Le mariage raté du Vatican et de la science

Par le truchement de son Conseil pontifical pour la famille, le Vatican a tenté d’enrôler la science dans sa croisade contre le féminisme, la reconnaissance sociale des couples de même sexe et le concept de genre. Bien mal lui en a pris. Débouchant sur un paradoxe pour le moins cocasse, l’examen de ses sources s’avère instructif.

Dans sa préface à Gender. La controverse, publié en 2011 pour alimenter la polémique sur les manuels de SVT orchestrée par les milieux catholiques conservateurs [1], Monseigneur Tony Anatrella pose que la « théorie du genre » est un « agencement conceptuel qui n’a rien à voir avec la science », « à peine une opinion ». Parmi les textes qui forment ce recueil publié par le Conseil pontifical pour la famille, un organisme de la Curie romaine, c’est celui d’une certaine Jutta Burggraf qui a pour fonction de nous en convaincre en mettant en évidence les fondements biologiques du genre. Replaçons pour commencer ce texte dans le contexte de sa rédaction, important pour en mettre en perspective le contenu.

GENESE DU TEXTE

Aux origines

Tout commence avec la Conférence internationale sur la population et le développement des Nations Unies organisée au Caire en 1994. Le rapport adopté par la Conférence du Caire marque un tournant historique par son attaque frontale de l’assignation sociale des femmes aux fonctions de reproductrice et de mère. Il fait en effet de l’amélioration de la condition des femmes un objectif clé, et pose que l’atteinte de cet objectif passe par leur maîtrise de leur fécondité, le partage avec les hommes des charges domestiques (y compris celle de prendre soin des enfants), la lutte contre le mariage et la maternité précoces (minant leurs possibilités de faire des études et de travailler), et plus généralement la lutte contre les « rapports de force » qui les empêchent de s’épanouir dans la vie privée et la vie publique [2].

L’adoption de ce rapport est un drame pour Dale O’Leary [3], dont le militantisme pro-vie a fondé l’engagement explicitement antiféministe [4]. Convertie au catholicisme devenue membre de l’Opus Dei [5], conférencière autodidacte et « journaliste » free lance pour un magazine destiné à « la femme catholique authentique »[6] avant de devenir « chercheuse »[7] pour une association promouvant l’idée que l’homosexualité est un trouble d’origine psychosociale qui peut être soigné [8], elle a participé à la Conférence en tant que représentante du Family Research Council, un lobby américain ayant pour objet de « réaffirmer et promouvoir la cellule familiale traditionnelle et le système de valeurs judéo-chrétien sur lequel elle est bâtie »[9]. Dans un mini-pamphlet qu’elle diffuse alors dans les milieux catholiques, elle fustige la remise en cause féministe de l’assignation des femmes à leur fonction maternelle et de leur soumission au chef de famille, et dénonce au passage la « guerre ouverte contre la réalité » qu’elle croit lire dans l’analyse de Judith Butler des catégories de sexe comme construction sociale [10].

Invention de la « théorie du gender feminism »

Lors des travaux préparatoires de la Conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes organisée à Pékin en 1995, les grands principes fixés au Caire sont repris et développés en termes d’intégration d’une « perspective de genre » dans les programmes de l’ONU et les politiques nationales. Le terme « genre » est défini à cette occasion comme se référant aux relations entre hommes et femmes basées sur des rôles socialement définis que l’on assigne à l’un ou l’autre sexe. Dale O’Leary, qui participe à ces travaux, tire à nouveau la sonnette d’alarme : en intégrant cette vision promue par ce qu’elle baptise les « gender feminists », le document de consensus en cours de préparation dénie le fait que « Dieu nous a faits hommes et femmes, égaux et différents » et, horreur suprême, disqualifie « la maternité comme vocation première de la femme »; selon elle, les Nations Unies « ne devraient pas perdre leur temps et leur énergie à essayer de faire que les hommes soient comme les femmes, que l’homosexualité soit égale à l’hétérosexualité […]; si le genre est défini en termes de rôles socialement construits pouvant être changés, toutes les énergies que cette conférence aurait pu mobiliser pour l’amélioration de la condition des femmes sera dissipée dans la vaine tentative d’abolir le nature humaine »[11].

En septembre 1995, elle fait circuler au forum des ONG de la Conférence de Pékin un opus de 29 pages intitulé Gender: the deconstruction of women dans lequel elle développe ces idées et dénonce les stratégies langagières utilisées par le « gender feminism » : remplacement de femme par « genre », mais aussi invocation de la « liberté de choix reproductifs » et de la diversité des « styles de vie » pour promouvoir l’avortement, l’homosexualité, et la sexualité hors mariage [12]. C’est cette dénonciation qui est au cœur du projet du Conseil pontifical pour la famille, également représenté aux conférences du Caire et de Pékin, de produire le Lexique des termes ambigus et controversés sur la famille et les question éthiques. L’un des articles du Lexique, publié dès 1998 par Oscar Alzamora Revoredo (évêque marianiste péruvien présidant alors la Commission ad hoc pour la Femme), est d’ailleurs explicitement basé sur cet opus de Dale O’Leary. Son analyse de ce qu’il appelle la « théorie du gender feminism » y est révérencieusement synthétisée [13].

Entrée en scène de Jutta Burggraf

A l’orée des années 2000, le président du Conseil pontifical pour la famille (un cardinal colombien proche du pape et de l’Opus Dei [14]) demande à Jutta Burggraf de rédiger l’entrée « genre » du lexique en cours d’élaboration [15]. Se prévalant d’un doctorat en psychopédagogie, cette connaissance de Dale O’Leary [16] enseignant au département de théologie de l’Université de Navarre (une université pontificale fondée par le créateur de l’Opus Dei et gérée par cette organisation [17]) lui semble sans doute plus légitime que cette dernière pour rédiger cet article important.
L’enjeu est en effet d’importance, puisqu’il s’agit d’armer la résistance non seulement au féminisme, mais aussi à la progression de la reconnaissance sociale des couples de même sexe qui commence à préoccuper très sérieusement le Vatican [18] : ces deux mouvements concourent à remettre profondément en question la famille composée du chef de famille, de son épouse et de leurs enfants conçus grâce à leur bienheureuse attirance mutuelle, c’est-à-dire la cellule de base de la société selon Vatican II [19] (et non selon l’anthropologie, comme entendu ad nauseam).
Le texte commandé à Burggraf est publié pour la première fois en 2001, sous la forme d’un petit opus de la collection « Anthropologie » qu’elle dirige alors dans une maison d’édition costaricaine [20]. Après traduction et quelques retouches de détail, il est publié dans le Lexique avant d’être réédité tel quel dans Gender. La controverse.

LES GRANDES LIGNES DE L’ARGUMENTAIRE  DE BURGGRAF

Burggraf rappelle dès l’introduction ce qui est en jeu : ce qu’elle appelle « idéologie du genre »[21] entraîne « une mise en question radicale de la famille et de toute sa signification sociale au service de la société »[22]. Comme O’Leary et Alzamora Revoredo avant elle, Burggraf fait explicitement le lien entre cette « idéologie » et un déni de la vocation maternelle des femmes : « [Le genre] est conçu comme seul produit de la culture et peut, de ce fait, apparaître et disparaître au gré des sociétés, voire des individus. Certains affirment, par exemple, que l’amour maternel n’est pas inscrit dans la nature de la femme mais que ce sentiment est né dans un contexte culturel donné, et qu’il peut disparaître ou être détruit si la culture change. On est en fait en présence d’une nouvelle révolution culturelle. »[23] (on notera que dans la promotion laïcisée et idéologiquement neutralisée des idées exposées dans le Lexique, de même que l’antiféminisme a été gommé en remplaçant « théorie du gender feminism » par « théorie du gender », l’allusion anticommuniste à la « révolution culturelle » a été remplacée par la notion de « révolution anthropologique »).

Les grandes lignes de l’argumentaire de Burggraf sont simples. Selon elle, la (capacité de) gestation est à la source d’un « génie féminin », et le fait que les hommes sont extérieurs à celle-ci est à la source d’un « génie masculin »[24]. Or comme la nature fait bien les choses, ces génies sont complémentaires, et c’est justement cette complémentarité qui crée l’attirance hétérosexuelle : si « l’homme est “constitutivement” porté vers la femme, et la femme vers l’homme », explique Burggraf, c’est parce qu’ils « ont une expérience différente du monde, accomplissent les tâches de façon distincte, ressentent, formulent des projets et réagissent de manière inégale »[25]. Selon elle, la nature de la femme « favorise la rencontre interpersonnelle avec son entourage », ce qui peut se traduire par « une sensibilité délicate aux besoins et requêtes des autres », une « capacité à percevoir leurs conflits intérieurs, à les comprendre », « une capacité particulière à montrer son amour de façon concrète, et à développer l’ “éthique” de l’attention aux autres ». Du côté de l’homme, sa nature fait qu’il « observe une plus grande distance vis-à-vis de la vie concrète », ce qui peut se traduire par « une plus grande sérénité pour protéger la vie et assurer son avenir » et « faire de lui également un ami indéfectible, sûr et de confiance ». Puisque Burggraf se fait fort de montrer que tout cela a « un fondement solide dans la constitution biologique propre à chacun », voyons quels sont ses arguments scientifiques.

INVOCATION DU SEXE BIOLOGIQUE ET DE LA « SCIENCE MEDICALE »

Lorsqu’elle décrit les natures féminine et masculine dans les termes que nous venons de voir, Burggraf ne cite aucune référence, et a fortiori aucune référence à la littérature scientifique en psychologie. Il faut dire qu’elle aurait été bien en peine d’y trouver la confirmation de cette caractérisation assez… exotique, dirons-nous, des différences psychologiques supposées entre hommes et femmes.

Elle affirme dans un autre paragraphe que l’orientation sexuelle « a une base biologique ». Ici encore, elle ne cite rien à l’appui de cette assertion. Elle se contente d’indiquer que si « les chiffres varient selon les enquêtes, […] l’immense majorité des personnes humaines sont hétérosexuelles », citant en référence un essai intitulé « L’homosexualité comme maladie de l’apitoiement sur soi », écrit par un psychologue psychanalyste catholique militant qu’elle présente fallacieusement comme « psychiatre »[26].

Il est à noter, écrit-elle par ailleurs, que le sexe biologique a « une profonde influence sur l’organisme tout entier, de sorte que, par exemple, chaque cellule d’un corps féminin est distincte de chaque cellule d’un corps masculin ». Là, on commence à être dans le dur. C’est vrai que sauf cas particulier, chaque cellule d’un corps féminin contient deux chromosomes X alors que chaque cellule d’un corps masculin en contient un seul assorti d’un chromosome Y. Mais qu’est-ce qui permet de penser que cette différence intervient dans le développement de dispositions psychiques différentes ? Mystère : Burggraf ne pousse pas plus loin son argument.

C’est la phrase suivante qui condense l’intégralité des références scientifiques censées étayer l’opinion de Burggraf et ses collègues missionnés par le Conseil pontifical pour la famille : « La science médicale fait même état de différences structurelles et fonctionnelles entre un cerveau masculin et un féminin ». Cette mention est suivie de cinq références données en note de bas de page : le chapitre d’un manuel de neurosciences, et quatre articles publiés en 2000 dans des revues scientifiques [27]. Commençons par ces derniers.

