III. ZOOMS SUR QUELQUES MYTHES SAVANTS INDUMENT PROPAGES
Avant de rentrer dans l’exploration de quelques-unes des idées erronées véhiculées sur les hommes et les femmes dans l’émission, il me faut préciser que je n’ignore pas que ces termes ne désignent pas deux catégories de personnes bien définies sur le plan biologique, mais que par souci de concision je ferai comme si c’était le cas. J’emploierai donc ces termes sans guillemets bien qu’il n’y ait pas de définition unique des frontières entre ces catégories (outre que quelle que soit la manière dont on les définit usuellement, il existe des personnes qui n’entrent dans aucune des deux). Ils seront présumés désigner les personnes dont les sexes chromosomique et gonadique sont congruents et appartiennent à l’une ou l’autre des deux catégories standard, ce qui dans l’immense majorité des cas correspond aux personnes communément perçues comme étant des femmes ou des hommes.
III.1. Sur les œstrogènes et la progestérone comme « hormones de la femme »
Au cours de l’émission, il est signalé incidemment que les femmes produisent elles aussi de la testostérone : Michel Cymes et Jean-François Bouvet sont contraints de le faire au moment où ce dernier prétend que la testostérone est « l’hormone clé » du « désir sexuel » y compris chez elles… [31]. Il n’est en revanche dit à aucun moment que les hommes produisent eux aussi des œstrogènes et de la progestérone. Bien au contraire, l’une et l’autre sont explicitement présentées dans l’émission comme si elles étaient spécifiquement féminines – parce que spécifiquement associées à la gestation.
Michel Cymes explique ainsi à Adriana Karembeu, s’adressant à elle en tant que représentante de toutes les femmes : « vous avez la température du corps qui est supérieure à la nôtre, et la température des extrémités […] qui est plus basse que la nôtre. Et ça a une explication, c’est que vous avez des œstrogènes, les hormones de la femme, […], et le but de tout ça, ce serait de protéger le fœtus quand une femme est enceinte ». Par ailleurs, lorsque la voix off explique qu’à la puberté se produit « un déferlement d’œstrogènes chez les filles et de testostérone chez les garçons », elle ajoute qu’ « une troisième hormone intervient chez ces demoiselles » : la progestérone, « et cette progestérone, son rôle c’est de préparer l’utérus à recevoir un embryon », explique un endocrinologue dont un extrait d’interview est collé ici au montage. Enfin, quand la voix off explique qu’une différence notable entre femmes et hommes apparaît lorsqu’ « à la fin de la puberté, tout est en place pour faire des enfants », il s’agit du fait que chez elles « les taux d’œstrogènes et de progestérone montent et descendent, alors que chez les hommes, la production de testostérone ne varie plus d’un jour à l’autre », cette phrase laissant en particulier croire que l’activité des gonades n’a pas pour conséquence la production d’œstrogènes ou de progestérone chez les hommes.
Les hommes n’auraient donc ni œstrogènes, ni progestérone, et ce parce que les seules fonctions de ces hormones seraient en rapport avec la gestation ? En réalité ils en ont aussi, pour la bonne raison que contrairement à ce que l’émission laisse croire, il ne s’en fabrique pas que dans les ovaires ou dans le placenta. Chez les hommes comme les femmes, ces hormones sont fabriquées à partir de dérivés du cholestérol dans divers organes. De fait, leur activité physiologique est loin de se limiter à ce qui est en lien avec la gestation. Elles agissent par le biais de récepteurs spécifiques présents dans de nombreux organes et types de tissus, interagissent avec d’autres hormones, servent de précurseurs pour la fabrication d’autres hormones, et participent ainsi de multiples façons à la modulation du développement et du fonctionnement du corps (cerveau compris).
Serait-ce alors que les hommes n’ont ces hormones qu’en quantités infinitésimales, négligeables par rapport à celles qu’ont les femmes ? C’est du moins ce qu’on croit comprendre concernant les œstrogènes en lisant le très dispensable « guide » sur Le sexe des maladies de Peggy Sastre recommandé sur le site de l’émission [32], sa description de leur quantité relative « sexo-spécifique » étant pour le moins alambiquée [33]. Comme on va le voir, ça n’est pas du tout le cas.
Il est impossible de définir précisément les valeurs moyennes et les plages de valeurs normales des taux d’hormones stéroïdes chez l’être humain, car outre la variabilité intra-individuelle (chez une personne donnée selon son âge et selon le moment de la mesure) et entre individus, elles peuvent varier selon les populations considérées (notamment selon qu’on exclut ou non les sujets dont les taux sont jugés « anormaux » en fonction de critères qui ne sont pas constants ni consensuels), mais aussi selon les méthodes de mesure (les méthodes automatiques les plus répandues se sont par exemple révélées non fiables quand les niveaux de testostérone ou d’œstradiol sont faibles) [34]. Malgré la variabilité des données disponibles, celles-ci convergent cependant clairement vers les conclusions suivantes concernant les taux moyens d’œstrogènes en circulation dans le sang d’une population humaine adulte donnée :
– ceux des femmes sont nettement supérieurs à ceux des hommes lorsqu’elles ne sont pas ménopausées (ni sous contraception hormonale), et ils le sont a fortiori lors du pic qui précède l’ovulation ou si elles sont enceintes ;
– ceux des hommes sont en revanche légèrement supérieurs à ceux des femmes ménopausées, ou tout au moins similaires ;
– même en excluant ces dernières, la différence entre hommes et femmes mesurée par le rapport entre leurs taux moyens d’œstrogènes respectifs n’est pas plus grande que celle entre leurs taux moyens de testostérone.
A titre indicatif, la table ci-dessous montre les intervalles de référence [35] pour les taux sanguins des deux principaux œstrogènes (dont l’œstradiol, de loin le plus puissant) applicables aux populations d’adultes selon trois publications récentes.
Concernant les taux moyens de progestérone, on peut dire ceci :
– ceux des femmes sont supérieurs à ceux des hommes lorsqu’elles sont dans la deuxième partie de leur cycle menstruel, et ils le sont a fortiori si elles sont enceintes ;
– dans tous les autres cas, donc en particulier quand elles sont dans la première partie de leur cycle ou quand elles sont ménopausées, ces taux ne diffèrent pas significativement entre hommes et femmes.
A titre indicatif, on trouvera ci-dessous les intervalles de référence fournis dans deux publications récentes pour des populations d’adultes.
En moyenne, un homme adulte a donc des œstrogènes (et de la progestérone) en quantités loin d’être incommensurables à celles d’une femme adulte, et il a même toutes les chances d’en avoir au moins autant qu’elle dans certains cas, si elle est ménopausée par exemple.
Puisque Michel Cymes, médecin, ne peut l’ignorer, pourquoi alors dit-il : « c’est que vous [les femmes] avez des œstrogènes, les hormones de la femme », comme si lui n’en avait pas ? On remarque qu’il le fait dans un moment où en duo avec Adriana Karembeu, comme il le fait de manière récurrente en duo avec Marina Carrère d’Encausse dans l’émission qu’ils co-animent depuis quinze ans sur France 5, il s’identifie à un groupe qu’il oppose à un « vous », les femmes. On remarque aussi qu’il signale en revanche que les femmes ont de la testostérone, et qu’il pense manifestement que sans cela elles seraient dépourvues de désir sexuel. Peut-être cela relève-t-il donc d’un phénomène assez classique : que les femmes aient du « masculin » en elles, tant qu’elles n’en ont pas trop, n’est pas vraiment un problème (ça peut même être perçu comme nécessaire pour que certaines qualités ne leur fassent pas défaut) ; que les hommes aient du « féminin » en eux, en revanche, c’est plus difficile à intégrer, du moins pour certains hommes chez qui l’injonction à « être un homme » comprise comme équivalente à « être différent d’une femme » est particulièrement prégnante.
III.2. Sur la variabilité (régulière) des femmes versus la stabilité des hommes
Poursuivons sur un autre sujet relatif aux hormones dites « sexuelles » dans l’émission : celle-ci insiste sur l’idée d’une variabilité féminine liée à ses fluctuations hormonales cycliques. On croit ainsi apprendre qu’une femme « coordonne » davantage ses deux hémisphères cérébraux « à partir de l’ovulation et pendant la deuxième partie du cycle » (selon Jean-François Bouvet), a un odorat un peu plus « développé » au « milieu du cycle » (selon Mustafa Bensafi), a une meilleure capacité de reconnaissance des émotions d’autrui ainsi qu’un plus grand ressenti émotionnel « pendant la première partie du cycle » (selon Christine Deruelle), et que toutes ces variations seraient imputables au fait que ses neurones ne baignent pas dans la même quantité de telle ou telle de ses hormones ovariennes selon la phase de son cycle. Si la théorie du pic de libido provoqué par un effet cérébral du pic hormonal précédant l’ovulation nous a été épargnée, celle de la « meilleure coordination » des deux hémisphères cérébraux après l’ovulation ne nous l’a pas été, et trois autres théories mentionnant des effets psychologiques ou cognitifs très concrets sont donc relayées.
Par ailleurs, la voix off conclut ainsi la séquence sur la puberté : « A la fin de la puberté, tout est en place pour faire des enfants. Les hormones sexuelles vont agir sur le cerveau toute notre vie, avec une différence notable cependant : les femmes sont soumises à un cycle hormonal. Les taux d’œstrogènes et de progestérone montent et descendent, alors que chez les hommes, la production de testostérone ne varie plus d’un jour à l’autre », et ce passage est illustré par l’image ci-dessous.
Enfin, la variation du niveau des « hormones sexuelles » à laquelle les femmes sont naturellement « soumises » est pensée comme étant parfaitement régulière. C’est ce que suggère l’image ci-dessus, et c’est aussi ce qu’indique l’échange avec Christine Deruelle lorsqu’elle évoque l’augmentation présumée de la capacité de reconnaissance des émotions et celle du ressenti émotionnel « pendant la première partie du cycle » : Michel Cymes lui demande si elle veut dire « pendant les 14 premiers jours du cycle » et elle confirme (« Exactement »).
Les hommes, a contrario, sont vus comme ayant un niveau de testostérone stable, voire parfaitement constant si on en croit l’illustration ci-dessus, en tout cas nullement caractérisé par une variation naturelle régulière. Leur nature ne les soumet pas, quant à eux, à ces fluctuations qui passent pour régler la vie des femmes en général et leur vie psychique en particulier. Des baisses provisoires de leur niveau de testostérone sont bien évoquées à deux reprises par Jean-François Bouvet, qui se croît autorisé à faire croire que cela diminue à la fois leur libido et leur manque d’empathie légendaires, mais ces baisses ne sont pas endogènes : c’est le commerce amoureux avec une femme, la proximité d’une femme enceinte ou d’un bébé qui en seraient apparemment responsables.
