zayan, qui y enseigne justement…), dont on ne sait ni comment ils ont été recrutés, ni s’ils étaient informés des hypothèses de recherche (ceci constitue un risque de biais énorme, et on note qu’il est en revanche bien précisé que la jeune femme qui a servi de déclencheur putatif de l’activation de l’objectif de séduction n’en était pas informée). Après avoir interagi brièvement avec une jeune femme apprêtée soit « sobrement », soit « de manière sexy », ils ont visionné sur un écran 10 ensembles de 6 photos montrés chacun pendant une seconde. Il y avait à chaque fois la photo d’un objet censé signaler un haut statut social (une montre de marque, un I-pod, un système de home cinema, un stylo Mont Blanc, une Porsche, etc), et les photos de 5 objets purement fonctionnels (un parapluie, un rouleau de PQ, etc). Après chacune de ces expositions d’une seconde, les sujets avaient 25 secondes pour écrire la liste de tous les objets vus dont ils se souvenaient. A l’issue de cette séance, on leur a demandé s’ils étaient actuellement en couple. Les chercheurs ont ensuite fait une analyse statistique du nombre d’objets mémorisés selon les différents paramètres expérimentaux retenus, puis ont réussi à publier leurs résultats dans une revue de psychologie sociale.
Ils rapportent les deux principaux résultats suivants : 1) Chez les hommes en couple, le style sexy a eu tendance à diminuer le nombre d’objets « de statut » mémorisés, mais cet effet n’était pas statistiquement significatif ; 2) Les hommes célibataires se sont souvenus de 33% des objets « de statut » si la jeune femme était apprêtée sobrement, contre 43% si elle était apprêtée de manière sexy, et cette différence était statistiquement significative. Ils concluent que l’étude montre que l’exposition à une femme apprêtée de manière sexy augmente l’attention des hommes célibataires pour les produits de luxe. A leurs yeux, ce résultat est « important non seulement sur le plan théorique » (car il conforte la théorie audacieuse exposée plus haut), mais « aussi sur un plan pratique » : « la simple présence d’une femme sexy dans un contexte de vente pourrait suffire à augmenter les ventes de produits de luxe, particulièrement à des hommes célibataires ».
Comme on le voit, Sébastien Bohler reformule de manière largement erronée le résultat de l’étude, qui ne montre en aucun cas que ces hommes ont pensé « spontanément » à des articles de luxe. De plus, même en remplaçant « pensent spontanément à » par « se souviennent de », la présentation dichotomique qu’il fait du résultat reste erronée puisque les sujets ne se sont pas souvenus des articles de luxe dans un cas, des produits quotidiens dans l’autre, mais seulement d’un peu plus d’articles de luxe dans un cas que dans l’autre. Il commet une autre faute en affirmant que l’étude « montre que » : un journaliste scientifique sérieux, dans l’hypothèse improbable où il aurait jugé que cette étude méritait d’être signalée au grand public, aurait au pire dit qu’elle « suggère que ». Il s’agit en effet, aux dires des auteurs, de la première étude montrant un effet des « indices incitant à l’accouplement » sur l’attention portée par les hommes célibataires aux produits indicateurs de haut statut, et c’est donc ce qu’on appelle une étude préliminaire. Menée sur un petit échantillon de 72 célibataires et à haut risque de souffrir de divers biais, cette étude préliminaire doit être répliquée de manière indépendante avant de pouvoir être considérée comme un fait scientifique : c’est une règle de base. Sébastien Bohler commet enfin deux nouvelles généralisations abusives, en affirmant que l’étude montre que « les hommes […] ». D’une part, le résultat qu’il relaie n’a pas été obtenu sur un échantillon représentatif des hommes en général, mais au mieux représentatif des jeunes hommes non en couple engagés dans des études supérieures en Europe. D’autre part, les auteurs de l’étude ne disent pas que tous les sujets ont réagi dans un certain sens au style de l’expérimentatrice, mais rapportent seulement un effet moyen. Ce que je dis ici peut passer pour du pinaillage, et il est vrai qu’en l’occurrence ce point n’est qu’une goutte dans l’océan d’approximations affabulatoires Bohlerien. Mais je tenais à signaler ce biais de présentation car il est commis de manière quasiment systématique par lui et ses semblables à chaque fois qu’ils décrivent une étude scientifique censée nous dire quelque-chose sur « les hommes » et « les femmes », voire sur « la femme » pour certains.
En bref, Sébastien Bohler instrumentalise une petite étude de psychologie (à risque non nul de tomber comme tant d’autres dans la grande poubelle de l’histoire des sciences) pour dire n’importe quoi, et pour suggérer que ce n’importe quoi résulte de « la biologie ».
Affirmation n°3 : La préférence des femmes pour les hommes riches
« Les femmes, […] selon diverses enquêtes […] sont […] attirées […] en partie par l’aisance matérielle et financière. Ainsi, des études réalisées sur divers continents montrent que plus le degré d’implication d’une femme dans une relation augmente, plus la femme exige […] que l’homme gagne beaucoup d’argent, jusqu’à 70% des revenus du couple comme condition minimum pour un mariage. » (S. Bohler)
Un seul des articles cités en référence par Sébastien Bohler porte sur cette question. Qu’y est-il rapporté ? Les chercheurs sont allés dans divers lieux publics de Groningen, aux Pays-Bas, et ont demandé à des gens de répondre à un questionnaire sur leurs préférences en termes de choix de partenaire hétérosexuel. Environ une personne sur deux a accepté de répondre, et seules ont été retenues celles qui rentraient dans certaines tranches d’âge . Ils indiquent que 137 personnes âgées de 19 à 61 ans ont accepté de répondre, mais les statistiques ont été calculées au final sur 120 personnes. On leur a fait remplir sur place un questionnaire dans lequel on leur demandait d’imaginer une personne de sexe opposé sur laquelle ils pourraient fantasmer, ou dont ils pourraient tomber amoureux, ou avec laquelle ils pourraient soit avoir une relation sexuelle sans lendemain, soit avoir une relation sérieuse, soit se marier. Pour chaque cas, ils devaient indiquer comment ils préféraient que cette personne se situe par rapport à eux en termes de revenus, de niveau d’études, de beauté, de confiance en soi, d’intelligence, de position sociale et de dominance, en quantifiant leur préférence via une échelle allant de 1 pour « beaucoup moins que moi » à 7 pour « beaucoup plus que moi ». Les chercheurs rapportent les différences moyennes détaillées dans le graphique ci-après, dont on note qu’elles ne sont pas en phase avec ce qui est indiqué dans le résumé de l’article (contrairement à ce qu’il suggère, les femmes ne préfèrent pas plus un partenaire plus dominant qu’elles que les hommes ne préfèrent une partenaire plus riche, ayant davantage confiance en soi, plus haute socialement et ayant un plus haut niveau d’études qu’eux).
Ils rapportent aussi n’avoir trouvé d’effet statistiquement significatif du degré d’implication dans la relation que :
– pour le niveau d’études désiré par hommes et femmes confondus (plus le niveau d’implication était élevé, plus l’écart désiré était important, allant de 4.52 pour fantasmer à 4.72 pour se marier),
– pour la beauté physique désirée par hommes et femmes confondus (plus le niveau d’implication était élevé, moins l’écart désiré était important, allant de 5.55 pour fantasmer à 4.99 pour se marier),
– pour l’intelligence, et ce seulement chez les hommes (plus le niveau d’implication était élevé, plus l’écart désiré par les hommes était important, allant de 4.20 pour fantasmer à 4.75 pour se marier).
Les auteurs rapportent également que comme ils s’attendaient à trouver des différences entre les sexes particulièrement prononcées pour les fantasmes sexuels, ils ont calculé sur chacun des 7 critères toutes les interactions statistiques entre le sexe, l’écart moyen désiré pour les fantasmes sexuels et l’écart moyen désiré tous types de relations “réelles” confondus. Ces calculs n’ont permis de trouver aucune différence entre les sexes. Ils ont produit un seul effet statistiquement significatif : hommes et femmes désiraient des partenaires plus beaux si c’était juste pour alimenter leurs fantasmes sexuels (5.54) que si c’était pour une relation en chair et en os (5.14).
On remarque que le résumé de l’article par les auteurs est ici encore erroné (ils y écrivent notamment que plus le degré d’implication dans le relation était bas, plus l’était aussi le niveau désiré de beauté physique), ce qui souligne la faible qualité de la revue dans laquelle il est publié (qui de fait est une revue extrêmement mineure), et ce qui me permet de rappeler que contrairement à une croyance qui semble répandue y compris chez certains pigistes en vulgarisation scientifique, la lecture du texte entier d’un article scientifique est une condition sine qua non pour savoir ce que y est réellement rapporté, et a fortiori pour en parler.
