Sexe et bosse des maths

IllustrationSelon Science & Vie, une étude récente permet d’affirmer que « la bosse des maths n’est pas une question de sexe ». Selon un neuroscientifique auteur d’un livre sur la fameuse bosse, il existe une « suprématie masculine » en maths sans doute en partie due à la testostérone. Tous deux semblent se réclamer de la science. Où est l’erreur ?

Selon Stanislas Dehaene, partout « la proportion de mâles s’accroît à mesure qu’on sélectionne les élèves les plus doués en mathématiques », de sorte que « la suprématie masculine en mathématique est un phénomène mondial » [1]. Certes, sur l’ensemble de la population « la suprématie des hommes apparaît moins forte », et « l’avantage au mâle dépend également du contenu des épreuves », mais « les élites mathématiques sont presque exclusivement composées d’hommes », et « typiquement », seulement « un tiers des hommes tombent en dessous de la moyenne des femmes ».

Il prend acte de la variabilité des performances des garçons et des filles selon les pays, de la réduction possible de l’écart par « l’amélioration du statut de la femme », et juge avéré l’effet négatif des stéréotypes sur les filles en la matière. Il se dit « persuadé que les préjugés que véhiculent nos sociétés sur les mathématiques sont largement responsables du fossé qui sépare les performances mathématiques des hommes et des femmes, comme des riches et des pauvres, un fossé qui pourrait être partiellement réduit par des changements d’attitude et de politique sociale. ».

Pourtant, selon lui, « un faisceau d’indices convergents souligne la contribution de variables biologiques à l’avantage des mâles en mathématiques ». La « chaîne causale plausible » qu’il privilégie repose sur la théorie de Geschwind selon laquelle le surcroît de testostérone secrété in utero par les garçons ralentirait la croissance de leur hémisphère gauche [2]. S’ensuivrait un accroissement de leur capacité de représentation dans l’espace, d’où un « sens raffiné de l’espace » qui « faciliterait la manipulation des concepts mathématiques ». Après avoir mentionné certains des « faisceaux d’indices qui gravitent autour de ce scénario encore flou », il conclut : « Façonné dans ce bain variable d’hormones sexuelles, le cerveau masculin est vraisemblablement organisé différemment du cerveau féminin. Sans doute les circuits neuronaux varient-ils subtilement en fonction du sexe, notamment dans leur latéralisation, d’une façon dont nous ignorons presque tout mais qui expliquerait le léger avantage des hommes dans les grands espaces mathématiques. »

Bien que faisant tout son possible pour tenter de convaincre ses lecteurs de la validité de son hypothèse, Dehaene prend soin de la présenter en termes probabilistes et au conditionnel, de sorte qu’on ne peut qualifier ses allégations de mensongères. Le lecteur attentif pourra en conclure, à raison, que l’existence d’une prédisposition biologique avantageant tendanciellement les hommes en mathématiques est purement spéculative. Ce que Dehaene exprime ici est tout simplement une croyance, ses propres recherches ne portant du reste nullement sur cette question. Il n’est pas indifférent qu’il ait eu envie de (et se soit senti autorisé à) la défendre dans ce livre, un faisceau d’indices convergents suggérant que cette croyance, partagée par nombre de ses contemporains déstabilisés par certaines évolutions sociales, est favorisée par la recherche d’un fondement biologique à la masculinité – mais c’est une autre histoire.

Venons-en à ce qu’annonce Science & Vie, invoquant un article récemment publié : « La bosse des maths n’est pas une question de sexe [titre]. C’était une idée reçue tenace : les filles seraient moins douées pour les mathématiques […] Or, il ressort de l’analyse des statistiques de 86 pays sur les compétences en maths des élèves, menée par une équipe de l’université américaine du Wisconsin, que les écarts de niveau entre garçons et filles, très variables, voire inversés, d’un pays à l’autre, dépendent surtout de facteurs culturels et sociaux, et non biologiques. » [3]

On notera au passage le « dépendent surtout », qui contredit le titre en suggérant que ces écarts filles/garçons dépendent aussi de facteurs biologiques. Mais ce phénomène est courant dans la presse de vulgarisation lorsqu’elle est un minimum scrupuleuse et se sait avancer en terrain miné, qui accroche le lecteur en laissant entendre qu’un fait a été établi puis se montre plus circonspecte (ou simplement prudemment floue) dans le texte qui suit. Ce qui m’intéresse plutôt ici, c’est de voir dans quelle mesure il est correct d’annoncer qu’une étude scientifique permet de balayer l’idée reçue selon laquelle « les filles seraient moins douées pour les mathématiques ».