QUATRE ARTICLES SCIENTIFIQUES PUBLIES EN 2000

Une étude tentant de cerner les différences anatomiques entre cerveaux féminins et masculins

Nopoulos et al (2000) rapporte les résultats d’une étude menée sur un échantillon de 42 femmes et 42 hommes. Les auteurs disent avoir trouvé que les cerveaux des hommes et des femmes étaient « très similaires » : même volume du cervelet, mêmes proportions globales de matières grise et blanche, et aucune différence dans les diverses mesures du cortex effectuées (surface totale, concavité/convexité, épaisseur, et rapport entre sa surface et le volume total du cerveau). Ils soulignent l’importance de leur résultat concernant le cervelet, contenant plus de la moitié des neurones du cerveau bien que contribuant à seulement 10% de son poids, indiquant qu’un nombre croissant d’études ont mis en évidence son implication dans diverses fonctions cognitives malgré la vision traditionnelle selon laquelle cette région est dédiée au contrôle moteur.

Ils ne rapportent que deux différences. La première concerne le volume total du cerveau : en phase avec de nombreuses autres études, ils l’ont trouvé en moyenne supérieur de près de 8% chez les hommes, la différence étant répartie de manière homogène dans les quatre lobes. Commentant ce résultat, les auteurs disent qu’il a été observé par plusieurs groupes de chercheurs une « modeste corrélation positive entre volume du cerveau et intelligence ». Toutefois, ils soulignent que dans la présente étude, l’intelligence des femmes et des hommes était identique, et que d’autres études montrent qu’il n’y a pas de relation directe évidente entre volume et intelligence (par exemple, le QI semble diminuer au delà d’un certain volume). Faisant une analogie avec les plus grands nez et oreilles des hommes qui ne semblent pas leur conférer d’avantage dans l’odorat ni dans l’ouïe, ils indiquent qu’il se peut bien que cette différence moyenne de volume du cerveau n’ait aucune conséquence fonctionnelle.

La seule autre différence qu’ils rapportent est la plus grande proportion de matière grise dans le lobe parietal droit chez les femmes. Cependant, ils indiquent eux-mêmes que plusieurs études menées par d’autres groupes ont abouti à des conclusions différentes : leur résultat obtenu sur un échantillon de taille modeste reste donc à confirmer. De plus, ils ne formulent aucune hypothèse quant à une éventuelle conséquence fonctionnelle de cette différence, et ne sont pas en mesure de dire ce qui la causerait le cas échéant (ils écrivent seulement, à titre d’hypothèse, que le chromosome X « pourrait être impliqué »).

En bref, cet article n’est pas du tout en mesure d’étayer par des faits scientifiquement établis la théorie de Burggraf selon laquelle les dispositions psychiques féminines et masculines dont elle suppose l’existence serait liées à des différences cérébrales déterminées par le sexe biologique.

Trois études suggérant que le fonctionnement cérébral des hommes est plus latéralisé

Davidson et al (2000) rapporte les résultats d’une étude menée sur un échantillon des 52 étudiantes et 52 étudiants de l’université de Vanderbilt. Les auteurs disent avoir trouvé (en comparant les données jugées exploitables de 37 des premières et de 45 des seconds sur un test, et de 44 des premières et 29 des seconds sur un autre) des différences moyennes entre eux dans les interactions entre la performance à une tâche requérant de l’attention soit dans le champ visuel droit, soit dans le gauche, lorsqu’il leur était demandé simultanément de se remémorer une lettre entraperçue à l’écran mais pas quand il s’agissait de se remémorer l’emplacement d’un point. Ils en concluent que le traitement du langage semble davantage latéralisé chez les hommes. Kansaku et al (2000) rapporte les résultats d’une étude d’imagerie cérébrale fonctionnelle menée sur 16 hommes et 14 femmes, auxquels il était demandé d’écouter une histoire. Les auteurs disent avoir trouvé que l’activation des lobes temporaux postérieurs tendait à être asymétrique chez les hommes (latéralisée vers la gauche) mais pas chez les femmes.

Ces deux études citées par Burggraf tendent à étayer l’hypothèse que le traitement du langage serait davantage latéralisé chez les hommes que chez les femmes. Malheureusement pour elle, cette hypothèse déjà controversée en 2000 a depuis été plutôt invalidée, sans doute définitivement [28]. Du reste, même si l’existence de subtiles différences moyennes entre hommes et femmes dans les patterns d’activation cérébrale liés au traitement du langage était finalement avérée, resterait d’une part à montrer que cela à des conséquences fonctionnelles, et d’autre part que ces différences sont causées par le sexe biologique et non par des différences de vécu.

Sadato et al (2000) rapporte les résultats d’une étude d’imagerie cérébrale fonctionnelle menée sur 7 hommes et 7 femmes, auxquels il était demandé d’effectuer une tâche de discrimination tactile. Sur la base d’une différence dans le degré de symétrie de l’activation du cortex dorsal prémoteur, cette étude « suggère », selon les auteurs, « que d’avantage d’interaction entre les deux hémisphères cérébraux […] est nécessaire chez les femmes que chez les hommes [durant ce type de tâche]. D’autres études de neuroimagerie fonctionnelle seraient nécessaires pour confirmer cette interprétation ». Un article scientifique faisant la revue de la littérature existant en neurosciences cognitives sur la perception tactile a été publié fin 2012. Dans le paragraphe consacré aux différences entre les sexes, les auteurs citent cette étude mais n’en signalent aucune réplication (que j’ai également cherchée en vain). Ils concluent ce paragraphe en indiquant que leur revue des recherches ayant adressé la question des différences entre les sexes dans le toucher « révèle qu’elle reste inexplorée, et que les rares études qui l’adressent ne semblent pas permettre de conclure à un effet systématique du sexe »[29].

En clair, Burggraf a ici instrumentalisé trois modestes études qui venaient alors d’être publiées et dont les résultats restaient à confirmer, et cette confirmation n’a pas eu lieu.

DENNIS D. KELLY in KANDEL et al. (2000)

Cette dernière référence (citée en premier par Burggraf) est le chapitre « Différenciation sexuelle du système nerveux » d’un célèbre manuel de neurosciences co-dirigé par un prix Nobel. Ca à l’air d’être du solide… sauf que je me demande si Burggraf s’est vraiment donné la peine de le lire. Je note en tout cas qu’en dix ans de traductions et rééditions successives de son texte, personne n’a remarqué que cette référence était erronée : si Dennis D. Kelly qu’elle cite est l’auteur de ce chapitre dans l’édition de 1991 (année de son décès), dans celle de 2000 il est signé par Roger A. Gorski. Considérons que c’est sur un état des connaissances récent qu’elle s’est basée. En tant que chercheur phare du domaine ayant consacré toute sa carrière depuis 1959 à la mise au jour de causes hormonales de la différenciation sexuelle du cerveau [30], nul doute que Gorski a mis en avant dans ce chapitre les arguments les plus probants en faveur de cette hypothèse de recherche concernant l’être humain. Qu’y trouve-t-on donc à l’appui de l’idée qu’il existe des « différences structurelles et fonctionnelles entre un cerveau masculin et un cerveau féminin », et que le sexe biologique y est pour quelque-chose ?

Des rats, des souris, des gerbilles, des oiseaux et des grenouilles

Après avoir exposé des données concernant la physiologie de la reproduction au sens strict (le contrôle neurohormonal de l’ovulation et un mécanisme neuromusculaire impliqué dans l’érection), Gorski explique tout d’abord que les chercheurs étudiant la différenciation sexuelle du cerveau ont mis en évidence :
– des différences entre les cerveaux des mâles et des femelles chez quelques espèces de rongeurs, grenouilles et oiseaux, mais non uniformes dans ces espèces;
– un lien entre des différences comportementales et des différences cérébrales dans ces espèces, mais parfois incertain, encore mal compris, ne concernant que certaines de ces différences cérébrales, et relatives à des comportements différant selon l’espèce considérée;
– un rôle des hormones gonadiques dans la formation de ces différences cérébrales, mais parfois incertain, encore mal compris, non uniforme dans ces espèces, et mis en évidence seulement pour certaines des différences cérébrales observées [31].
Je ne sais pas si vous vous sentez autorisés à en tirer une quelconque conclusion sur les mammifères en général, sur les primates, ou a fortiori sur l’être humain, mais en ce qui me concerne je m’en garderais bien. Gorski s’en garde d’ailleurs lui-même.

Des différences inexpliquées et plus qu’hypothétiques chez l’être humain

Concernant l’être humain, Gorski écrit que « compte tenu des modifications sensibles dans la structure corporelle, la personnalité et la sensibilité sexuelle qui se produisent durant la puberté, il est probable que des modifications structurelles dans le système nerveux central se produisent également durant cette période ». On note que Gorski n’ose même pas suggérer ici l’existence d’un lien de causalité entre hormones gonadiques et modifications du système nerveux à l’adolescence, et qu’il présente à raison celles-ci comme hypothétiques.

Il mentionne ensuite des différences de performances cognitives qu’il considère établies, à savoir une supériorité masculine dans les tâches visuospatiales et le raisonnement mathématique, et une supériorité féminine dans les tâches verbales. Cependant, il souligne qu’il existe un recouvrement important des performances des deux sexes qui ne diffèrent de manière statistiquement significative que sur de gros échantillons, et il ne met pas en lien ces différences de performances cognitives avec des différences cérébrales ni ne les décrit comme causées par une différence sexuelle biologique (et pour cause, la littérature scientifique ne permettant aucunement d’affirmer quoi que ce soit à ce sujet, malgré d’intenses recherches menées depuis de nombreuses années). Ces remarques ne relèvent donc en rien de la « science médicale » invoquée par Burggraf.

Il écrit par ailleurs que trois types d’intersexuation humaine utiles pour comprendre la différenciation des organes génitaux le sont « peut-être aussi » pour comprendre celle du cerveau [32]. Il souligne cependant que les données disponibles sur ces syndromes ne permettent pas d’explorer leur lien éventuel avec les différences cognitives venant d’être évoquées, ne sont pas en phase avec la théorie hormonale de la différenciation sexuelle du cerveau élaborée à partir du modèle rat, et « n’étayent pas clairement l’hypothèse d’un rôle des hormones dans la différenciation sexuelle des comportements dans le cerveau humain »[33].

Il écrit aussi que « le fonctionnement cérébral semble davantage latéralisé chez les hommes que chez les femmes », ce qui fut « observé pour la première fois » dans le domaine du langage. Il ne cite aucun autre domaine. C’est dommage, car si cette théorie concernant la latéralisation cérébrale est pour le moins controversée, elle a été dans ce domaine au moins plutôt invalidée, comme vu plus haut.

Il liste ensuite dans un tableau un certain nombre de différences structurelles entre les sexes suggérées par diverses études. Cependant, il les qualifie significativement de « putatives »[34], et souligne que « ces différences et leur signifiance fonctionnelle sont moins bien établies que chez les rongeurs », euphémisme s’il en est. Dans le texte qui accompagne cette table, il ne parle que de deux de ces différences, souvent citées comme étant les plus significatives et pouvant être mises en relation avec le comportement sexuel : deux noyaux de l’hypothalamus appelés SDN-POA et INAH-3 sont censés être plus gros chez les hommes que chez les femmes.