L’écart entre ce qu’affirme Sébastien Bohler et ce qu’on trouve dans l’étude qu’il invoque est encore une fois assez considérable. Je note entre autres que :
– l’exigence des femmes que l’homme gagne au moins 70% des revenus du couple pour se marier (c’est-à-dire 133% de plus qu’elles !) n’y figure aucunement ;
– l’étude contredit l’idée que plus le degré d’implication d’une femme dans une relation augmente, plus elle exige « que l’homme gagne beaucoup d’argent » (elle accrédite en revanche celle que plus le degré d’implication d’un homme dans une relation augmente, moins il exige que la femme soit belle et plus il exige qu’elle soit intelligente, mais bizarrement Sébastien Bohler ne nous explique pas que c’est en vertu de cette « loi de la biologie » qu’Arnaud Lagardère a annoncé vouloir se marier avec Jade Foret) ;
– non seulement elle n’a pas été faite « sur divers continents », mais les auteurs écrivent en introduction qu’à leur connaissance, « aucune étude examinant l’effet du degré d’implication dans la relation sur les critères de choix de partenaire n’a été faite ailleurs qu’en Amérique du Nord » ;
– elle porte sur l’écart de revenu souhaité et non sur son niveau dans l’absolu, ce qui n’est pas du tout la même chose compte tenu entre autres de l’écart moyen de revenus qui existe entre hommes et femmes ;
– elle ne permet pas d’affirmer quoi que ce soit sur « la femme » puisqu’elle porte sur un échantillon d’une soixantaine de femmes rencontrées à Groningen aux Pays-Bas, ayant des préférences hétérosexuelles, et ayant accepté de répondre aux questions alors qu’un nombre équivalent de femmes abordées ont refusé de la faire. Par comparaison, lorsque des enquêtes sérieuses sont faites sur la sexualité (par exemple l’enquête Contexte de la Sexualité en France), elles sont faites sur des échantillons aléatoires représentatifs de la population nationale, et les caractéristiques des personnes qui ont refusé de répondre sont soigneusement comparées à celles des personnes qui ont répondu pour voir si c’est susceptible d’avoir biaisé les résultats. Ici, rien de tout ça n’a été fait. Comme la plupart des études menées sur les critères de choix de partenaires auxquelles il est fait allusion par Sébastien Bohler, celle-ci est faite dans un cadre théorique psycho-évolutionniste qui en biaise d’emblée les tenants et aboutissants et souffre de multiples limitations. Ses auteurs signalent d’ailleurs eux-mêmes que la littérature existant sur ce sujet est de portée limitée notamment parce que presque toutes les études ont été faites sur de jeunes adultes, plus particulièrement sur des étudiants, et parce que le peu d’études qui ont été faites sur des adultes plus âgés ont analysé les qualités mises en avant par les gens qui passent des annonces pour faire des rencontres, c’est-à-dire des données a priori biaisées.
Les résultats exposés dans cet article et ceux qui utilisent un paradigme expérimental semblable font en outre l’objet de débats au sein de la communauté des chercheurs en psychologie sociale. Par exemple, dans un article publié en 2008 accessible en entier ici [15], les chercheurs suggèrent en conclusion de leur étude que les préférences exprimées par les sujets lorsqu’on les interroge pourraient bien n’avoir aucun lien avec les critères qui déterminent leurs choix dans la vraie vie, en particulier concernant les préférences traditionnellement exprimées par les femmes relatives aux revenus et par les hommes relatives à la beauté.
En bref, Sébastien Bohler instrumentalise encore une fois une petite étude de psychologie (à risque non nul… etc) pour dire n’importe quoi, et pour suggérer que ce n’importe quoi résulte de « la biologie ».
Affirmation n° 4 : L’attirance des femmes pour des partenaires plus âgés qu’elles
« Et elles sont aussi, d’après les études du célèbre spécialiste de la séduction David Buss, dont je vous conseille les lectures, attirées par un partenaire plus âgé qu’elles » (S. Bohler)
Sébastien Bohler ne cite en référence aucune étude de David Buss (comme un internaute l’a signalé en vain dès le lendemain de la mise en ligne de l’émission [16]). Je vous épargnerai donc l’exposé fastidieux des biais et faiblesses congénitales de celles-ci, qui n’étayent de toute façon en rien « solidement » l’hypothèse que « la biologie » pourrait être responsable d’une préférence inconsciente spécifique aux femmes pour un partenaire plus âgé. Je me contenterai de relever deux choses. D’une part, Sébastien Bohler requalifie à nouveau de manière trompeuse ses sources en décrivant David Buss comme étant le « célèbre spécialiste de la séduction ». Il est en effet avant tout l’un des fondateurs de la psychologie évolutionniste et l’un des principaux représentants de l’approche psycho-évolutionniste des différences entre les sexes dans les comportements sexuels et apparentés, auteur de nombreux articles écrits dans cette perspective non seulement sur les critères de choix de partenaire, mais aussi sur les différences entre les sexes dans la jalousie et la réaction à l’infidélité, la tendance des hommes à faire de la « rétention » de leur partenaire y compris par la violence, le contrôle parental de la sexualité des filles, ou encore les dimensions sexuées de l’amitié.
D’autre part, Sébastien Bohler conseille à son auditoire la lecture des « études de David Buss », n’en citant aucune en particulier et sachant que l’accès au contenu des revues scientifique est très cher. Je suppose donc qu’il voulait dire par là qu’il conseillait la lecture des livres de David Buss, dont peut-être celui qui a été traduit chez Odile Jacob et dont Cerveau & Psycho a recommandé la lecture, justement dans l’article cité plus haut relayant entre autres le mythe savant du rapport taille/hanche idéal égal à 0.7. Il est dommage qu’il contribue ce faisant à entretenir la confusion fréquente entre littérature scientifique et littérature de vulgarisation (dans le cas des livres de Buss il serait plus juste de parler de littérature de propagande faisant la publicité de ses propres travaux et de ceux de ses amis). J’espère en tout cas vivement qu’il ne tire pas certaines des « constatations » dont il parle directement des livres de Buss sans lire lui-même les articles scientifiques censés les avoir démontrées.
Affirmation n° 5 : La tendance des femmes à chercher au moment de l’ovulation un amant susceptible de transmettre des « gènes vigoureux » à leurs enfants
« Figurez-vous que des enquêtes psychologiques révèlent qu’une stratégie amoureuse très fréquente chez les femmes est de se trouver un homme stable et aisé pour assurer l’avenir des enfants, tout en rencontrant en toute discrétion aux périodes de fécondité maximale un homme séduisant, fort et musclé pour récupérer des gènes vigoureux. La fréquence des fantasmes féminins serait même multipliée par 2,5 au moment de l’ovulation. » (S. Bohler)
Sébastien Bohler invoque ici à nouveau « des enquêtes » en ne donnant qu’une référence. Mais passons : des « enquêtes psychologiques » de ce type existent. Il s’agit, vous l’aurez deviné, d’études menées dans un cadre théorique psycho-évolutionniste. Laissons pour l’instant de côté la question de l’effet supposé du cycle menstruel pour relever qu’elles sont basées sur des observations triviales qui ne requièrent nullement l’intervention de la biologie pour être expliquées : oui, les femmes préfèrent sans doute en général fonder un couple durable avec un homme bien inséré socialement plutôt qu’avec un homme instable et fauché ; oui, lorsqu’elles trompent leur conjoint elles le font sans doute bien plus fréquemment avec un homme qu’elles trouvent séduisant plutôt qu’avec un homme qu’elles ne trouvent pas séduisant ; oui, compte tenu du bain culturel dans lequel elles sont plongées dès l’enfance, elles tendent sans doute à être en moyenne davantage attirées par des hommes exhibant certains traits caractéristiques de la virilité (encore que…), et compte tenu de leurs conditions sociales concrètes d’existence, lorsqu’il s’agit de choisir quelqu’un qui les aidera à élever leurs enfants et non pas seulement un coup d’un soir, elles accordent sans doute davantage d’importance à d’autres critères que la seule attirance physique qu’elles éprouvent.
Ce que Sébastien Bohler affirme ici en disant que cela a été « révélé » par ces études n’est une fois de plus qu’une interprétation formulée par des chercheurs dans un cadre théorique psycho-évolutionniste, dont une des ritournelles consiste à expliquer les comportements féminins susceptibles d’aboutir à une grossesse en termes de stratégies de récupération de certaines variantes génétiques. C’est extrêmement facile, car cette explication résiste à n’importe quel constat ou presque à partir de l’axiome de base psycho-évolutionniste suivant : l’évolution a sélectionné chez les femmes des prédispositions comportementales qui maximisent la probabilité de transmettre leurs gènes à des enfants susceptibles de les transmettre eux-mêmes. Par exemple, si on constate que les femmes préfèrent en moyenne des hommes génétiquement plus différents d’elles à des hommes génétiquement plus proches, on l’explique en disant qu’elles cherchent inconsciemment à récupérer des variantes génétiques complémentaires des leurs à transmettre à leurs enfants, qui seront ainsi plus vigoureux, et auront ainsi plus de chance de parvenir à l’âge adulte et de transmettre un jour les gènes de leur mère. Si on constate l’inverse, pas de problème : on l’explique en disant qu’elles cherchent inconsciemment à maximiser la probabilité de transmettre leurs propres gènes (indirectement, via leur partenaire qui en est porteur) à leurs enfants. Tout cela n’est que spéculations, transformées en « constatations » par la magie de la vulgarisation forgeant au passage des notions originales telles que celle de « gènes vigoureux », dont on aimerait bien que Sébastien Bohler demande pour nous la définition à un généticien.
Venons-en à cet effet supposé de l’ovulation. Sébastien Bohler ne l’étaye qu’avec un article, celui qui a été publié en 2002 dans une revue de biologie. Soulignons que cette revue publie des articles portant sur des phénomènes cognitifs et comportementaux si et seulement s’ils sont mis en relation avec des aspects biologiques. C’est un point qui a son importance, car cela signifie que le comité de pairs qui a approuvé la publication de cet article était par construction à la fois peu apte et peu enclin à faire vérifier aux auteurs que leurs observations n’étaient pas explicables par des facteurs non biologiques. Quelles sont ces observations ?