Il faut tout d’abord remarquer que l’ « équipe » qui a mené l’analyse en question était constituée de deux personnes, un professeur de mathématiques et d’informatique et une cancérologue. Surtout, l’article invoqué n’a pas été publié dans une revue scientifique, mais dans un magazine américain destiné aux étudiants, chercheurs et enseignants en mathématiques [4]. Une première distorsion est donc opérée par le fait que Science & Vie fasse implicitement passer pour de la littérature scientifique ce qui n’en relève pas, sans doute involontairement toutefois : le texte en a l’apparence, et a été signalé dans un fil d’actualité couramment utilisé par les professionnels de la vulgarisation [5].

Ecarts de niveaux moyens entre filles et garçons

Les auteurs de cet article ont analysé les résultats à trois examens passés dans de nombreux pays : le TIMSS en 2007 par des élèves de CM1 et de 4ème, et le PISA en 2009 par des élèves âgés de 15 ans ½  environ [6]. Ils les ont également comparés aux résultats des TIMSS et PISA de 2003.

En 2007 comme en 2003, la performance moyenne au TIMSS ne dépendait pas significativement du sexe chez les élèves de CM1. En revanche, entre 2003 et 2007 la performance moyenne des filles au TIMSS en 4ème était passée de non significativement différente à légèrement supérieure à celle des garçons. Manifestement désireux de tordre le cou à l’idée d’une supériorité masculine naturelle en mathématiques, les auteurs ont choisi de mettre en avant ces informations ainsi que la variabilité du sens et de l’ampleur de l’écart filles/garçons selon les pays, en passant sous silence les données des PISA 2003 et 2009 concernant cet écart (alors qu’ils les exploitent sur d’autres points). Pourquoi ?

Sans aucun doute parce que l’analyse des données de 2003, faite dans un article issu de travaux qu’ils citent mais pour n’en utiliser que les conclusions accréditant leurs hypothèses [7], montre que s’il n’y avait pas d’effet significatif du sexe sur les performances au TIMSS 2003, les garçons étaient en revanche significativement meilleurs que les filles au PISA 2003. Comme l’indiquaient les auteures de [7], le PISA est un examen a priori plus exigeant, cette différence entre TIMSS et PISA 2003 étant par conséquent cohérente avec l’hypothèse d’une supériorité des garçons n’apparaissant qu’à partir d’un certain niveau de difficulté.

Les données du PISA 2009 [8] vont dans le même sens que celles de 2003 : sur les 65 pays participants, dans 5 seulement les filles ont été significativement meilleures en mathématiques que les garçons, ces 5 pays peu représentatifs (Albanie, Kirghizistan, Qatar, Trinité-et-Tobago et Lituanie) s’illustrant en outre par la faiblesse de leurs résultats. A contrario, dans plus de la moitié des pays, les garçons ont été significativement meilleurs que les filles. Si l’on examine uniquement les pays de l’OCDE, concepteurs et organisateurs de l’enquête, on constate qu’au PISA en 2009, dans 22 pays sur 34 il existe un écart statistiquement significatif en faveur des garçons, et dans un seul (Suède) un écart en faveur des filles, statistiquement non significatif.

Revenons à notre article source. Les auteurs y rapportent par ailleurs, chez les élèves de 4ème et a fortiori chez ceux de CM1, une corrélation positive significative entre l’écart filles/garçons au TIMSS 2007 et le Gender Gap Index (GGI), un indice estimant grossièrement le degré d’égalité sociale entre les sexes dans un pays donné. En d’autres termes, l’écart moyen entre filles et garçons au TIMSS 2007 était d’autant plus grand que régnait une plus grande égalité sociale entre les sexes [9], cet effet étant plus marqué en CM1 qu’en 4ème.