Deux amas de neurones de fonctions inconnues et de contours incertains

Les chercheurs qui ont identifié ces noyaux chez l’être humain tentaient de mettre au jour l’équivalent du SDN-POA découvert chez le rat (par Gorski, en 1978), dans l’espoir qu’il soit caractérisé par une différence entre les sexes comparable, et que celle-ci pourrait être mise en relation avec une détermination hormonale prénatale du genre et/ou de l’orientation sexuelle. Selon ces chercheurs, INAH-3 est l’un des deux sous-noyaux composant l’uncinate nucleus, et le SDN-POA correspond à ce qu’ils ont ensuite appelé INAH-1 ou à la réunion de INAH1 et INAH2 [35]. Il s’agit de petits amas de neurones de moins d’un demi-millimètre cube dont la taille est extrêmement variable selon les individus. De fonctions éventuelles inconnues et de contours flous, ils ne sont repérables et mesurables que post-mortem, lorsqu’on les trouve (ça n’est pas toujours le cas) [36].

Sur le premier, appelé SDN-POA, Gorski passe vite en soulignant que la différence entre les sexes « ne se développe cependant qu’après l’âge de 5 ans environ ». Il n’est pas étonnant qu’il n’insiste pas là-dessus. En effet, cette apparition à partir de 5 ans ne milite pas en faveur de la théorie de la différenciation sexuelle du cerveau sous l’effet des hormones, puisqu’elle est censée selon ses promoteurs intervenir in utero (avec un complément éventuel à l’adolescence). De plus, seule l’équipe de Dick Swaab a trouvé une différence entre les sexes dans la taille d’INAH-1, et seule l’équipe de Gorski a trouvé une différence entre les sexes dans la taille d’INAH-2, les trois autres équipes ayant examiné le sujet ayant rapporté une absence de différence [37]. Enfin, comme le soulignent deux chercheurs en neurosciences pourtant eux-mêmes très impliqués dans la recherche de causes hormonales de différences cérébrales et comportementales entre les sexes, « il est possible que les différences de vécu (les gens traitent les petites filles différemment des petits garçons) dans les premières années de la vie soient la cause d’un développement différent de ce noyau dans les deux sexes », et la différence observée entre les sexes « est beaucoup moins prononcée que chez le rat », ce qui est ici encore un euphémisme [38].

A propos d’INAH-3, Gorski dit seulement qu’il est plus gros chez les hommes que chez les femmes, ne citant que ses propres travaux à l’appui de cette affirmation. Que peut-on dire de plus ? En premier lieu, que l’éventuelle conséquence fonctionnelle de la variation de taille de ce noyau est tout aussi mystérieuse que pour INAH-1, et que comme pour ce dernier on ne sait absolument pas si la différence moyenne observée entre hommes et femmes est causée par le sexe biologique ou par une différence de vécu [39]. Ensuite, que les seuls chercheurs ayant à ce jour rapporté cette différence à part l’équipe de Gorski sont Simon Levay en 1991, l’équipe de William Byne en 2000, et celle de Dick Swaab en 2008, à chaque fois sur de très petits échantillons (de 22 à 33 cerveaux en tout), toujours post-mortem, et avec des résultats variables (la différence entre les sexes est par exemple deux fois plus faible dans l’étude de Byne que dans celle de Gorski) [40]. Sachant en outre que les équipes de Gorski, LeVay et Swaab ont mené ces études dans le cadre de la tentative de mise au jour d’une cause innée de détermination du genre et/ou de l’orientation sexuelle guidant leurs travaux de manière plus générale, que la définition du contour de ce noyau est entachée de subjectivité et que les chercheurs n’indiquent pas dans leurs articles qu’ils ignoraient le sexe des tissus qu’ils examinaient, ces données paraissent encore bien fragiles. Il est à prévoir qu’on doive attendre encore pas mal de temps pour avoir le fin mot de cette histoire, ce sujet de recherche qui a toutes les apparences d’une impasse ne semblant guère intéresser aujourd’hui d’autres neurobiologistes que Swaab et ses collaborateurs.

…et pour finir des gays et des trans

La mention des études de LeVay et de Swaab nous fournit un très bon enchaînement avec la suite (et fin) du texte de Gorski. Il faut en effet se rappeler d’une part que LeVay, homosexuel militant pour la reconnaissance des couples de même sexe, avait tenté par cet article de 1991 de montrer que l’homosexualité masculine a une base biologique (l’INAH-3 serait de taille similaire chez les gays et les femmes), et d’autre part que Swaab, lui aussi persuadé que l’homosexualité a une base biologique bien que promoteur d’une théorie différente, avait tenté quant à lui par cet article de 2008 de montrer que la volonté de changer de sexe a une base biologique (l’INAH-3 serait de taille similaire chez les trans MtF et les femmes « normales », et de taille similaire chez les trans FtM et les hommes « normaux ») [41]. C’est justement sur les études suggérant l’existence d’une base biologique à la transidentité et à l’homosexualité que Gorski termine son chapitre. L’identité de genre et l’orientation sexuelle étant les deux caractéristiques psycho-comportementales dans lesquelles hommes et femmes diffèrent le plus clairement, Gorski écrit que les recherches menées sur les individus atypiques dans ces domaines pourront « peut-être » aider à savoir si la différenciation sexuelle du cerveau est la cause de cette différence (il convient de souligner qu’il présente cette question comme restant ouverte). Il cite trois travaux de ce type.

Les premiers, menés par l’équipe de Swaab à nouveau, suggèrent qu’un autre noyau du cerveau est plus gros chez les hommes que chez les femmes, de taille identique chez les hommes hétéros et homos, et plus petit chez les trans MtF. Gorski souligne cependant que ces résultats sont à prendre avec précautions car obtenus sur l’étude de tissus post-mortem. Il convient de souligner surtout qu’ils ont été obtenues sur un échantillon de seulement 6 trans MtF, en outre après leur opération de changement de sexe, et trois échantillons d’une douzaine d’individus (femmes, hommes hétéros présumés, et hommes homos présumés), qu’ils n’ont à ce jour jamais été répliqués, et que Swaab a rapporté en 2002 que cette structure ne devenait plus grosse chez les hommes qu’à l’âge adulte, ce qui est difficilement réconciliable avec l’idée d’une détermination biologique de l’identité de genre liée à la taille de cette structure [42].

La seconde série de travaux citée ici par Gorski contient ceux de LeVay de 1991 sur l’INAH-3, des travaux de Swaab publiés en 1990 sur un autre noyau de l’hypothalamus (le noyau suprachiasmatique), et des travaux de Gorski publiés en 1992 sur une autre région (dans la commissure antérieure de l’hypothalamus). Je passe vite car Gorski souligne lui-même qu’ « il y a un recouvrement considérable » des distributions des tailles de ces régions entre les groupes considérés (homos, etc), et que ces résultats préliminaires sont à confirmer… ce qui reste vrai en 2013.

La troisième et dernière série de travaux cités par Gorski sont ceux qui suggèrent que l’homosexualité aurait une base génétique. Il en cite quatre : deux études de jumeaux publiées par Richard Pillard et J. Michael Bailey en 1991 et 1993, une étude de jumeaux publiée par Milton Diamond et collègues en 1993, et la fameuse étude de Dean Hamer de 1993 suggérant qu’une variante génétique située dans la région Xq28 du chromosome X prédisposerait à l’homosexualité masculine. Soulignons que les résultats de Hamer ont été infirmés par des études ultérieures, et que ni ces quatre études, ni d’autres n’ont à ce jour pu démontrer qu’il existait une base génétique à l’homosexualité [43]. Notons également au passage que Milton Diamond soutient l’hypothèse que la transidentité (qui se manifeste par la volonté de changer de sexe) a une cause biologique innée, et que comme Simon Levay, Richard Pillard est un gay cherchant à démontrer que l’homosexualité est innée, de même que Dean Hamer, militant pour le mariage entre personnes de même sexe lui-même marié à un homme [44]. Pour certaines personnes LGBT, les théories selon lesquelles l’identité de genre et l’orientation sexuelle sont déterminées par la constitution biologique de chacun sont en effet plébiscitées car elles permettent d’arguer que ce qu’elles sont et vivent n’est pas “contre-nature” et ne relève ni d’un choix, ni d’une pathologie mentale.

CONCLUSION

Comme on l’a vu, à l’exception de la différence moyenne de volume total du cerveau entre hommes et femmes, les références citées par Burggraf sont très loin d’étayer scientifiquement l’idée qu’il existe des différences cérébrales résultant de la « constitution biologique » propre à chaque sexe et que celles-ci causeraient les différences de dispositions psychiques dont elle ne fait que supposer l’existence. De plus, l’argumentaire développé dans sa principale référence, à savoir le texte de Roger Gorski développant l’hypothèse qu’il existe des différences cérébrales programmées in utero par le sexe biologique, s’avère être d’une grande fragilité. Ce texte est même émaillé d’éléments invitant au contraire à douter du bien-fondé de cette hypothèse, bien que Gorski en soit l’un des plus anciens et fervents promoteurs (ce qu’il est important d’avoir en tête et explique peut-être pourquoi son nom a été remplacé par celui de Dennis Kelly dans le texte de Bruggraf). Enfin, les maigres données que Gorski met en avant concernant les éventuels fondements biologiques du genre chez l’être humain ont quasiment toutes été produites par des chercheurs convaincus que l’homosexualité et/ou la transidentité ont une origine biologique innée, appuyant sur cette base la reconnaissance des couples de même sexe et/ou l’aide aux changements de sexe demandés par les trans. Or il se trouve que ces données sont (à mon avis à juste titre) balayées par Dale O’Leary, qui les juge invalides et pense (à mon avis à tort) qu’homosexualité et transidentité sont des troubles mentaux causés par des problèmes relationnels dans la petite enfance, et milite sur cette base contre la reconnaissance des couples de même sexe et l’aide aux changements de sexe [45].

En définitive, on constate donc que dans Gender. La controverse, Dale O’Leary et Roger Gorski sont convoqués contre l’introduction de la notion de genre au programme de SVT alors que leurs argumentaires « scientifiques » respectifs sont strictement incompatibles. C’est encore plus cocasse quand on songe que Luc Ferry, qui a quant à lui soutenu le projet d’ouverture du mariage aux couples de même sexe, a lui aussi invoqué les études de LeVay et de Hamer mais pour soutenir « l’enseignement du genre » en SVT (voir http://allodoxia.odilefillod.fr/2012/02/09/luc-ferry-biologie-du-genre/).

Comme c’est toujours le cas quand on regarde de près ce qu’invoquent les promoteurs de l’idée qu’hommes et femmes ont des prédispositions psychiques naturellement différentes, l’examen des références scientifiques citées dans ce livre révèle qu’elles ne tiennent pas la route ou n’étayent pas les propos à l’appui desquels elles sont données en référence. Pour paraphraser Monseigneur Anatrella, on peut dire que la théorie catholique du genre est « un agencement conceptuel qui n’a rien à voir avec la science », « à peine une opinion ».

Odile Fillod

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Notes

[1] Voir http://allodoxia.odilefillod.fr/2012/08/15/genre-svt/#note2.

[2] Voir le rapport en ligne disponible ici.