Les chercheurs ont trouvé 118 étudiantes de l’université du Nouveau Mexique qui ont accepté de participer à l’expérience, mais l’analyse statistique qu’ils rapportent ne porte finalement que sur 51 d’entre elles pour cause d’abandons, de début de prise de la pilule, d’erreurs de planification, ou encore de relation homosexuelle. Elles ont rempli le même questionnaire à deux moments de leur cycle : d’une part entre 5 jours avant et 1 jour après leur pic de LH (détecté dans l’urine), c’est-à-dire entre 6 à 7 jours avant leur date théorique d’ovulation et 1 jour après cette date théorique, autrement dit à un moment où elles étaient théoriquement fertiles ; d’autre part au moins une semaine après leur pic de LH et au plus tard au début de leurs règles, autrement dit à un moment où elles étaient théoriquement non-fertiles. Ce questionnaire comportait notamment les items suivants, sur lesquels elles devaient dire si au cours des deux jours précédents elles les avaient vécus jamais (0), une fois (1), quelques-fois (2), ou « plus que quelques-fois » (3) :
A) un fort désir sexuel; B) une forte attraction envers leur partenaire principal actuel; un fantasme sexuel avec leur partenaire; C) une forte attraction envers quelqu’un d’autre que leur partenaire; un fantasme sexuel avec un ancien partenaire; un fantasme sexuel avec un étranger ou une connaissance; D) une excitation sexuelle déclenchée par la vue de quelqu’un d’autre que leur partenaire; une excitation sexuelle déclenchée par l’odeur de quelqu’un d’autre; E) des relations sexuelles avec leur partenaire; avec quelqu’un d’autre; un orgasme avec leur partenaire; avec quelqu’un d’autre; des relations sexuelles dont elles avaient été l’initiatrice.
Ils ont ensuite calculé un score d’attraction sexuelle envers le principal partenaire actuel (= moyennes des 2 réponses à B), un score d’attraction sexuelle envers quelqu’un d’autre (= moyennes des 3 réponses à C), et un score élargi d’attraction sexuelle envers quelqu’un d’autre (= moyennes des 5 réponses à C et D). Ils ont enfin calculé les différences moyennes dans ces scores entre les deux sessions, et regardé si elles étaient statistiquement significatives. Ils rapportent que les deux scores d’attraction sexuelle envers quelqu’un d’autre que le partenaire actuel étaient en moyenne égaux à 0.92 et 1.68 en phase théoriquement infertile, contre 1.67 et 2.63 en phase théoriquement fertile. Pour le sous-ensemble de 31 étudiantes se considérant comme en couple, cet « effet » du cycle était un peu plus net (scores égaux à 0.77 et 1.61 en phase théoriquement infertile, contre 2.04 et 2.88 en phase théoriquement fertile), et était « absent » pour le score d’attraction envers leur partenaire : ce score était en moyenne égal à 2.63 en phase théoriquement infertile contre 3.08 en phase théoriquement fertile, mais la différence n’était pas statistiquement significative. Par ailleurs, ils rapportent que le niveau global de désir sexuel (= score à la question A) n’était pas significativement différent entre les deux moments du cycle, que ce soit sur l’échantillon total ou sur le sous-ensemble des 31 femmes en couple. Chez ces dernières, la fréquence des relations sexuelles avec leur partenaire n’était pas différente entre les deux moments du cycle, bien que les chercheurs aient détecté un effet significatif du nombre de jours séparant du pic de LH, et qu’elles aient déclaré avoir été un peu plus souvent à l’initiative d’une relation sexuelle avec leur partenaire lorsqu’elles étaient en phase théoriquement fertile.
Je vous laisse juger de ce qu’il est possible de conclure de ces résultats obtenus sur un tout petit échantillon non aléatoire, susceptibles de souffrir de multiples biais, basés sur des déclarations rétrospectives, sans qu’on sache si les participantes ignoraient les hypothèses de recherche (ce qui en général signifie que certaines d’entre elles au moins ne les ignoraient pas), sachant qu’elles savaient à quelle phase de leur cycle elles en étaient,…, etc. Je signale en passant que l’analyse des réponses à d’autres questions posées en même temps amène les auteurs à conclure que leur hypothèse que les hommes renforcent inconsciemment leurs comportements anti-cocufiage dans les jours qui précèdent l’ovulation de leur partenaire est également confirmée, bien qu’il reste à vérifier que ce n’est pas leur perception à elles du comportement de leur partenaire qui change à ce moment du cycle. Ce qui est sûr en tout cas, c’est que ces résultats n’étayent ni l’affirmation par Sébastien Bohler qu’il est très courant chez les femmes en couple avec un homme stable et aisé de chercher, en période de fécondité maximale, à avoir des relations sexuelles avec « un homme séduisant, fort et musclé », ni celle que la fréquence des fantasmes féminins est « multipliée par 2,5 au moment de l’ovulation ».
Affirmation n°6 : La fréquence des orgasmes des Chinoises proportionnelle aux revenus de leur conjoint
« […] étude réalisée en 2009 auprès de 1534 Chinoises, qui montre que la fréquence de leurs orgasmes est proportionnelle aux revenus de leur conjoint. » (S. Bohler)
Sébastien Bohler cite une étude qui semble à première vue étayer son propos, mais à nouveau il en rend compte de manière incorrecte. Les chercheurs n’ont pas étudié la fréquence des orgasmes, mais ont demandé aux femmes interrogées de dire si lorsqu’elles avaient une relation sexuelle avec leur partenaire actuel elles avaient jamais, rarement, parfois, souvent ou toujours un orgasme. Il s’agit donc d’une fréquence déclarée, et surtout d’une fréquence non quantifiée : c’est pourquoi l’étude ne montre pas du tout (et les auteurs ne le prétendent pas) que cette fréquence est « proportionnelle » aux revenus. Ils rapportent avoir trouvé, en remplaçant les 5 réponses possibles par des valeurs numériques allant de 1 à 5, une association positive grossièrement linéaire entre ces valeurs et les revenus du partenaire, ce qui est très différent.
Cette étude, faite dans un cadre psycho-évolutionniste (pour essayer de trancher entre la théorie des uns selon laquelle l’orgasme féminin n’est qu’un effet collatéral de la « réponse éjaculatoire des mâles », et celle des autres selon laquelle il a un rôle adaptatif, par exemple celui de servir à juger de la qualité du mâle comme l’ont proposé Thornhill et Gangestad), est un bel exemple d’utilisation d’une technique statistique d’usage assez courant chez les chercheurs tentant de démontrer l’effet de facteurs biologiques. Elle consiste à mettre en avant l’effet statistique du paramètre qu’ils favorisent en négligeant celui d’autres paramètres qui pourraient être plus pertinents.
Je vous épargnerai l’explication de cette entourloupe dans le cas présent, car d’autres s’en sont chargés avant moi : deux statisticiens ont publié en mars 2010 une ré-analyse des données [17], cosignée par les deux auteurs de l’article, montrant que la prise en compte adéquate des paramètres disponibles autres que les revenus du conjoint aboutit à la disparition de l’effet statistique de ceux-ci sur la fréquence déclarée des orgasmes. Les deux auteurs de l’étude ont publié également en mars 2010 une « correction » [18] dans laquelle ils écrivent ceci :
« Comme le montre la ré-analyse de nos données, l’effet du revenu du conjoint n’est plus significatif après prise en compte des variables de contrôle. Nous souhaitons par conséquent modifier la conclusion de notre article. La meilleure explication de l’association trouvée dans [cet échantillon] entre les revenus du conjoint et la fréquence déclarée des orgasmes est le fait que les femmes ayant un conjoint avec de hauts revenus étaient en meilleure santé, plus heureuses, plus jeunes, et de meilleur niveau d’études que les femmes ayant un conjoint avec de bas revenus. Les données ne confortent pas l’hypothèse d’un effet direct des revenus du conjoint sur la fréquence déclarée des orgasmes, après contrôle des autres variables. »
Sébastien Bohler relaie donc ici, en outre de manière erronée, les conclusions d’un article qui ont été invalidées depuis deux ans et demi par ses auteurs eux-mêmes.
FINI DE RIGOLER
Sébastien Bohler se tirera peut-être d’affaire avec une pirouette du genre : « bah, fallait pas prendre au pied de la lettre ce que j’ai dit, cette chronique, comme tout ce que je raconte ou écris, c’est juste pour gagner ma vie en distrayant les gens, évidemment j’arrange un peu les choses et tout ça n’est pas très sérieux, franchement, vous vous êtes donné bien trop de peine pour si peu. ».
Si cette réponse convient à ses employeurs, alors j’espère qu’au moins ils signaleront désormais clairement aux téléspectateurs / lecteurs que ce que Sébastien Bohler raconte ne relève ni du journalisme, ni de la vulgarisation scientifique. Parce qu’au vu des commentaires qui ont été postés sous cette chronique du 16 novembre, je peux vous dire qu’il y a des gens qui l’ont prise au sérieux, et plus généralement qu’il y a pas mal de gens qui croient à toutes les histoires de ce genre, et pour cause : ça leur est répété en boucle par divers « experts » dont les médias et éditeurs légitiment le discours auprès du grand public en les désignant comme tels.