Les auteurs indiquent que les données du TIMSS 2003 et du PISA 2009 ne faisaient pas apparaître de corrélation significative, et que celles du PISA 2003 avaient donné un résultat opposé, i.e. une corrélation négative significative. Ces résultats semblant contradictoires, ils les interprètent comme invalidant l’hypothèse selon laquelle l’écart entre garçons et filles en mathématiques serait dû à une inégalité sociale des chances offertes aux garçons et aux filles [10].

Ils rapportent également qu’au PISA 2009 comme au TIMSS 2007, le GGI était corrélé positivement aux résultats des filles et à ceux des garçons, ce qu’ils interprètent comme indiquant que l’égalité sociale entre les sexes contribue à l’élévation des performances en mathématique des deux sexes. Ici encore, les conclusions un peu paradoxales des auteurs (l’égalité sociale entre les sexes censément mesurée par le GGI améliorerait les résultats des deux sexes mais serait sans effet sur l’écart entre les sexes) semblent biaisées. On remarque en tout cas qu’elles leur permettent de contourner la difficile interprétation de la corrélation positive hautement significative (p < 0,001) qu’ils ont trouvée au TIMSS 2007 entre GGI et écart entre les sexes en CM1.

Estimation de la proportion de garçons parmi les meilleurs élèves

Les auteurs ont aussi comparé la variabilité des résultats des garçons à celle des filles, un point crucial car même en cas de performances moyennes égales, la plus grande variabilité chez les garçons peut expliquer qu’ils soient plus nombreux que les filles à l’extrémité droite de la courbe de distribution des performances en mathématiques, c’est-à-dire chez ceux dont ont dit communément qu’ils ont « la bosse des maths ». Les auteurs choisissent de mettre en avant le fait que ces variabilités diffèrent selon les pays, de même que le rapport de celle des garçons à celle des filles. Ils relèvent également que « dans certains pays », ces deux variabilités sont restées presque égales à deux tests d’intervalle. Ils en concluent cavalièrement que leurs résultats sont incompatibles avec l’hypothèse d’une plus grande variabilité intrinsèque des capacités en mathématiques chez les garçons [11].

Pourtant, chez les élèves de 4ème au TIMSS 2007, qu’ils ont justement choisi d’analyser de manière plus détaillée, le rapport des deux variabilités est supérieur à 1 dans quasiment tous les pays, s’échelonnant de 0,91 à 1,52. En outre, ils indiquent eux-mêmes que l’unique pays dans lequel ils ont trouvé une variabilité des garçons nettement inférieure à celle des filles pourrait souffrir d’un biais de sélection : en Tunisie en l’occurrence (rapport des variabilités = 0,91), il y avait moins de garçons que de filles parmi les participants aux tests, et anormalement peu de garçons parmi les élèves ayant un score inférieur à la moyenne. Les auteurs se gardent de donner la valeur moyenne du rapport des variabilités, sans doute nettement supérieure à 1. Ils évitent également de commenter le graphique ci-dessous, plaidant en défaveur de leur interprétation des résultats malgré leur choix, sans doute justifié par la volonté de minimiser visuellement le poids des pays où la variabilité des garçons est supérieure à celle des filles, d’utiliser une échelle logarithmique pour représenter l’axe des abscisses :

Ici encore, les auteurs ont donc choisi de conclure dans un sens qui est loin de découler naturellement des données qu’ils ont analysées. Ils ont aussi choisi de passer sous silence une autre information : au PISA 2009, en moyenne dans les pays de l’OCDE, 6,6 % des garçons faisaient partie des élèves très performants en mathématiques, contre 3,4% des filles [8], ce qui correspond à environ 34% de filles parmi les 5% meilleurs élèves. En clair, les garçons restent significativement et nettement plus nombreux que les filles parmi les meilleurs élèves en mathématiques. Ce constat est d’ailleurs en phase avec le fait que les individus de sexe masculin restent surreprésentés dans divers domaines correspondant à un haut niveau en mathématiques, malgré l’augmentation de la part de ceux de sexe féminin depuis une trentaine d’années [12].