Laissons provisoirement de côté les allégations d’effets psychotropes des variations hormonales féminines (les personnes intéressées pourront déjà lire ailleurs combien la théorie de la « meilleure coordination » des deux hémisphères cérébraux après l’ovulation est mal fondée et allégrement reformulée par Jean-François Bouvet [36]), et concentrons-nous sur les aspects strictement physiologiques. Comme on va le voir, l’image donnée de ce qui caractérise les femmes est incorrecte, celle de ce qui caractérise les hommes l’est aussi, et l’ensemble plaque artificiellement sur la catégorisation binaire femme/homme une dichotomie illusoire.
De très nombreuses femmes ne connaissent pas ces fluctuations, au rythme ni régulier ni universel
Rappelons tout d’abord que les femmes ne sont pas toute leur vie « soumises » au cycle hormonal tel que décrit dans l’émission, à savoir une production d’œstrogènes et de progestérone par les ovaires fluctuant cycliquement. En effet, les neurones de l’hypothalamus qui commandent l’activité des ovaires par l’intermédiaire de l’hypophyse ne s’activent pas spontanément de manière cyclique : c’est l’activité des follicules ovariens qui induit cette cyclicité [37]. Par conséquent, non seulement cette cyclicité ne se met pas en place avant les premières règles mais elle cesse en outre lorsque le stock de follicules est épuisé. Les femmes ne connaissent donc ces fluctuations ni avant la ménarche, ni après la ménopause.
Elles ne les connaissent pas non plus lorsqu’elles sont enceintes. Durant toute la grossesse, progestérone et œstrogènes sont en effet produits de manière continue par le corps jaune ovarien puis par le placenta, ce qui empêche le démarrage d’un nouveau cycle [38].
Il peut aussi être utile de signaler que les femmes qui sont sous contraception hormonale ne sont pas non plus soumises au cycle hormonal ovarien, car c’est le cas en France de plus du tiers des femmes âgées de 15 à 49 ans [39] : ajoutées à celles qui sont ménopausées, ça commence à faire pas mal de femmes. Sous contraception hormonale, c’est l’apport exogène d’un progestatif (le plus souvent combiné à un œstrogène) qui inhibe de même le processus de maturation des follicules et stoppe ainsi l’activité hormonale ovarienne cyclique, et ce même quand le traitement contraceptif est conçu pour causer des saignements périodiques. Ceux-ci sont de fausses règles simplement destinées à donner aux utilisatrices l’impression de rester de vraies femmes…
Par ailleurs, contrairement à ce que disent Michel Cymes et Christine Deruelle dans l’émission, « la première partie du cycle » n’est pas synonyme de « les 14 premiers jours du cycle ». En réalité, la durée de la première partie du cycle varie considérablement selon les femmes et selon les cycles chez une femme donnée. Lorsque l’ovulation se produit (ce qui est loin d’être systématique), elle peut par exemple parfaitement survenir moins de 11 jours après le début du cycle ou plus de 21 jours après. C’est ce qui fait que contrairement à ce qu’on peut lire partout et à ce que laissent penser les pilules conçues pour créer une illusion de règles tous les 28 jours, un cycle menstruel normal ne dure ni exactement 28 jours, ni environ 28 jours, ni la plupart du temps 28 jours, ni même 28 jours en moyenne.
Ce nombre de jours de référence semble avoir été entériné par une étude américaine publiée en 1968, exposant les conclusions tirées de l’enregistrement, en 1964 et 1965 à Washington, de la durée de 30 655 cycles déclarée par 2 316 femmes [40], mais cette étude mérite d’être regardée de plus près. La durée moyenne de l’ensemble de ces cycles avait été de 29.1 jours, et 77% des femmes seulement avaient eu une durée moyenne de leur cycle comprise entre 25 et 31 jours (inclus). Afin de cerner au mieux la durée moyenne des cycles normaux, les auteurs ont éliminé les 5% de cycles ayant eu les durées les plus extrêmes (pouvant par exemple correspondre, pour les plus longs, à un début de grossesse avortée insu). La durée moyenne sur ce sous-ensemble s’est alors établie à 28.1 jours et son écart-type à 3.95 jours, ce qui correspond à une plage de durée normale s’étendant de 21.5 à 34.5 jours environ [41]. Ces données dépendaient en outre de la tranche d’âge considérée : la variabilité était maximale chez les 20-24 ans et minimale chez les 35-39 ans (écarts-types égaux à 4.6 jours et 3.4 jours respectivement), et la durée moyenne était maximale chez les 20-24 ans et minimale chez les 40-44 ans (29.1 jours vs 26.9 jours). Dans aucune tranche d’âge la fréquence des cycles de 28 jours ne dépassait 16%.
Ces données venaient corroborer la variabilité de la durée des cycles et la tendance à la diminution de cette durée avec l’âge observées dans deux autres études menées sur de larges échantillons dans les années 1960. La première avait estimé que 80 % des cycles duraient entre 25 et 36 jours, leur durée moyenne s’établissant à plus de 31 jours chez les 20-29 ans, 30 jours chez les 30-34 ans et 29 jours et demi chez les 35-39 ans. La seconde avait estimé une durée moyenne légèrement inférieure à 28 jours et une plage de durée normale (90% des cycles) s’étendant de 22.1 à 38.4 jours à l’âge de 20 ans, et de 22.3 à 33.4 jours à l’âge de 35 ans [42].
Il faut aussi signaler que les études de référence ont été faites principalement sur des populations occidentales et urbaines, de surcroît souvent sur des échantillons non représentatifs de la population locale dont ils étaient issus. Une étude ayant veillé à éviter au moins ce dernier biais a estimé en 1992 que la durée normale du cycle menstruel dans une commune danoise était « de 23 à 35 jours » (i.e. 90% des cycles duraient 29 +/- 6 jours), et qu’à l’âge de 44 ans elle était de « de 23 à 30 jours » (i.e. 90% des cycles duraient 26.5 +/- 3.5 jours) [43]. Une autre étude assez solide publiée la même année, menée sur des femmes du sud de l’Inde, a trouvé une durée moyenne de 31.8 jours avec un écart-type de 6.7 jours [44].
En bref, la littérature scientifique existante indique que la durée moyenne du cycle menstruel se situe entre 26.5 et 31.5 jours selon l’âge, et tous âges confondus selon le lieu de vie et/ou d’origine. Elle indique également que la durée d’un cycle menstruel normal dans une population donnée est comprise dans un intervalle large d’au minimum 11 jours autour de cette moyenne, cet intervalle étant plus large chez les femmes jeunes. Elle indique enfin que plus de la moitié de cette variabilité de la durée du cycle menstruel est imputable à celle de sa première partie [45], dont on ne peut donc en aucun cas dire qu’elle équivaut aux « 14 premiers jours ».
Les hommes aussi fluctuent, y compris de manière cyclique
Les hommes, quant à eux, n’ont pas un niveau de testostérone aussi constant que ce que suggère la fin de la séquence sur la puberté. A fortiori, l’affirmation par Peggy Sastre dans le texte recommandé sur le site de l’émission (cf supra) que « [c]omme les hommes n’ont pas de cycle menstruel, leurs hormones ne varient pas au cours du temps » est complètement fantaisiste. Si elle avait réfléchi deux secondes à ce qu’elle écrivait au lieu de recopier sa mauvaise traduction pour Slate.fr, en 2010, d’un article de vulgarisation écrit par une autre [46], elle se serait sans doute rendu compte que c’était une énormité .
Comment d’ailleurs réconcilier une telle vision avec les propos tenus pas Jean-François Bouvet au cours de l’émission, à savoir que le taux de testostérone d’un homme diminue par exemple quand il tombe amoureux, et subit même une « chute libre » de 30% après l’accouchement de sa compagne ? Certes, ça aussi c’est fantaisiste, comme on le verra plus loin… mais rappelons un fait de base : d’innombrables facteurs font varier de manière notable le taux de testostérone d’un homme adulte, que ce soit son taux à un moment donné au cours d’une journée ou son taux moyen d’un jour (ou mois, ou année) sur l’autre.
Au-delà des variations causées par des facteurs exogènes de toutes sortes, comme il en existe chez les femmes, il existe chez les hommes aussi une variation endogène bien documentée, et elle est même cyclique. En effet, le fonctionnement général de l’axe hypothalamus-hypophyse-gonades est très similaire dans les deux sexes. Comme chez une femme, les hormones sécrétées par l’hypophyse sous le contrôle de l’hypothalamus régulent la production d’hormones par ses gonades, et celles-ci exercent un rétrocontrôle sur le complexe hypothalamus-hypophyse. Comme chez une femme, l’ensemble forme un système régulé dynamiquement, maintenant les taux d’hormones gonadiques à l’intérieur d’une certaine plage de valeurs mais provoquant en même temps leur fluctuation.
A partir de la puberté, les hommes sont ainsi eux aussi « soumis » à une fluctuation naturelle de leur taux de testostérone, pour ne parler que de cette hormone puisque c’est d’elle dont il est question dans l’émission. Leur hypophyse sécrète toutes les une à trois heures un pulse de LH provoquant une élévation du taux de testostérone, et cette variation pulsatile irrégulière s’ajoute à un fond de variation circadienne : chaque jour, hors cas pathologiques ou vie en horaires décalés, le taux moyen de testostérone dans le sang des hommes s’élève pendant la nuit, le maximum étant atteint en moyenne entre 6h et 9h du matin, puis redescend en cours de journée pour atteindre son minimum en début de soirée.
Les deux diagrammes ci-dessous donnent une idée de ce à quoi ressemblent ce cycle circadien et cette pulsatilité en conditions contrôlées (en conditions naturelles, le niveau de testostérone peut subir des variations supplémentaires causées par l’activité du sujet).