Et si ses employeurs estiment qu’on peut rire avec ça, alors je les invite à se demander s’ils diraient la même chose si Sébastien Bohler nous expliquait sur le même ton et au nom de « la biologie » qu’il y a des différences comportementales entre « les Européens » et « les Africains», ou entre « les juifs » et les autres, par exemple. Je les invite à se demander s’ils trouvent acceptable que soient proférées avec une telle légèreté et avec l’autorité de la science des affirmations qui renforcent de tels stéréotypes de genre. Car ce n’est pas juste d’ « amour » ou de sexualité qu’il est question. Le discours analysé ici contribue entre autres choses à justifier l’existence d’inégalités de revenus entre hommes et femmes (puisque ce différentiel est censé être une exigence féminine naturelle), à renforcer les pressions sociales qui s’exercent sur les femmes (à avoir la taille fine, ou encore à être « sexy » si elles veulent séduire, ou obtenir un poste de vendeuse) et à renforcer celles qui s’exercent sur les hommes (à gagner un maximum d’argent, à montrer à tout prix qu’ils sont socialement dominants), avec toutes les conséquences très concrètes que cela implique. Il me semble qu’il est grand temps d’arrêter de rigoler avec ça, vous ne trouvez pas ?
Odile Fillod
PS : Sébastien Bohler a publié une réponse à ce billet. Voir mon analyse de celle-ci dans https://allodoxia.odilefillod.fr/2013/01/12/arret-sur-lenvers-dun-mirage/.
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Notes
[1]
“Bohler : les hommes, les femmes, et nos cerveaux”, 16 novembre 2012, www.arretsurimages.net (accédé le 17/12/2012).
[2] BUUNK Bram P, DIJKSTRA Pieternel, FETCHENHAUER Detlef, KENRICK Douglas T, 2002, Age and gender differences in mate selection criteria for various involvement levels, Personal Relationships, vol. 9(3), p. 271-278.
[3] GANGESTAD Steven W, THORNHILL Randy, GARVER Christine E, 2002, Changes in women’s sexual interests and their partner’s mate–retention tactics across the menstrual cycle: evidence for shifting conflicts of interest, Proc. R. Soc. Lond. B, vol.269(1494), p. 975-982.
[4] POLLET Thomas V, NETTLE Daniel, 2009, Partner wealth predicts self-reported orgasm frequency in a sample of Chinese women, Evolution & Human Behavior, vol.30(2), p.146-151.
[5] JANSSENS Kim, PANDELAERE Mario, VAN DEN BERGH Bram, MILLET Kobe, LENS Inge, ROE Keith, 2011, Can buy me love: Mate attraction goals lead to perceptual readiness for status products, Journal of Experimental Social Psychology, vol. 47(1), p. 254-258.
[6] « […] Par ailleurs, je ne trouve pas de lien vers la démonstration du pouvoir du rapport 0,7. », par Potiron le 17/11/2012 à 12h41, http://www.arretsurimages.net/forum/read.php?4,1265959,1265959#msg-1265959 consulté le 17/12/2012, sans réponse donnée à cette date.
[7] SINGH Devendra, 1993, Adaptive significance of female physical attractiveness: role of waist-to-hip ratio, Journal of Personality and Social Psychology, vol.65(2), p. 293-307.
[8] GUÉGUEN Nicolas, 2009, « Etre jaloux : un peu, beaucoup, à la folie, Cerveau & psycho, n°34.
[9] PETTIJOHN Terry F, JUNGEBERG Brian J, 2004, Playboy playmate curves: changes in facial and body feature preferences across social and economic conditions, Personality and Social Psychology Bulletin, vol.30, pp. 1186-1197. Cette étude a été relayée dans BOHLER Sébastien, 2005, « Playboy et l’état de la bourse » (rubrique « Actualité des sciences cognitives »), Cerveau & Psycho, n°9, p.4.
[10] PUHL Rebecca M, BOLAND Fred J, 2001, Predicting female attractiveness: Waist-to-hip ratio versus thinness, Psychology, Evolution & Gender, vol.3(1), p.27-46.
[11] YU Douglas W, SHEPARD Glenn H, 1998, Is beauty in the eye of the beholder?, Nature, vol.396, p.321-322.
[12] MANNING John T, TRIVERS Robert L, SINGH Devendra, THORNHILL Randy, 1999, The mystery of female beauty, Nature, vol.399, p.214-215.
[13] DIXSON B.J, DIXSON A.F., LI B., ANDERSON M.J,2007, Studies of human physique and sexual attractiveness: sexual preferences of men and women in China, American Journal of Human Biology, vol. 19(1), p.88-95.
[14] FREEDMAN et al, 2004, Ethnic differences in preferences for female weight and waist-to-hip ratio: a comparison of African-American and White American college and community samples, Eating Behaviors, Vol.5(3), p.191-198 ; FREEDMAN et al, 2007, Do men hold African-American and Caucasian women to different standards of beauty?, Eating Behaviors, vol.8(3), p.319-333 ; DIXSON et al, 2007, Human physique and sexual attractiveness: sexual preferences of men and women in Bakossiland, Cameroon, Archives of Sexual Behavior, vol.36(3), p.369-375 ; MARLOWE Frank, WETSMAN Adam, 2001, Preferred waist-to-hip ratio and ecology, Personality and Individual Differences, vol.30, p.481-489.
[15] EASTWICK Paul W, FINKEL Eli J, 2008, Sex Differences in Mate Preferences Revisited: Do People Know What They Initially Desire in a Romantic Partner?, Journal of Personality and Social Psychology, vol.94(2), p.245-264.
[16] « J’attends ! Parmis les diverses études de divers continents (mazette!) manque au moins la référence aux études du célèbre spécialiste de la séduction David B(osc ?) (cité à 3’14”) », par Robert, le 16/11/2012 à 21h59, http://www.arretsurimages.net/forum/read.php?4,1265959,1265959#msg-1265959 consulté le 17/12/2012, sans réponse donnée à cette date.
[17] HERBERICH Esther, HOTHORN Torsten, NETTLE Daniel, POLLET Thomas V, 2010, A re-evaluation of the statistical model in Pollet and Nettle 2009, Evolution and Human Behavior, vol.31(2), p.150-151.
[18] POLLET Thomas V, NETTLE Daniel, 2010, Correction to Pollet and Nettle (2009): “Partner wealth predicts self-reported orgasm frequency in a sample of Chinese women”, Evolution and Human Behavior, vol.31(2), p.149.
Excellent article. Détaillé, précis, reprenant chaque fait pour l’analyser. J’admets que j’avais quelques doutes préalables sur les assertions issues de l’approche psycho-évolutionniste, mais là j’en sors éclairée. Et rassurée. Parce que si les théories en elles-mêmes ne sont pas nécessairement élaborées par des réactionnaires de mauvaise foi, elles servent bien souvent à étayer des thèses, elles toutes politiques, qui sous tendent un certaine “naturalité” des situations inégales et injustes entre hommes et femmes.
Merci donc. Bon boulot. Et dans l’attente de vous voir à une re-programmation d’arrêt sur image, alors?
Heureusement que des femmes comme vous font ce travail de déconstruction d’un discours qui se pare des attraits de la Science pour mieux perpétuer les discriminations.
Bravo
Merci pour ce merveilleux article. Bon il faut s’accrocher pour le lire, mais le prix de la rigueur scientifique est à ce prix. On voit aussi que l’énergie que vous y avait mis est proportionnel à votre implication (ce que vous semblez dire en intro). Parce que malheureusement ce style de vulgarisation devient monnaie courante et il y a rarement quelqu’un qui a votre courage pour faire les rectificatifs qui conviennent.
En effet la biologie et les neurosciences sont le passeport à toute sorte d’affirmation et surtout servent à justifier les inégalités comme étant bien naturelle et non culturelle. C’est d’ailleurs votre conclusion.
De toute façon en psychologie, il y a une inquiétante dérive du à l’appât du gain venant du marketing et des publicités qui cherchent à atteindre le consommateur sans qu’ils s’en aperçoivent et qui sont donc très friand de ce genre d’enquête. Il y a eu d’ailleurs un scientifique, des Pays Bas me semble-t-il, qui a bidouillé ses résultats pour obtenir le bon résultat et qui a fait grand scandale.
Merci pour cet article.
Arretsurimages ne brille certes pas par son féminisme, mais ils n’avaient jamais fait aussi fort. Je suis d’accord avec vous sur le questionnement qu’une telle chronique devrait poser à son employeur, à moins qu’ils ne cherchent à changer de positionnement “critique des médias” en “suivisme des médias”.
Ça me fait de la peine de voir le temps que ça peut prendre d’écrire un tel article, au regard du temps qu’aura duré ce bout d’émission.
Je n’ai rien à ajouter aux autres commentateurs, mais vu la qualité et la quantité de travail déployé, un chaleureux merci s’impose. C’est trop rare, malheureusement. J’espère simplement que ce monsieur ira exercer ses talents d’enfumeur dans un endroit beaucoup plus confidentiel. Un placard à balai serait parfait…
A défaut de mieux, je bookmarke vote site et promet d’y revenir souvent. Un travail comme le votre, c’est précieux, par les temps qui courrent…
Edifiant ! Ou comment mettre la “science” au service du politique et du marketing…Cette vulgarisation me semble préoccupante parce qu’elle distille dans nombres de cerveaux la légitimité de différence de traitements entre hommes et femmes, exactement comme l’ont fait d’autres “scientifiques” par le passé, pour d’autre catégories du genre humain, et avec les conséquences que l’ont sait…
Et après ça on nous dira que les femmes manquent d’humour… Constat neuro-biologique sans doute ??