[3] O’Leary a développé sa vision de ce qui s’est joué au cours de la conférence du Caire de 1994 (et de celle de Pékin de 1995) dans son livre The Gender Agenda: Redefining Equality (Vital Issues Press, 1997). Pour un éclairage complémentaire, voir Yolande Pelchat, « La Conférence internationale sur la population et le développement du Caire : un parti pris pour les femmes ? », Recherches féministes, vol.8(1), 1995, p. 155-164, en ligne ici.

[4] Cf in Dale O’Leary, « Feminism », 1er juillet 1994, The Catholic Resource Network, en ligne ici (accédé le 12/04/2013), traduit par moi : « J’aimerais vous dire quelques mots sur comment j’en suis venue à m’intéresser à ce sujet. Il y a environ 15 ans, je me suis engagée dans le mouvement pro-vie. Nos opposants se définissent comme féministes et prétendent défendre les femmes. Je venais d’écrire une série d’articles sur les effets négatifs de l’avortement sur les femmes, et je croyais vraiment que les informations que j’avais révélées montreraient à ces féministes que l’avortement était terrible pour les femmes. Cependant, quand j’ai commencé à en débattre, j’ai découvert que mes informations n’avaient absolument aucun effet sur elles. […] Elles ne voulaient pas parler des effets de l’avortement sur les femmes. Elles ne voulaient pas parler du bébé. Elles voulaient parler de la libération des femmes. Je me suis demandé : « il y a quelque-chose qui m’échappe ? ». C’est ainsi que je me suis embarquée pour deux ans d’étude du féminisme, en essayent de comprendre d’où venaient ces femmes. J’ai découvert que je ne comprenais pas le féminisme. J’avais cru que le féminisme parlait d’égalité pour les femmes, d’égalité de traitement en droit, dans l’éducation, d’égalité des chances, de dignité et de respect. […] A ma grande surprise, j’ai découvert que cette philosophie féministe libérale – c’est-à-dire fondée sur l’égalité – avait été presque complètement supplantée par l’idéologie du féminisme radical. […] Vous avez probablement entendu parler de Simone de Beauvoir, Betty Friedan et Gloria Steinem, mais la véritable fondatrice du féminisme radical fut Shulamith Firestone. […] Elle a prôné la destruction de la famille, la libération sexuelle totale y compris concernant les relations sexuelles entre enfants et adultes et l’inceste, et la recherche d’une technique de remplacement de la grossesse. Firestone a appliqué la philosophie de Marx et d’Engels […] à la situation des femmes. […] Le féminisme est en guerre contre le “Patriarcat” – du mot Pater, père en grec. […] Les féministes veulent éliminer la famille patriarcale [fatherheaded] et toutes les institutions dans lesquelles les hommes acceptent la responsabilité de protéger les femmes et de pourvoir à leurs besoins. »

[5] Selon son interview dans Michael Clark, « Finding Meaning in Opus Dei », Catholic Way, en ligne ici, elle s’est convertie au catholicisme à l’âge adulte et est devenue membre de l’Opus Dei quelques années plus tard, en 1985. Elle dit y avoir trouvé la direction spirituelle qui lui manquait. Le bulletin de l’Opus Dei la décrit en 1990 comme « journaliste convertie au catholicisme » (Romana, n°10, juin 1990). Son parcours est typique du phénomène d’adhésion des convertis à une religion à ses franges les plus intégristes et militantes.

[6] Hearth: Journal of the Authentic Catholic Woman. Ce magazine n’existe plus sous cette forme : sa fondatrice l’a remplacé en 1998 par Canticle Magazine: The Voice of Today’s catholic Woman.

[7] Sur un site web de diffusion du discours du Vatican (voir http://www.zenit.org/en/about/2001), elle est régulièrement présentée comme « chercheur pour la Catholic Medical Association » (voir par exemple http://www.zenit.org/en/articles/dangers-of-same-sex-couples-adopting-children-part-1). Cependant, en réponse à une internaute lui demandant des informations sur la manière dont elle-même a conduit ses recherches primaires et sur la revue de celles-ci par des pairs (c’est-à-dire leur publication dans des revues scientifiques), O’Leary écrit : « Je me considère comme journaliste, et j’ai passé les 35 dernières années à mener des recherches secondaires sur les sujets sur lesquels j’écris. Je collabore aussi, en tant que nègre ou co-rédactrice [I also ghost write or co-write], avec des psychiatres qui relisent ce que j’écris. Mon livre The Gender Agenda a été largement diffusé et traduit en espagnol, italien et allemand. […] J’ai participé à diverses conférences des Nations Unies et ai pu constater par moi-même comment la notion de genre était en train d’être utilisée. J’ai été la première à signaler les risques aux groupes pro-famille. » (http://daleoleary.wordpress.com/2013/01/10/gender-theory/#comment-498, 16 mars 2013, traduit par moi). Dans cet article de son blog intitulé « Gender Theory », O’Leary affirme qu’il a été montré que les études scientifiques sur lesquelles prétendent s’appuyer les « théories du genre » ont été invalidées où n’étayent pas ce qu’elles prétendent, ne donnant ici aucune référence à l’appui de son assertion.

[8] La National Association for Research and Therapy of Homosexuality. On peut consulter une sélection des contributions de Dale O’Leary à la production de la NARTH sur http://fathersforlife.org/dale/index.html ou encore http://narth.com/docs/notflattery.html. Dans un article qu’elle a publié en décembre 2012 sur un autre site catholique, elle affirme que l’attirance homosexuelle fait souvent suite à un trouble précoce de l’identité de genre, et qu’il a été montré que ce trouble était lié à un déficit d’attachement sécurisé dans la petite enfance. Elle explique que si le trouble est identifié suffisamment tôt, il peut être corrigé et par conséquent l’attirance homosexuelle en découlant. Selon elle, il est possible de corriger cette attirance même à l’âge adulte, bien que ça soit plus difficile pour les hommes que pour les femmes « car ils sont plus susceptibles de devenir accros à certaines pratiques sexuelles, en particulier la masturbation associée à des fantasmes. Ce comportement met en place des patterns cérébraux qu’il est extrêmement difficile de surmonter, mais ça n’est pas impossible. » (source : http://www.crisismagazine.com/2012/the-defense-of-marriage-requires-honesty-about-homosexuality, accédé le 24/04/2013, traduit par moi).

[9] Cf http://nccsweb.urban.org/PubApps/showVals.php?ein=521792772. Sur le lien entre O’Leary et le Family Research Council, voir Anick Druelle, juin 2000, La présence des groupes de droite anti-féministes aux Nations Unies, Rapport de l’Institut de recherches et d’études féministes de l’Université du Québec à Montréal en ligne ici. L’auteure y souligne l’intensification depuis 1994 du lobbying exercé auprès des Nations Unies par des groupes antiféministes liés notamment au Vatican et à des représentants religieux catholiques.

[10] Cf in O’Leary, 1994 (op. cit.), traduit par moi : « Être d’accord pour dire que les femmes ont souffert n’oblige pas à être d’accord avec l’analyse féministe de ce qui cause cette souffrance et de ce qu’on devrait faire à ce sujet. Le problème est que la souffrance génère de l’amertume et de l’envie. […] L’envie est un péché grave car quand nous envions, nous mettons en question la parfaite sagesse du plan de Dieu pour nos vies; nous pensons qu’Il nous a refusé des bontés auxquelles nous avons droit, particulièrement si nous, en tant que femmes, envions les hommes, ou disons, Dieu nous en garde, “j’aurais aimé être née homme”. Dieu nous a faits homme et femme. […] Par conséquent, si vous avez un jour dit “je voudrais être un homme”, repentez-vous et demandez à Dieu la grâce d’accepter le don de votre féminitude. […] Deuxièmement, nous devons nous repentir de toute amertume, ressentiment et rancune. Nous devons pardonner tous ceux qui nous ont blessé. […] Les femmes, en particulier, doivent pardonner les hommes qui les ont blessées, les frères, les cousins, les petits-amis, les maris, les fils, les professeurs, les employés, tous ceux qui les ont blessées. […] Toute paternité, toute famille est enracinée dans la paternité de Dieu, comme le Saint-Père l’a souligné dans Mulieris Dignitatem et dans sa récente lettre aux familles. La paternité, ce sont les hommes sacrifiant leurs vies pour les femmes et les enfants. Cette société ne souffre pas d’un excès de paternité, elle souffre d’un manque de paternité. Le mal ne vient pas de l’exercice de la paternité par les hommes, mais de leur incapacité à agir comme de vrais pères le cas échéant. L’analyse féministe est un non-sens. Les femmes n’iront pas mieux quand il n’y aura plus de famille. […] Dès le départ les buts du féminisme étaient clairs : destruction du patriarcat; contrôle de la reproduction y compris contraception, avortement, et technologies de la reproduction; destruction de la famille patriarcale [fatherheaded] avec le divorce et la normalisation de la conception hors mariage; toutes les femmes au travail, pas d’homme capable de subvenir aux besoins de sa famille, et la crèche gratuite 24 heures sur 24; destruction de toutes les institutions réservées aux hommes; libération sexuelle totale, y compris sexualité pour les enfants, homosexualité, et bisexualité; destruction du culte de Dieu en tant que père. De 1970 à aujourd’hui, le mouvement féministe a travaillé à l’atteinte de ces buts. Les féministes radicales sont fermement ancrées dans les universités, dans les médias, et maintenant au gouvernement. […] Une étudiante désorientée de Salve Regina m’a donné ce livre, Gender trouble: feminism and the subversion of identity [NB : publié en 1990 au Etats-Unis, en 2005 en France]. Il est également utilisé à l’université de Brown. Bien qu’écrit dans un langage déconstruit quasi-indéchiffrable, une fois qu’on a appris à le lire on découvre que ce livre enseigne que les catégories de sexe sont des constructions sociales conçues par les hommes pour opprimer les femmes, et que nous devons nous débarrasser d’eux et de l’hétérosexualité obligatoire. En d’autre termes, ils enseignent à nos enfants que les hommes ont fabriqué l’idée que l’humanité est divisée en mâles/hommes et femelles/femmes. Ce qu’ils veulent déconstruire c’est l’identité sexuelle. Ils veulent le choix ultime : choisir s’ils sont homme, femme, ou autre chose, ou rien en particulier. Il s’agit d’une véritable guerre ouverte contre la réalité et son Créateur. […] On ne peut pas lire la bible avec des ciseaux féministes; on doit la lire en tant que parole de Dieu. […] Prenez par exemple la question de la soumission, “les épouses se soumettent à leurs maris”. […] Ceci n’implique pas l’infériorité, mais l’ordre. J’ai débattu avec des féministes à ce sujet. Pourquoi, demandent-elles, les femmes devraient-elles se soumettre ? Je leur réponds : considérez les autres possibilités; si la famille n’avait pas de chef, il en résulterait de la confusion et des intentions contraires, deux personnes ne peuvent résoudre les choses par un vote. […] Bien, rétorquent mes opposantes féministes, mais pourquoi devrait-ce être l’homme ? Certaines femmes ne sont-elles pas davantage capables que leurs maris ? C’est vrai, certaines femmes sont davantage capables de leadership que leurs maris. Mais on ne donne pas aux hommes la direction de la famille parce qu’ils l’ont méritée : c’est leur mission. […] De plus, tout chrétien doit se soumettre – se placer sous – quelqu’un d’autre. Sous qui les femmes mariées se placeraient-elles : le mari d’une autre, ou bien une autre femme ? Les alternatives sont terribles. L’autorité [de l’homme dans la famille] est remise en cause par ce qu’il en a été abusé. Ce sont ces abus qui doivent être attaqués. […] La vraie autorité vient de l’obéissance à ceux que Dieu a placé au-dessus de nous, et tout pouvoir d’autorité vient ultimement de Dieu. […] Une femme doit se soumettre, parce qu’elle a besoin d’une source pour sa propre autorité, elle a besoin de faire partie de la chaîne de commandement. Une femme dit à ses enfants : “faites-le car votre père le dit.” Elle dit au plombier : “faites-le bien car mon mari est très pointilleux”. Elle n’est pas seule, elle a de l’autorité. Elle se tient en dessous, et a donc derrière elle quelqu’un qui appuie sa parole et la protège. Pour l’épouse dans son foyer, il n’y a d’autre source d’autorité que son mari. […] Pour les féministes, la libération consiste à se libérer de la contrainte d’être à l’image de Dieu, la rébellion ultime. Nous devons répondre à cela par l’acceptation de la vraie vocation humaine à vivre comme images de Dieu notre père. […] Tous les êtres humains sont à l’image de Dieu, sa paternité inclut la paternité et la maternité humaines. Mais les femmes sont appelées à être un symbole de l’Eglise d’une façon particulière, en tant que vierges, épouses et mères. Voilà pourquoi le mouvement marianiste est si important de nos jours, car c’est là qu’est la réponse : Marie la femme parfaite, Marie un symbole dans les cieux, Marie la toujours vierge, Mère de Dieu, Mère de l’Eglise. […] La vierge est un symbole eschatologique – elle est la femme attendant son mari, restant pure pour lui, comme l’Eglise attend la venue du Christ. […] La mère dans son foyer est une image de l’Eglise. […] Elle lave l’enfant, le nourrit, confirme sa vocation, lui pardonne ses péchés, guérit ses blessures. Les femmes sont le symbole constant et quotidien de l’église. »