En conclusion, disons que l’état des connaissances scientifiques ne permet pas d’affirmer que des prédispositions biologiques inégalement réparties entre les sexes jouent un rôle dans la genèse des capacités en mathématiques. On peut a contrario affirmer, l’existence de cet effet ayant fait l’objet de démonstrations expérimentales, que les stéréotypes de sexe concernant les capacités en mathématiques ont à eux seuls le pouvoir de faire chuter les performances des filles.

Concernant l’écart entre filles et garçons dans les performances en mathématiques et sa variation selon le degré d’égalité sociale entre les sexes, il est difficile d’affirmer quoi que ce soit : les données sont compatibles avec diverses interprétations, favorisées par les uns et les autres selon leurs croyances. Par exemple, en examinant les données du PISA, qui ont l’avantage de porter non seulement sur les mathématiques mais aussi sur la compréhension de l’écrit, on constate que l’écart moyen en faveur des filles dans cette matière est beaucoup plus grand que celui en faveur des garçons en mathématiques. En 2009, en compréhension de l’écrit, les filles devançaient les garçons dans tous les pays de l’OCDE, l’écart moyen étant jugé équivalent à une année d’études de retard (!), et 2,8 % des filles faisaient partie des élèves très performants contre 0,5 % des garçons seulement [8]. En outre, cet écart ne s’est réduit dans aucun pays entre 2000 et 2009, et a augmenté dans plusieurs d’entre eux.

On pourrait interpréter ces données en disant qu’elles accréditent la thèse d’une double inégalité naturelle, en faveur des garçons dans les mathématiques et en faveur des filles dans le langage, et tant qu’à faire attribuer cette différence à la testostérone : cette explication plairait sans doute à Stanislas Dehaene [13]. On pourrait aussi avancer, comme on l’entend ici et là, que le système éducatif est devenu plus favorable aux filles, ce qui leur donnerait ce gros avantage par exemple en lettres mais échouerait (pour l’instant) à compenser totalement leur « handicap naturel » en mathématiques.

On pourrait encore, en s’appuyant sur ce qu’avance Lise Eliot dans un ouvrage de vulgarisation dont la promotion bat son plein, bien imprudemment citée par Sciences et Avenir pour « en finir avec le neurosexisme » [14], soutenir qu’à l’âge où les élèves ont été testés, la maturation du cerveau des filles est naturellement plus avancée que celle des garçons, d’où des capacités cognitives supérieures dans la plupart des domaines, les stéréotypes de genre freinant spécifiquement en mathématiques l’expression de cette supériorité.

On pourrait aussi proposer l’explication suivante : et si les écarts entre garçons et filles à l’école étaient entièrement dus aux normes et stéréotypes sociaux conformément auxquels, en France par exemple, les filles ne sont pas censées être douées pour les maths, les garçons ne sont pas censés l’être pour les lettres, et les garçons, les vrais, sont censés se différencier des filles en se montrant turbulents plutôt que disciplinés à l’école [15] et en consacrant leurs loisirs à des jeux virils plutôt qu’à la lecture ? 

Odile Fillod

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Notes

[1] Dans Stanislas DEHAENE, 1996, La bosse des maths, Odile Jacob. Les passages entre guillemets sont extraits des pages 176 à 180, italiques ajoutés par moi pour souligner le choix de vocabulaire tendancieux. Dans l’édition revue et augmentée publiée fin 2010, l’auteur a conservé ce passage sur la différence entre les sexes et son explication partielle par la biologie (p.178-180, dans « Le talent mathématique est il un don biologique ? »).

[2] Geschwind et Behan ont proposé en 1982 la théorie selon laquelle la testostérone fœtale ralentirait le développement de l’hémisphère gauche du cerveau, ce qui entre autres nuirait au développement du langage. Geschwind et Galaburda l’ont ensuite étendue en en faisant un modèle global selon lequel chez l’Homme, la variabilité interindividuelle dans les niveaux de testostérone active contribuerait à causer, via ses effets supposés sur le développement relatif de différentes régions du cerveau, une multitude de différences cérébrales et psychiques interindividuelles et entre les sexes : variabilité commune des capacités intellectuelles (capacités spatiales, capacités langagières, QI), génie (mathématique, musical, dans les arts visuels, la dance…), homosexualité masculine, troubles divers tels que la dyslexie, l’autisme, l’hyperactivité, le retard mental, l’épilepsie, le bégaiement, ou encore la susceptibilité au mal de mer (cf Norman GESCHWIND, Albert GALABURDA, 1987, Cerebral lateralization, MIT Press). Un certain nombre de chercheurs adhèrent au moins en partie à cette théorie et continuent de tenter d’en démontrer la validité, ce que la littérature scientifique existante a échoué à faire.