Merci beaucoup pour cet article très fouillé et qui déconstruit des poncifs soit-disant scientifiques sur les différences hommes-femmes.
Il serait utile de ne pas se focaliser uniquement sur les différences hommes-femmes et de regarder l’ensemble des productions scientifiques de la même manière, que ce soit en neurosciences/neuropsychologie (d’où je viens) ou ailleurs.
Constat ? En général, des corrélations hasardeuses, des hypothèses aussi étranges que sujettes à l’air du temps, et bien peu d’articles solides.
“De toute façon en psychologie, il y a une inquiétante dérive du à l’appât du gain venant du marketing et des publicités qui cherchent à atteindre le consommateur sans qu’ils s’en aperçoivent et qui sont donc très friand de ce genre d’enquête.”
Généraliser d’accord, mais généraliser les bêtises et les conclusions à l’emporte-pièces, merci mais non.
Avant une crise de l’appât du gain (allez demander à un directeur de recherche, en général ce sont plutôt les fonds à soulever pour réaliser des expérimentations qui sont problématiques), c’est une crise de la recherche qui est à voir ici. Cette crise est dénoncée depuis longtemps. Et il y a ceux qui en profitent.
Sous couvert d’impact factor à atteindre pour ne pas voir des labos entiers fermer, on publie ce qu’on peut. Et on publie surtout ce “qu’on nous autorise à publier”.
Un complément à cet article avec une description du fonctionnement des publications, de l’écriture à la sortie dans une grande revue, serait bienvenu. Je parie qu’à part les initiés qui y sont confrontés, on ne croira pas dans le grand public que ça peut être aussi arbitraire et partial.
Ce qui est dénoncé dans cet article n’est qu’une conséquence du système de recherche et de publication, et de l’incapacité de beaucoup à comprendre réellement les statistiques qu’ils produisent.
Même Daniel Kahneman, célèbre chercheur, a rendu compte du fait que les statistiques sont tout sauf intuitives. Et que le niveau d’expertise requis pour les comprendre est tel que même les plus aguerris se perdent face à des expériences banales.
Je ne fais ici qu’un appel à l’humilité et à la prise de recul, rien de plus.
Remarquable billet. Outre les fanfaronnades de S. Bohler que vous démontez très bien (et qui, comme indiqué en conclusion, sont loin d’être anecdotiques), quelque chose m’étonne : @si a annulé le tournage d’une émission parce qu’il n’y avait pas assez d’invités ? Je croyais qu’ils prétendaient faire du journalisme autrement… Faut-il nécessairement surcharger un plateau pour donner l’impression d’y faire débat ? Ou bien n’ont-ils pas trouvé suffisamment d’«experts» prêts à défendre Bohler et à vous couper la parole ? Ce ne sont que des suppositions étayées par rien, mais je ne comprends pas qu’on ne puisse envisager de ne faire débattre « que » deux personnes. Au moins, cette annulation vous aura incité à écrire ce billet !
oui d’autant plus qu’on a déjà vu des émissions d’@si avec un seul invité.
Ce qui m’étonne c’est l’amnésie de Schneiderman, je suis abonnée au site et j’ai l’impression d’apprendre plein de choses grâce à lui. Notamment sur les études sur le genre (l’émission sur les programmes de SVT avec Eric Fassin par exemple). Mais apres chaque chronique de Bohler, jme contente de penser “c’est nul”. Avec l’analyse revigorante qui est faite ici, je me demande si je ne vais pas arreter arret sur image.
Vous lire me fait énormément de bien, un grand merci pour tout, et en particulier pour ne rien laisser passer.
merci beaucoup pour la rigoureuse mise en pièces de cette thèse fumeuse, purement masculiniste, qui se déploie en des champs entiers du savoir, pas seulement les neuro-sciences. Que ce soit en ethno, psycho, anthropo, sexo, bref, presque toutes les sciences humaines (à l’exception peut-être de la sociologie qui a une tradition plus constructiviste en Fr), le mensonge est de taille : les chercheurs osent affirmer qu’une spéculation est une preuve, et établissant un lien stéréotypé entre observation de différences et spéculation sur leurs causes. Leur erreur centrale (outre la supercherie logique) de ces recherches est en fait d’ignorer totalement le biais d’observation et le déterminant très fort que constitue la hiérarchie sociale entre hommes et femmes, celle-là même qu’ils prétendent expliquer – car il est évident que les “différences” qu’ils prétendent neutres sont toujours vexantes, insultantes ou dangereuses envers les femmes ; il n’est qu’à considérer cette justification du viol par exemple, elle est bien suspecte au vu de qui l’énonce et du nombre incalculable d’hommes auxquels elle bénéficie. En effet, avant de dire que les “différences” constatées sont une cause des inégalités et non leurs conséquences, il faudrait déjà s’assurer d’avoir une population témoin et un chercheur qui n’aient pas été élevés dans l’inégalité. Car l’inégalité a des effets sur les structures cérébrales (réversibles certes, mais encore faut-il les prendre comme des construits pour les modifier par l’éducation) et sur la conscience objective et la conscience réflexive des scientifiques. Sans expérience sur ces humains non “déformés”/formatés … par l’inégalité, toute conclusion sur l’état “naturel” des être humains est fausse au plan scientifique. Ensuite, quand on sort de “la science” et que l’on regarde son histoire et les conditions de sa production, on se rend compte qu’il existe un vaste hold-up masculin sur elle (comme il existe un monopole bourgeois et colonialiste sur elle, qui explique la vigueur qu’ont eu les thèses racistes et anti-ouvrirères au début du 20 è s.). Chaque fois les femmes ont été réduites au silence, utilisées comme cobaye ou bête de scène dans des expositions à la gloire de la grandeur médicale des hommes, mais leurs savoirs (comme ceux des peuples autochtones que les scientifiques occidentaux ont spoliés et brevetés aujourd’hui) et leurs savoir-faires ont été systématiquement spoliés et effacés de l’histoire. Cette expropriation, au fondement du savoir médical, a été largement documenté par les chercheuses anglo-saxonnes ou, en Fr par Françoise d’Eaubonne.
> à lire, pour en finir avec les paradigmes naturalistes et essentialistes :
Christine Delphy Penser le genre, 2004
> pour une critique radicale des postulats masculinistes qui sont au fondement des savoirs psychologiques :
Marie-France Hurtig & Marie-Claude Pichevin, “La psychologie et les femmes”, 1995.
> pour situer ces thèses sur un plan plus fondamental de politique du genre organisée au plan collectif par et pour maintenir les inégalités sociales entre hommes et femmes :
Nicole Claude Mathieu, L’anatomie politique.
Colette Guillaumin, Sexe, race et pratique du pouvoir, 1992.
& en matière de vulgarisation à offrir à son petit copain qui fait des blagues dès que l’on se perd dans une rue ou qu’il “oublie” de faire le ménage : les articles et livres de Catherine Vidal, chercheuse à l’institut Pasteur.
Ces thèses ne sont malheureusement pas “purement masculinistes” : de nombreuses femmes participent au développement de ces programmes de recherche, et ce y compris dans une optique féministe. Du côté de la vulgarisation c’est pareil – Lucy Vincent, par exemple, n’a pas grand chose à envier à Sébastien Bohler -, même si les relais de la diffusion de ces théories en France sont principalement des hommes.
Attention! On peut être une femme et être masculiniste. On peut être une femme et penser en fonction des valeurs dominantes machistes. On peut se croire féministe et être en réalité essentialiste. Le machisme et le naturalisme n’est pas l’apanage des hommes mais concernent toute la société, hommes et femmes confondu-e-s. Le point commun des tenant-e-s de ces théories est la valorisation des valeurs sociales dites masculines. Lutter contre le sexisme ce n’est pas condamner les hommes. La domination masculine n’est pas qu’une affaire d’hommes, mais une affaire de rapports sociaux entre les genres. Vous dites : (…)il est évident que les « différences » qu’ils prétendent neutres sont toujours vexantes, insultantes ou dangereuses envers les femmes;” Il serait plus juste de dire : “il est évident que les “différences” qu’il prétendent naturelles sont avant tout construites socialement. Ceci dit il est vrai que la domination masculine est à la base des inégalités sociales entre les hommes et les femmes. Et que le viol est l’acte ultime de la domination masculine par exemple.
Ce n’est pas clair pardon, le message précédant était adressé à binka
Excellent article!!!!!
Il faut absolument arreter de rigoler des plusieurs justifications de l’existence d’inégalités de revenus entre hommes et femmes bien que d’autres constructions/marqueurs sociaux et culturels basés encore sur les discours de l’antropocentrisme!
Bravo pour cet article.
Seuls ceux qui ne connaissent pas le parcours de Daniel Schneiderman peuvent s’étonner qu’il laisse Sébastien Bohler raconter ces bêtises. Pour ceux-là, quelques articles et un documentaire:
http://www.acrimed.org/mot67.html
http://www.dailymotion.com/video/xg5vf
merci beaucoup pour cette analyse! Dommage que les medias ne soient pas plus critiques…pourtant pas besoin d etre un ponte en methodologie et en statistique pour remarquer que ces articles ne valent rien du tout.