[11] Dans Dale O’Leary, 1995, « Communication on the Draft Platform for Action for the Fourth World Conference on Women », The Catholic Resource Network, en ligne ici (accédé le 12/04/2013).

[12] Sources : Sally Baden, Anne Marie Goetz, 1997, Who needs [sex] when you can have [gender]?, Feminist Review, vol.56, p.3-25 et p.570 dans Oscar Alzamora Revoredo, « Dangers et portée de l’idéologie du genre » in Conseil Pontifical pour la Famille, Lexique des termes ambigus et controversés sur la famille, la vie et les questions éthiques, éd. Téqui, 2005.

[13] In Oscar Alzamora Revoredo, « La ideologia de genero : sous peligros y alcances », avril 1998. La traduction de ce texte figure dans le Lexique sous le titre « Dangers et portée de l’idéologie du genre ». Il a été « publié en avril 1998 à partir du rapport La Déconstruction de la femme, de Dale O’Leary » (Lexique, 2005, p.23). Extraits choisis : « Apparemment, ce gender feminism a été fortement représenté au sommet de Pékin. C’est ce qu’affirme Dale O’Leary, auteur de nombreux essais sur la femme et qui était elle aussi présente à la Conférence de Pékin. Elle assure que durant toutes les journées de travail, ces femmes qui se sont identifiées comme féministes ont défendu avec insistance l’introduction de l’expression perspective de genre dans les textes, ainsi que la définition de genre comme “rôles socialement construits” et l’utilisation du terme genre pour remplacer le mot femme ou les termes masculin et féminin. […] Pour Dale O’Leary, la théorie du gender feminism repose sur une interprétation néo-marxiste de l’histoire. […] Après avoir détaillé cet “agenda féministe” particulier, Dale O’Leary met en évidence le fait que l’objectif de chaque point de ce programme ne consiste pas à améliorer la situation de la femme, mais à séparer la femme de l’homme et à empêcher l’identification de ses intérêts avec ceux de sa famille. […] Pour ceux qui ont une vision marxiste des différences de classe comme cause des problèmes, note O’Leary, différent veut toujours dire “inégal” et inégal signifie toujours “oppresseur”. Dans ce sens, les “féministes du genre” considèrent que lorsque la femme s’occupe de ses enfants chez elle et que l’époux travaille à l’extérieur, les responsabilités sont différentes et par conséquent non égales. […] De plus les “féministes du genre” insistent sur la déconstruction de la famille non seulement parce que, selon elles, la famille rend l’épouse esclave, mais parce qu’elle conditionne socialement les enfants de telle sorte qu’ils acceptent la famille, le mariage et la maternité comme quelque chose de naturel. […] Il est clair que pour les défenseur du genre les responsabilités de la femme dans la famille sont supposées être un obstacle à la réalisation de la femme. Le cadre privé est considéré comme secondaire et moins important; la famille et le travail de la maison sont un “poids” qui a des retombées négatives sur les “projets professionnels” de la femme.[…] Le pape Jean-Paul II, pour sa part, bien avant la Conférence de Pékin, avait signalé avec insistance l’étroite relation qui existe entre la femme et la famille. […] “Aucune réponse aux questions concernant la femme ne peut être donnée sans tenir compte de la place de la femme dans la famille (…) Pour respecter cet ordre naturel, il est nécessaire de s’opposer à la conception erronée selon laquelle la fonction maternelle est une oppression pour la femme“. Malheureusement, la position du Conseil de l’Europe pour la Plate-forme d’Action de Pékin est restée complètement étrangère aux orientations du Saint-Père. »

[14] Alfonso Lopez Trujillo a été président du Conseil pontifical pour la famille de 1990 à sa mort en 2008. Cité parmi les plus éminents « amis » ou membres de l’Opus Dei par diverses sources, il a en tout cas participé concrètement à la diffusion de la pensée exprimée dans Camino, le livre du fondateur de l’Opus Dei dont il dit que sa lecture l’a « vivement touché » lorsqu’il était jeune séminariste et qu’il considère comme « l’un des textes les plus importants du riche patrimoine culturel de l’église » (cf http://www.leercamino.org/han_escrito_sobre_camino27.php, ainsi que le bulletin de l’Opus Dei Romana, n°34, juin 2002, en ligne ici). Cet archevêque colombien fait cardinal par Jean-Paul II s’est distingué par son engagement en faveur de positions très conservatrices en matière de sexualité et de reproduction : il a milité activement non seulement contre la contraception, l’avortement et la reconnaissance des couples homosexuels, mais aussi contre la FIV (il menaçait d’excommunication les catholiques y ayant recours) et l’usage du préservatif y compris par les personnes infectées par le VIH.

[15] Selon Helena Ospina, rapportant le récit que lui en a fait Burggraf dans sa communication lors du premier « Congrès international d’idéologie du genre » organisé par l’Université de Navarre en février 2011 (cf Ospina, « El aporte de Jutta Burggraf a la categoría de género », I Congreso international de ideologia de genero, 9-11 février 2011, en ligne sur http://www.unav.es/congreso/ideologiadegenero/files/file/Helenaospina.doc). L’article du lexique rédigé par Jutta Burggraf est l’article « Genere », in Pontifico Consiglio per la Famiglia, Lexicon : termini ambigui e discussi su famiglia, vita e questioni etiche, EDB, 2003, p.421-429. Sa version française a été publiée dans Jutta Burggraf, « “Genre” (“Gender”) », in Conseil Pontifical pour la Famille, Lexique des termes ambigus et controversés sur la famille, la vie et les questions éthiques, ed. Téqui, 2005, p. 575-584.

[16] O’Leary et Burggraf ont toutes deux participé en 1990 à un cycle de conférences dont l’Opus Dei a fait la publicité dans son bulletin : cf Romana, n°10, juin 1990, en ligne ici.

[17] Après son doctorat en psychopédagogie obtenu en 1979, Jutta Burggraf s’est rapidement consacrée à la théologie. Son doctorat en théologie obtenu en 1984, elle a passé la plus grande partie de sa carrière, jusqu’à son décès en novembre 2010, au département de théologie dogmatique de l’Université de Navarre dans lequel elle avait obtenu son doctorat (elle y était notamment spécialiste de « théologie de la femme » et de mariologie). Cf http://opusdeitoday.org/2010/11/jutta-burggraff/. Sur le lien entre l’Université de Navarre et l’Opus Dei, voir par exemple ce que l’Opus Dei en dit lui-même sur http://www.fr.josemariaescriva.info/article/l92universite-de-navarre.

[18] Les premières lois instituant une forme de reconnaissance juridique des unions entre personnes de même sexe (que ce soit via la création d’un partenariat enregistré ou l’inclusion des couples homosexuels dans la définition juridique du concubinage) ont été votées dans des pays où le catholicisme est historiquement (très) minoritaire : d’abord en 1989 au Danemark, puis en 1993 en Norvège, 1994 en Suède, 1996 en Islande et en Hongrie, 1997 au Pays-Bas, et 1999 en République tchèque. La menace de contagion à des pays dans lesquels l’Eglise catholique pouvait espérer fonder une résistance efficace s’est concrétisée notamment en février 1994 avec le vote par le Parlement européen de la Résolution sur l’égalité des droits des homosexuels et des lesbiennes dans la Communauté Européenne, en octobre 1997 avec la signature du traité d’Amsterdam autorisant le Conseil de l’Europe à « prendre les mesures nécessaires en vue de combattre toute discrimination fondée sur […] l’orientation sexuelle » (art.13), et en 2000 avec l’adoption par le Parlement européen du Rapport annuel sur le respect des droits humains dans l’Union européenne (1998-1999) demandant aux États membres de garantir « aux couples de même sexe l’égalité de droits par rapport aux couples et aux familles traditionnels ». Avec le vote de la loi sur le pacs en 1999, la France fut le premier pays de culture catholique majoritaire à avoir institué une reconnaissance juridique des couples homosexuels, malgré l’intense lobbying des milieux catholiques ayant alors pour deux principales figures de proue le prêtre Tony Anatrella, autoproclamé « psychanalyste et spécialiste de psychiatrie sociale », consulteur du Conseil pontifical pour la famille dont l’ « expertise » s’est répandue sous la forme de pas moins de sept livres publiés chez Flammarion entre 1993 à 2004, et Christine Boutin, également consulteur du Conseil pontifical pour la famille depuis 1995, fondatrice en 2001 du Forum des républicains sociaux devenu le Parti chrétien-démocrate. En 2003, la même année que le Lexicon (version originale du Lexique publié en France en 2005), le Vatican a publié de très explicites « Considérations à propos des projets de reconnaissance juridique des unions entre personnes homosexuelles » (en ligne ici), rédigées au nom de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi par Josef Ratzinger, futur pape Benoît XVI. Dans ce document qui a servi de base à l’article du Lexicon rédigé par Tony Anatrella réitérant l’hostilité de l’Eglise catholique à la reconnaissance sociale des unions entre personnes de même sexe, « phénomène moral et social inquiétant », l’objectif est clairement affiché de mettre à disposition des évêques un argumentaire pour intervenir afin de protéger et promouvoir « la dignité du mariage », et « d’éclairer l’action des hommes politiques catholiques » en leur donnant « les lignes de conduite conformes à la conscience chrétienne quand ils seront confrontés à des projets de loi concernant ce problème ». Comme en Italie, où la disparition du parti Démocratie chrétienne l’a amenée à renforcer ses voies indirectes d’action sur le débat démocratique (voir à ce sujet les travaux de Sara Garbagnoli), l’Eglise catholique joue en France depuis une vingtaine d’années un rôle clé dans l’organisation de la résistance à la reconnaissance juridique des couples de même sexe et de l’homoparentalité.