[3] Anonyme, février 2012, « La bosse des maths n’est pas une question de sexe », Science & Vie, n°1133, p.116 (publié dans les pages « En pratique – Bon à savoir »).

[4] Jonathan M. KANE, Janet E. MERTZ, janvier 2012, Debunking myths about gender and mathematics performance, Notices of the AMS, vol.59(1), p.10-21 (en ligne sur http://www.ams.org/notices/201201/rtx120100010p.pdf). Depuis 1977, ce magazine publié par la Société Américaine de Mathématiques n’est plus indexé dans la base mondiale de référence des revues scientifiques (Thomson Reuters).

[5] « EurekAlert! » (cf http://www.eurekalert.org/pub_releases/2011-12/ams-mns120511.php).

[6] Ces tests ont été passés respectivement par environ 183 000 élèves de 38 pays, 242 000 élèves de 52 pays, et plus de 475 000 élèves de 65 pays (soit 86 pays en tout, certains d’entre eux ayant participé à plus d’un test). TIMSS = Trends in International Mathematics and Science Study. PISA = Programme for International Student Assessment.

[7] Nicole M. ELSE-QUEST, Janet Shibley HYDE, Marcia C. LINN, 2010, Cross-national patterns of gender differences in mathematics: A meta-analysis, Psychological Bulletin, Vol.136(1), p.103-127

[8] Cf http://www.oecd.org/dataoecd/33/5/46624382.pdf (synthèse des résultats du PISA 2009) et http://stats.oecd.org/PISA2009Profiles (données par pays).

[9] Extrait de [4] : « […] that is, the gap tended to increase in countries with greater gender equity as measured by their GGIs […] ». Les auteurs rapportent avoir trouvé des résultats similaires en utilisant un autre indice d’égalité sociale entre les sexes.

[10] Extraits de [4] : « […] the idea that the gap between boys’ and girls’ mathematics performance is due to differences in opportunities available to males versus females, which we will call here the gap due to inequity hypothesis. […] This irreproducibility in the relationship between gender gap and equity indexes negates the gap due to inequity hypothesis. »

[11] Extraits de [4] : « […] the greater male variability hypothesis […] states that variability in intellectual abilities is intrinsically greater among males. If true, it could account for the fact that all Fields medalists have been male. […] Therefore, we conclude that both variance and VR [variance ratio] in mathematics performance vary greatly among countries. Confirming our earlier finding ([…]), we also conclude that VR is reproducibly essentially unity for some countries. These findings are inconsistent with the greater male variability hypothesis. »

[12] Les auteurs mentionnent dans [4] les données suivantes : parmi les élèves obtenant plus de 700 points à la partie quantitative du test SAT à l’entrée à l’université aux Etats-Unis, le ratio filles/garçons est passé de 1/13 dans les années 1970 à 1/3 dans les années 1990 ; le pourcentage de femmes ayant décroché un doctorat en mathématiques aux Etats-Unis est passé de 6% dans les années 1960 à près de 30% dans les années 2000 ; parmi les participants aux Olympiades Internationales de mathématiques, on est passé d’environ 2,5% de filles dans les 1970’s à 10% ces dernières années. J’ajoute qu’une étude souvent citée – dont par nos deux auteurs, choisissant ici encore de ne retenir que l’information qui leur convient – car rapportant qu’en 30 ans les filles avaient comblé leur retard dans les performances en mathématiques (dans 10 états des Etats-Unis, du CE1 à la 1ère), rapportait aussi que la variabilité des scores des garçons était plus grande que celle des filles, et ce bien que selon une échelle indépendante définissant 4 niveaux de difficultés, aucun item des tests utilisés dans ces états n’appartienne au niveau le plus élevé. Les auteures y indiquaient également qu’en faisant l’hypothèse que les scores étaient distribués selon une loi normale, les données recueillies correspondaient à un ratio de 1,34 garçons pour une fille parmi les 5% meilleurs élèves en maths, ou encore de 2,15 garçons pour une fille parmi les 1/1000 meilleurs, c’est-à-dire à 32% de filles parmi ceux-ci. Ils concluaient que cela ne permettait pas d’expliquer pourquoi seulement 15% environ des doctorants en ingénierie étaient des femmes… mais cela ne pourrait-il pas être rapproché des 30% de femmes parmi les docteurs en mathématiques ? (Cf Janet S. HYDE, Sara M. LINDBERG, Marcia C. LINN, Amy B. ELLIS, Caroline C. WILLIAMS, 2008, Gender similarities characterize math performance, Science, vol.321, p.494-495 + additional online material).

