Sexes, mensonges et vidéo : Baron-Cohen et le modèle norvégien

Depuis environ un an, des réactionnaires de tout poil engagés dans la lutte contre la « théorie du genre » assurent la diffusion en France d’un documentaire norvégien. Une étude présentée dans ce documentaire est particulièrement mise en avant, car elle est censée avoir démontré que filles et garçons se comportent différemment dès la naissance. Il est d’autant plus nécessaire de démonter cette intox que le magazine Sciences Humaines a contribué à la construire, de façon très problématique.

UNE SERIE DOCUMENTAIRE BIEN PARTICULIERE

Au printemps 2010, une série documentaire en sept parties consacrée à ce qu’il est d’usage d’appeler le débat inné/acquis est diffusée sur une chaîne publique de la télévision norvégienne [1]. La thèse de ses deux concepteurs et producteurs, l’acteur-humoriste Harald Eia et le chroniqueur-essayiste Ole-Martin Ihle, est exposée dans un livre qui détaille les arguments scientifiques censés l’étayer [2]. Elle peut se résumer assez simplement : les différences sociales entre hommes et femmes, entre groupes ethniques et entre classes sociales s’expliquent en partie par l’inné et pas seulement par l’acquis, c’est-à-dire par des différences de nature entre ces groupes et pas seulement par des influences socioculturelles. Selon eux, il existe en effet des prédispositions génétiques au développement de certains traits de la personnalité et de certaines facultés cognitives, et ces prédispositions sont inégalement réparties entre groupes sociaux, ce qui contribue au phénomène de reproduction des classes sociales [3]. En ce qui concerne les groupes ethniques et les groupes de sexe, l’existence de telles prédispositions et leur inégale répartition entre ces groupes s’expliqueraient par des pressions de sélection différentes subies au cours de leur histoire.

Ainsi, par exemple, les Juifs ashkénazes seraient en moyenne génétiquement prédisposés à avoir une intelligence supérieure, car leur spécialisation de longue date dans les métiers de la finance aurait limité l’accès à la reproduction de ceux qui y étaient génétiquement inaptes. La plupart des hommes seraient génétiquement prédisposés à réagir violemment au viol de leur compagne, car ceux ne le faisant pas perdraient leur statut social et leur confiance en eux, et auraient de ce fait moins (eu) accès aux femmes et donc moins de descendants. La plupart des femmes seraient génétiquement prédisposées à adopter certains comportements couvrant leur infidélité sexuelle, car leur survie (et donc celle d’une partie au moins de leur descendance) dépendrait de l’homme croyant être le père de leurs enfants [4]. Bref, Eia et Ihle adhèrent comme tant d’autres à l’idée que la variabilité génétique commune a une part de responsabilité dans les différences psychologiques et cognitives entre individus (fausse évidence que j’ai critiquée ici), pensent en outre qu’il existe en moyenne des différences entre groupes sociaux dans la répartition des variantes génétiques concernées, et estiment enfin que certaines au moins de ces différences sont expliquées par la psychologie évolutionniste.

Les deux compères, qui partagent d’une part l’absence de distance critique vis-à-vis des théories psycho- évolutionnistes et des prétentions de la génétique comportementale exposées dans les livres de Steven Pinker et de David Buss, et d’autre part un cursus universitaire limité aux sciences humaines et sociales (ceci pouvant en partie expliquer cela), se font fort de dévoiler le « scandale intellectuel » que constitue l’occultation en Norvège de ce qu’ils pensent être des faits scientifiquement établis [5]. Pour ce faire, dans la série documentaire réalisée par Eia, celui-ci déguise habilement la défense de ses convictions en se mettant en scène dans la position d’un journaliste [6] enquêtant sans idée préconçue, nous faisant partager l’avancement de sa réflexion au fil des réponses que lui apportent divers chercheurs interviewés en Norvège et ailleurs.

LE PARADOXE NORVEGIEN DE L’EGALITE DE GENRE

Consacré au genre et intitulé The Gender Equality Paradox, le premier volet de la série diffusé le 1er mars 2010 s’avère particulièrement efficace. Partant du postulat que l’égalité de traitement des hommes et des femmes a été atteinte en Norvège, Eia y feint de se demander [7] comment il se fait que des différences y subsistent, voire s’exacerbent, en prenant l’exemple des choix de carrière professionnelle. Sa thèse est que ces différences traduisent des différences de prédispositions biologiques qui s’expriment d’autant mieux que l’égalité des chances est assurée, d’où le fameux paradoxe. Notons au passage qu’il s’agit exactement de la thèse exprimée par Susan Pinker (sœur et portevoix de Steven Pinker sur les questions de genre) dans le numéro d’avril 2010 de Sciences Humaines, dans le grand et complaisant entretien que lui accorde alors Martine Fournier [8]. Du reste, son livre justement intitulé The Sexual Paradox publié en 2009 est manifestement une référence incontournable aux yeux de la rédactrice en chef [9].

En près de 40 minutes, mettant tout son talent d’acteur au service de son rôle d’enquêteur naïf, Eia amène en douceur le spectateur à adhérer à la thèse de l’existence d’une part d’inné dans les différences psychologiques et comportementales entre hommes et femmes. Au terme de sa pseudo-enquête, les chercheurs en sciences sociales norvégiens interviewés, qui défendent l’hypothèse de la construction sociale des différences évoquées, paraissent être de simples idéologues, ignorants des faits scientifiquement établis dans d’autres disciplines que les leurs, à la fois victimes et suppôts du « lavage de cerveau » (titre de la série documentaire) censément subi par les Norvégiens. Notons à nouveau au passage que Martine Fournier fustige de même, toujours dans le Sciences Humaines d’avril 2010, l’ignorance du « constat » des différences psychologiques naturelles entre les sexes par les chercheur.e.s en études de genre et la non prise en compte des apports de la psychologie évolutionniste en France pour des raisons purement idéologiques [10].

Le succès de cette entreprise de persuasion déguisée en enquête est remarquable. Sa diffusion sur une chaîne de télévision publique est déjà en soi une réussite, et elle fait en outre un score d’audience retentissant : chacun des quatre premiers volets réunit autour de 600 000 téléspectateurs, soit plus de 40% de part d’audience [11]. Dans la foulée de sa diffusion, des parlementaires vont jusqu’à l’invoquer pour interpeler le pouvoir en place, en particulier sur le financement des études genre et sur les modalités de lutte contre les inégalités entre filles et garçons à l’école [12]. Fin 2010, Eia reçoit un prix au titre de sa promotion de la liberté de parole et du débat qu’il a permis d’ouvrir en Norvège, malgré les critiques dont sa « méthode journalistique » a fait l’objet [13].

En 2011, la réputation du volet consacré au genre est encore rehaussée par l’annonce de deux décisions : l’une prise par le Conseil Nordique des Ministres de fermer l’institut nordique d’informations sur le genre (NIKK) alors hébergé en Norvège, et l’autre prise par les autorités norvégiennes de mettre fin à un système spécifique de financement des études genre en place depuis 17 ans. La première décision résulte notamment de la volonté des pays scandinaves de réduire le besoin de financement du NIKK en confiant ses tâches à un institut travaillant déjà sur ces questions (ce qui est maintenant chose faite [14]), la seconde du constat officiel que les études genre ont atteint un niveau de développement suffisant en Norvège pour ne plus nécessiter de telles mesures ad hoc, et de la volonté que les questions de genre soient intégrées de manière transversale dans les disciplines établies plutôt que constituées en domaine de recherche spécifique [15]. Mais les anti-gender font le buzz : les autorités norvégiennes ont pris acte de la non-scientificité des études genre dévoilée par le documentaire d’Eia, et ont par conséquent supprimé le financement de celles-ci ainsi que le NIKK [16]. La victoire de la science et du débat démocratique sur le « politiquement correct » est enfin en marche en Norvège, la voix des « hommes blancs en colère »[17] est enfin entendue.

DIFFUSION DU VOLET CONSACRE AU GENRE ET DE SON ARGUMENT CLE

Début 2011, Harald Eia met en ligne les sept vidéos de la série documentaire sous-titrées en anglais. Au départ restreinte à un cadre confidentiel, la diffusion internationale du volet sur le genre est véritablement lancée à partir de fin 2011, via une mise en ligne répétée et cumulative de la vidéo dont le tableau ci-dessous montre les occurrences les plus saillantes [18].