Le détail des fluctuations quotidiennes est moins bien documenté que le cycle circadien en lui-même (dont la modélisation sous forme de sinusoïde semble intéresser davantage les chercheurs), et il diffère selon qu’on s’intéresse à la testostérone totale, à sa fraction dite biodisponible ou à sa fraction libre [47]. Il est cependant clair qu’elle est conséquente, en tout cas d’amplitude supérieure à la baisse supposée de 30% chez un nouveau père que Jean-François Bouvet qualifie de « chute libre » (censée « augmenter son degré d’empathie vis-à-vis du bébé » et se traduire par « une baisse de la libido »). Voici ce qui est rapporté dans quelques articles [48]:
– Murray et Corker 1973 évoque une amplitude totale du niveau de testostérone totale, mesuré toutes les dix minutes sur une journée chez trois hommes en bonne santé âgés de 25 à 30 ans, de l’ordre d’un rapport de un à deux ou trois (soit une chute en cours de journée de l’ordre de 50 ou 66%) ;
– Cooke et al. 1993 relève sur cinq hommes en bonne santé âgés de 26 à 45 ans une chute moyenne du taux de testostérone libre de 45% rien qu’en l’espace de trois heures en début de matinée ;
– Carlsen et al. 1999 montre à titre d’illustration la courbe sur un jour de l’un des sujets de son échantillon, où l’on voit un rapport de un à trois entre le taux minimum de testostérone totale observé en début de soirée et le maximum dans la nuit et au petit matin (soit une chute en cours de journée de 66 %) ;
– Diver et al. 2003, ayant mesuré toutes les trente minutes sur une journée la testostérone totale de huit hommes jeunes (23 à 33 ans) et dix hommes plus âgés (55-64 ans) en bonne santé, indique que chez tous la chute subie était d’au minimum 43% bien que son amplitude passe pour diminuer avec le vieillissement.
Si les propriétés psychotropes à court terme communément attribuées à la testostérone étaient réelles, il y aurait un sacré champ de recherches à ouvrir pour étudier la variabilité des performances cognitives et des comportements des hommes selon le moment de la journée…
(à suivre…)
Odile Fillod
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Notes
[31] J.-F.Bouvet : « On sait par exemple qu’il y a une hormone qui intervient dans le désir sexuel – là je parle pas de la séduction mais du désir sexuel brut, en quelque sorte – apparemment l’hormone clé c’est la testostérone, aussi bien chez l’homme que chez la femme. » M. Cymes : « Parce que je rappelle que la femme a aussi de la testostérone, qui est sécrétée notamment, en partie, enfin le précurseur, par les ovaires. » J.-F. Bouvet : « Absolument. Par les ovaires, et aussi par des glandes qui sont sur les reins qu’on appelle les surrénales. […] ».
[32] Cet « ouvrage qui fait le point sur les différences entre hommes et femmes sur le plan de la santé » selon www.france2.fr/emissions/les-pouvoirs-extraordinaires-du-corps-humain/en-savoir-plus_311863 est la ressource recommandée pour en savoir plus sur la « médecine différenciée ». Ce livre de Peggy Sastre intitulé Le sexe des maladies (éd. Favre, 2014) a été préfacé par Martin Winckler, ce qui a sans doute contribué à lui conférer un semblant d’autorité scientifique auprès de certaines rédactions (le livre a ainsi été promu dans « CQFD » sur la radio suisse RTS et dans « Télématin » sur France 2). Ils restent toutefois rares, la promotion de sa prose étant pour l’instant essentiellement assurée par l’auteure elle-même sur le site web de l’Obs ainsi que par certains réseaux féministes croyant y trouver une dénonciation pertinente du sexisme en médecine. Le Monde a de son côté récemment évoqué, dans ce qui apparaît comme une allusion à peine voilée, les « ouvrages grand public sur le “sexe des maladies”, mêlant à quelques constats fondés des contre-vérités “proches de l’escroquerie“, estime un expert » (ROSIER Florence, 16 juin 2015, « Sexiste, la médecine ? », Le Monde).
[33] Cf SASTRE Peggy, 11 sept 2014, “Les maladies ont un sexe”, Slate.fr, en ligne (accédé le 18 sep 2014), billet présenté comme reproduisant un extrait de son livre publié ce jour-là : « Les testicules sécrètent en moyenne 7000 µg de testostérone par jour, pour en convertir 0,25 % en œstrogènes. Les ovaires secrètent 300 µg de testostérone et convertissent la moitié en œstrogènes. Dès lors, les hommes produisent près de 20 fois plus d’androgènes que les femmes et les femmes en convertissent 200 fois plus en œstrogènes, d’où une quantité finale d’œstrogènes 1000 fois moindre chez les hommes – leurs androgènes se comptant en nanogrammes et leurs œstrogènes en picogrammes. En elles-mêmes, les androgènes et les œstrogènes ne sont donc pas des hormones propres à tel ou tel sexe, c’est leur quantité relative dans l’organisme qui est sexo-spécifique. » Entre autres problèmes, ce passage confus oublie que les glandes surrénales sécrètent une part non négligeable de la testostérone qui est en circulation dans le sang des femmes, oublie que les ovaires sécrètent un peu de testostérone et beaucoup plus d’un précurseur de celle-ci, et de manière générale assimile indument la testostérone aux androgènes et présente des calculs simplistes. Le tout donne (à tort) l’impression qu’il y a au final 1000 fois moins d’œstrogènes et 20 fois plus de testostérone chez les hommes que chez les femmes, bien que ça ne soit pas ce qu’elle écrit. Le mélange de comparaisons inter-sexes et intra-sexes dans le paragraphe et à l’intérieur même d’une de ses phrases crée la confusion, une confusion que j’ai du mal à attribuer à une simple maladresse car l’auteure fait montre par ailleurs d’une parfaite maîtrise du français. C’est la même description confusante des différences hormonales entre hommes et femmes qui apparaît dans un billet publié par elle en mai 2015 sur le site de l’Obs, en réaction aux propos de Maïwen qui venait de justifier en ces termes son souhait de ne pas apparaître dans un documentaire sur les femmes réalisatrices : « C’était très important pour moi de ne pas figurer là-dedans, on fait du tort aux femmes en râlant comme ça. Il y a plus de maquilleuses femmes que d’hommes, et alors? Qui s’en émeut? C’est un métier qui fait appel aux hormones masculines, donc il y a simplement plus d’hommes réalisateurs, c’est aussi bête que ça ».
[34] Voir par exemple Demers L.M., 2008, Testosterone and estradiol assays: Current and future trends, Steroids, vol.73, p. 1333-1338 et Rothman et al, 2011., Reexamination of testosterone, dihydrotestosterone, estradiol and estrone levels across the menstrual cycle and in postmenopausal women measured by liquid chromatography–tandem mass spectrometry, Steroids, vol.76, p. 177-182. On peut aussi constater la variation dans le temps des intervalles de référence lorsqu’on consulte l’historique publiés aux Etats-Unis par le NIH Clinical Center, disponible en ligne pour certaines hormones sur http://cclnprod.cc.nih.gov/dlm/testguide.nsf.
[35] En biochimie clinique, l’intervalle de référence pour un dosage donné est en principe déterminé à partir de l’ensemble de ses valeurs observées dans une large population d’individus « en bonne santé » (avec une définition variable), dont on exclut les 2.5% les plus basses et les 2.5% les plus hautes. Si ce paramètre est distribué selon une courbe de Gauss, cela correspond à l’intervalle centré sur la moyenne des valeurs observées et contenant 95% d’entre elles, i.e. l’intervalle compris entre la valeur moyenne moins 2 écarts-types et la valeur moyenne plus 2 écarts-types.
[36] Voir la critique de son argument dans https://allodoxia.odilefillod.fr/2012/12/09/habemus-sex-papam/, à compléter par la lecture de https://allodoxia.odilefillod.fr/2012/12/10/habemus-sex-suite/ ou l’on voit les corrections apportées à l’article du Point en ligne (« de façon symétrique » est remplacé par « de façon plus symétrique », et « avant l’ovulation » par « pendant les règles »). A noter que ces corrections rendent les affirmations de Jean-François Bouvet un petit peu moins fantaisistes mais pas correctes pour autant, et surtout ne modifie pas le contenu de son livre, conforme à la première version de son interview dans Le Point.
[37] Sous le contrôle de l’hypothalamus, l’hypophyse produit notamment deux hormones qu’elle libère dans le sang : la FSH (folliculostimuline) et la LH (hormone lutéinisante). Pendant la première partie du cycle qui par convention commence le premier jour des règles (phase folliculaire), les follicules ovariens mûrissent sous l’effet de la FSH. Ils produisent et libèrent dans le sang une quantité croissante d’œstrogènes, qui lorsqu’ils atteignent un niveau suffisamment élevé déclenchent une forte libération par l’hypophyse de FSH et surtout de LH. Elle a pour effet d’initier la rupture du follicule mûr (en principe un et un seul l’est) et de provoquer une chute brutale de la production d’œstrogènes par les ovaires. Le follicule mûr se rompt et libère l’ovocyte qu’il contenait : c’est l’ovulation. La deuxième partie du cycle commence alors (phase lutéale). Le follicule qui s’est rompu est transformé en corps jaune, et les productions ovariennes d’œstrogènes et de progestérone se mettent à augmenter. La rétroaction des hormones ovariennes sur le complexe hypothalamus-hypophyse se traduit durant cette phase par une inhibition de la production de LH et de FSH. Le corps jaune régresse, la production d’œstrogènes se met alors à décliner ainsi que celle de progestérone, dont la synthèse cesse avec la disparition du corps jaune. De ce fait, l’inhibition de la production de FSH est levée. Son taux se remet donc à augmenter, et ainsi commence un nouveau cycle.
[38] S’il y a fécondation d’un ovocyte, le corps jaune issu du follicule qui l’avait libéré reste actif, produisant œstrogènes et surtout progestérone, maintenant ainsi l’inhibition de la production de LH et de FSH et empêchant par conséquent la maturation des follicules et le début d’un nouveau cycle. Si l’embryon résultant de la fécondation s’implante dans l’utérus, c’est après quelques semaines le placenta qui prend le relais et assure la production continue de hauts niveaux de ces hormones.
[39] Selon les données de la Figure 2 (issues de l’enquête Fécond 2013) dans BAJOS Nathalie et al., 2014, La crise de la pilule en France : vers un nouveau modèle contraceptif ?, Population & Sociétés, n°511 (36.5 + 4.1 + 4.5 = 45, et 45% de 75% = 34 %), et ce malgré la diminution récente du recours à la pilule.
[40] CHIAZZE Leonard et al., 1968, The length and variability of the human menstrual cycle, JAMA, vol.203(6), pp. 377-380.
[41] Pour une distribution dite normale, i.e. ayant la forme d’une courbe de Gauss (courbe en cloche symétrique), environ 95%, 90% et 68% des valeurs appartiennent à l’intervalle défini par le valeur moyenne plus ou moins (respectivement) 2 écarts-types, 1.65 x l’écart-type et 1 écart-type. Il est d’usage en médecine de considérer comme normales les valeurs se situant entre le 5ème centile et le 95ème centile, donc dans la plage dans laquelle tombent symétriquement autour de la médiane 90% des valeurs observées. Ainsi, si la durée moyenne est de 28.1 et l’écart-type de 3.95 (comme c’était le cas ici après exclusion des 5% de valeurs extrêmes), on peut considérer que les cycles de durée normale sont ceux situés dans l’intervalle [28 – 1.65 x 3.95 ; 28 + 1.65 x 3.95] si la distribution est gaussienne. Ca n’est pas tout-à-fait le cas pour la durée des cycles menstruels, mais cette estimation donne un ordre de grandeur correct.