[19] Dans le contexte de l’émergence des mouvements de libération des moeurs et des femmes dans les années 1960, la famille a été définie par Vatican II comme étant la « cellule première et vitale de la société ». Cf Concile Vatican II, Décret sur l’apostolat des laïcs Apostolicam Actuositatem, 18 novembre 1965, paragraphe 11, en ligne ici.

[20] Jutta Burggraf, ¿Qué quiere decir género? En torno a un nuevo modo de hablar, 2001, Promesa (Costa Rica).

[21] Burggraf parle tantôt d’ « idéologie du genre », d’« idéologie du gender » pour insister sur son origine présumée étasunienne, ou d’« idéologie féministe du gender » pour dénoncer le « féminisme radical » qui lui a donné naissance dans les années 1960. Pour Burggraf comme pour O’Leary, le livre Gender trouble de Judith Butler est l’ « une des œuvres clés qui présentent l’idéologie du genre » (Burggraf, 2001, op. cit.).

[22] Jutta Burggraf, « “Genre” (“Gender”) », in Conseil Pontifical pour la Famille, Lexique des termes ambigus et controversés sur la famille, la vie et les questions éthiques, ed. Téqui, 2005, p. 575.

[23] Ibidem.

[24] Cf Burggraf (op. cit., 2005, p.581, repris dans Gender. La controverse) : « [le “génie de la femme”] représente une attitude fondamentale liée à la constitution physique de la femme et qui se voit favorisée par celle-ci. En effet, il ne semble pas absurde de supposer que la relation intense de la femme à la vie peut générer en elle des dispositions particulières. De même que, pendant la grossesse, la femme expérimente une proximité unique avec un nouvel être humain, de même sa nature favorise la rencontre interpersonnelle avec son entourage. Le “génie de la femme” peut se traduire par une sensibilité délicate aux besoins et requêtes des autres, par sa capacité à percevoir leurs conflits intérieurs, à les comprendre. On peut l’identifier à une capacité particulière à montrer son amour de façon concrète, et à développer l’ “éthique” de l’attention aux autres. Là où il a un “génie féminin” doit exister aussi un “génie masculin”, un talent spécifique à l’homme. De par sa nature, celui-ci observe une plus grande distance vis-à-vis de la vie concrète. Il reste toujours “à l’extérieur” du processus de la gestation et de la naissance, et ne peut y participer qu’à travers sa femme. C’est justement cette distance qui peut favoriser chez lui une plus grande sérénité pour protéger la vie et assurer son avenir, l’amener à être véritablement un père, pas seulement dans la dimension physique, mais également spirituellement. Faire de lui également un ami indéfectible, sûr et de confiance. ».

[25] Cf Burggraf (op. cit., 2005, p.580, repris dans Gender. La controverse) : « On ne pourra sans doute jamais déterminer avec une exactitude scientifique ce qui est “typiquement masculin” ou “typiquement féminin” […]. Mais le fait que les hommes et les femmes ont une expérience différente du monde, accomplissent les tâches de façon distincte, ressentent, formulent des projets et réagissent de manière inégale, a un fondement solide dans la constitution biologique propre à chacun. […] Homme et femme sont dotés de la même nature humaine, bien que de manière différente. C’est pourquoi l’homme est “constitutivement” porté vers la femme, et la femme vers l’homme. »

[26] Burggraf écrit « Cf par exemple les études du psychiatre Gerard J.-M. van den Aardweg […] (Original anglais Homosexuality as a disease of self-pity) ». Selon la notice wikipedia qui lui est consacrée, van den Aardweg est psychologue et psychanalyste, a écrit plusieurs articles dans des revues catholiques, et a enseigné la psychothérapie à l’Université catholique pontificale de Campinas. Voir également sa fiche auteur sur le site du magazine Crisis (sous-titré « Une Voix pour les Fidèles Laïcs Catholiques »), où il est décrit comme psychothérapeute exerçant dans le privé. Son travail dans le domaine de la parapsychologie, ses nombreux écrits « pro-vie et pro-famille » et ses sept enfants et dix-sept petits-enfants y sont mis en avant (http://www.crisismagazine.com/author/aardweg, accédé le 25/04/2013).

[27] Burggraf dans Gender. la controverse (2011), p.33-34, note de bas de page : « Cf. Dennis D. KELLY : “Sexual Differentiation of the Nervous System”, dans : Principles of Neural Science, éd. par Eric R. KANDEL, James H. SCHWARTZ, Thomas M. JESSELL, 4è. éd. (Ed. Appleton and Lange), Norwalk, Connecticut 2000, pp.1131-1149. P. NOPOULOS, M. FLAUM, D. O’LEARY, N.C. ANDREASEN : “Sexual dimorphism in the human brain: evaluation of tissue volume, tissue composition and surface anatomy using magnetic resonance imaging”, dans Psychiatry Res. (2000/2), pp.1-13. H. DAVIDSON, K.R. CAVE, D. SELLNER : “Differences in visual attention and task interference between males and females reflect differences in brain laterality”, dans Neuropsychologia (2000/4), pp. 508-514. N. SADATO, V. IBANEZ, M.P. DEIBER, M. HALLETT : “Gender difference in premotor activity during active tactile discrimination”, dans Neuroimage (2000/5), pp.532-540. K. KANSAKU, A. YAMAURA, S. KITAZAWA : “Sex differences in lateralization revealed in the posterior language areas”, dans Cereb Cortex (2000/9), pp.866-872. ». Cette liste de références est identique à celle qui figure en note de bas de page du texte initial de Burggraf, étayant le texte suivant : « Conviene considerar el hecho de que estas bases biológicas intervienen profundamente en todo el organismo, de modo que, por ejemplo, cada célula de un cuerpo femenino es distinta a cada célula de un cuerpo masculino. La ciencia médica indica incluso diferencias estructurales y funcionales entre un cerebro masculino y otro femenino [14]. » (Burggraf, 2001, op. cit. p.16).

[28] Voir Iris SOMMER, André ALEMAN, Anke BOUMA, René KAHN, 2004, Do women really have more bilateral language representation than men? A meta-analysis of functional imaging studies, Brain, vol.127, p.1845-1852; Mikkel WALLENTIN, 2009, Putative sex differences in verbal abilities and language cortex: A critical review, Brain and Language, vol.108(3), p.175-183; Anelis KAISER, Sven HALLER, Sigrid SCHMITZ, Cordula NITSCH, 2009, On sex/gender related similarities and differences in fMRI language research, Brain Research Reviews, vol.61, p.49–59. Kansaku et al. ont critiqué la méta-analyse de Sommer et al. publiée en 2004. Ces derniers leur ont répondu de manière convaincante dans Iris SOMMER, André ALEMAN, René S. KAHN, 2005, Size does count: a reply to Kitazawa and Kansaku, Brain, vol.128(5), p.E31.

[29] Cf Alexandra M. Fernandes, Pedro B. Albuquerque, 2012, Tactual perception: a review of experimental variables and procedures, Cognitive Processing, vol. 13(4), p. 285-301 (p.291).

[30] Chez le rat principalement, sur lequel il a publié des dizaines d’articles scientifiques, mais également chez l’être humain. Gorski a fait dans les années 1959-1960 un (post-)doctorat au département d’anatomie de la faculté de médecine de la University of California, Los Angeles (UCLA) sous la direction de Charles A. Barraclough, pionnier de la neuroendocrinologie spécialisé dans l’étude de la physiologie de la reproduction chez le rat. S’il a fait dès 1961 avec ce dernier une publication remarquée (Barraclough C., Gorski R.A., Evidence that hypothalamus is responsible for androgen-induced sterility in female rat, Endocrinology, vol.68(1), p.68-79), il est surtout connu pour la découverte en 1978 d’un noyau de l’hypothalamus cinq fois plus grand chez les mâles que chez les femelles rats, qu’il a baptisé « Noyau sexuellement dimorphique de l’aire préoptique » (SDN-POA) et dont il a fait son modèle d’étude de la différenciation sexuelle du cerveau sous l’effet des hormones gonadiques. Gorski a laissé en 2001 à Arthur Arnold la direction scientifique du Laboratoire de Neuroendocrinologie de l’UCLA, où il a fait toute sa carrière et où il reste professeur émérite. Ce laboratoire est entièrement dédié à l’étude des processus hormono-dépendants de différenciation sexuelle structurelle et fonctionnelle du cerveau (cf http://faculty.neuroscience.ucla.edu/institution/personnel?personnel_id=45954).

[31] Plus précisément, il expose ce qui suit : 1. Bien que les rates normales montent occasionnellement des congénères et que les rats normaux se mettent occasionnellement en lordose (la position permettant de se laisser monter par un congénère), la fréquence de ces comportements sexuels diffère en moyenne entre mâles et femelles rats, et cela a pu être mis en relation avec la différenciation précoce, contrôlée par la testostérone, d’un noyau de l’aire préoptique de l’hypothalamus; 2. Diverses autres différences entre les sexes on été recensées dans le cerveau du rat, pour nombre d’entre elles sans qu’on sache si elles se forment sous l’effet des hormones sexuelles; on ne sait d’ailleurs pas non plus quelles conséquences fonctionnelles elles ont éventuellement, et Gorski s’abstient de suggérer la moindre correspondance entre ces différences dans le système nerveux central et telle ou telle différence comportementale entre rats mâles et femelles; 3. Un effet des œstrogènes a été constaté in vitro dans une culture de cellules d’hypothalamus de nouveau-né souris, et un traitement anti-œstrogénique précoce inhibe l’ovulation et la lordose chez les rates sans pour autant augmenter leurs comportements sexuels « masculins »; ces constats ont jeté un doute sur la théorie selon laquelle seule la testostérone interviendrait dans la différenciation sexuelle du cerveau du rat (en « masculinisant » le cerveau des mâles), amenant l’hypothèse que les œstrogènes interviendraient également en « féminisant » le cerveau des femelles (Gorski ne tranche pas entre ces deux théories); 4. La testostérone induit des modification structurelles du cerveau à l’âge adulte dans le système de contrôle du chant chez les oiseaux mâles. 5. Le cycle ovarien est lié à des modification structurelles dans une région de l’hippocampe chez le rat, sans qu’un lien soit établi avec une conséquence fonctionnelle particulière; 6. Des différences cérébrales anatomiques entre les sexes qui « semblent liées » à la vocalisation ont été signalée chez une espèce de grenouille; 7. Des différences anatomiques entre les sexes dans l’aire préoptique de l’hypothalamus qui « pourraient avoir un rôle dans le comportement de marquage du territoire » ont été mises en évidence chez la gerbille (un rongeur); 8. Une différence a été relevée entre mâle et femelle rat dans la taille d’un autre noyau de l’hypothalamus, plus gros chez la femelle, qui « semble due » à une action de la testostérone chez le mâle, et ce noyau « pourrait participer à la régulation de la sécrétion cyclique de LHRH » (qui provoque le cycle menstruel).