Malgré la précision discutable des compteurs de YouTube et Dailymotion, plusieurs éléments me paraissent intéressants à relever. D’abord, comparativement aux internautes anglophones, germanophones, lusophones et hispanophones, les internautes francophones semblent avoir manifesté un intérêt particulièrement vif pour ce documentaire. Ensuite, le nombre de personnes ayant visionné la version sous-titrée en français, se chiffrant en dizaines de milliers, n’est pas négligeable en valeur absolue. Enfin, la diffusion francophone du documentaire a été initiée par “Léonidas Durandal”, un militant masculiniste [19] revendiquant une foi catholique ardente, engagé à ce double titre dans la lutte contre la « théorie du genre» et l’ouverture du mariage aux couples de même sexe, membre (très actif) de la réacosphère antiféministe, homophobe et catholique militante [20]. La recherche des vecteurs de diffusion de la vidéo sur le web francophone confirme que c’est bien cette réacosphère qui s’est chargée de sa dissémination, et que c’est le débat autour de la loi ouvrant en France le mariage et l’adoption aux couples de même sexe qui l’a impulsée et amplifiée [21].

Les résultats d’une étude dirigée par Simon Baron-Cohen ont manifestement été perçus comme constituant l’argument clé présenté dans cette vidéo. En synthèse, ce qu’ont en effet retenu les auteurs d’articles relayant la vidéo lorsqu’ils entraient dans le détail de son argumentaire scientifique, c’est qu’un chercheur de la prestigieuse université de Cambridge avait montré que dès la naissance, les filles s’intéressent davantage aux visages qu’aux objets mécaniques et les garçons davantage aux objets mécaniques qu’aux visages, démontrant ainsi l’existence d’une part d’inné dans ces différences d’intérêts ayant ensuite des conséquences dans de nombreux domaines [22].

Le fait est qu’Harald Eia met le paquet pour faire croire au spectateur que les travaux de Simon Baron-Cohen jouissent d’une autorité scientifique incontestable [23]. Le fait est également que l’étude en question, grâce à sa simplicité apparente, à la netteté présumée de ses résultats et à leur parfaite congruence avec un stéréotype aussi répandu que central dans la construction sociale du genre, a beaucoup de succès auprès de ceux qui sont convaincus (et veulent convaincre) qu’il y a bel et bien une part de biologique dans la construction du genre : Michel Raymond en 2008 [23′], Martine Fournier en 2010 [24], Jean-François Bouvet en 2012 [25], Olivier Postel-Vinay en 2012 [26], ou encore Alain de Benoist en 2012 [27] en ont ainsi usé et abusé.

LE PROBLEME AVEC L’INVOCATION DE L’ETUDE DE SIMON BARON-COHEN

Le problème est que leur présentation de cette étude est au mieux trompeuse, au pire mensongère, comme l’est celle du sous-titrage en français du documentaire d’Harald Eia et de ceux qui instrumentalisent cette vidéo. Pour voir ce qui ne va pas, prenons comme fil conducteur les quatre éléments de sa présentation dans sa nouvelle invocation par Martine Fournier dans le Sciences Humaines de janvier 2013, encore plus fallacieuse que les précédentes. Pour étayer son idée que « le genre » ne peut entièrement expliquer la masculinité-féminité (révélant au passage sa lecture pour le moins superficielle, le cas échéant, des livres dont elle parle)[28], elle présente en effet cette étude comme :
1. faite par le « neuropsychiatre Simon Baron-Cohen, de l’université de Cambridge (Royaume-Uni), spécialiste de l’autisme (The Essential Difference. Male and female brains and the truth about autism, 2003) »,
2. ayant montré que « dès les premiers jours de la vie, les bébés filles fixent plus longtemps un visage humain alors que les garçons sont plus attirés par des objets mobiles »,
3. faisant partie des recherches « qui manifestent une grande solidité »,
4. ayant été « plusieurs fois reproduit[e] ».

1. Simon Baron-Cohen, l’autisme et le genre : remettre l’étude dans son contexte

Notons tout d’abord l’usage curieux de « neuropsychiatre » par Martine Fournier sachant que Simon Baron-Cohen est psychologue. Certes, il s’est spécialisé de longue date dans l’étude des personnes présentant un syndrome autistique, mais cela ne fait de lui ni un psychiatre, ni un neurologue, ni a fortiori un neuropsychiatre. Si cet élément n’entrera nullement en ligne de compte dans mon évaluation de la portée de l’étude en question, je suppose que l’emploi de cette appellation inappropriée dénote a contrario la volonté de lui conférer une aura de légitimation par les sciences biomédicales, Martine Fournier instrumentalisant cette étude contre les écrits d’auteures présentées par opposition comme « psychologue » et « enseignante des gender studies ».

Ensuite, comme tout bon journaliste scientifique devrait se soucier de le faire, il est important de replacer cette étude dans le contexte de sa réalisation afin de comprendre ce qui a guidé sa conception et le traitement de ses résultats. Or contrairement à ce qu’explique Harald Eia, ce n’est pas incidemment ou « par coïncidence » que ce chercheur à « découvert » cette différence entre filles et garçons [29]. En réalité, soucieux à la fois de prouver la validité de sa conviction qu’il y a bien une part de biologique dans le genre (quoiqu’en pensent ceux qu’il voit comme des idéologues notamment états-uniens [30]), d’expliquer la plus grande prévalence des troubles autistiques chez les garçons (une vieille énigme dont la résolution assurerait l’accès au panthéon des grands noms de la science) et d’inscrire ces troubles dans un continuum de possession normale de qualités et défauts symétriques (peut-être orienté vers cette conceptualisation déstigmatisante par le fait d’avoir une sœur handicapée mentale [31]), Simon Baron-Cohen a formulé dès 1997 sa théorie de l’autisme comme forme extrême de la masculinité cérébrale naturelle dont il suppose l’existence. Selon cette théorie, en raison des taux de testostérone différents reçus par les fœtus mâles et femelles, les garçons tendraient naturellement à développer des dispositions cognitives plus « spatiales » que « sociales » et les filles l’inverse, les dispositions spatiales correspondant en gros aux capacités en (et intérêt pour les) mathématiques, géométrie et compréhension des systèmes, et les dispositions sociales à l’empathie et la sensibilité aux états mentaux d’autrui [32]. Dès lors, il a consacré une partie de ses recherches à tenter d’apporter des preuves de l’existence des masculinité/féminité cérébrales naturelles ainsi définies. L’étude sur les nouveau-nés dont il est question ici, publiée en 2000, fait partie de ces tentatives.

Ce point étant fait, relevons aussi qu’il est trompeur de décrire Baron-Cohen comme « spécialiste de l’autisme (The Essential Difference. Male and female brains and the truth about autism, 2003) ». Cela laisse en effet croire que c’est par ce livre grand public et sa théorie de la différence « essentielle » entre cerveaux féminin et masculin que Baron-Cohen s’est distingué en tant que spécialiste de l’autisme. Or ce qui lui a valu une certaine reconnaissance dans ce domaine, ce sont ses travaux sur l’incapacité des enfants autistes à décoder les pensées et émotions d’autrui, engagés dès sa thèse de psychologie dans les années 1980 et matière de son livre Mindblindness publié par MIT Press en 1995, ainsi que les échelles psychométriques qu’il a développées pour mesurer cette (in)capacité. Il suffit a contrario de lire les revues récentes de la littérature scientifique faisant état des hypothèses concernant l’étiologie de l’autisme pour se rendre compte que loin d’être l’énoncé de « la vérité sur l’autisme », sa théorie très peu consensuelle peut n’être même pas citée à titre d’hypothèse.

En particulier, l’étude censée avoir démontré une différence entre filles et garçons dès la naissance dont il est question ici a été beaucoup (beaucoup) moins citée dans la littérature scientifique que ses travaux de psychométrie évoqués ci-dessus, et citée en fait surtout par Baron-Cohen lui-même, par des militants inconditionnels de l’hypothèse des fondements biologiques du genre, ou par des chercheurs non spécialistes de ce domaine [33]. Ce constat colle bien mal avec le scénario de l’étude « révolutionnaire » inventé par Harald Eia, et devrait questionner celles et ceux qui présument qu’il s’agit d’une référence solide et incontournable pour tout chercheur travaillant sur ce sujet.

2. Des résultats qui n’autorisent pas les conclusions annoncées

Selon Martine Fournier, cette étude a montré que « dès les premiers jours de la vie, les bébés filles fixent plus longtemps un visage humain alors que les garçons sont plus attirés par des objets mobiles » (2013), ou encore que « quelques jours après la naissance, la majorité des filles manifeste plus d’intérêt pour un visage humain que pour un mobile mécanique et c’est l’inverse pour les garçons » (2010). Or comme nous allons le voir, ces deux affirmations sont tout simplement fausses.