[42] Selon les recensions faites dans divers supports de ces deux études que je n’ai pu consulter. Références : MATSUMOTO S, NOGAMI Y, OHKURI S., 1962, Statistical studies on menstruation: A criticism on the definition of normal menstruation, Gunma Journal of Medical Science, vol.11, p. 294-318. TRELOAR Alan, BOYNTON Ruth, BEHN Borghild, BROWN Byron, 1967 Variation in the human menstrual cycle through reproductive life, International Journal of Fertility, vol. 12, p. 77-126 .
[43] MUNSTER Kirstine, SCHMIDT Lone, HELM Peter, 1992, Length and variation in the menstrual cycle–a cross-sectional study from a Danish county, British Journal of Obstetrics & Gynaecology, vol.99(5), pp. 422-4299. Etude menée sur un échantillon de 3743 femmes âgées de 15 à 44 ans sélectionné aléatoirement dans une commune danoise.
[44] JEYASEELAN L., ANTOMISAMY B., RAO P.S., 1992, Pattern of menstrual cycle length in south Indian women: a prospective study, Social Biology, vol.39(3-4), p. 306-309. Etude menée sur 8308 cycles de 1740 femmes.
[45] La durée de la deuxième partie du cycle varie également mais dans une moindre mesure. Elle est de manière convergente documentée comme étant plus stable et plus proche de 14 jours. Par ailleurs, la diminution de la durée moyenne des cycles observée avec le vieillissement est attribuable au moins en partie au raccourcissement de la première partie du cycle (phase folliculaire).
[46] Dans l’extrait de son livre cité plus haut (2014), on peut lire ceci : « Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ces biais n’ont rien de (globalement) malveillant –au pire, ils jouent simplement la carte de la facilité. Comme les hommes n’ont pas de cycle menstruel, leurs hormones ne varient pas au cours du temps, ce qui les rend, en tant que population, plus faciles à étudier, et comme ils sont plus homogènes, les résultats obtenus sont à leur tour plus faciles à analyser et à interpréter. » Dans sa traduction d’un texte de Melinda Wenner Moyern, publiée sur Slate.fr le 6 août 2010 sous le titre « La recherche médicale néglige les femmes », elle écrivait déjà ceci : « Évidemment, ce biais n’a rien de malveillant –il est juste un petit peu paresseux. Comme les hommes n’ont pas de cycle menstruel, leurs hormones ne varient pas au cours du temps, ce qui les rend plus homogènes en tant que population à étudier, et assure des résultats plus faciles à analyser et à interpréter. » Il s’agit de sa traduction du passage suivant du texte de Melinda Wenner Moyern : « Of course, this bias isn’t malicious—just a little lazy. Because males don’t have a menstrual cycle, their hormones do not fluctuate much over time, making them a more homogenous study population and ensuring that results are easier to analyze and interpret. » On notera que Peggy Sastre oublie de traduire le “much” de Melinda Wenner Moyern. Quant au texte d’origine écrit par cette dernière, il tombe dans le piège consistant à prendre pour un fait ce qui n’était qu’une justification avancée pour expliquer l’exclusion des femmes des essais cliniques. A noter que d’autres passages du livre de Peggy Sastre reprennent cette traduction, tel « Une étude publiée en juillet 2006 et comparant les niveaux d’expression génique chez des souris mâles et femelles, découvrait ainsi que 72% des gènes actifs dans le foie, 68% dans les cellules graisseuses, 55,4% dans les muscles et 13,6% dans le cerveau s’exprimaient à des degrés différents selon les sexes », qui reprend sa traduction de « A study published in July 2006 in Genome Research compared the levels of gene expression in male and female mice and found that 72 percent of active genes in the liver, 68 percent of those in fat, 55.4 percent of the ones in muscle, and 13.6 percent of genes in the brain were expressed in different amounts in the sexes. »
[47] Une grande partie de la testostérone circule dans le sang en étant liée à une protéine appelée SHBG (Sex Hormone Binding Globuline), ce qui la rend concrètement inactive, au sens où elle n’est pas disponible pour ses cellules cibles. La fraction de testostérone totale non liée à cette protéine est appelée biodisponible. Une très grande partie de celle-ci est liée à une autre protéine, l’albumine, mais on considère qu’elle est néanmoins biodisponible car elle peut plus facilement s’en détacher que de la SHBG, et ainsi agir dans ses cellules cibles. On appelle testostérone libre la toute petite fraction (de l’ordre de 1%) de la testostérone totale qui n’est liée à aucune protéine. La plupart du temps, la testostérone libre n’est pas mesurée mais calculée, et il existe différentes méthodes pour ce faire qui peuvent donner des résultats assez différents.
[48] Références citées : MURRAY M. A. F., CORKER C. S., 1973, Levels of testosterone and luteinizing hormone in plasma samples taken at 10-minute intervals in normal men, Journal of Endocrinology, vol.56(1), p.157-158 ; COOKE R.R., McINTOSH J.E.A. et McINTOSH R.P., 1993, Circadian variation in serum free and non-SHBG-bound testosterone in normal men: measurements, and simulation using a mass action model, Clinical Endocrinology, vol.39, p. 163-171. ; CARLSEN E., OLSSON C. et al., 1999, Diurnal rhythm in serum levels of inhibin B in normal men: relation to testicular steroids and gonadotropins, The Journal of Clinical Endocrinology & Metabolism, vol.84(5), p. 1664-1669 ; DIVER M.J., IMTIAZ K. E. et al., 2003, Diurnal rhythms of serum total, free and bioavailable testosterone and of SHBG in middle-aged men compared with those in young men, Clinical Endocrinology, vol.58(6), p. 710-717.
Passionnant merci: non seulement la déconstruction méticuleuse du discours amateuriste (et orienté) tenu dans l’émission, mais aussi la présentation des données scientifiques disponibles actuellement sur le sujet.
C’est toujours jubilatoire de voir des idées reçues se faire tordre le cou.
Je crois que vous vous trompez sur la source de la jubilation. Ce qui est véritablement jubilatoire, c’est de voir des confirmations de ses propres idées reçues. C’est ce que l’on appelle le biais de confirmation.
Il me semble que c’est précisément ce que reflètent beaucoup de commentaires sur ce blog.
Merci pour votre blog.
Votre analyse est intéressante, comme toujours, même si je trouve la démarche quelque peu excessive. En gros, chaque affirmation d’une phrase fait l’objet d’un procès en imprécision disproportionné qui s’étale sur des centaines voire des milliers de mots avec un luxe de détails. C’est très louable mais on voit bien dans les commentaires à quoi cela aboutit: vos lecteurs, sans nécessairement suivre votre argumentation dans tous ses détails ni chercher précisément quelle donnée contredit quoi, en tirent la conclusion que l’affirmation est totalement fausse, que les intervenants ne savent pas de quoi ils parlent et qu’ils racontent n’importe quoi. Ce qui n’est en général pas la conclusion correcte mais ça apporte toujours de l’eau au moulin du dénigrement.
Par exemple, si on devait prendre systématiquement en compte votre style de critique, il serait totalement impossible de faire la vulgarisation scientifique. On n’aurait plus le droit de donner la moindre moyenne, ni de faire la moindre approximation ou simplification. Vous critiquez toute moyenne sous prétexte qu’il y a de la variabilité autour de la moyenne, et la moindre imprécision ou simplification, qu’elle soit pertinente ou pas pour la conclusion.
Or votre analyse des données sur la variabilité du cycle menstruel (III.2) montre bien que parler d’un cycle de 28 jours en moyenne n’est pas scandaleux. Et parler de 14 jours pour la période pré-ovulatoire ne l’est pas non plus. Ce sont juste des moyennes et des approximations, que vous ne remettez absolument pas en cause à l’aide des données rapportées. Votre phrase de conclusion sur ce point “Elle indique enfin que plus de la moitié de cette variabilité de la durée du cycle menstruel est imputable à celle de sa première partie [45], dont on ne peut donc en aucun cas dire qu’elle équivaut aux « 14 premiers jours” n’est pour moi pas logique. En quoi la variabilité de la première partie du cycle remet-elle en cause sa durée moyenne de 14 jours?
Je suis d’accord avec vous qu’il pourrait être bon de rappeler la variabilité autour des moyennes, mais on ne peut pas le faire à chaque fois qu’on donne un nombre en faisant de la vulgarisation. Je suis aussi d’accord avec vous que le discours simplificateur qui en découle est un peu caricatural. C’est plus là-dessus que devrait porter votre critique. Mais vous vous attaquez à des affirmations factuelles avec des nombres précis et au final vous ne remettez pas en cause ces nombres. Le problème c’est qu’à la fin de votre diatribe le lecteur a le sentiment contraire, et en ressort avec cette impression fallacieuse de “tout ça c’est n’importe quoi”.
La dernière partie de mon dossier sur cette émission répondra à votre remarque, montrant qu’il est bien-sûr possible de faire de la vulgarisation scientifique, et bien-sûr possible de donner des moyennes, entre autres.
En ce qui concerne le cycle menstruel, je n’ai pas dit qu’il était “scandaleux” de parler d’une moyenne de 28 jours, et les éléments que je donne remettent bien en cause ce nombre : non, on ne peut pas dire que le cycle menstruel dure en moyenne 28 jours, ne serait-ce que parce que l’étude de référence la plus citée à l’appui de ce nombre a trouvé une moyenne de 29.1 jours – et pour toutes les autres raisons exposées – et on ne peut pas dire non plus que “pendant la première partie du cycle” est synonyme de “pendant les 14 premiers jours” (Cymes ne parle pas de moyenne). Si vous ne voyez pas la différence entre dire : “en France, les femmes mesurent en moyenne 1m65 » et “chez la femme, la stature est égale à 1m65 », je ne peux décidément rien pour vous.
Autre exemple, votre rappel très intéressant des fluctuations circadiennes de la testostérone chez l’homme. Je suis d’accord avec vous que cela montre que le schéma produit par France 2 (sinusoïde vs ligne, pour des substances non précisées mais différentes entre les sexes) est excessivement simplificateur.
Mais une fois qu’on a dit que c’est simplificateur, so what?
– cela ne remet pas en cause quoi que ce soit de ce qui a été dit précédemment sur le cycle menstruel chez la femme;
– cela remet en cause l’idée d’une constance hormonale chez l’homme, mais pas dans le sens où cela rendrait les différences entre les sexes insignifiantes (“les deux sexes fluctuent donc c’est pareil”, ce que vous ne dites pas mais qui, il me semble, est implicitement suggéré par votre argumentation, et risque d’être compris ainsi par vos lecteurs).