Comme à chaque fois un article pointu, rigoureux, précis, et qui déconstruit les préjugés les plus médiatisés sur les différences supposées entre les sexes, à partir de l’analyse des études publiées jusqu’à leur déformation dans les médias grand public. Et c’est du boulot, plus long et fastidieux que de colporter des idées reçues répétées en boucle (ce qui fait l’une des forces de ces dernières).
A la biographie de Loïc Ballarini, j’ajouterais “Moi Tarzan, toi Jane : Critique de la réhabilitation «scientifique» de la différence hommes/femmes” de Irène Jonas, aux éditions Syllepse.
En fait c’est Binka pour la biblio.
Merci beaucoup, cela fait une semaine que j’ai découvert votre blog et que je me régale à lire les remises en question que j’espérais sur le discours dominant.
Par jalousie… Pourquoi l’instinct maternel serait plus fort que l’instinct paternel ? Pourquoi la femme souffrirait moins que moi de la frustration sexuelle ? ou encore, pourquoi je devrais gagner plus qu’elle pour qu’elle s’intéresse à moi ?
Alors j’ai trouvé quelques blogs qui vont dans le sens de ce que je voudrais entendre…
Je dis cela par soucis d’honnêteté envers mon faible niveau de connaissance et mon scepticisme maladif.
Un sujet qui fait polémique dès qu’il est traité, et sur lequel je n’ai jamais lu d’articles autres que sectaires, en tout cas rien qui correspond à mon questionnement, c’est le sujet de l’autisme.
J’aimerais savoir ce que vous en pensez, comment vous voyez cette bataille de chapelles et quelles sont les réalités scientifiques sur lesquelles on peut s’appuyer pour approcher sereinement cette question.
A défaut d’un article, peut-être pouvez-vous me donner des liens pertinents sur ce sujet, vous ou vos lecteurs, merci.
Bravo et merci encore pour votre blog
Article passionnant, j’aurais aimé une version imprimable. Je suis abonnée de @si, je suis désolée qu’ils aient renoncé à cette émission qui aurait pu être passionnante. Je crains que la vraie motivation de l’annulation ne soit précisément la qualité de votre travail. Les interventions de Bohler sont en effet souvent assez sommaires, et branchées anecdotique, elles ne résisteraient guère à une critique approfondie. Mais aussi, c’est le format qui veut ça: une intervention courte, destinée plus à distraire qu’à informer, ce qui fait que jusqu’ici je ne m’étais guère formalisée de ses approximations paradoxalement péremptoires et de sa vision assez rétro des différences hommes/femmes genre Mars et Vénus (comme si Mars autant que Vénus n’étaient pas des stéréotypes créés de toutes pièces).
Article salutaire & j’attends moi aussi avec impatience de vous voir dans Arrêt sur Image face à Bohler et/ou d’autres intervenants. Cependant, à la lecture de vos autres posts, quelque chose me chiffonne. Vous faites une très pertinente deconstruction des idées reçues faussement scientifiques sur les genres. Très bien. Mais, à force, ne risquez vous pas l’excès inverse : en démontant la plupart des études sur le rapport entre biologique et genre, n’allez vous pas totalement nier le biologique, comme si nous étions des purs esprits, des androïdes ? Plus exactement comme si nous étions des androïdes avec des cerveaux-éponges, qui absorberait uniquement le contexte socio-culturel qui les entoure, à l’exclusion du reste… En même temps je n’ai pas lu tous vos posts. Peut-être quelque part faisiez vous le point sur ce que l’on sait être sûr, ce qui est à l’étude… etc. Dans ce cas, où ça ?
Pourquoi le fait que nous soyons bel et bien des êtres biologiques, et non de purs esprits, entraînerait-il nécessairement qu’il existe un rapport entre biologique et genre que je risquerais de “nier” ? Si je critiquais la fragilité d’argumentaires pseudo-scientifiques prétendant expliquer par le biologique des différences moyennes de QI entre “blancs” et “noirs” (comme cela a été fait par exemple dans The Bell Curve), me diriez-vous de la même façon que je nie le biologique ? Vous faites me semble-t-il ici la confusion classique dont je parle dans http://allodoxia.blog.lemonde.fr/2012/05/30/debat-inne-acquis/
A part ça, je ne fais nulle part le point sur ce que l’on sait être sûr concernant le “rapport entre biologique et genre”, tout simplement parce que mes recherches m’ont amenée à la conclusion que RIEN n’est sûr…
Merci pour ce gros travail d’analyse critique!
Je découvre votre blog et article (en même temps que ce Sébastien Bohler), très précis, utile et déniaisant, encore bravo. Ceci donnerait effectivement envie de rire si l’impact attendu de ces thèses auto-légitimées par un label scientifique (le religieux étant chez nous moins en vogue) n’était telle. Je crains qu’un échange direct en vidéo avec un habitué médiatique de fraude conceptuelle n’ait guère de chance de faire saisir ces “subtilités” (fondamentales pourtant!) comme le permet un texte comme celui-ci.
(Je référence votre blog dans le (microscopique) site de l’USDMDH dont l’impact médiatique vaut bien ce 0.7 du RTH idéal, nombre d’or sans trop de décimales aux connotations bibliques…)
Bien à vous!
Je crois rêver! Faire l’amalgame, comme beaucoup ci-dessus le font, entre les diverses inégalités que doivent subir les femmes et les “différences” (pourquoi ces guillemets) entre homme et femme relève d’une malhonnêteté intellectuelle que les mêmes dénoncent chez les autres. Nier que l’imprégnation hormonale, c’est à dire un processus purement biologique, détermine, chez l’embryon l’orientation “génitale” et ses conséquences anatomiques et physiologiques vouées à la pérennisation de l’espèce c’est faire preuve d’un aveuglement que les bigots d’un prétendu féminisme veulent faire pour une conduite scientifique et éclairée. Les Diafoirus ne manquent pas qui masquent leur incompétence ou leur idéologie sous de grandes phrases et périphrases.
“Diafoirus”… Est-ce également dans Molière que vous avez trouvé cette notion délicieusement désuète d’ “orientation génitale” ? Votre rhétorique n’aveugle que vous-même, qui masquez sous de grandes phrases votre idéologie et le reste : où avez-vous lu que je nie le fait que les hormones ont des conséquences anatomiques et physiologiques qui permettent la reproduction humaine ? Evidemment, il est plus facile de m’insulter et d’utiliser la technique de l’homme de paille que de répondre à ma critique précise des faux arguments étayant l’idéologie selon laquelle ces hormones influencent nos comportements.
Bravo, pour cette mise au point. J’ai découvert Mr Bolher sur le site @si et je venais juste il y 1 h de regarder sa chronique. Ses erreurs factuelles semblent toutes relever d’une même cause, notre bonhomme en plus de ne retenir que les études qui confortent ses intuitions, n’y lit que ce qu’il veut bien y lire. Il sait déjà ce qu’il cherche, il n’a en fait pas d’autre intuition que les intuitions de monsieur tout le monde, où est passé son esprit scientifique depuis sa thèse?
La réponse de S. Bohler est sur le site d’@si, j’ai commencé à répondre sur le forum mais c’est décourageant. S. Bohler utilise la méthode habituelle qui consiste à répondre sur des points de détails, pas sur le fond des études.
Il utilise aussi et surtout la technique consistant à attaquer des positions et des propos qui ne sont absolument pas les miens, et ne répond concrètement à aucune de mes critiques. C’est plus que décourageant : véritablement affligeant, mais pas étonnant de sa part (il n’avait guère d’autre choix, mes critiques factuelles étant inattaquables). Ce qui est encore plus affligeant, et en ce qui me concerne plus étonnant – je dois être naïve -, c’est que Schneidermann se laisse berner par un tel personnage.
Je vous encourage vivement à répondre à SB, malgré votre découragement. Il ne faut pas laisser passez ces approximations, en particulier sur un site tel qu’asi, dont je suis abonné.
J’ajoute qu’à moins de lire les deux articles dans la foulée, ce qui n’est pas évident vu leurs tailles, il est parfois difficile d’avoir les idées très claires sur les arguments développés de chaque côté. Ainsi, toute réponse bien construite de votre part ne fera qu’apporter une clarté bienvenue à ce débat important.
Comme Flo, je trouve important que vous ne laissiez pas passer ces pratiques rhétoriques. Un peu comme avait fait F.Lordon vis-à-vis de C.Quatremer, cela permet à chacun d’entre nous de disposer, grâce à vous, de documents argumentés permettant de pointer des discours fallacieux, et ce à plus long terme que la simple “polémique” actuelle (j’aime beaucoup le titre d’@si : vous feriez de la “polémique”, pas du débat argumenté, bien entendu…).
Votre travail ici est précieux et salutaire, autant persévérer quand on tient un tel exemple sous la main.
Schneidermann sait trouver d’excellents “purs” journalistes (Dan Israel, Laure Daucy, Anne-Sophie Jacques…), mais dès qu’il s’agit de “spécialistes”, c’est catastrophique.
Je me souvient d’un épisode sur @si où il trouvait dommage qu’une autre de ses excellentes journalistes (J.Brabant) mettent des notes de bas de page, et une (courte) bibliographie à la fin d’un de ses articles : ça faisait trop “universitaire” (sic), entendant par-là que cela allait faire fuir les gens.