Une lecture plus attentive du livre de Susan Pinker aurait pu lui mettre la puce à l’oreille, cette dernière présentant d’un côté clairement les résultats attendus de l’étude (ceux dont Martine Fournier prétend qu’ils ont été observés) et de l’autre de manière curieusement alambiquée les résultats observés (effectivement rapportés dans l’article). Elle écrit en effet ceci : « Jennifer Connellan et le chercheur principal, Simon Baron-Cohen, souhaitaient tester leur hypothèse selon laquelle les bébés filles regarderaient plus longuement un visage humain qu’un objet, et que ce serait l’inverse pour les bébés garçons : ils seraient davantage intéressés par le mécanisme d’un objet mobile que par un visage humain. Davantage de nouveau-nés garçons ont fixé du regard plus longtemps un mobile mécanique qu’un visage, alors que seules 17% des filles l’ont fait. Davantage de bébés filles que de garçons ont préféré fixer du regard un visage humain »[34]. Notons que dans le documentaire d’Harald Eia, le même glissement se produit entre la formulation (pour une fois) précautionneuse de Simon Baron-Cohen et celle du sous-titrage en français par “Léonidas Durandal”, passant de « Nous avons trouvé que davantage de garçons regardent plus longtemps un objet mécanique, et davantage de filles regardent plus longtemps le visage » (vrai) à « Nous avons remarqué que les garçons passaient plus de temps à regarder les objets mécaniques, et que les filles passaient plus de temps à regarder les visages » (faux) [35]. La subtilité vous échappe ? Pour comprendre où est le problème, examinons ensemble de plus près les résultats de cette étude.

Attention aux extrapolations, interprétations et déductions abusives

Commençons par souligner que ces résultats ayant été obtenus sur un échantillon de 58 filles et 44 garçons d’une maternité britannique, ils ne permettent pas de tirer de conclusions sur « les filles » et « les garçons » en général. De même, ils ne permettent pas de tirer de conclusions sur l’attitude face à « un visage humain » et à « des objets mobiles » en général, l’expérience ayant utilisé un visage et un mobile bien spécifiques.

Il convient en particulier de noter que le mobile utilisé était assez différent des « objets mécaniques » usuels dont on cherche à nous convaincre que de manière innée, les garçons s’y intéressent davantage que les filles. Il s’agissait en effet d’un ballon ovale sur lequel avaient été collés des morceaux de photo du visage de l’expérimentatrice, mélangés et parfois inversés, agrémenté d’une petite balle suspendue par un fil de 3 cm collé à peu près au milieu du ballon. Comme l’a relevé avec humour un chercheur ayant commenté cette étude sur son blog, il serait sans doute plus judicieux ici de parler d’intérêt pour les « monstres transdimensionnels » que d’intérêt pour les objets mécaniques, et Jennifer Connellan a d’ailleurs avoué que lorsqu’elle et ses collègues travaillaient sur cette étude ils appelaient cet objet « l’alien »[36]. Comme ce chercheur le souligne plus sérieusement, on pourrait tout aussi bien interpréter le résultat de l’expérience dans un sens opposé à celui proposé par Simon Baron-Cohen et ses suiveurs : si davantage de garçons que de filles ont plus regardé le « mobile » que le visage, ça pourrait être parce qu’ils avaient appris plus vite au cours de leurs premières heures de vie à quoi ressemble un visage humain et à décoder son expression, et étaient donc plus intrigués par ce drôle de visage bouleversé.

Enfin, on ne peut déduire de l’observation d’une différence sur des bébés âgés d’un jour que celle-ci est innée et ne peut être le résultat d’une influence culturelle, et ce pour deux raisons. D’une part, des différences innées peuvent être causées par des comportements différents de la mère pendant la grossesse, or les mères occidentales connaissent désormais souvent le sexe de leur bébé à naître et cela peut avoir une incidence sur leurs attitudes. D’autre part, même âgé d’un jour, un bébé a déjà derrière lui un certain nombre d’heures passées dans un contexte marqué par le système culturel du genre : dès sa naissance, un enfant est traité différemment selon son sexe, de la façon dont on le porte à l’attention qu’on lui porte en passant par celle dont on l’habille, le nourrit, lui parle et parle de lui en sa présence, et j’en passe.

Ce contexte est d’autant plus susceptible d’avoir une influence si le bébé a plus d’un jour. Or contrairement à ce qu’affirme par exemple Jean-François Bouvet, qui conclut sa description de l’étude en soulignant une « différence d’intérêt, donc, dès le premier jour de la vie », ou encore Simon Baron-Cohen lui-même en soulignant que les bébés étaient « âgés de 24h »[37], il est indiqué dans l’article que les bébés étaient âgés en moyenne de 36.7 heures, c’est-à-dire testés en moyenne le deuxième jour de leur vie. Je dis bien en moyenne car on n’en sait pas plus, les auteurs ne précisant pas la plage d’âge des bébés testés. Au vu de l’écart-type qu’ils indiquent, on peut juste calculer que dans l’hypothèse où leur âge suivait une loi normale, 95% d’entre eux avaient entre 32 et 42 heures de vie derrière eux : c’est loin d’être négligeable.

Pas de différence entre les sexes dans l’intérêt pour le visage, pas de préférence des garçons pour le mobile

Venons-en maintenant aux résultats de l’étude proprement dits. Tout d’abord, si on prend au sérieux la mesure du temps passé à fixer chaque stimulus utilisée par les auteurs et si on se conforme à l’usage scientifique commandant de décrire comme absente une différence non statistiquement significative, on constate qu’en moyenne, les filles n’ont pas fixé plus longtemps le visage que les garçons ne l’ont fait, et les garçons n’ont pas fixé plus longtemps le mobile que le visage (voir l’infographie ci-dessous).

Les auteurs se sont abstenus d’inclure dans l’article cet histogramme standard assez parlant, mais les données chiffrées qu’ils présentent permettent néanmoins de se rendre compte de la subtilité des différences calculées entre la moyenne des filles et la moyenne des garçons, et de la grande variabilité observée chez les bébés des deux sexes. De même, ils n’ont explicitement signalé dans le texte que la présence des deux différences (faiblement) significatives trouvées sur les quatre testées et non l’absence des deux autres, mais on réalise cette absence facilement. Même en décidant de voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide, les résultats présentés dans l’article sont loin d’autoriser les formulations dichotomiques opposant les « filles plus attirées par le visage que par le mobile » aux « garçons plus attirés par le mobile que par le visage ».

A la décharge de Martine Fournier, Jean-François Bouvet et consorts, il faut reconnaître que ce qu’ils prétendent est en phase avec le résumé de l’article. On pourrait toutefois attendre d’eux qu’ils se basent sur le contenu effectif d’un article scientifique dont ils parlent et non sur son résumé en quelques lignes. Du reste, ils doivent bien savoir qu’il est assez fréquent que le résumé d’un article ne soit pas véritablement étayé par les résultats rapportés dans son texte intégral, bien qu’ici les auteurs (et l’éditeur) se soient surpassés, presque chaque phrase du résumé étant erronée et le titre de l’article étant lui-même fallacieux [38].

Une majorité de filles sans préférence pour le visage, une majorité de garçons sans préférence pour le mobile

Examinons maintenant les données sous-jacentes aux formulations alambiquées de Susan Pinker et Simon Baron-Cohen citées plus haut. Si on se base sur la catégorisation effectuée par les auteurs, il est certes exact que davantage de garçons que de filles ont manifesté une « préférence » pour le mobile, et que davantage de filles que de garçons ont manifesté une « préférence » pour le visage. Néanmoins, si on prend au sérieux cette catégorisation, on peut aussi relever que 64 % des filles n’ont pas manifesté de préférence pour le visage, et 57% des garçons n’ont pas manifesté de préférence pour le mobile (voir l’infographie ci-dessous).

Compte-tenu des croyances de Susan Pinker concernant les différences entre les sexes, on comprend qu’elle ait préféré retenir une autre facette de ces résultats, mais masquer à ses lecteurs la moitié vide du verre en ne parlant que de sa moitié pleine n’est tout de même pas très honnête. Par ailleurs, il faut encore une fois souligner que ces résultats interdisent rigoureusement toute formulation dichotomique, ici du type « les filles ont préféré le visage » ou « les garçons ont préféré le mobile », puisque c’est faux pour un grand nombre (et même la majorité) d’entre eux.

Une différence obtenue grâce à une trituration discutable des données

Si on creuse encore un peu plus ces résultats exprimés en termes de préférence, on s’aperçoit qu’il y a un autre hic : les auteurs ont « fixé arbitrairement » (je les cite) le seuil en-dessous duquel ils considéraient que l’écart entre le temps passé à regarder le visage et celui passé à regarder le mobile était trop petit pour être interprété comme manifestant une préférence [39]. Ils précisent qu’en choisissant des seuils plus élevés, leur résultat reste significatif. Connaissant leur inclination pour la forme de mensonge par omission que nous avons déjà relevée, on peut faire l’hypothèse que s’ils ne précisent pas qu’en choisissant un seuil moins élevé, leur résultat reste significatif, c’est qu’il ne le reste pas. En l’absence des données sources, il est impossible de vérifier cette hypothèse. Mais je note en tout cas, comme l’a également noté le chercheur déjà cité, que si au lieu de catégoriser les bébés en 3 groupes on supprime ce seuil et on les catégorise en 2 groupes, en ventilant de manière uniforme les bébés « sans préférence » parmi les deux catégories de préférence disponibles, la différence entre les sexes dans le nombre de bébé ayant manifesté une préférence plutôt que l’autre devient statistiquement non significative (voir l’infographie ci-dessous).