Bien au contraire, ces fluctuations circadiennes de la testostérone à une fréquence très différente du cycle menstruel sont une différence biologique de plus entre les sexes!
Ce qu’il faudrait recommander à France 2 (plutôt que juste les dénigrer en n’offrant aucune clé pour faire de la vulgarisation scientifique acceptable selon vos critères), c’est de complexifier leur schéma (et leur discours à l’avenant) de manière à faire apparaître les fluctuations hormonales féminines et masculines, chacune avec sa fréquence et son amplitude moyennes caractéristiques (à des échelles comparables). Bref, faire de la critique constructive.
Quant à votre phrase de conclusion, elle ne fait qu’exprimer vos croyances.
“Si les propriétés psychotropes à court terme communément attribuées à la testostérone étaient réelles, il y aurait un sacré champ de recherches à ouvrir pour étudier la variabilité des performances cognitives et des comportements des hommes selon le moment de la journée…”
C’est une forme de “disbelief argument”. Vous ne pouvez pas croire à des effets psychotropes de la testostérone. Mais votre incapacité à y croire n’est pas un argument recevable. De fait, je suis d’accord avec votre conclusion: il y a un sacré champ de recherches à ouvrir pour étudier la variabilité des performances cognitives et des comportements des hommes selon le moment de la journée. Et il n’est pas déraisonnable du tout de penser que les fluctuations de la testostérone soient un facteur (parmi d’autres) qui contribuent aux fluctuations cognitives qui sont bien connues et qui restent largement inexpliquées.
Au final votre conclusion suggère fallacieusement au lecteur que l’idée d’effets psychotropes des hormones sexuelles est ridicule, alors qu’elle ne l’est pas et que vous n’avez démontré rien de tel.
Toute cette digression sur les fluctuations de la testostérone n’est rien d’autre que la mise en évidence d’une simplification excessive, il aurait été préférable d’en rester là et de montrer comment faire mieux.
Mr. Ramus : Vous parlez d’une simple évidence de “simplifications excessives”.
Premièrement, peut-être faudrait-il arrêter de prendre les gens pour des imbéciles ! Ce n’est pas plus compliqué d’expliquer que la testostérone suit aussi certains cycles, et n’est pas du tout stable. Bien sûr, en partant du principe que la testostérone est bel et bien l’hormone de l’agressivité/désir/conquête (ce qui est très discutable), on ne comprend plus pourquoi on observe pas de variations cognitives chez l’homme au court de la journée (ou en tout cas, on en parle même pas ! Ce qui arrange pour la suite). Ce premier mensonge par omission sert à alimenter le reste des théories scabreuses, voilà pourquoi il est aussi dérangeant. Idem pour les moyennes, au bout d’un moment, peut-être qu’au lieu de penser que c’est “compliqué”, on pourrait présenter les choses convenablement (avec un intervalle) ?
Deuxièmement, la ligne entre “simplification” et mensonge est très fine, et a été franchit plusieurs fois au court de cette émission. Pour une émission qui veut “démolir les clichés” (on ne parle de faire une revue de la littérature, mais bien d’anéantir les clichés homme/femme) c’est quand même un comble ! Certaines représentations sont créées de toutes pièces (les fibres musculaire, les cycles, sont totalement fantaisistes), donc on ne fait que rendre les choses plus confuses. Pire encore, pour les personnes non expertes du domaine, elles gagnent l’impression de “savoir” alors qu’il n’en est rien, ce qui est pire que de ne pas savoir. Réapprendre est bien plus difficile qu’apprendre…
Troisièmement, au sujet de la vulgarisation. Oui c’est un “art” extrêmement difficile qui demande beaucoup de préparation et beaucoup de compétences, à la fois dans le domaine vulgarisé mais aussi dans la communication et la pédagogie. Ici, soit la littérature n’a pas été revue à fond (voir les ouvrages cités en référence
qui contredisent ce qui est raconté dans l’émission, c’est une erreur grave pour un scientifique ! Et personnellement ça me choque pour une émission qui se veut du côté de la science !), soit il y a manque de compétence dans la présentation.
Pour terminer, il ne faut oublier le contexte : L’émission est présentée comme soutenue par des experts, donc fait argument d’autorité pour le téléspectateur. Ce qui est dit sera reçu comme le condensé le plus à jour de la science sur le domaine. Si ce qui est raconté est faux/sur-simplifié, l’émission perd tout son intérêt et devient même néfaste pour la propagation des connaissances. L’émission affirme que de nombreux comportements sont régulés par les hormones, pire, elle suggère même des comportements à adopter en fonction de celle-ci (vous êtes un femme, faite de la course, une homme -> de l’haltérophilie). En réalité, la science actuelle ne soutient absolument pas ça (je ne dis pas qu’elle soutient le contraire, mais en tout cas, rien ne permet de suggérer ce qui est raconter dans l’émission).
Pourquoi ne pas simplement dire la vérité : Grosso modo, les résultats sont négatifs, les hormones, si elles drivent certains comportements, sont très subtiles et l’état des connaissances actuelles ne permettent pas de faire de conclusions définitives. Alors, pourquoi ? parce que c’est un show télévisé, et que bien sûr, si on parle de résultats négatifs pendant 2 heures, l’audience se casse la gueule. Tout comme il est presque impossible de publier des résultats négatifs en science parce que ce n’est pas très vendeur. Donc on sur-interprète, on arrange un peu pour que ça soit plus joli, etc…
Donc voilà pourquoi, il faut, et il est bon, de rentrer dans les détails, et de dire ce qui ne va pas du tout, quitte à ce que cela prenne quelques milliers de mots. D’autant plus sur des sujets de société sensibles comme l’égalité homme/femme. A mon avis, les producteurs/concepteurs/conseillers scientifiques savent très bien qu’une bonne parties des infos sont approximatives, mais ça ne pèse pas grand chose face à la présentation et les éventuelles contraintes du show (temps/support/…).
Quark, sur le premier point, vous mélangez différentes choses. D’une part, il y a des variations hormonales au cours de la journée, chez l’homme, probablement aussi chez la femme, et il y a aussi des variations cognitives au cours de la journée, et il y a peut-être un lien entre les deux, qui resterait à bien établir. Ce n’est pas difficile à comprendre, l’émission aurait pu choisir de l’indiquer, mais le fait de l’omettre ne change rien. Le choix de l’émission a été de montrer les différences hommes-femmes là où elles sont claires, c’est-à-dire à une autre échelle de temps, celle du mois. A cette échelle temporelle, les fluctuations chez la femme sont indéniables, alors que chez l’homme elles ne sont à ma connaissance pas attestées. Le graphique les montre sous une forme idéalisée (sinusoïde et droite), mais on ne peut absolument pas qualifier cela de “fantaisiste”.
Il est important de comprendre que le fait que la testostérone montre des fluctuations circadiennes chez l’homme ne contredit pas le fait qu’elle est relativement constante à l’échelle du mois. Si on fait la moyenne du taux de testostérone des hommes sur l’ensemble de la journée, et qu’on mesure cette moyenne chaque jour pendant plusieurs mois, on obtient une ligne horizontale similaire à celle montrée sur le graphique de l’émission. Ce graphique n’est donc même pas faux! Il montrent simplement les taux hormonaux à une échelle de temps d’environ 6 mois, ce qui fait qu’on ne peut pas représenter les variations au sein d’une journée sur ce graphique. A cette échelle temporelle, les courbes doivent être lissées ou filtrées pour être lisibles. Ce n’est pas une tricherie, c’est la seule manière possible de représenter les variations des taux d’hormones à l’échelle du mois.
Evidemment, la ligne horizontale montre une constance de la testostérone, toutes choses égales par ailleurs. Comme l’a indiqué Odile, divers facteurs externes peuvent influencer les taux de toutes les hormones, chez l’homme comme chez la femme. Là encore, l’émission aurait pu l’indiquer, comme elle aurait pu indiquer plein d’autres choses si le temps d’antenne et l’attention des téléspectateurs était illimités. Mais il n’y a pas lieu de faire croire que cette omission est coupable.
“D’une part, il y a des variations hormonales au cours de la journée, chez l’homme, probablement aussi chez la femme, et il y a aussi des variations cognitives au cours de la journée, et il y a peut-être un lien entre les deux, qui resterait à bien établir.”
-> Certes oui il y a des variations hormonales sur la journée. Des variations cognitives, peut-être aussi. Des variations cognitives clairement corrélées avec les variations hormonales ? Mieux, des variation cognitives causées par les variations hormonales ? Aucune étude ne montre ça, ou alors je veux bien l’ensemble des sources d’une pareille affirmation. Vous affirmez ça avec un tel aplomb, mais rien ne le confirme aujourd’hui.
“Ce n’est pas difficile à comprendre, l’émission aurait pu choisir de l’indiquer, mais le fait de l’omettre ne change rien”
Si, ça change tout, c’est encore une opposition homme – stabilité ; femme – instabilité. Vous choisissez de l’ignorer mais dans la tête de beaucoup de monde c’est comme cela que ça sera interprété. Et ça reste un mensonge qui n’est pas nécessaire, quelle est la justification d’un tel choix ? Votre seul argument c’est “mais on s’en fout”. Mais avec un tel raisonnement on arrête de faire de la science ! C’est anti-scientifique.
“Le choix de l’émission a été de montrer les différences hommes-femmes là où elles sont claires, c’est-à-dire à une autre échelle de temps, celle du mois.”
Mais c’est complètement discutable comme choix ! C’est une question d’échelle, alors si on choisissait le jour, on aurait le graphique inverse de ce qui est représenté, ce qui ne serait pas moins mensonger ! Choisir les échelles qui arrangent, procédé souvent employé dans les médias je dois dire, est une forme de mensonge, car elles ne montrent qu’une facette de la vérité comme ici. Si on ne peut représenter deux variations sur la même échelle, alors on utilise une autre représentation car la première n’est pas adaptée. Une fois de plus vous ne voyez qu’une partie du problème : Ce n’est pas que le graphe, mais aussi les conclusions qui en découlent par la suite, vous ne pouvez séparer les éléments des uns des autres comme ça vous arrange.
“Il est important de comprendre que le fait que la testostérone montre des fluctuations circadiennes chez l’homme ne contredit pas le fait qu’elle est relativement constante à l’échelle du mois. Si on fait la moyenne du taux de testostérone des hommes sur l’ensemble de la journée, et qu’on mesure cette moyenne chaque jour pendant plusieurs mois, on obtient une ligne horizontale similaire à celle montrée sur le graphique de l’émission.”