J’ai aussi déjà eu à faire avec son “spécialiste” cinéma R.Djoumi, qui racontait n’importe quoi à propos de musique de film (je suis musicien…).
Bref, l’impression est que DS nourrit une méfiance envers une institution “officielle” scientifique fantasmée (souvenirs de démêlés avec Bourdieu ?), qui le fait freiner des quatre fers dès qu’il s’agit de savoirs constitués ; d’où cette habitude de prendre des gens qui ont l’air en marge du “système”, parce que vulgarisateurs et sachant (soi-disant) faire passer le savoir de manière douce et populaire… Ce en quoi il se plante complètement, évidemment.
Pour l’anecdote, je me suis désabonné d’@si dès après avoir entendu la première chronique de S.Bohler, le découvrant à cette occasion. Ce fut la goutte d’eau…
Etant abonnée également à asi, j’ai beaucoup apprécié vos commentaires de mise en relation des deux articles, moz.
Je suis toute à fait d’accord. Le plus emmerdant est de voir Schneidermann laisser ce guguce parler ainsi et ce malgré les critiques de ce personnage par les @sinautes…. Espérons que sous le poids des mots, @si décide enfin de questionner ces actions.
Puisqu’il vous répond en commencant par une citation de Wittgenstein rendez lui la monnaie en convoquant l’un de ses professeurs, Bertrand Russell :
« that when the experts are agreed, the opposite opinion cannot be held to be certain;
that when they are not agreed, no opinion can be regarded as certain by a non-expert;
and that when they all hold that no sufficient grounds for a positive opinion exist, the ordinary man would do well to suspend his judgment”.
On the Value of Scepticism from The Will To Doubt 1958
« Quand les experts sont unanimes, l’avis opposé ne peut être considéré comme certain,
Quand les experts ne sont pas d’accord, aucun avis ne peut être considéré comme certain,
Quand les experts se disent perplexes, le non-spécialiste sera sans doute bien avisé de suspendre son jugement »
Pour autant je ne me joindrai pas aux attaques Ad-hominem, il n’est pas utile de traiter S. Bohler de Guguce.
Je pense que vous pouvez répondre à S. Bohler sur papier, point par point. Mais vous n’avez aucun intérêt et le débat n’a rien à gagner d’une émission. Pour m’expliquer, je me contenterai de remettre ce que jai déjà écrit sur le forum d’@si :
“Les débats “scientifiques” d’@si (réchauffement climatique, Seralini) m’ont laissé un gout amer.
Daniel Interrompt systématiquement tout raisonnement scientifique de plus de 12 s (sous prétexte que les @sinautes ne comprennent pas, ah bon moi je comprend et je ne pense pas que mes coreligionnaires soient plus bêtes). Donc impossible d’aller au fond des choses.
De plus, D.S et Sébastien Bohler (tout deux habitués aux plateau télé) d’un côté et Odile fillod de l’autre cela risque vite de ressembler aux dîners de cons organisés les samedi matin sur France culture par Alain Finkielkraut.”
Merci pour cet excellent et rigoureux article.J’espère que Bohler s’en mordra les doigts!
“Appliquée aux différences entre les sexes, ça donne par exemple ce genre de raisonnement : puisque pour nos ancêtres la seule façon d’avoir des descendants était de passer par un coït hétérosexuel, la sélection naturelle a certainement privilégié chez les hommes des variantes génétiques induisant une attirance pour les femmes, et chez les femmes des variantes génétiques induisant une attirance pour les hommes. Par conséquent, l’être humain actuel est sans doute naturellement hétérosexuel, à quelques exceptions près. On peut tester cette prédiction en faisant des enquêtes, or elles montrent que les attirances et pratiques hétérosexuelles sont ultra-majoritaires. Les faits sont donc conformes à la théorie, CQFD.
Ce raisonnement semble à certains frappé au coin du bon sens. Pourtant, il est applicable par exemple au bonobo, et devrait donc aboutir à la même prédiction chez ces singes. Problème : les bonobos sont tous bisexuels.”
Démonstration passablement absurde, trouver un contre exemple ne constitue en aucun cas une réfutation valable, ce que vous soulignez vous même dans le paragraphe #1 “or elles montrent que les attirances et pratiques hétérosexuelles sont ultra-majoritaires.” (les contre exemples d’homosexualité existent donc au même titre que le contre exemple des bonobos) “Les faits sont donc conformes à la théorie, CQFD.”
La conclusion logique de votre raisonnement devrait donc être : “dans le monde animal, les pratiques hétérosexuelles sont ultra-majoritaires. Les faits sont donc conformes à la théorie, CQFD.”
Et je mentionnerais même pas que le comportement des bonobos n’est pas a fin reproductive mais sert bel et bien a renforcer la cohésion sociale d’un groupe (au même titre que l’épouillage) et n’est donc pas un contre exemple valable à une théorie qui s’intéresse strictement aux comportements reproductifs.
Votre raisonnement est pour le moins curieux, et part de mauvaises prémisses.
Relisez-moi : je ne prétends pas réfuter cette hypothèse avec un contre-exemple, je dis seulement que la validité de cette hypothèse psycho-évolutionniste concernant l’être humain n’est pas démontrée, et que cette hypothèse pourrait très bien être erronée.
L’exemple des bonobos est là pour suggérer qu’elle est erronée dans cette espèce, à moins de supposer qu’il y a chez les bonobos une pression sociale telle qu’elle réussit à créer chez ces primates des penchants “contre nature”.
Par ailleurs, on ne peut nullement conclure qu’une caractéristique comportementale humaine est naturelle simplement à partir de l’observation que cette caractéristique est majoritaire dans le monde animal !
Enfin, puisque vous admettez que le comportement sexuel des bonobos n’est pas (seulement) à fin (directement) reproductive, je trouve assez extraordinaire que vous refusiez que soit avancée l’hypothèse qu’il en soit de même pour le comportement sexuel des êtres humains.
Merci, ça fait du bien.
Les interventions de ce rigolo me faisaient grincer des dents, et je suis content que quelqu’un se soit assigné à l’ingrate tâche de démêler les théories fumeuses de ce pseudo-scientifique à la vulgarité pédante. Les gens d’arrêt sur images ont pourtant l’air sensés, je ne comprends pas pourquoi ils le gardent. Quand à moi, je ne peux plus le regarder.
Très bon article.
Je suis aussi abonnée a arret sur images et je n’apprécie pas les chroniques de S Bohler dont je ne comprends a vrai dire pas l’intéret sur @si. Merci pour cet article.
Merci pour cet article et le travail effectué, ça fait du bien.
Merci Odile. Vous êtes redoutable.
Continuez, c’est d’utilité publique ! Je confirme !
Merci !!!!
Bonjour,
Je vous remercie pour cet article très éclairant.
J’avais entre les mains son bouquin “150 petites expériences de psychologie des médias” et je comprenais pas mon malaise en le lisant.
S’il applique partout le genre de méthode que vous décrivez, je comprends maintenant mieux pourquoi.
Mais dans le coup je m’interroge sur @si…
Cordialement,
Martin
Bonjour,
Je lis votre article mais à cet argumentaire pose problème.
“Pourtant, il est applicable par exemple au bonobo, et devrait donc aboutir à la même prédiction chez ces singes. Problème : les bonobos sont tous bisexuels.”
En effet qu’en est il des autres singes ? Sont ils tous bisexuels ou plutôt hétérosexuels comme l’Homme ?
Si le comportement des bonobos est une exception l’hypothèse de départ reste valide.
Cordialement
Mon point est ici de souligner que le raisonnement selon lequel les individus d’une espèce sexuée sont nécessairement en grande majorité hétérosexuels exclusifs, plutôt que bisexuels, est contredit par le contre-exemple du bonobo. Un seul contre-exemple suffit à invalider ce raisonnement, qui ne peut par conséquent être invoqué pour affirmer qu’il est nécessairement naturel que la plupart des êtres humains soient hétérosexuels exclusifs. Je ne dis rien de plus. En particulier, je ne dis évidemment pas que cela invalide l’hypothèse que ce phénomène soit naturel dans notre espèce.
Pour ce qui est d’autres primates, voir dans https://allodoxia.odilefillod.fr/2019/05/25/les-cerveaux-en-bleu-et-rose-selon-jacques-balthazart-partie-2/ le paragraphe qui commence par ceci : “L’exemple du bonobo, notre plus proche cousin avec le chimpanzé commun, est suffisamment connu pour que je ne m’étende pas dessus. Dans cette espèce, tous les individus peuvent être dits « bisexuels » au sens où ils se livrent à des copulations avec des individus des deux sexes, et ce y compris en présence de congénères du sexe opposé motivés ou réceptifs.” Je donne ensuite l’exemple du macaques rhésus, puis celui du macaque japonais.
Ca aussi ça me pose un problème
Le discours analysé ici contribue entre autres choses à justifier l’existence d’inégalités de revenus entre hommes et femmes.
Cette article dit le contraire.
Qui dit vrai vous ou eux ?
Cordialement
Je ne comprends pas votre question. Si ce qui vous “pose un problème” est de ne pas savoir comment trancher entre ce que dit Sébastien Bohler et ce que je dis, je ne peux rien faire de plus que vous encourager à examiner les arguments précis que je développe dans cet article et ailleurs, où je donne d’autres exemples de comptes rendus gravement biaisés de l’état des connaissances scientifiques par Sébastien Bohler (sur ce blog déjà, vous trouverez 5 autres articles en cliquant sur le tag à son nom dans le nuage de tags). A contrario, alors qu’il s’est pourtant fendu d’une tribune de réponse au présent billet, il n’a quant à lui pas pu pointer une seule erreur ou malhonnêteté de ma part (voir http://allodoxia.odilefillod.fr/2013/01/12/arret-sur-lenvers-dun-mirage/).