Notons pour finir que dans un autre article publié par les mêmes auteurs simultanément dans la même revue (Batki et al, 2000), reposant sur la même méthodologie et visant de même à comparer l’attention portée à deux stimuli par des bébés, ils n’ont pas construit de tel indicateur de préférence. Cette construction semble résulter d’une trituration des données décidée a posteriori, face aux résultats décevants de la comparaison des durées moyennes de fixation de chaque stimulus exposés plus haut ici (plus bas dans l’article source) : le tableau ainsi obtenu donne l’illusion d’un rapport de 1 à 2 entre filles et garçons dans l’intérêt pour le visage (11 vs 21) et dans celui pour le mobile (19 vs 10) qui ne concerne en fait qu’un sous-ensemble de l’échantillon, et ne correspond à rien en termes concrets de temps passé à regarder l’un ou l’autre. Cette remarque concernant un biais de présentation des données fournit un bon enchaînement avec le paragraphe suivant, où il sera question des biais de toute sorte entachant cette étude.

3. Une étude qui manifeste une grande fragilité

De nombreux aspects de la méthodologie de l’étude constituent des sources de bais pouvant ruiner le peu de résultats faiblement significatifs que ses auteurs en ont tirés. Pour comprendre à quel point cette étude est loin de manifester la « grande solidité » que Martine Fournier lui attribue, je vous encourage vivement à prendre le temps de lire la liste qui suit des risques de biais que j’ai pu identifier, pour certains déjà soulignés par les chercheurs qui ont fait l’effort de la critiquer à cause de sa surinterprétation grave et récurrente (sans cela, il est plutôt d’usage de simplement ignorer les études trop mal fichues afin de ne pas faire grimper indûment leur taux de citation), ainsi que dans des livres que Martine Fournier est censée avoir lus [40]. Cette liste me donne aussi l’occasion de relever à nouveau certains petits arrangements avec les faits des uns et des autres.

Biais « normaux » d’échantillonnage et de mesure

Avant d’en venir à ce qui constitue en quelque sorte des malfaçons spécifiques, notons pour commencer deux risques de biais fréquents dans ce type d’études, qui bien-sûr ne les invalident pas a priori mais contribuent à justifier qu’on ne prenne pas leurs résultats pour acquis tant qu’elles n’ont pas été répliquées. Premièrement, l’échantillon de 102 bébés utilisé pouvait être biaisé : le hasard a pu faire qu’il y avait proportionnellement moins de filles plus intéressées par ce mobile dans ce modeste échantillon que dans la population générale ; le hasard a pu faire aussi que toutes sortes de variables non contrôlées par les chercheurs, telles que le degré de ressemblance entre la mère du bébé et Jennifer Connellan pour n’en citer qu’une, se sont retrouvées inégalement réparties entre filles et garçons dans cet échantillon. Deuxièmement, l’évaluation du temps pendant lequel chaque bébé regardait chaque stimulus incorporait une part de subjectivité non négligeable, puisque lors d’un test de fiabilité du codage fait par les auteurs, la corrélation entre la durée mesurée par deux observateurs différents s’est avérée n’être que de 0.85. Ca n’est certes pas mauvais, mais au vu des faibles écarts auxquels tiennent les résultats annoncés, cette simple imprécision dans la mesure pourrait remettre en cause leur significativité statistique.

Connaissance du sexe de certains bébés

Le plus décrié des risques de biais de cette étude est le fait que l’expérimentatrice connaissait le sexe d’au moins certains des bébés à qui elle a présenté alternativement son visage et le mobile, contrairement à ce que laisse croire Jean-François Bouvet (cf note 25). Bien que les auteurs se soient gardés de signaler explicitement cette limite dans l’article scientifique, ce que la rigueur et l’éthique auraient pourtant commandé, on la devine si on lit attentivement la description de la méthodologie, et Simon Baron-Cohen l’a lui-même (parfois) admise [41]. Les biais induits par la connaissance du sexe des sujets testés sont bien connus des chercheurs en psychologie, qui habituellement font tout ce qu’il faut pour s’en prémunir lorsqu’ils testent l’hypothèse d’une différence entre les sexes. Ca n’a malheureusement pas été le cas ici, ce qui dénote pour le moins une certaine légèreté et peut être lourd de conséquences, car il est tout à fait possible que Jennifer Connellan ait involontairement fait davantage bouger le mobile lorsqu’elle le présentait à un garçon, ou encore regardé une fille différemment d’un garçon lorsqu’elle présentait son visage, biaisant alors les résultats dans le sens attendu.

Notons au passage que Jennifer Connellan, une étudiante de master de Baron-Cohen, était par définition peu expérimentée, et que le risque que son expression ait varié selon l’enfant qu’elle regardait est d’autant plus grand qu’elle était censée animer son visage d’un « mouvement biologique » d’ampleur comparable au mouvement qu’elle imprimait au mobile (p.116). On peut du reste avoir des doutes sur la qualité du contrôle de cette expression lorsqu’on voit ce que les auteurs appellent une expression « positive, émotionnellement plaisante » ici, et une expression « neutre » dans Batki et al (2000) : cf ci-dessous.

Environnement de test et installation des bébés variables

Une autre source de biais choquante est le fait que les bébés n’ont pas tous été testés dans les mêmes conditions expérimentales. Concrètement, les stimuli ont en effet été présentés aux bébés à la maternité soit à côté du lit de leur mère, soit dans la pouponnière, et soit allongés sur le dos dans leur berceau, soit installés sur les genoux d’un de leurs parents. Les auteurs ont certes pris deux précautions afin que ces conditions ne diffèrent pas trop – ils se sont assurés que l’éclairage vertical était constant, et ont fait en sorte que les bébés ne puissent pas voir le visage de son parent pendant le test –, mais elles paraissent bien dérisoires.

Un premier point potentiellement rédhibitoire souligné par les spécialistes ayant critiqué l’étude est qu’il aurait fallu s’assurer que les bébés voient toujours les stimuli exactement sous le même angle, ce qui n’a manifestement pas été le cas. Indépendamment de ce point, il est évident que ces conditions différentes peuvent avoir des incidences, tant sur l’attitude d’un bébé vis-à-vis d’un stimulus humain ou non humain que de manière générale sur son attention à un stimulus qui lui est présenté : par exemple, les bébés ont pu avoir leur attention perturbée par divers bruits et odeurs lorsque le test a été fait dans la pouponnière, même si celle-ci était calme.

Le mal serait moindre si les bébés avaient été affectés à telle ou telle condition de manière aléatoire, mais ça n’est pas le cas : pour le choix du lieu, les auteurs disent l’avoir fixé en fonction de celui qui était le plus calme, et pour celui de faire le test sur les genoux d’un parent ils ne disent rien (or là encore un biais directement lié au sexe est possible). Surtout, il aurait fallu inclure ce paramètre dans l’analyse statistique afin de s’assurer qu’il n’interagissait pas avec les autres variables, mais ça n’a pas été fait.

Présentation non simultanée des stimuli et choix discutables en découlant

De même qu’il est d’usage de veiller soigneusement à ce que les expérimentateurs soient aveugles au sexe et à ce que le dispositif de test soit toujours le même, dans les études testant les préférences perceptuelles de nouveau-nés il est d’usage de présenter les deux stimuli simultanément. Or ici les chercheurs ont présenté d’abord un stimulus pendant environ une minute, puis après un certain laps de temps (non précisé) l’autre stimulus pendant à nouveau environ une minute. Ils ont ensuite comparé les pourcentages de temps durant lesquels chaque bébé avait regardé chaque stimulus, et interprété les différences en termes de préférences pour l’un ou l’autre. Ils ne justifient pas l’emploi de cette méthodologie inusuelle : est-ce simplement parce que ni Simon Baron-Cohen, ni ses étudiantes et collègues n’avaient l’expérience de ce type de tests sur des bébés aussi jeunes ? Impossible à dire. Quoi qu’il en soit, leur emploi de cette méthode non standard pose plusieurs problèmes, car la variable utilisée pour faire les comparaisons (dont le mode de calcul est d’ailleurs peu clair [42]) est alors sujette à divers biais.