Je n’ai pas dis le contraire, mais c’est totalement absurde. Si l’on est intéressé par les relations hormones-cognitions c’est passer à côté d’un pan entier du sujet, comme l’a déjà signalé Odile Fillot. Et rien ne justifie une telle chose, à part, “on s’en fout”. Vous pouvez le tourner dans le sens que vous voulez, mais expliquer qu’il existe des variations chez l’homme ne complexifie rien, mais impose l’idée que l’homme a une cognition potentiellement aussi “instable” que la femme. Peut-être même pire, du coup. Et vous ne semblez pas saisir ce stéréotype pourtant très répandu.
“Là encore, l’émission aurait pu l’indiquer, comme elle aurait pu indiquer plein d’autres choses si le temps d’antenne et l’attention des téléspectateurs était illimités. Mais il n’y a pas lieu de faire croire que cette omission est coupable.”
Si on est incapable de faire les choses correctement, alors on ne le fait pas. L’enfer est pavé de bonnes intentions. Si on est limité par le temps, alors on aborde moins de sujets sans les trucider de contre-vérité et de représentations de très mauvaises qualité (pour ne pas dire de mensonges flagrants). C’est une mauvaise excuse que vous avancez ici.
Une fois de plus, n’oubliez pas le pouvoir de l’argument d’autorité de l’émission et des ‘experts’. C’est dommageable pour la science en général, et pour les gens qui écoutent.
Mon petit gars, si on prenait la variabilité sur une échelle de temps mensuelle, il n’y aurait aucune variation hormonale chez la femme.
On se demande pourquoi il faut prendre une mesure du temps en jours pour que la mesure soit pertinent chez la femme, mais se refuser d’envisager de mesure la variation hormonale par heure chez le sujet masculin.
Vous vous rendez compte de votre mauvaise foi, quand même ? Quand vous dites que la seule échelle de temps pertinente est 24 heures ?
D’où est-ce que vous avez décidé de cette pertinence ?
Relisez-moi bien. Nulle part je n’ai dit qu’une échelle de temps était plus pertinente qu’une autre. J’ai écrit: “Le choix de l’émission a été de montrer les différences hommes-femmes là où elles sont claires, c’est-à-dire à une autre échelle de temps, celle du mois”.
C’est un choix délibéré, bien sûr, de montrer ce qui diffère là où ça diffère (parce que c’est le sujet de l’émission), plutôt que le milliard de choses qui ne diffère pas.
De manière générale, tous les nombres donnés et tous les graphiques sont toujours “en moyenne, toutes choses égales par ailleurs”. Je suis d’accord avec Odile et vous sur le fait qu’il serait bon de le rappeler plus souvent que cela n’est fait. Mais vous conviendrez qu’on ne peut tout de même pas le répéter à toutes les phrases. Dans l’émission, l’expression “en moyenne” est déjà répétée un certain nombre de fois, les citations d’Odile en attestent. On peut bien sûr demander toujours plus.
Je serais également partisan d’exiger d’indiquer systématiquement des intervalles de confiance à chaque fois que l’on donne une moyenne (notamment dans les résultats de sondages…). Mais, sans prendre les gens pour des imbéciles, il faut quand même dire que cette notion n’est apparue dans les programmes de 1ère et Terminale qu’en 2012, et son enseignement est encore en rodage. Pour beaucoup de mes élèves cela reste à assimiler à l’entrée en master…
“Dans l’émission, l’expression « en moyenne » est déjà répétée un certain nombre de fois, les citations d’Odile en attestent. On peut bien sûr demander toujours plus. ”
Ça peut facilement se représenter sur un graphe, ne soyez pas de mauvaise foi… Représenter un graphe avec ses valeurs et ses écarts types, pointer du doigt qu’il y a énormément de variations individuelles, c’est une phrase, et ça change tout, ça ouvre des discussions. Montrer que ces valeurs peuvent être chevauchantes avec les valeurs d’œstrogènes de l’homme aussi… Pardon, l’homme n’a pas d’œstrogènes c’est vrai, que de la bonne grosse testostérone. (Je plaisante bien sûr =))
De reste, même si c’est une notion “récente”, quand même, je n’ai pas l’impression que ça soit très compliqué hein… Je pense qu’éventuellement, vos élèves on plus de mal avec l’aspect calcul de la valeur, que ce qu’elle représente. Mais le calcul, là pour le coup, on peut l’omettre.
Après je suis aussi généralement insatisfait de la manière dont les médias rendent compte de la science, il y aurait plein de choses à dire, y compris sur cette émission, et certains points d’Odile sont tout à fait valables. Mais ce n’est pas une raison pour tout critiquer à tort et à travers et faire les tours de passe-passe argumentatifs qu’on peut voir ici.
Mon petit gars, visiblement, ça prend pas, la dénonciation des “tours de passe-passe argumentatifs”, vu que vous ne parvenez pas à en convaincre vos contradicteurs.
Expliquez-nous un peu pourquoi la mesure mensuelle est pertinente pour la femme quand la mesure journalière ne le serait pas pour l’homme. Vous avez peur qu’on dise que les hommes sont très changeants d’humeur ? Qu’ils ont en quelque sorte leurs règles tous les jours ?
Encore une fois, relisez-moi bien.
Sur la “pertinence”, j’ai répondu ci-dessus.
Sur les possibles variations cognitives qui pourraient être associées aux variations de testostérone, non seulement elles ne me font pas peur, mais c’est moi-même qui ai évoqué l’idée, et qui ai fait le reproche à Odile de balayer cette hypothèse d’un revers de main!
J’ai écrit: “il n’est pas déraisonnable du tout de penser que les fluctuations de la testostérone soient un facteur (parmi d’autres) qui contribuent aux fluctuations cognitives qui sont bien connues et qui restent largement inexpliquées. ”
Bref, vous êtes plus dans le procès d’intention que dans l’analyse de ce que j’ai véritablement écrit.
Ce qui est fou, c’est que j’apprends des choses sur mon propre corps dans cet article. Qu’est-ce qu’on peut nous raconter comme bêtises quand on nous parle de ce sujet à l’école !
Les cours d’éducation sexuelle sont exactement tels que l’émission : ils assènent des vérité absolue au lieu d’exprimer des doutes, et préfèrent parler d’une norme plutôt que de moyennes. J’ai moi aussi eu droit au “le cycle d’une femme est de 28 jours”, et on m’a même affirmé que si mon cycle ne faisait pas 28 jours, “il faudrait que je prenne la pilule pour le réguler, parce que c’était anormal”. Les cours de SVT semblent aussi vouloir nous faire ignorer la répartition des hormones dans les corps, puisque le propos repose sur cette dualité homme/testostérone VS femme/progestérone+œstrogène. Bien entendu, “souvent femme varie” alors que l’homme serait constant ; ce qui permet la validation de tous les stéréotypes sur les femmes et l’inconstance de leur psychisme, ainsi que sur la sexualité des hommes qui “ne penseraient qu’à ça” puisque leur taux d’hormone est fixe. N’oublions pas la bêtise classique de “ce sont des hormones sexuelles” alors que les hormones ont des fonctions très variées…
Bref, cet article serait éminemment nécessaire aux profs de SVT pour qu’on cesse d’apprendre des fausses-vérités aux collégiens. L’éducation sexuelle au collège serait à revoir dans son ensemble : c’était quand même un bon gros ramassis d’âneries.
J’interromps un instant le travail de galérien dans lequel je suis plongée pour les quatre mois à venir pour dire combien ce commentaire me fait plaisir. D’abord il constitue une très bonne réponse aux personnes (elles se reconnaîtront) qui me reprochent de m’appesantir sur des détails qui seraient sans importance, parce que ce qui est raconté ne serait pas si éloigné que ça de la réalité biologique et/ou parce que ça ne serait pas de nature à alimenter les stéréotypes. En outre, il me rassure quant à l’atteinte de l’un des objectifs que je m’étais fixés ici : c’est justement avec l’idée de ne pas me limiter à la critique des allégations les plus graves de cette émission, mais d’en profiter pour rendre accessible à tous un développement détaillé de certains points que j’ai évoqués dans deux conférences sur la prise en compte du genre en didactique des SVT, que j’ai commencé à rédiger ce dossier en plusieurs parties. Bref, merci à vous, donc.
Je suis contente que mon commentaire vous fasse plaisir. Il me semble en effet que j’entrevois plutôt bien (je crois) l’idée générale que vous vous faites de cet article ; à savoir un dépassement des défauts de cette émission en particulier pour permettre de poser des questions sur la façon dont le genre est abordé en société (notamment à l’école). Je trouve que vous y réussissez très bien. Par ailleurs, oui, je trouve votre article informatif dans le sens où j’apprends vraiment des choses. Étant intéressée par la thématique du genre, je me suis souvent questionnée sur la “différence-homme-femme”, un des arguments massues des personnes qui n’entrevoient l’égalité entre les sexes que dans une forme d’égalité dans la différence. Votre article me permet de trouver des réponses à des affirmations que j’ai entendu toute ma vie (telles que “nous sommes différents à cause de nos hormones”) et qui n’avaient jamais trouvées de réponses ailleurs malgré mes recherches : je vous suis donc vraiment reconnaissante pour le travail de titan que vous effectuez. Je lirai la partie 3 (et la suite) avec joie.
J’essaye de comprendre.
Au final, est-ce que vous voulez dire que si nous produisons des hormones, que si nous avons des récepteurs pour ces hormones, c’est dans les mêmes proportions entre homme et femmes et que donc, ça n’a vraisemblablement aucun effet en terme de différence homme/femme ?
Absolument pas. J’explique juste pourquoi il est trompeur, inapproprié, d’appeler “hormones de la femme” ou “hormones féminines” les oestrogènes (et la progestérone). Regardez les tableaux que j’ai inclus sur ces deux hormones : ils n’indiquent pas du tout qu’elles sont produites dans les mêmes proportions quel que soit le sexe. Il en est de même pour les androgènes, produits en moyenne chez les hommes en quantités très nettement supérieures à la moyenne des femmes.
Merci pour la réponse. Mais alors, n’est-il pas raisonnable de penser que ces différences de proportions doivent induire – en moyenne – des différences homme / femme ?
Je crois comprendre les enjeux, car derrière une différence homme/femme il se greffe des tas de projets plus ou moins idéologiques, et dans l’indifférenciation aussi.
Mon problème est que j’ai beaucoup de mal à admettre que des choses comme porter un enfant, et d’avoir un corps et une physiologie faites pour ça, puisse être quelque chose de neutre qui n’engendre aucune différence entre homme et femme. Je ne peux m’empêcher d’y voir la négation d’une évidence qui ne fait en rien avancer le schmilblick.