[32] Cf p.1134. Dans la table 57-1 p.1135, il indique que le syndrome d’insensibilité aux androgènes est associé à une « identité psychosexuelle » féminine, le syndrome du déficit en 5-alpha-reductase à une identité « féminine ou masculine », et l’hyperplasie congénitale des surrénale à une identité « féminine avec certains signes de masculinisation ». Si l’identité de genre des personnes touchées par ces syndromes peut facilement être mise en relation avec leur apparence corporelle (dans le premier cas les personnes ont une apparence parfaitement féminine et n’apprennent généralement qu’elles ont un caryotype mâle que lorsqu’elles consultent pour stérilité, dans le second elles ressemblent plutôt à des filles à la naissance mais se virilisent à l’adolescence, et dans le troisième elles ont des organes génitaux ambigus à la naissance), aucun lien n’a jamais pu être établi entre les degrés de « masculinité » et « féminité » psychiques de ces personnes et les anomalies hormonales dont elles sont porteuses, ce que Gorski reconnaît lui-même (voir note suivante).

[33] Cf p.1142-1143, souligné par moi : « Genetic males with the androgen insensitivity syndrome (Table 57-1) are psychosexually female. These “women” develop feminine phenotypes at puberty because of their testicular activity and the aromatization of testosterone. Their feminine psychosexuality is seemingly in accord with the idea that the developmental default state of sexual differentiation is female. However, this interpretation is at odds with the general view that estrogen is actually the masculinizing hormone in sexual differentiation of the brain. Perhaps humans have some protective mechanism, akin to α-fetoprotein, that protects the developing brain from exposure to estrogen, or perhaps estrogen is not the masculinizing hormone in humans. Studies of the cognitive abilities of such individuals or of their brain structure are lacking. Chromosomal males (XY) with 5-α-reductase deficiency (Table 57-1) are an interesting group. Without this enzyme testosterone is not converted to dihydrotestosterone and the external genitalia do not become masculinized: Instead the urethra opens into a vagina-like urogenital sinus. Cursory examination of the appearance of the external genitalia leads to sex assignment as female, but careful examination of the genitalia reveals that the individual is not a normal female. A common treatment of this condition is castration and continued sex assignment as (an infertile) female. When individuals with this enzyme defect reach puberty, the testes descend, the clitoris enlarges, and a masculine habitus develops. In a group of 18 individuals reportedly raised unambiguously as girls in the Dominican Republic, 17 “changed” their psychosexual identity from female to male, suggesting that even in humans hormone action during early development, and perhaps at puberty, can overcome the psychological effects of being raised as a female. This interpretation is in accord with the concept that sexual differentiation of the brain is dependent on hormones. The clinical history of such individuals has generated controversy. The individuals were subjected over many years to ridicule, and some investigators seriously doubt that these individuals were raised unambiguously as girls, a conclusion that was actually drawn from retrospective analysis of studies that spanned decades. Moreover, in the Dominican Republic it is socially advantageous to be male, and adopting a male psychosexual identity is one way to adapt to the masculinization of one’s body. In other parts of the world patients more readily accept castration and continue as women psychosexually. Perhaps what this syndrome teaches us is that humans react as individuals and that hormones, personal experiences, body appearance, and perhaps the attitude of physicians all play a role in that reaction. Again, there appear to be no studies of the cognitive abilities or brain structure of individuals with 5-α-reductase deficiency who have or have not adopted a male psychosexual identity. In congenital adrenal hyperplasia one or several enzymatic defects interfere with the production of adrenal cortical hormones (eg, cortisol), and thus individuals are exposed to excess androgen. Compensatory elevation of adrenal secretion leads to the release of adrenal steroids with androgenic activity adequate to cause masculinization of the genitalia. When recognized, even at the hospital after birth, the condition can be alleviated by administering the missing adrenal hormones. These individuals exposed to excess androgen before birth must be treated with cortisol throughout life, a situation that might psychologically affect their behavior. These girls are often “tomboys” and play more frequently with toys ordinarily preferred by boys. In adulthood there is a greater incidence of lesbian behavior among these women. To date, the study of these clinical conditions has not provided clear support for a role of hormones in the sexual differentiation of behavior in the human brain

[34] Cf le titre de la Table 57-4 : « Putative Structural Sex Differences in the Human Central Nervous System ».

[35] Cf Alicia GARCIA-FALGUERAS, Dick SWAAB, 2008, A sex difference in the hypothalamic uncinate nucleus: relationship to gender identity, Brain, vol.131, p. 3132-3146 : « In the present study we investigated the hypothalamic uncinate nucleus, which is composed of two subnuclei, namely interstitial nucleus of the anterior hypothalamus (INAH) 3 and 4. […] The literature on the sex differences in the human hypothalamus and adjacent areas is controversial. The first structural difference in the human hypothalamus was reported by our group in the sexually dimorphic nucleus of the preoptic area (SDN-POA) […]. This area is also called […] INAH1 (Allen et al., 1989). The latter authors described four interstitial nuclei of the anterior hypothalamus (INAH1-4) and found a larger volume in men compared to women for INAH3 (2.8 times) and for INAH2 (2 times) subdivisions. […] Moreover, it is now clear that what we called the SDN-POA (Swaab and Fliers, 1985) is a horseshoe-shaped structure that can show up in sections as two separate nuclei (Swaab, 2003a; Koutcherov et al., 2007), which Allen et al. (1989) called INAH1 and 2, or as just one nucleus, called the intermediate nucleus (Koutcherov et al., 2007) or SDN-POA (Swaab and Fliers, 1985) » (p.3143).

[36] Dans une étude d’IRM publiée en 2012 visant à cartographier l’hypothalamus humain (en ligne sur http://hal.archives-ouvertes.fr/docs/00/62/64/55/PDF/NIMG-10-486R3.pdf), les auteurs rapportent que ni l’IRM, ni l’analyse histologique post-mortem ne leur a permis d’identifier l’uncinate nucleus (selon Swaab composé des deux sous-noyaux appelés INAH-3 et INAH-4 par Gorski), et que l’intermediate nucleus (« or sexually dimorphic nucleus/INAH-1») était trop petit pour être visible à l’IRM. Ils ne parlent pas d’INAH-2. Dans les articles cités ci-après, les chercheurs rapportent parfois n’avoir pas trouvé l’un de ces noyaux ou avoir dû éliminer de leurs statistiques des cerveaux de leur échantillon dans lesquels il n’était pas mesurable avec précision.

[37] Le « SDN-POA » humain putatif a été décrit pour la première fois dans Dick F. SWAAB, Eric FLIERS, 1985, A sexually dimorphic nucleus in the human brain, Science, vol.228, p.1112-1115. L’article dans lequel Gorski et son équipe ont décrit pour la première fois les 4 (sous-)noyaux de l’aire préoptique de l’hypothalamus nommés par eux INAH-1 à INAH-4 est Laura S. ALLEN, Melissa HINES, James E. SHRYNE, Roger A. GORSKI, 1989, Two sexually dimorphic cell groups in the human brain, The Journal of Neuroscience, vol.9(2), p.497-506. Ils y rapportent l’absence de différence entre les sexes pour INAH-1 et INAH-4, et un volume plus grand de INAH-2 et INAH-3 chez les hommes, se demandant « lequel de ces deux noyaux, le cas échéant, correspond au SDN-POA du rat » (p.501). Les deux autres articles rapportant l’absence de différence entre les sexes dans INAH-1 sont Simon LeVAY, 1991, A difference in hypothalamic structure between heterosexual and homosexual men, Science, vol.253, p.1034-1070, et William BYNE, Stuart TOBET et al., 2001, The interstitial nuclei of the human anterior hypothalamus: an investigation of variation with sex, sexual orientation, and HIV status, Hormones and Behavior, vol.40, p.86–92. Swaab a par la suite argué que les autres chercheurs n’avaient pas répliqué son observation parce que leurs échantillons étaient biaisés en termes d’âge, affirmant que « la différence entre les sexes dans la taille du noyau INAH-1 se développe uniquement après l’âge de 5 ans, disparaît temporairement à partir de 50 ans, et réapparaît après 75 ans» (cf Ai-Min BAO, Dick F. SWAAB, 2011, Sexual differentiation of the human brain: Relation to gender identity, sexual orientation and neuropsychiatric disorders, Frontiers in Neuroendocrinology,vol.32, p.214–226, page 216). 24 ans après la découverte du noyau INAH-2 par l’équipe de Gorski, celle-ci reste la seule a avoir trouvé une différence entre les sexes dans la taille de ce noyau.

[38] Citation extraite de S. Marc BREEDLOVE, Elizabeth HAMPSON, Sexual differenciation of the brain and behavior, in Jill B. BECKER, S. Marc BREEDLOVE (dir.), 2002, Behavioral Endocrinology – Second edition, MIT Press, p.101. Les données rapportées par Allen et Gorski en 1989 (art. cité) montrent que l’éventuelle différence moyenne entre hommes et femmes dans la taille de cette structure ne peut en aucun cas être qualifiée de « dimorphisme sexuel ». Dans le pourtant très faible échantillon de 11 hommes et 11 femmes qu’ils ont étudiés, les auteurs ont en effet trouvé pour INAH-1 un volume variant de 0.211 à 0.512 chez les femmes et de 0.241 à 0.473 mm3 chez les hommes, et pour INAH-2 un volume variant de 0.005 à 0.059 chez les femmes et de 0.026 à 0.049 mm3 chez les hommes hormis l’un d’eux, décédé d’un neuradénome, chez qui il faisait 0.1 mm3.

[39] Ibid., p.102. Cf aussi Byne et al (2001) cité ci-dessus, p. 91 : « In humans, the major expansion of the brain occurs postnatally while the individual is in constant interaction with the environment (for references see Byne and Parsons, 1993). Thus, the elaboration of neuropil may be influenced by postnatal experience in humans. At present, however, nothing is known about the potential importance of either hormonal exposure or postnatal experience on neuropil development in INAH3. Considerable speculation has addressed the possible functions of INAH3, particularly regarding a potential role in regulating male-typical sexual behaviors (Allen et al., 1989; LeVay, 1991). At present, however, we can neither ascribe any function to INAH3, nor can we interpret the functional significance of its sexual dimorphism ». Ce commentaire reste d’actualité en 2013.

[40] Références : LeVay (1991) cité ci-dessus ; William BYNE, Mitchell S. LASCO et al., 2000, The interstitial nuclei of the human anterior hypothalamus:an investigation of sexual variation in volume and cell size, number and density, Brain Research, vol.856, p.254-258; Alicia GARCIA-FALGUERAS et Dick SWAAB (2008) cité ci-dessus. Résultats rapportés sur les sujets présumés hétérosexuels : 1) Allen et Gorski (1989) : vol. moyen d’INAH-3 chez 11 hommes = 2,8 fois celui de 11 femmes; 2) LeVay (1991) : vol. moyen d’INAH-3 chez 16 hommes = 2 fois celui de 6 femmes ; 3) Byne et al.(2000) : vol. moyen d’INAH-3 chez 15 hommes = 1,54 fois celui de 18 femmes, différence partiellement expliquée par celle du volume du cerveau mais restant significative après correction par celui-ci; 4) Garcia-Falgueras et Swaab (2008) : vol. moyen d’INAH-3 chez 14 hommes non-transsexuels et non-castrés = 1,9 fois celui de 11 femmes.