[13] Dans un autre ouvrage de vulgarisation (Stanislas DEHAENE, 2007, Les neurones de la lecture, Odile Jacob), à l’appui d’une des hypothèses causales qu’il privilégie en matière de dyslexie – des perturbations in utero de la migration neuronale concentrée dans les aires corticales du langage entraînant des anomalies secondaires des régions sensorielles du thalamus –, il cite les travaux de Galaburda sur un modèle rat et souligne leur cohérence avec les observations faites chez l’Homme en suggérant que le plus haut niveau testostérone des fœtus mâles expliquerait la plus grande fréquence apparente (il admet que « ce point reste débattu ») de la dyslexie chez les garçons : « Le modèle animal fournit ainsi une chaîne explicative complète, certes hypothétique, mais susceptible d’expliquer les principaux traits cognitifs et anatomiques de la dyslexie » (p. 332)

[14] Dans Elena SENDER, février 2012, Pour en finir avec le neurosexisme, Sciences et Avenir, p.44-48. Je reparlerai de ce numéro de Sciences et Avenir et de Lise Eliot. Dans l’immédiat, je signale qu’Elena Sender fait un compte-rendu des différentes études évoquées plus haut de manière tout aussi biaisé, bien que plus détaillé, que ne le fait Science & Vie : d’un côté, l’étude portant sur le PISA 2003 ayant montré une corrélation négative entre écart filles/garçons et GGI est utilisée pour affirmer que l’écart est « directement » corrélé au « degré d’émancipation des femmes », avec illustration par les cas de la Turquie (-22,6 points) et de l’Islande (+ 14,5 points). De l’autre, celle publiée dans Notices of the AMS début 2012 est utilisée pour affirmer que « le succès en maths augmente en même temps que l’égalité entre les sexes ». Le fait que cette dernière étude ait conclu à l’absence de corrélation entre « degré d’émancipation des femmes » et écart filles/garçons passe ainsi à la trappe. De même est occulté le fait qu’en Islande, unique pays dans lequel il existait un écart significatif en faveur des filles au PISA 2003, l’écart est devenu en 2009 non significatif, en faveur des garçons.

[15] 30% des répondants à une enquête réalisée fin 2011 pensent que les garçons sont naturellement meilleurs en maths et sciences et les filles meilleures en lettres, et 76% qu’ « il existe des caractéristiques féminines et masculines, par exemple, on dit que les filles sont naturellement plus douces, plus tendres, plus coquettes, plus disciplinées, et que les garçons sont plus belliqueux, plus ambitieux, plus turbulents, plus brutaux, plus maladroits… ». Enquête réalisée sur un échantillon de 3325 internautes de 18 ans et plus, redressé a posteriori (Mediaprism-Laboratoire de l’égalité, 2011, Rapport d’enquête. Les stéréotypes hommes / femmes).

2 réflexions sur « Sexe et bosse des maths »

    1. Cordelia Fine explique en effet assez bien, en fournissant de nombreuses références d’articles scientifiques, comment la culture dominante a un impact négatif sur les performances des filles en mathématiques et sur leur progression dans les filières professionnelles associées. Reste que ce livre de vulgarisation manque parfois un peu de rigueur (je pense en particulier aux pages 36 à 38, dans la version publiée chez Icon Books en 2010).

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