L’hypergamie feminine contribue entre autres choses à justifier l’existence d’inégalités de revenus entre hommes et femmes (puisque ce différentiel est censé être une exigence féminine naturelle), à renforcer les pressions sociales qui s’exercent sur les femmes (à ne pas etre grosses et moches si elles veulent séduire, ou obtenir un poste de vendeuse) et à renforcer celles qui s’exercent sur les hommes (à gagner un maximum d’argent, a montrer à tout prix qu’ils sont socialement dominants), avec toutes les conséquences très concrètes que cela implique. Il me semble qu’il est grand temps d’arrêter de rigoler avec ça, vous ne trouvez pas mes dames ?
– Charles Darwin, ” La Selection Sexuelle ”, 1859.
– Robert Briffault, ” Les meres: etude des origines des sentiments et des institutions ” et ” La Loi de Briffault ”, 1927.
– Joseph Daniel Unwin, ” Sexe et Culture ”, 1934.
– Gary Becker, ” Economie de la Famille ”, 1970.
– Robert Trivers, ” L’investissement Parental ” et ” Le Principe de Bateman ”, 1972.
– Pierre Bourdieu, ” Les strategies matrimoniales dans le systeme de reproduction ”, 1972.
– Richard Dawkins, ” Le Gene Egoiste ”, 1976.
– Esther Vilar, ” L’homme subjugue ” et ” Le sexe polygame ”, 1979.
– Paola Tabet, ” L’Echange Economico-sexuel ”, 1987.
– David Buss, ” Les strategies de l’Amour ” et ” L’Effet Coolidge ”, 1989.
– Herve Le Bras, ” Les Resultats Demographique de l’Hypergamie feminine ” et ” Le Sex-Ratio par age ”, 2007.
– Sébastien Bohler, ” Sexe et cerveau ”, 2009.
– Marcela Lacub, ” Prohibition de la prostitution, un mauvais combat pour les femmes ”, 2012.
– Thomas Morin, ” Ecart de revenus au sein des couples, Insee ”, 2014.
– Peggy Sastre, ” La Domination Masculine n’existe pas ”et ” L’amour, l’un des derniers boulets que trainent les femmes ”, 2015/2018.
– Jean Didier Vincent, ” Biologie du couple ”, (Seul 2% des mamiferes, les oiseaux, sont naturellement monogames), 2015.
– Milan Bouchet Valat, ” Les femmes plus diplomees que les hommes, mais plus pauvres que leurs conjoints ”, 2015.
Eh bien, on dirait que ma participation au podcast Méta de Choc (https://www.metadechoc.fr/podcast) m’attire de drôles de nouveaux lecteurs…
Je trouve toujours embêtant que les gens écrivent en se cachant derrière un pseudo, ici celui du pape de l’explication evopsy des différences comportementales entre femmes et hommes (David Buss), ailleurs “Mr. S” (?). Vous avez peur du féminazisme que vous fustigez sur votre blog ? Vous n’assumez pas d’être un incel masculiniste ?
J’ai hésité à publier vos deux commentaires car ils n’apportent rien :
– si votre point est que l’hypergamie fémnine est un phénomène réel et extrêmement répandu, vous vous fatiguez pour rien car je ne discute pas cette réalité mais sa naturalisation par l’invocation de dispositions psychiques innées spécifiquement féminines, et plus précisément par l’invocation des études instrumentalisées ici par Sébastien Bohler,
– s’il est de dire que l’existence des dispositions psychiques innées féminines en question est selon vous démontrée par les écrits de Darwin, Dawkins, Trivers, Buss, Sébastien Bohler, Peggy Sastre et Jean-Didier Vincent, je ne peux que vous répondre qu’elle ne l’est pas selon moi, et nous n’aurons guère avancé.
Mais bon, après tout ça peut être intéressant de voir ce que les gens comme vous racontent et quelles sont les références sur lesquelles ils s’appuient, et puis je déteste l’idée qu’on puisse croire que je censure les commentaires qui ne me plaisent pas.
Si vous avez à faire valoir une critique précise, factuelle, d’un des points développés dans ce billet allez-y, sinon merci de passer votre chemin. Sachez juste qu’il est inutile d’inclure comme vous l’aviez fait un lien vers votre blog : je l’ai enlevé et l’enlèverai systématiquement le cas échéant, afin de ne pas risquer d’augmenter sa visibilité dans les moteurs de recherche.
Bonjour Madame Fillod,
Donc selon vous les femmes modernes désirent se faire coïter par des hommes désirables physiquement et sans aucune forme d’engagement, au même titre que la très grande majorité des hommes, mais que ce sont les pressions sociales ”patriarcales” qui obligent les femmes modernes à vouloir faire des enfants avec des hommes financièrement sécurisants.
Or personne ne peut interdire aux femmes modernes de se prostiuer, de vivre célibataires sans enfant ou d’êtres lesbiennes, bien au contraire, les lois protègent ces comportements.
Ce fut amusant de constater que vous n’avez pas osé répondre à l’étude de l’Insee concernant ”Les écarts de revenus au sein des couples et les travaux de Hervé Le bras et de Milan Bouchet Vallat concernant l’hypergamie féminine …
Part ailleurs; je suis loin d’être un incel frustré, ce qui est une allégation infondée, pas étonnant venant d’une idéologue.
Cordialement:
M.S …
Oh, je m’avoue vaincue. Votre brillant raisonnement est implacable : si aucune loi n’oblige les gens à faire X, et si pourtant un certain nombre de gens font X, alors ce fait s’explique nécessairement par des prédispositions innées chez ces gens à faire X. CQFD. Bravo !
Les études d’Hervé Le Bras, de Thomas Morin et de Milan Bouchet-Valat que vous avez citées documentent un phénomène, elles n’étayent pas votre interprétation naturaliste de celui-ci. J’y ai donc “répondu” au premier tiret (“si votre point est […]”).
Ce que je trouve pour ma part amusant de constater, c’est que les travaux de Milan Bouchet-Valat en particulier étayent au contraire une interprétation socio-culturelle. Ainsi, dans Milan Bouchet-Valat, “Hypergamie et célibat selon le statut social en France depuis 1969. Une convergence entre femmes et hommes ?”, Revue de l’OFCE, n°160, 2018, en ligne sur https://www.ofce.sciences-po.fr/pdf/revue/1-160OFCE.pdf :
– l’auteur prend pour acquis que “le caractère genré des processus de formation du couple” est “en lien avec les différences de socialisation primaire et de conditions de vie durant la jeunesse” ;
– il considère que l’hypergamie, qui est “l’un des éléments clés du maintien de la domination masculine”, “en est d’abord un symptôme, puisqu’elle reflète les normes et les structures sociales qui influencent la mise en couple, le parcours scolaire et la carrière des individus” ;
– il signale que des études ont “documenté un rapprochement des préférences des femmes et des hommes concernant les conjoints potentiels au cours des dernières décennies (Bozon, 1990 ; Buss et al., 2001 ; Zentner et Eagly, 2015), ainsi qu’une plus grande acceptation de la supériorité du revenu perçu par la femme par rapport à celui perçu par son conjoint parmi les cohortes les plus récentes (Esteve et al., 2016)” ;
– il met en évidence les évolutions majeures de l’hypergamie de diplôme, de classe sociale et d’origine sociales en France depuis 1969 (soulignant que la classe sociale est associée à la fois à des dimensions matérielles – revenu, stabilité de l’emploi, conditions de travail – et à des niveaux de prestige et de pouvoir) ; son graphique 4 (p. 33) montrant l’évolution de ces trois asymétries homme-femme au sein des couples est assez édifiant : celle de diplôme s’est inversée, celle de classe sociale s’est nettement affaiblie, et celle d’origine sociale a disparu ;
– la conclusion de son étude : “Ce résultat confirme que l’hypergamie résulte avant tout de l’existence d’inégalités structurelles entre femmes et hommes, plus que l’appariement des conjoints proprement dit : lorsque, comme c’est le cas pour l’origine sociale, les positions des hommes et des femmes ne diffèrent pas en moyenne, l’hypergamie disparaît. […] Au total, ces résultats montrent que l’élévation du niveau d’éducation des femmes par rapport à leurs conjoints a eu son équivalent en termes professionnels, même si les évolutions sont bien moins rapides. Ce constat fait écho à la lente réduction de l’écart de salaires entre conjoints que l’on observe en France (Bouchet-Valat, 2017), reflet non seulement de l’élévation des positions professionnelles des femmes, mais aussi de l’augmentation de leur temps de travail.” + “lorsque la structure de la population n’impose pas une supériorité masculine (comme c’est le cas du point de vue du diplôme et de l’origine sociale), on ne relève aucune tendance à l’hypergamie féminine.”
Je prends bonne note de votre déclaration que vous n’êtes pas un “incel frustré”. J’admets volontiers qu’il s’agissait d’une simple hypothèse de ma part, tirée de la lecture de votre blog masculiniste, dont le titre ainsi que certains contenus m’avaient paru pointer dans cette direction.