[41] Cf le résumé de l’article par les auteurs (en ligne sur http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/18980961) : « Transsexuality is an individual’s unshakable conviction of belonging to the opposite sex, resulting in a request for sex-reassignment surgery.We have shown previously that the bed nucleus of the stria terminalis (BSTc) is female in size and neuron number in male-to-female transsexual people. In the present study we investigated the hypothalamic uncinate nucleus, which is composed of two subnuclei, namely interstitial nucleus of the anterior hypothalamus (INAH) 3 and 4. […] We showed for the first time that INAH3 volume and number of neurons of male-to-female transsexual people is similar to that of control females.The female-to-male transsexual subject had an INAH3 volume and number of neurons within the male control range, even though the treatment with testosterone had been stopped three years before death. »

[42] L’identification de cette différence putativement liée à l’identité de genre a été rapportée dans Jiang-Ning ZHOU, Michel A. HOFMAN, Louis J. G.GOOREN, Dick F SWAAB, 1995, A sex difference in the human brain and its relation to transsexuality, Nature, vol.378(6552), p.68-70. L’absence de différence statistiquement significative entre les sexes avant l’âge adulte (ici 22-49 ans) a été rapportée dans Wilson C.J. CHUNG , Geert J. DE VRIES, Dick F. SWAAB , 2002, Sexual differentiation of the bed nucleus of the stria terminalis in humans may extend into adulthood, Journal of Neuroscience, vol.22(3), p.1027-1033. Dans l’échantillon de cerveaux de fœtus comme dans celui d’enfants âgés de 3 mois à 16 ans qu’ils ont examinés, les auteurs n’ont pas trouvé de différence significative entre les sexes dans la taille de cette structure (tendant même à être au contraire plus grosse chez les filles). Une étude de Kruijver et al. est parfois citée comme ayant répliqué les résultats de celle de 1995, mais il s’agit d’une étude menée par le même groupe de recherche sur un échantillon constitué des mêmes trans, et pour les deux tiers des mêmes tissus que ceux examinés dans l’étude de 1995 (Kruijver, Zhou, Pool, Hofman, Gooren, Swaab, 2000, Male-to-female transsexuals have female neuron numbers in a limbic nucleus, Journal of Clinical Endocrinology and Metabolism, vol.85, p.2034-2041).

[43] Voir http://allodoxia.odilefillod.fr/2012/02/09/luc-ferry-biologie-du-genre/.

[44] Au sujet de Milton Diamond, voir par exemple ses propos dans une interview de 2002 accessible sur le site web de son université : http://www.hawaii.edu/PCSS/biblio/articles/2000to2004/2002-conversation.html. Au sujet de Richard Pillard, voir son interview dans Jack Drescher, Joseph P. Merlino (dir.), 2007, American psychiatry and homosexuality: an oral history, Harrington Park Press (p.241 en particulier). Au sujet de Dean Hamer, voir par exemple le texte militant pour le mariage des personnes de même sexe qu’il a publié le 6 décembre 2010 sur http://www.huffingtonpost.com/dean-hamer-and-joe-wilson/whats-marriage-got-to-do-_b_791859.html avec Joseph Wilson, son mari depuis 2004 (http://www.nytimes.com/2004/04/11/style/weddings-celebrations-dean-hamer-joseph-wilson.html).

[45] Sur la transidentité, voir par exemple Dale O’Leary, « The “transsexual” delusion », 9 janvier 2011, en ligne sur son blog ici. Sur l’homosexualité (qu’elle relie à la transsexualité), voir entre autres les textes cités plus haut.

12 réflexions sur « Le mariage raté du Vatican et de la science »

  1. Merci Odile pour cette critique scientifiquement soutenue de ces épineux articles contenus dans le Dictionnaire des termes ambigus et controversés publiés il y a quelques années par le Conseil Pontifical de la Famille.

    Un élément de contexte : madame Burgraff était un membre influent de l’Opus Dei en Espagne et son choix par le Conseil Pontifical de la Famille n’est pas anodin ; il révèle que c’est bien un des éléments influents intellectuellement du catholicisme intransigeant qui a été mobilisé pour rédiger cet article (le second l’était par un évêque péruvien lui-aussi sur une ligne qui était perçue, dans son propre pays, comme radicale).

    Merci beaucoup et agréable continuation.

  2. Merci de votre article de recherche rigoureux avec références sérieuses. Les “family research council”, “eagle forum” & Co. (James Dobson, Phyllis Schlafly, leurs successeurs, et fans) sont de hyperpuissantes organisations qui font un constant lobbying contre toutes les avances féministes des derniers cinquante ans aux USA
    – leur plus récente tentative d’annihiler le VAWA qui fort heureusement a échoué -.
    Mais n’ont cesse d’attirer et conforter un public minoritaire et conservateur comme celui du Tea Party, qui, semble aussi opportuniste (récupéré politiquement) et désinformé que la manif pour tous (vue d’ici) mais non moins terrifiant…

  3. J’en étais resté à la notion classique que les poids cérébraux étaient identiques entre sexes si on les pondérait avec la taille des individus. Vous ecrivez qu’une difference de 8% existe, ma notion est périmée ?
    Autre “classique”, et meme question, un sub test du WAIS, le DSST, qui serait significativement meilleur chez les femmes.

    1. Concernant le volume du cerveau :
      – j’écris que Nopoulos et al (2000) rapportent leur constat d’une différence d’environ 8%, concordant avec celui d’autres études;
      – ce constat d’une différence moyenne fait l’objet d’un consensus scientifique, même si l’ampleur de la différence varie selon les échantillons de population considérés;
      – cette différence ne disparaît pas toujours si on prend en compte la taille; par exemple, Nopoulos et al (2000) cité ici rapporte que dans leur échantillon, même après prise en compte de la taille il subsistait une différence statistiquement significative;
      – dans l’espèce humaine, il existe bien une forte corrélation entre volume du cerveau et taille du corps, mais il n’existe pas pour autant une relation claire et simple entre les deux (ce qui n’est pas surprenant, s’agissant de mettre en rapport des cm3 de tissus cérébraux avec des cm déterminés par la croissance osseuse).

      Quoi qu’il en soit, quelle que soit la façon dont on mesure la “taille” du cerveau (en volume, en poids, en nombre de neurones….), et qu’on le fasse en valeur absolue ou qu’on rapporte cette valeur à une mesure du corps (taille, poids, poids hors graisses, ou encore surface, pour ne citer que des mesures qui ont été utilisées), la question reste entière de savoir si une différence dans l’une ou l’autre de ces mesures a une conséquence fonctionelle, et le cas échéant laquelle.
      Les chercheurs qui ont travaillé sur ce sujet ont à ce jour échoué à démontrer l’existence d’un lien causal entre variabilité commune dans la taille du cerveau et variabilité en termes cognitifs. Au vu de ces échecs répétés, j’ai tendance à penser que ce lien n’existe pas, sans toutefois pouvoir exclure définitivement la possibilité qu’il en existe un, qui le cas échéant serait très ténu.

  4. Bonjour,
    Je voudrais savoir si vous connaissez des études analysant l’impact, dans le monde non-scientifique, de ces théories (“démontrant” une différence sexuée du cerveau) et de leur vulgarisation.
    Et également si vous connaissez des études analysant les conséquences de politiques (publiques, associatives, professionnelles, etc.) reposant sur ces théories, qu’elles soient revendiquées ou non.
    J’évolue dans un milieu qui s’y réfère constamment (mais sans l’affirmer explicitement) et c’est très difficile de lutter contre. Alors je cherche des armes 🙂

  5. Article qui fait l’impasse sur les innombrables marqueurs découverts depuis Hamer : forme du cerveau symétrique chez les femmes et les homos masculins, dissymétrique chez les hommes et les lesbiennes. Pour ne citer que la découverte la plus patente des cinq dernières années. Il faut y ajouter pêle même la transmission par le frère de la mère, la surfécondité des femmes soeurs d’homosexuels mâles, l’augmentation considérable de l’échantillon de Hamer qui a produit les mêmes résultats que la première étude, etc. Votre raisonnement est biaisé par l’idéologie,mais vu le support on s’en doutait.

    1. >:D En voilà une belle perle ! J’adore votre “découverte la plus patente des cinq dernières années”… et tout le reste aussi, en fait.
      Merci pour cette contribution pertinente et solidement argumentée, qui démontre la vacuité de mes écrits et dévoile mes biais idéologiques.

  6. Vos biais idéologiques sont évidents pour n’importe quel curieux qui passe. Je repassais justement, quelques mois après et je me demandais comment vous pouvez ne pas répondre au seul argument donné pour patent (la dissymétrie) , ne pas le réfuter preuves à l’appui – tout en me reprochant de ne pas argumenter.

    1. Que vouliez-vous que je réponde à un tel argument (je cite votre commentaire de janvier : “forme du cerveau symétrique chez les femmes et les homos masculins, dissymétrique chez les hommes et les lesbiennes. Pour ne citer que la découverte la plus patente des cinq dernières années”), sachant qu’aucune donnée scientifique n’étaye une théorie aussi fantaisiste ? Puisque selon vous c’est une découverte faite au cours des cinq dernières années, je suppose que vous pouvez nous indiquer la référence de la publication scientifique ayant relaté la “découverte” que “les femmes [hétéros je présume] et les homos masculins” ont une “forme du cerveau symétrique” alors que “les hommes [hétéros je présume] et les lesbiennes” ont une “forme du cerveau dyssymétrique”. Commencez par nous la donner, on en reparlera alors.

  7. Un bon article, de fait.

    Mais les mêmes critiques s’appliquent aussi à Catherine Vidal, qui prétend avoir prouvé l’absence de différence universelle de structure mentale entre hommes et femmes en faisant, à grande ou très grande échelle, des mesures électriques, des mesures du métabolisme et de l’IRM sur le cerveau de quelques individus.

    Le charlatanisme n’est pas l’apanage exclusif des anti-féministes et des anti-gays. Ce blog, d’une manière générale, me semble l’oublier.

    1. Merci.
      L’orientation de mon blog est assumée : les critiques que je prends la peine de développer ici portent presque exclusivement sur des discours essentialistes, même s’il m’arrive aussi parfois de critiquer au passage certains “contre-discours” (par exemple une interprétation trop hâtive et biaisée de données sur la variabilité et l’évolution les différences filles-garçons en maths dans http://allodoxia.blog.lemonde.fr/2012/02/28/sexe-et-mathematiques/). De fait, ce sont le plus souvent les discours essentialistes qui comportent des affirmations générales/universelles sur les hommes et les femmes fondées sur des acquis supposés des sciences biomédicales et des sciences du psychisme, sujet sur lequel je travaille. A contrario, je serais par exemple très étonnée que Catherine Vidal ait prétendu avoir prouvé ce que vous dites, d’autant qu’elle n’a fait aucune étude du type que vous indiquez. Mais à part ça je suis d’accord : il y a du charlatanisme partout, de même qu’il y a partout des comptes rendus biaisés (sciemment ou non) de l’état des connaissances scientifiques, et les milieux féministes et LGBTQI ne sont pas miraculeusement épargnés.

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