D’abord, la comparaison de pourcentages de durées utilisée ici est bien plus délicate que la simple comparaison de durées permise par la méthode standard, d’autant que la durée totale du test était variable, et que les chercheurs ont parfois suspendu le test quand un bébé se mettait à pleurer et l’ont repris ensuite pour reconstituer l’équivalent d’environ une minute de test [43].

Ensuite, un risque de biais évident est que certains bébés ont pu regarder un stimulus moins longtemps que l’autre non pas parce qu’il l’intéressait moins, mais simplement parce qu’il était à ce moment-là moins disposé à se concentrer sur ce qu’on lui présentait. L’attention d’un nouveau-né est extrêmement fragile et fluctuante, dépendant de mille et une choses telles que sa faim, sa digestion ou encore son envie de dormir : elle a fort bien pu différer entre le moment de la présentation du premier stimulus et celui de la présentation du second.

De plus, l’ordre de présentation a pu induire un biais lié à la parenté entre les deux stimuli (un bébé ayant d’abord vu le visage de Jennifer Connellan a pu être plus intrigué par le mobile parce qu’il avait ses traits tout en ne ressemblant plus à un visage), ou encore à la fatigue occasionnée par le test (un bébé a pu accorder moins d’attention au second stimulus parce qu’il était fatigué d’avoir maintenu son attention sur le premier). Comme il l’a fait pour la critique concernant la connaissance par l’expérimentatrice du sexe des bébés, Simon Baron-Cohen s’en est sorti par une pirouette dans sa réponse à Cordelia Fine publiée dans Books, arguant sans plus de précision qu’ils avaient « prévu des contrepoids, pour cette raison même, afin d’éviter tout risque de biais de ce type ». En réalité, le seul « contrepoids » prévu par les auteurs est d’avoir fixé l’ordre de présentation des stimuli de manière aléatoire. Le problème est qu’ils ont ensuite ignoré ce paramètre dans leur analyse statistique. De deux choses l’une : soit ils ont commis une erreur grossière en oubliant de l’inclure – ce qui serait étrange, car ils l’ont en revanche bien fait dans Batki et al. (2000) déjà citée -, soit ils ont préféré faire comme s’ils avaient oublié de l’inclure après avoir observé qu’en le faisant, la différence observée entre filles et garçons devenait non significative.

Par ailleurs, sur 154 bébés testés, les données de 51 d’entre eux n’ont « pas été utilisées » par les auteurs parce que le test n’avait pu être mené à son terme car ils s’endormaient, pleuraient ou s’agitaient « trop » (un autre bébé a manifestement a été exclu car il n’en reste que 102 in fine, mais les auteurs oublient de dire pourquoi). Notons d’abord que cela biaise l’échantillon utilisé, qui in fine n’est pas tiré au hasard mais restreint aux deux tiers de bébés suffisamment attentifs et calmes. De plus, si on suppose que l’échantillon initial était composé de 77 garçons et 77 filles (les auteurs oublient également de donner cette information), cela signifie que 33 garçons ont été éliminés pour seulement 19 filles. Cette différence pose question et aurait mérité d’être commentée dans l’article : le fait que près de deux fois plus de garçons que de filles aient été incapables de se maintenir dans un état d’éveil calme pendant assez longtemps pour faire le test est un résultat au moins aussi intéressant que les subtiles différences de temps moyen passé à regarder tel ou tel stimulus.

Ajoutons que la décision d’arrêter définitivement le test ou de le suspendre ne répondant pas à des critères objectifs clairement (pré)définis, il se peut qu’elle ait été prise d’une manière subjective variant selon le sexe du bébé, directement ou non. Par exemple, les expérimentateurs, qui connaissaient le sexe de certains bébés au moins, ont pu avoir tendance à attendre davantage de calme et de docilité de la part des filles, continuant à les filmer même si elles cessaient momentanément de regarder le stimulus et s’agitaient parce qu’elles en avaient assez, et à abandonner plus vite la partie face à un garçon agité. Autre scénario parmi mille imaginables, le hasard a pu faire que plus de garçons que de filles ont été testés à un moment de la journée qui ne permettait pas d’attendre que le bébé se calme pour finir le test. J’ai l’air de pinailler, mais ça peut tout changer lorsqu’on voit la faiblesse des écarts moyens observés et qu’on remarque que globalement, les filles ont passé proportionnellement moins de temps que les garçons à regarder ce qu’on leur montrait (en moyenne 45,0 % de leur temps contre 48,75 % pour les garçons), ce qui est compatible avec l’hypothèse qu’elles aient été davantage filmées que les garçons lorsqu’elle n’étaient pas disposées à porter leur attention sur ce qui leur était soumis. En effet, une faible correction de ce pourcentage global, faisant en quelque sorte remonter les deux barres roses de mon premier graphique ci-dessus, pourrait fort bien faire disparaître la seule différence moyenne significative entre filles et garçons, à savoir celle dans le temps passé à regarder le mobile, sans pour autant que celle dans le temps passé à regarder le visage devienne significative.

Risques d’interférences avec une autre expérience réalisée en même temps sur les mêmes bébés

J’ai déjà cité plusieurs fois Batki et al. (2000), qu’il est assez éclairant de comparer à Connellan et al. (2000) car certaines différences dans la présentation et le traitement statistique de leurs données ne paraissent explicables que par des choix fait a posteriori afin de mettre en valeur ou cacher ce qui étayait ou contredisait l’hypothèse des auteurs. Le point que je voudrais souligner ici, c’est que la réalisation simultanée de ces deux études (passée sous silence par les auteurs) a pu introduire des biais supplémentaires. En effet, comme me l’a indiqué Jennifer Connellan dans un échange de mails, la quasi-totalité des bébés ont participé aux deux études, soit durant la même période de test s’ils restaient éveillés assez longtemps, soit à deux moments différents de la journée, soit deux jours différents. L’ordre de réalisation des deux études est crucial, car outre le risque de biais lié à la fatigue, comme c’est une photo du visage de Jennifer Connellan qui était utilisée dans l’étude d’Anna Batki, des différences d’attitude face au visage de Jennifer Connellan ont pu être causées par le simple fait qu’on avait déjà montré sa photo à certains bébés et pas à d’autres. Lorsque j’ai soulevé ce problème auprès d’elle, celle-ci m’a comme je l’anticipais répondu (le 11/06/2013) que pour autant qu’elle se souvienne, son test avait été fait avant celui d’Anna Batki. Le problème, c’est que ça ne colle pas avec l’âge moyen des bébés au moment du test : dans Connellan et al. (2000) il est de 36.7 heures, et dans Batki et al. (2000) il est de 36.6 heures…

Anomalies dans l’analyse statistique

Les auteurs écrivent que les différences observées restaient statistiquement significatives après prise en compte de la durée de gestation des bébés, de leur poids de naissance, de leur âge, et de la durée du test. Outre les paramètres déjà cités qu’ils ont omis de prendre en compte, ils omettent encore une fois curieusement de dire ce qu’il en était après prise en compte des deux autres variables démographiques citées au début de l’article à côté des quatre ci-dessus mentionnées, à savoir le mode de naissance (40 bébés étaient nés par césarienne, 62 par voie basse), et le score Apgar à 5 minutes (il n’était pas toujours égal à 10). C’est d’autant plus curieux que dans Bakti et al. (2000), ils ont en revanche vérifié l’absence d’effet statistique du mode de naissance.

Par ailleurs, l’article est entaché d’une erreur grossière : dans le calcul de la significativité statistique de l’écart entre temps passé à fixer le mobile et temps passé à fixer le visage par les filles, les auteurs ont repris le même nombre de degrés de libertés que pour le calcul de l’écart entre filles et garçons, soit 100 alors qu’ils auraient du prendre 57 (si l’erreur ne vous saute pas aux yeux, je précise qu’elle a également été relevée par Nash et Grossi (2007), qui se sont demandées comme une erreur aussi évidente n’avait pas été vue lors du processus de revue avant publication). Si le reste du calcul est exact, la différence reste statistiquement significative après correction de cette erreur, mais ça jette un doute sur le reste. Ce qui est peut-être encore plus gênant, c’est que lorsque j’ai soulevé ce problème auprès de Simon Baron-Cohen, il m’a répondu (le 18/09/2013) en maintenant contre toute évidence que 100 lui semblait exact, ajoutant que les statistiques faites par Jennifer Connellan avaient été revues par le scientifique très expérimenté et leader international qui avait évalué son mémoire de master, par trois pairs indépendants et par l’éditeur lors du processus de revue avant publication, et bien-sûr par lui-même. Sans commentaire.