Bien sur, il y a des variations, et même des caryotypes non conformes à des normes – en quoi cela invalide l’existence de personnes qui sont XX, ou XY qui auraient le droit d’être femmes ou hommes, je ne comprend pas. S’il existe des noirs albinos, alors faut-il en déduire que les noirs n’ont pas la peau plus sombre que les blancs parce que ces derniers ont eu besoin de mieux capter les UV, avec comme argument “la preuve, il y a des albinos”. Est-ce là que doit se nicher la raison ? Est-ce comme ça qu’on arrivera à des solutions.
C’est une chose de déboulonner des stéréotypes (tiens , je vous en donne un, les femmes étaient considérées, avant, comme bien meilleures que les hommes en programmation informatique, elles occupaient 70% des postes, car c’était vu comme… appliquer des recettes de cuisine 😉 – c’est autre chose de considérer que la physiologie des hommes et des femmes est aussi un stéréotype et sous-entendre sans rire qu’il n’y a pas de différence de musculature (comme vous le suggérez dans l’article précédent) – oubliant au passage combien le rapport de force purement physique est – malheureusement – important dans le développement de notre rapport à l’autre et au monde.
Ca commence à être fatigant de répondre à vos questions, qui à chaque fois me prêtent des propos ou des intentions qui ne sont pas les miennes. Bien-sûr qu’il est raisonnable de penser que ces différences hormonales induisent des différences entre femmes et hommes. Il est même absolument certain qu’elles induisent de telles différences. Je l’explique d’ailleurs clairement dans une vidéo sur la puberté que vous trouverez ici : http://matilda.education/app/course/index.php?categoryid=8 Que vous faut-il de plus ?!
PS : en plus je ne sous-entend pas dans l’autre article qu’il n’y a pas de différence musculaire. Vous ne savez pas lire ou vous faites semblant ? Extrait : “Concernant la première grande différence évoquée ci-dessus, il est bien établi que la testostérone stimule la synthèse de protéines, et ce notamment dans les muscles : c’est ce qui lui vaut d’être qualifiée de stéroïde « anabolisant ». La synthèse accrue de protéines dans les fibres musculaires conduit à une augmentation de leur diamètre, et le tout se traduit au final par une augmentation du volume et de la force des muscles. Ce phénomène bien connu dans le monde du culturisme et du sport est parfaitement à même d’expliquer qu’à partir de la puberté, toutes choses égales par ailleurs, la masse et la force des muscles se développent davantage chez un garçon que chez une fille sous l’effet de la testostérone qu’il se met alors à produire en bien plus grande quantité.”
Je ne sais pas lire ? Vérifions, s’il vous plait.
Votre premier article est organisé en paragraphes, chacun dédié à un stéréotype. Titre du pragraphe « Nous avons les mêmes nombres d’os et de muscles, mais… ». Il est donc clair qu’avec ce « mais… » vous annoncez que vous allez dénoncer là un stéréotype sur ce thème.
Après une plaisanterie sur le fait que certains pensent que femmes et hommes n’ont pas les même os/muscles vous écrivez « Toujours est-il que le dégommage de ces pseudo-préjugés n’est que le prélude à l’affirmation de différences confortant de vrais préjugés, cette fois-ci », il est donc clair que ce qui suit va être le « vrai » préjugé. Jusque là , j’ai su lire, ou déjà plus ?
Ensuite que décrivez-vous ? Un passage de l’émission qui parle de la plus forte musculature chez les hommes, et vous faites attention à nous préciser qui parle : « la voix off nous apprend que », « En effet, nous dit-elle ». Or vous concluez par « Donc finalement, d’après l’émission il existe quand même des différences naturelles très nettes entre hommes et femmes aux niveaux osseux et musculaire, ces dernières ayant des conséquences pratiques ».
Vous soulignez donc fortement, peut-être pour ceux qui n’aura pas su bien lire, que tous ça (la différence de masse musculaire) c’est “d’après l’émission”. Est-ce ne pas savoir lire, que de prendre en compte votre ton, de considérer la tournure de votre phrase, et de penser qu’elle invite le lecteur à douter du bien fondé de ces affirmations. Si vous insistiez tant à prendre de la distance, ce n’était donc pas pour nous faire comprendre que vous ne les reprenez pas à votre compte. Soit, mea culpa.
Combien de lecteurs ou lectrices vont comprendre que vous êtes totalement en accord avec ces assertions, quand tout votre ton est celui de leur dénonciation ? Vous me dites maintenant qu’il fallait comprendre le contraire, en me renvoyant à des choses qui ne sont pas dans le paragraphe. Soit.
Peut-être que je ne sais pas lire, mais comprenez que vous écrivez beaucoup par éllisions, comme si le lecteur était de conivence, et ça nuit à la compréhension de vos positions. Je pourrais citer des passages où vous ne faites qu’énumérer, en oubliant même de dire si vous êtes d’accord ou pas, comme si ça allait de soi. Pour conclure, je préfère que vous pensiez que je ne sais pas lire, car je pense au moins avoir été de bonne foi, je ne suis pas venu vous troller même s’il est évident que je ne partage pas certaines de vos opinions sur l’absence de différence homme / femme.
Force est de constater une fois de plus que vous ne savez pas lire, en effet. Le passage de mon texte dont vous ne citez que le “En effet” et le “Donc finalement” est le suivant :
“[…] « chacun des muscles d’homme développe plus de force que les muscles de femme ». En effet, nous dit-elle, leurs muscles ne sont « pas composés de la même manière : les hommes ont plus de fibres musculaires rapides. Ce sont elles qui produisent le plus de force. Elles permettent les exercices courts et de forte intensité. Les femmes, en revanche, ont un peu plus de fibres lentes. Elles servent pour les activités plus longues et de faible intensité, comme la marche et le maintien d’une posture ». Donc finalement, d’après l’émission il existe quand même des différences naturelles très nettes entre hommes et femmes aux niveaux osseux et musculaire, ces dernières ayant des conséquences pratiques : « Les femmes ont donc plutôt intérêt à faire des sports d’endurance, comme les courses de fond ou de la natation, alors que les hommes travailleront mieux leurs muscles avec des sports plus explosifs comme le sprint ou le rugby », explique la voix off.”
Jamais je ne vous ai dit qu’il fallait en fait comprendre que j’étais en accord avec ces assertions ! Je les démonte au contraire dans la troisième partie. Vous n’avez pas compris que le discours que je critique ici porte sur la COMPOSITION des muscles en termes de types de fibres. Ca n’a rien à voir avec la différence moyenne de MASSE MUSCULAIRE observée entre femmes et hommes, dont comme je vous l’ai dit, je n’ai jamais prétendu qu’elle n’avait rien de naturel. J’évoque au contraire dans cette même troisième partie les effets avérés de la testostérone.
Lorsqu’un cuisinier dit qu’il n’a pas vu de différences entre les goûts des femmes et des hommes, vous ponctuez positivement par, je cite « C’est mieux que rien ». Bref vous relativisez mais ne remettez pas en cause la méthode. Quand une sage-femme témoigne de son expérience, disant qu’il lui semble que les femmes ayant accouché sont très sensibles aux besoins de leur bébés, vous inférez clairement que ce n’est pas très sérieux.
Donc, quand un cuistot va dans votre sens, alors c’est recevable, mais quand une sage-femme ne dit pas ce qu’il convient, c’est irrecevable. Quelle méthode utilisez-vous pour faire un tel tri ?
C’est simple : je me fonde sur l’état des connaissances scientifiques.
Donc si une sage-femme témoigne de son expérience et si le contexte fait que c’est présenté comme une preuve qu’il existe bien une prédisposition naturelle à s’occuper des bébés chez les femmes (je rappelle le pitch de l’émission : elle est censée passer en revue ce qui découle de notre “différence génétique”), je souligne en effet que ça n’est pas sérieux, car je sais que ce n’est pas scientifiquement fondé.
Dans le cas du cuisinier qui est lui aussi appelé à témoigner de son expérience, j’écris “c’est mieux que rien” car sachant qu’aucune étude scientifique n’a mis en évidence une quelconque préférence alimentaire naturelle différenciée selon qu’on est un homme ou une femme, plutôt que de ne pas en parler du tout, c’est mieux que rien qu’on entende au moins quelqu’un dire dans l’émission qu’il pense qu’il n’existe pas de différence sur ce plan. C’est très simple, vous voyez. De plus, je vous rappelle la suite de ma phrase : “C’est mieux que rien, mais force est de constater que le sujet n’a été qu’effleuré. La façon dont il a été traité n’est pas de nature à empêcher de continuer à adhérer, par exemple, à la croyance commune dans l’existence de préférences naturellement plus marquées pour la viande et le salé chez les hommes, et pour les crudités et le sucré chez les femmes… et ce d’autant plus que la voix off se charge de souligner que ce n’est qu’une opinion personnelle qui vient d’être exprimée et qu’elle ne concerne que les préférences « gastronomiques »”
Et bien, si c’est simple ça va quand même encore mieux en le disant, car dans pas mal de passages de votre article, si on “devine” au travers des tournures de phrases que vous êtes contre telle ou telle assertion, il n’est pas toujours facile de trouver le contre argument dans le corps du texte.
Je suis étonné qu’il soit prouvé qu’il n’y a pas chez la femme, et les autres humains alentour, une prédisposition à s’occuper des bébés et du sien en particulier, comme au contraire cela semble être le cas chez les mammifères. Pourquoi alors s’embarrasser de ce poids inutile qui demande tant de soins et d’énergie si rien ne nous pousse à le faire ? Pourquoi l’humanité n’a pas disparue faute de soins apportés aux nouveaux-nés ?
Je vous laisse avec votre étonnement et vos questions, après avoir relevé que vous me faites dire une fois de plus ce que je n’ai pas dit : je n’ai pas dit “rien ne NOUS pousse à le faire”. Ce que je dis, c’est que rien ne montre que les femelles humaines sont dotées d’une prédisposition biologique particulière, dont seraient dépourvus ou moins pourvus les hommes, à le faire. La nuance est de taille.
Vous avez dit (article n°1) « Pour le dégommage des stéréotypes et en particulier de celui qu’il existe une forme d’« instinct maternel », on repassera. »
Cette phrase dit clairement que vous ne pensez pas qu’il existe un “instinct maternel”, et j’ai cru devoir lire toute la suite avec cet esprit.
(et ce que j’en pense moi ? Que nier que nous sommes fait comme tout mammifère pour nous occuper de nos bébés est ridicule – car nous aurions disparu – et donc nous avons cet “instinct”, peu importe le nom qu’on lui donne, et donc les femmes l’ont aussi).
Maintenant vous dites que les femmes ont des prédispositions à s’occuper des bébés (= prédispositions maternelles). Quelle nuance en effet.
Avouez que la différence entre “instinct” et le terme plus moderne de “prédispositions” est si subtile qu’elle peut échapper.