Indices de la faible confiance des auteurs eux-mêmes dans l’importance et la solidité de leur étude

Je voudrais pour finir signaler deux éléments qui me paraissent indiquer que les auteurs eux-mêmes ne considèrent pas leurs résultats comme si importants et si solides qu’on le dit.
D’abord, Jennifer Connellan ne semble pas penser qu’elle a participé à une avancée scientifique majeure. Outre que cette expérience ne lui a pas donné envie de poursuivre dans cette voie (après l’obtention de son master en psychologie expérimentale grâce à ce travail, elle a fait ailleurs un master en psychologie clinique puis a abandonné la recherche), elle a en effet déclaré dans son commentaire sur le billet très critique du blog de chercheur cité plus haut [cf note 36], sans chercher à contre-argumenter : « Avec le recul, je pense que notre plus grande réalisation fut d’arriver à convaincre 154 parents de nous autoriser à exposer leur bébés à l’alien / monstre transdimensionnel ».
Ensuite, au vu du nombre de points flous et d’erreurs que j’avais relevés dans l’analyse statistique, j’ai cherché à obtenir les données brutes ayant servi de base aux calculs afin de les réanalyser plus proprement. Or Baron-Cohen, Connellan, Batki et Ahluwalia m’ont tout.e.s répondu qu’ils ne les avaient pas gardées, et Baron-Cohen m’a dit n’avoir pas non plus gardé de copie électronique du mémoire de master de Connellan qui devait les contenir. Par ailleurs, cette dernière a cessé de répondre à mes mails lorsque je lui ai demandé si elle pouvait m’envoyer son mémoire, de même que Baron-Cohen a cessé de répondre à mes mails lorsque j’ai insisté pour récupérer soit ces données (dont il m’avait dit dans un premier temps qu’elles étaient comme il se doit bien archivées quelque-part), soit ce mémoire (dont il m’avait dit dans un premier temps qu’il pourrait peut-être retrouver une copie papier en cherchant bien). Si Simon Baron-Cohen est confiant dans la robustesse de l’analyse qui a été faite et veut dissiper tout doute, le mieux serait qu’il mette ces données à disposition.

4. Des résultats jamais reproduits, au contraire contredits

Martine Fournier n’est pas sans savoir que les résultats d’une étude de ce type ne sauraient être considérés comme acquis en l’absence de réplication indépendante, et c’est pour cela sans doute qu’elle a tenu à préciser qu’ils avaient été « plusieurs fois reproduits ». Or d’après mes recherches soigneuses et répétées depuis 2007 (la dernière fois le 19 septembre 2013 dans le Web of Science), aucune réplication de ces résultats n’a jamais été publiée. Dans sa réponse à Cordelia Fine publiée dans Books en 2012, Simon Baron-Cohen admettait déjà qu’elle avait raison de dire que l’étude « mériterait d’être reproduite par d’autres chercheurs ». Comme cette déclaration datait déjà un peu, je lui ai demandé en juin 2013 s’il avait connaissance d’une tentative de réplication, et il m’a répondu qu’à sa connaissance il n’y en avait toujours pas eu. J’attends donc toujours la réponse à ma question adressée en vain à deux reprises à Martine Fournier, en espérant avoir plus de succès en la posant publiquement : pourquoi et sur quelle base a-t-elle affirmé que ces travaux avaient été plusieurs fois reproduits ?

Ce n’est pas tout. Outre son absence problématique de réplication, les critiques de la surinterprétation de cette étude ont souligné son caractère contradictoire avec les études antérieures et postérieures n’ayant jamais trouvé de telles différences perceptuelles entre les sexes chez les bébés, et avec d’autres suggérant qu’un visage ne constitue pas nécessairement un stimulus de nature « sociale » aux yeux des nouveau-nés [44]. L’ironie de l’histoire, c’est que les résultats d’autres études de Simon Baron-Cohen lui-même contredisent l’idée que la différence entre l’intérêt « féminin » pour les choses humaines et sociales et l’intérêt « masculin » pour les objets et les systèmes serait essentielle, existant dès la naissance et se maintenant ensuite, expliquant au moins en partie les différences moyennes constatées entre hommes et femmes telles que la surreprésentation des unes dans le métier d’infirmer et celle des autres dans celui d’ingénieur, pour en revenir au fameux « paradoxe de l’égalité » que le documentaire d’Eia prétend expliquer au moins en partie.

Par exemple, dans leur autre étude simultanée déjà citée, les auteurs disent avoir trouvé que les bébés avaient davantage regardé la photo du visage de Jennifer Connellan aux yeux ouverts que celle aux yeux fermés, rapportant en passant l’absence de différences entre garçons et filles sur les 105 bébés testés. Selon eux, cela étaye l’hypothèse selon laquelle les êtres humains seraient pourvus d’un module inné d’orientation de leur attention vers le regard d’autrui et de détection de la direction de celui-ci. Or comme l’a écrit Baron-Cohen dans un autre article, « le contact visuel est d’une importance majeure pour le développement social normal […] Les bébés âgés de 2 mois passent déjà plus de temps à regarder la région des yeux que n’importe quelle autre partie du visage »[45], et il est vrai que le regard est un élément clé de compréhension des pensées et intentions d’autrui. Dès lors, comment expliquer que de manière innée les filles s’intéressent davantage aux visages que les garçons (Connellan et al, 2000) mais pas davantage qu’eux au regard présent dans un visage (Batki et al, 2000) ? Les auteurs se gardent bien de le faire, comme ils s’abstiennent de signaler la simultanéité de ces deux tests et de croiser les données disponibles sur les mêmes bébés issues des deux études, ce qui est bien dommage.

CONCLUSION

Comme nous l’avons vu, les résultats de la fameuse étude de Simon Baron-Cohen censée avoir montré une différence entre les sexes dans le comportement des nouveau-nés ne sont pas ceux qu’on lui prête. De plus, ils sont entachés de risques de biais importants et nombreux, les modalités techniques de leur obtention comportent zones floues, oublis, erreurs et choix questionnables, et le résumé et le titre de l’étude sont totalement fallacieux, le tout publié avec l’aveuglement bienveillant de reviewers et d’un éditeur assez peu scrupuleux pour avoir laissé passer toutes ces anomalies. Enfin, alors que la réplication de cette étude était tout particulièrement nécessaire avant que ses résultats ne puissent être pris au sérieux, elle reste non répliquée depuis maintenant 13 ans, la littérature scientifique disponible tendant plutôt à la contredire.

On peut comprendre que le désir de (se) convaincre de la validité de ses hypothèses puisse chez un chercheur prendre le dessus sur la rigueur et la lucidité, jusqu’à lui faire énoncer de parfaites contre-vérités. Sans chercher à excuser Simon Baron-Cohen, je dois dire que j’ai pu constater que ça n’était pas rare dans le domaine des recherches sur le caractère « naturel » de certaines inclinations humaines qui font l’objet de croyances profondément ancrées chez certains, ainsi que d’enjeux divers pouvant également peser lourdement. On peut de même comprendre que toutes sortes de personnes se soient emparées sans aucune distance critique des conclusions supposées de cette étude flattant si bien leurs convictions ou soutenant leur combat politique, et on peut imaginer que la rédactrice en chef de Science Humaines fasse partie de ces personnes. Mais pour ma part, sachant les enjeux considérables attachés à la question des bases biologiques du genre, je trouve grave que quelqu’un qui se dit journaliste scientifique puisse aller aussi loin à la fois dans la propagation d’informations dont il lui serait facile de vérifier la fausseté, et dans le discrédit en bloc de critiques précises, basées sur une connaissance approfondie de la littérature scientifique, en les taxant d’ignorance et de parti-pris idéologique simplement parce que leurs conclusions ne lui conviennent pas.

La conviction qu’il existe des différences entre hommes et femmes induisant des rôles sociaux de sexe « naturels », et que cette vérité est déniée en raison du « politiquement correct » sévissant en Occident, était un ressort important du passage à l’acte meurtrier du masculiniste Norvégien Anders Breivik, « homme blanc en colère » s’il en est, dont les propos rejoignent remarquablement ceux d’Eia si on laisse de côté les aspects religieux et la morale sexuelle qui leur est associée [46]. Au cœur de ce fond idéologique porté par un Alain Soral ou un Eric Zemmour en France ne se trouvent à mon avis ni l’islamophobie, ni la xénophobie, ni l’homophobie, mais l’attachement viscéral à la « différence des sexes » (et accessoirement des « races ») comme repère(s) et structure(s) fondamentale(s) du monde social, et une peur panique de la « féminisation » (et du métissage) dont les phobies précitées ne sont souvent que des produits dérivés. Cet attachement s’accompagne de croyances profondes dans l’existence de certaines différences naturelles entre (catégories d’)êtres humains, et de la conviction que les institutions et les médias vérolés par le marxisme culturel et le féminisme organisent le maintien du peuple dans l’ignorance de celles-ci.

La banalisation de cette idéologie est un vrai problème, et pourrait avoir des conséquences plus brutales qu’on ne l’imagine. J’en arrive en tout cas à le craindre lorsque que je lis les appels à la radicalisation violente et même à « renverser le pouvoir en place » d’un Léonidas Durandal ou d’un Alexis Aguettant, les deux principaux diffuseurs du documentaire d’Eia [47]. Et si Richard Millet, rejoignant d’une certaine façon l’analyse d’un témoin au procès de Breivik soulignant le caractère politique de son acte et le fait que « l’idéologie qui l’a conduit n’est pas un phénomène unique à la Norvège », avait eu raison d’écrire que Breivik est « ce qui attend nos sociétés »[48] ? Si nous voulons éviter de suivre ce modèle norvégien-là, il me semble que la censure des propos sexistes, racistes et homophobes (toujours ponctuelle et illusoire sur le web) n’est définitivement pas la solution, alimentant au contraire la théorie du complot et le ressentiment de ceux qui sont persuadés que leurs croyances sont fondées. Que certains journalistes fassent un peu mieux leur travail et que les médias se donnent les moyens d’étendre la pratique du fact checking politique au fact checking scientifique sur ces sujets sensibles ne nuirait pas, en revanche.

Odile Fillod

Article mis à jour le 23 mai 2014 (précision sur Alexis Aguettant ajoutée dans la note 20)
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Notes

[1] Voir son synopsis et ses dates de diffusion sur http://en.wikipedia.org/wiki/Hjernevask.

[2] Harald EIA et Ole-Martin IHLE, 2010, Født sånn eller blitt sånn?, Gyldendal. Pour une critique de ce livre et de son argumentaire, voir Isabelle Dussauge, 2010/04, Sex, lögner och evolutionens förvrängda löften: Harald Eia & Ole-Martin Ihle, Født sånn eller blitt sånn?, Tidsskrift for Kjønnsforskning, p. 433-445, en ligne sur http://www.idunn.no/ts/tfk/2010/04/art03 (en suédois), et le document qui l’accompagne en ligne sur http://kilden.forskningsradet.no/binfil/download.php?did=7541 (en suédois et norvégien).

[3] Cf Eia et Ihle, 2010 (op. cit.), chapitre 3 consacré à l’héritabilité génétique du QI et des traits de la personnalité, et à la transmission familiale conséquente de la réussite scolaire et sociale.

[4] Eia et Ihle, 2010 (op. cit.), exemples respectivement tirés des chapitres 7 (consacré aux liens entre « race » et intelligence, intitulé « La vérité qui dérange ») et 4 consacré aux différences entre les sexes dans les comportements sexuels (p.159 et p. 163-167), d’après Isabelle Dussauge, 2010 (art. cit.).

[5] Cf les propos d’Eia dans son interview en ligne sur http://meetinnovators.com/2013/04/29/harald-eia-brainwash/ (accédé le 04/09/2013) : « I’m a trained sociologist. After working a couple of years in research I went into television, in comedy, but I kept on reading science. My focus shifted from traditional sociology to biology, evolutionary psychology and behavioral genetics, Steven Pinker and David Buss, all that new science of the human mind and human nature. For me that was so new and interesting and went against everything I was taught at university. After doing some research I felt that the whole academic life and all culture was uninformed about these perspectives. So I decided to make a popular science show about that. […] Basically, when you study social science, especially sociology, there is some implicit premise of human beings that we are born with a blank slate, that basically all of our feelings and the way we think and all our culture is just a product of socialization and influence from our parents, media, society. And that the other part of the story, the nature part, is being ignored basically. For instance, why is it that children who have parents who are academics also become academics? Why this is called the reproduction of the class society? Why is this reproduced from one generation to another? The only explanation I was given at university was that it has something to do with how you’re socialized at home, how you’re influenced by the other books in the shelves your parents tell you to read. […] But when I started reading these things, behavioral genetics, when you study twins and children who are adopted, it turned out that genetics has a whole lot to say. I found that very interesting, and nobody told me this at university, even though I studied class structure and inequality. Because I wasn’t told about these perspectives I felt like it was an intellectual scandal ».

[6] Nombre de comptes-rendus de ce documentaire sur le web ou sur twitter disent d’ailleurs d’Harald Eia qu’il est journaliste, probablement de bonne foi et non pour chercher à manipuler leur lectorat car il est facile de vérifier qu’il ne l’est pas.

[7] J’insiste sur le fait qu’il s’agit bien d’une interrogation feinte suivie d’une pseudo-enquête, dont l’objectif est d’amener les spectateurs à adhérer à la réponse qui s’impose à ses yeux et qu’il entend leur imposer, comme le montre notamment l’extrait de son interview cité ci-dessus.

[8] Cf Martine Fournier (propos recueillis par), avril 2010, « Entretien avec Susan Pinker – “Les femmes ne sont pas les clones des hommes” », Sciences Humaines, n°214, p.40-42 : « [S. Pinker : ]Les différences observées ne proviennent pas de différences de capacités intellectuelles mais de caractéristiques féminines dont découlent des choix volontaires. Par exemple, beaucoup de femmes sont plus douées pour l’empathie et le langage. Elles se dirigent alors vers des emplois qui valorisent leurs goûts et leur désir d’aider les autres : les métiers de l’éducation, les professions intellectuelles ou la psychologie. […] Il existe des expériences récentes qui montrent des différences garçons/filles, et cela dès les premières heures après la naissance. Dans ce cas, on ne peut guère incriminer la culture. Là où les choses se compliquent, c’est qu’effectivement culture et éducation interviennent et amplifient ces différences. On ne peut plus raisonner aujourd’hui en terme de nature versus culture ; ce sont toujours les deux qui dansent ensemble ! […]. C’est paradoxalement dans les pays du Nord de l’Europe, où les femmes ont le plus de choix de carrière et de facilités pour accéder à légalité professionnelle, que l’on trouve les plus grandes différences dans les carrières. […] Il faut certes continuer à se battre pour l’égalité des chances. […] Mais il ne faut pas confondre cette égalité d’opportunité avec celle d’une égalité mathématique. Et la possibilité de choisir notre chemin et de changer les choses est un bénéfice des démocraties occidentales postféministes d’aujourd’hui. ».

[9] Depuis 2010, à chaque fois que la question générale de l’existence d’une féminité/masculinité « naturelle » est traitée dans le magazine, ce livre est cité. Cf Martine Fournier, avril 2010, p.40 (art. cité, paragraphe d’introduction) : « Depuis des décennies, les sciences humaines soulignent le poids de l’éducation et de la culture dans les différences entre les sexes. La psychologue canadienne Susan Pinker n’hésite pas à prendre le contre-pied de ces thèses. […] Les recherches récentes attestent qu’hommes et femmes ont des caractéristiques, des goûts, des inclinaisons liés à leur sexe biologique et invitent à porter “Un nouveau regard sur la différence hommes-femmes”. Intitulé en anglais The Sexual Paradox, le titre français de ce livre, Le sexe fort n’est pas celui qu’on croit, ne donne pas une image fidèle de ses propos. Il n’est pas question pour elle d’établir une nouvelle hiérarchie entre les sexes, mais plutôt de prendre en compte, dans les sociétés contemporaines, la diversité des aspirations des hommes et des femmes… »; Cf Sarah Chiche, mars 2012, « Y a-t-il un éternel féminin ? », Sciences Humaines, n°235, p. 40-42 : « […], on continue de s’interroger sur les racines culturelles ou naturelles de la féminité. […] Pourtant, un certain nombre de travaux récents, dans les champs de la neurobiologie, de la génétique ou de la psychologie cognitive, insistent sur la présence de différences innées, comportementales et cognitives, entre les hommes et les femmes, […]», article du dossier « Les identités sexuelles » coordonné par Martine Fournier, dont la bibliographie ne cite aucun de ces fameux « travaux récents » mais renvoie à Susan Pinker, 2009, Le sexe fort n’est pas celui qu’on croit, Les Arènes; Cf l’extrait cité plus haut de Martine Fournier, janvier 2013, « Masculin-feminin : le genre explique-t-il tout ? », Sciences Humaines, n°244, p.74-75; dans l’encadré « A lire » accompagnant l’article, on trouve à nouveau ce livre de Pinker, significativement précédé de Femmes entre genre et sexe [sic] (Sylviane Agacinski) et Reflets dans l’œil d’un homme [sic] (Nancy Huston) [les erreurs dans les titres sont d’origine].