Si le stéréotype que vous auriez aimé voir dégommé dans l’émission était que « seules » les femmes avaient ces prédispositions, il aurait été plus simple (à nouveau) de le dire beaucoup plus clairement car cela change évidemment tout.
Mais bon, je ne veux pas partir moi non plus dans un ping-pong sans fin. Merci de m’avoir répondu.
Désolée de ne pas avoir été assez claire pour vous, mais il m’a toujours semblé évident que la notion d’ “instinct maternel” renvoyait par définition à l’idée d’un “instinct” qui serait propre aux mères (sinon on parlerait d’ “instinct parental”).
Je précise qu’en ce qui concerne la distinction entre “instinct” et “prédispositions”, il ne s’agit pas seulement d’utiliser une terminologie plus ou moins moderne mais de renvoyer à des concepts bien différents. Lorsque j’emploie le premier terme, c’est toujours avec des guillemets et dans une perspective critique, car ça fait longtemps que ce concept n’est plus jugé pertinent en éthologie.
Bonjour, je viens de tomber sur ce blog, aussi je ne sais pas trop si tout le monde a le” droit” d’intervenir, apparemment oui puisque le site me l’autorise.
Quand je dis tout le monde, je veux dire le lecteur lambda comme moi qui n’a de connaissance scientifique que ce que l’on peut bien apprendre à l’école, et et en laissant libre cours à sa propre curiosité.
Tout ça pour dire que je m’excuse par avance si une méga coquille sur ce plan là venait à s’insérer sournoisement dans mon commentaire.
Mais bon, l’article décortique une émission de vulgarisation scientifique, quelle meilleure arène donc pour y exprimer ma “lambdaité”.
Bref, mon impression est la suivante: celle de penser que l’auteur s’attache à rechercher les différences à un niveau quasi fractal, pour soutenir que celles qui peuvent exister à cette échelle entre n’importe quel individu, qu’il soit homme ou femme, entre eux-mêmes ou face à l’autre sexe, sont tellement pertinentes que la différence homme femme en perd finalement toute sa valeur.
Loin de moi la volonté de nier que des erreurs, des faux arguments peuvent se glisser dans le discours des émissions concernées et de leurs intervenants, et je rejoins là dessus certains commentaires sur la nécessité d’introduire des éléments qui permettent clairement de situer le statut plus ou moins équivoque ou incertain des données présentées, pour que chacun, ensuite, selon son propre attrait pour le sujet, puisse aller rechercher des informations plus précises pour développer son opinion.
Mais, et je rejoins ici aussi d’autres commentaires, à vouloir trop s’attacher à démontrer l’importance des différences inter voire infra-individuelles, je reste avec le sentiment que l’auteur veut prouver que l’identification sexuelle des être humains devrait s’effacer derrière tout ce qui peut autrement nous singulariser.
Et si effectivement, on peut en vouloir à une émission de vouloir “vulgariser” des erreurs scientifiques et s’attacher à les dénoncer, le faire de cette manière risque malheureusement de louper son but d’éclairage, des personnes perdues devant l’avalanches de détails risquent fort, malheureusement d’en rester à ce qui reste le plus abordable en ressources cognitives, à savoir la vulgarisation boiteuse la première ingurgitée.
Après avoir lu l’intégralité de l’article et l’ensemble des commentaires, je tiens à dire deux mots :
Je suis totalement en accord avec la démarche d’Odile Fillod : les détails, la rigueur et la précision sont essentiels. Il n’y a pas de “so what !” qui tienne, quand une chose est erronée, elle est erronée, point. Simplifier et vulgariser n’empêche pas la rigueur. Force est de constater que cette émission a exposé des choses fausses. Du “faux simplifié et vulgarisé” n’en est pas moins du faux.
Quant à ce que j’ai pu lire dans certains commentaires, notamment de la part de F. Ramus, concernant ” [les] lecteurs, sans nécessairement suivre votre argumentation dans tous ses détails ni chercher précisément quelle donnée contredit quoi, en tirent la conclusion que [bla bla bla]”. Je tiens à dire à M. Ramus que je n’aime pas qu’on parle à ma place. Je suis un lecteur de ce blog et je ne suis pas écervelé, avoir lu que certains propos de l’émission étaient erronés ne me fait pas dire “tout ce qui a été dit dans cette émission est faux”, mais plutôt “tout ce qui a été dit dans cette émission est prendre avec des pincettes”. Je sais très bien faire la part des choses entre ce qu’O. Fillod dit et ce qu’elle ne dit pas. Ne prenez pas “les lecteurs de ce blog” pour des idiots. 😉
Le travail que fait Odile Fillod est vraiment excellent, rigoureux, précis et salutaire.
Bonjour Odile,
Il semble bien ancré dans la culture populaire (qui est la mienne, pardon..), que la testostérone est l’hormone du désir, de la libido, de agressivité et du “mâle alpha”.
Est-ce un mythe ou il y aurait des fondements ?
Par ailleurs, quelqu’un de mon entourage a eu une brusque chute de libido après la prise de la pilule, et malgré l’arrêt de la pilule, cette personne ne s’en est jamais remis. Quel serait le lien ?
Si le lien entre libido et hormone/testostérone existe bien, la prise de testostérone chez l’humain dans les traitements pour la libido est également quelque chose de fiable ?
Merci pour votre travail titanesque !
La testostérone n’est “l’hormone de” rien de tout ça, et la culture populaire à ce sujet est pleine de mythes savants.
Sur l’agressivité, voir mes réponses à chloupicloupa sur https://www.youtube.com/watch?v=eqVu2R9n-Mk&lc=z22ktjsbvvn3dh3zv04t1aokgpspm40klzvspb5k2r33bk0h00410&feature=em-comments
Sur la libido, en gros il n’y a pas de lien causal, déterminant et proportionnel entre la quantité de testostérone en circulation dans le corps et la motivation sexuelle. Même chez les mammifères non humains, le lien entre testostérone et motivation sexuelle est bien différent et plus variable. Par exemple, dans de nombreuses espèces, chez les femelles ce sont les œstrogènes et la progestérone qui sont déterminants, et quant aux mâles, ce sont souvent des signaux visuels ou olfactifs qui déclenchent la recherche d’une activité sexuelle, la présence d’un seuil minimal de testostérone ne faisant que la potentialiser. Chez les mâles humains, un certain nombre de données de la recherche contredisent cette idée reçue concernant la testostérone : la castration laisse le désir sexuel inchangé chez de nombreux hommes, même si elle la réduit en moyenne sur un groupe d’hommes ; on a observé que l’hypogonadisme réduisait les érections nocturnes, mais pas celles en réaction à une vidéo érotique ; on n’a pas trouvé que le niveau de testostérone de base était plus élevé chez les délinquants sexuels, ni chez les hommes présentant une hypersexualité ; on n’a pas trouvé d’effet moyen sur l’activité sexuelle de la manipulation du taux de testostérone à l’intérieur de la plage normale. Globalement, chez l’être humain, on sait que la testostérone a des effets périphériques pouvant moduler la physiologie de l’excitation sexuelle (et de ce fait, un niveau minimal de testostérone pourrait être nécessaire pour avoir un niveau normal d’excitabilité sexuelle), mais on n’a en revanche aucune preuve à ma connaissance d’une action de la testostérone sur le cerveau qui augmenterait ou déclencherait le désir sexuel.
Pour ce qui est de la personne de votre entourage, on ne peut rien déduire de la chronologie entre sa prise de la pilule et la baisse de sa libido (c’est le paralogisme du post hoc ergo propter hoc). Si en plus vous dites que son problème de libido ne s’est pas réglé après l’arrêt de la pilule, l’absence de lien de causalité biologique me paraît hautement probable. Après, ça peut être soit une coïncidence, soit un effet psychologique dû à ce que cette personne projette sur la pilule.
Pour votre dernière question, la réponse n’est pas simple. De manière générale il n’y a pas de lien mécanique entre testostérone et libido du type “toutes choses égales par ailleurs, plus on a de la testostéreone en circulation, plus on a une libido élevée”, et traiter un manque de libido par de la testostérone ne saurait donc en aucun cas être un “traitement fiable”. Le cas des hommes qui ont un taux de testostérone anormalement bas est particulier. Dans ce cas, restaurer un niveau qui se situera au-dessus d’un certain seuil physiologique permettant par exemple que sa machinerie érectile fonctionne mieux, mais aussi qu’il se sente mieux dans sa peau, plus viril et plus en forme (du fait des effets anabolisants) peut constituer un traitement efficace.
On tombe facilement sur ce genre de mythes savants, en voulant se “documenter” sur le sujet avec une recherche “basique” (je le fais, étant pas familier des moteurs de recherches plus scientifiques), et on tombe sur ce genre d’article : https://www.cerveauetpsycho.fr/sd/comportement/la-testosterone-lhormone-du-pouvoir-3517.php
“Chez l’animal, […] l’injection de testostérone augmente la fréquence des conduites de dominance et d’agression. À l’inverse, la suppression des organes produisant la testostérone fait généralement décliner ces conduites.”
Et c’est juste le 1er paragraphe, car après il y a citation d’études sur les enfants, les jumeaux… C’est bien écrit, et surtout nous donne l’impression que nombres de recherches valident l’hypothèse et la nuance très peu, on tombe facilement dans la “vérité scientifique” !
Il m’a semblé comprendre, dans votre commentaire de chloupicloupa, que la testostérone pouvait être produite par le comportement, ce qui expliquerait ce haut taux chez les délinquants ? Dans ce cas, le fait qu’il y ai plus d’hommes que de femmes en prison serait plus en lien avec un aspect social ?
Votre paragraphe sur la libido est très éclairant.
C’est vrai qu’elle s’abreuve énormément de lecture et vidéo de vulgarisation “féministe”, qui parle beaucoup de pilule, des variations émotionnelles/de performance.. durant la période de menstruation. A ce sujet, il m’a semblé (si je ne confond pas tout) en vous lisant que rien ne validait l’idée que les hormones durant les menstruations faisaient varier le comportement, auriez-vous un billet dessus ?
Si traiter mécaniquement une baisse le libido n’est pas si fiable, dans le cas de femmes qui ont une libido particulièrement basse (à l’instar du taux très bas de libido chez l’homme), l’utilisation d’un patch de testostérone serait aussi bénéfique, via les effets anabolisants et psychologiques que vous décriviez ?
Vous me posez beaucoup (trop) de questions, sous ce billet et ailleurs, et je n’ai pas de temps à consacrer à y répondre. Désolée.
Déjà une phrase qui commence par “Chez l’animal,…”, en général c’est du bullshit.
Je n’ai pas écrit de billet sur ce sujet.
Aucun souci, c’est déjà très sympathique d’y avoir répondu.
Désolé pour le flot de questions, et merci aussi pour ces billets !