[10] Dans ce numéro du magazine dont elle est rédactrice en chef, Martine Fournier ne se contente pas de relayer sans contre-point critique les propos de Pinker via l’entretien cité ci-dessus. Elle les endosse elle-même dans l’introduction au dossier consacré à « L’ère du postféminisme » dont cet entretien fait partie (et dont j’ai déjà parlé ici pour son traitement tout aussi problématique de la question de l’instinct maternel) : « Ce n’est pas l’avis de la psychologue Susan Pinker pour qui les femmes contemporaines pilotent leur vie en fonction de leurs goûts et de leurs choix. Cette psychologue canadienne avance que la différence des sexes s’ancre dans des spécificités issues de la nature. Un constat bien peu audible en France, et plus généralement dans le champ des études de genre qui mettent à distance les thèses naturalistes, en raison des justifications qu’elles peuvent apporter à la hiérarchie des sexes. La psychologie évolutionniste notamment attribue à l’évolution un rôle déterminant dans les différences hommes/femmes. Cette discipline est cependant considérée comme tabou dans l’Hexagone, accusée d’endosser les vieux oripeaux idéologiques justifiant la domination masculine. Quoi qu’il en soit, ces dernières années, les expériences se sont multipliées qui mettent en évidence des spécificités masculines et féminines dès la naissance notamment liées au rôle des hormones. » (Martine Fournier, avril 2010, « Femmes, le choix des armes », Sciences Humaines, n°214, p. 33-36, souligné par moi).

[11] Cf http://www.dagbladet.no/2010/04/06/kultur/tv/hjernevask/11158641/.

[12] Voir http://www.stortinget.no/no/Saker-og-publikasjoner/Publikasjoner/Referater/Stortinget/2009-2010/100428/ordinarsporretime/16/ et http://www.stortinget.no/no/Saker-og-publikasjoner/Publikasjoner/Referater/Stortinget/2009-2010/100608/8/ (en norvégien, la copie dans Google translate permettant de se faire une idée de la teneur des débats parlementaires retranscrits ici).

[13] Cf « Harald Eia, Dag Hessen and Bjørn Vassnes receive the Fritt Ord Foundation Tribute», 8 décembre 2010, communiqué de presse de la Freedom of Expression Foundation, Oslo (Fritt Ord), en ligne sur http://www.fritt-ord.no/en/hjem/mer/harald_eia_dag_hessen_og_bjorn_vassnes_far_fritt_ords_honnor/ : « Harald Eia is awarded the Fritt Ord Foundation Tribute for, through the programme Brainwash, having precipitated one of the most heated debates on research in recent times. The popular science TV series Brainwash, focusing on biology and society (broadcast on NRK in the spring of 2010) addressed controversial issues about, among other things, gender, sex and race. Although Eia’s journalistic methods have been subject to criticism, the series sparked growing interest in the correlation between nature and nurture, and promoted academic criticism and a renewed dialogue about traditions from different academic disciplines ».

[14] Après un appel à candidatures, le Secrétariat suédois pour les recherches genre, à l’université de Göteborg (Suède), a obtenu l’hébergement et la direction du NIKK. Le NIKK a redémarré ses activités visibles (web, lettres d’information, etc) en mai 2013. Voir http://www.nikk.no/en/about-nikk/.

[15] Selon la chercheure en études genre suédoise Isabelle Dussauge (communication personnelle), sur la base notamment de Charlotte Haider, 2 décembre 2011, « Genusforskning “mainstreamas” i Norge », en ligne sur http://feministisktperspektiv.se/2011/12/02/genusforskning-mainstreamas-i-norge/.

[16] Cf les exemples suivants relevés dans les comptes-rendus francophones du documentaire d’Eia (éléments clés de contexte soulignés) :
– « La théorie du genre expulsée de Norvège » (Léonidas Durandal, 31/10/2012, http://aimeles.over-blog.com);
– « Depuis […], l’État norvégien a décidé de cesser toutes les subventions aux instituts et associations pro-genre » (« Pour une école libre », 11/10/2012 [màj le 30 novembre pour intégrer la vidéo sous-titrée par Léonidas Durandal], www.republiquedebananes.com (site québécois); article copié/collé dans Alexis Aguettant, « Le paradoxe de l’égalité entre les sexes […] », 12/10/2012, www.homme-culture-identite.com);
– « Un documentaire diffusé en 2010 par la télévision norvégienne […] met en lumière la portée non scientifique des postulats théoriques des politiques d’égalité. Suite au débat national qui a eu lieu en Norvège après la diffusion d’un documentaire de Herald EIA (devenu un héro dans son pays) l’Institut gouvernemental norvégien pour les études de Genre, l’institut NIKK, a cessé de recevoir toute subvention et a dû de ce fait fermer. » (Alexis Aguettant, 17/10/2012, « Au cœur des politiques d’égalité entre les hommes et les femmes, une idéologie démasquée… », www.homme-culture-identite.com; texte repris dans Alexis Aguettant, 22/10/2012, « Egalité hommes femmes : le film norvégien qui fait voler en éclat 40 années de certitudes », www.atlantico.fr);
– « Suite à l’enquête menée par Harald Eia, le scandale de la théorie fumeuse du genre a éclaté au grand jour et est devenu une affaire nationale. Au point où le gouvernement a décidé d’annuler les subventions aux études de genre et aux associations qui en font la promotion ! La théorie du genre a été flinguée et laissée pour morte dans le caniveau dont elle n’aurait jamais dû sortir. […] Après la diffusion du reportage le débat s’est enflammé et le gouvernement à coupé tous les subsides aux tenants de cette idéologie. » (“hommelibre” [alias John Goetelen], 12/11/2012, « La théorie du genre vole en éclat ! », www.agoravox.fr);
– « En attendant les études sur le genre en NORVEGE semblent avoir du plomb dans l’aile. Un sérieux coup de mou à la suite d’un documentaire de 2010 où les chercheurs norvégiens sur le genre se sont montrés particulièrement obtus et sectaires. Du coup leur financement : couic ! Et l’institut norvégien des études sur le genre a du fermer ses portes. » (“Roque”, 15/11/2012, commentaire sous http://religion.blog.lemonde.fr/2012/11/14/islam-et-mariage-pour-tous-luoif-met-en-garde-contre-la-zoophilie-et-la-polyandrie/);
– « En Norvège, pays le plus avancé sur la question de l’égalité des droits hommes-femmes dans le travail depuis plus de 30 ans, un jeune journaliste a mené une enquête surprenante qui a disqualifié radicalement les tenants de cette théorie en Norvège. Norvège qui, avant tous les autres pays du monde, a donc dès 2012, et face à l’évidence scientifique de son aberration initiale (le refus d’observer le réel, qui est pourtant la base de TOUTE science), décidé de ne plus soutenir, subventionner ni approuver aucun des différents instituts et organismes d’états travaillant sur cette théorie. » (compte Dailymotion Parolesdecatholiques, vidéo sous-titrée en anglais postée le 21/01/2013, « Les paradoxes de la théorie du genre face à la science – Reportage Norvège NRK2011 »);
– « Le documentaire ci-dessous, réalisé par un journaliste norvégien auprès de spécialistes des deux camps, a eu des conséquences radicales : suite à sa diffusion, fin 2012, le gouvernement a suspendu toutes les subventions aux recherches scientifiques sur la théorie du genre. Rien que ça ! Il faut dire que ce document d’une quarantaine de minutes laisse peu de place au doute. » (Pierre Vallinat, 16/02/2013, « Le documentaire qui a détruit la théorie du genre en Norvège ! », http://latableronde.wordpress.com);
– « Un documentaire diffusé en 2010 par la télévision norvégienne […] met en lumière de façon décisive la portée non scientifique des postulats théoriques des politiques d’égalité. Suite au débat national qui a eu lieu en Norvège après la diffusion d’un documentaire de Harald Eia (devenu un héros dans son pays, en attendant qu’il le devienne dans le reste de l’Europe) l’Institut gouvernemental norvégien pour les études de Genre a cessé de recevoir toute subvention, autant dire que cet institut, de fait, n’existe plus (budget 2012 de 7,5 millions d’euros). » (« Documentaire : La théorie du genre expulsée de Norvège : le paradoxe de l’égalité des genres », 16/02/2013, www.prechi-precha.fr);
– « Alors que la Norvège est souvent citée comme un modèle en termes de politique et de société égalitaires, un documentaire de Herald EIA diffusé en 2010 par la télévision norvégienne met en lumière la portée non scientifique des postulats théoriques des politiques d’égalité. Suite au débat national qui a eu lieu en Norvège après la diffusion du documentaire, l’Etat norvégien a décidé d’arrêter toutes les subventions en faveur des politiques d’égalité, et notamment celles qui finançaient l’Institut gouvernemental norvégien pour les études de Genre » (LB, 26/03/2013, commentaire posté sur www.henrihude.fr/mes-reflexions/50-democratiedurable/295-la-plus-grande-manifestation-de-lhistoire-de-france);
– « La Norvège a osé (oui, elle a eu ce courage) diffuser une série d’émissions; le thème: une étude rigoureuse et scientifique des origines et de la justification de la théorie du ‘genre’. A la suite de quoi les ‘chercheurs’ les plus en pointe dans cette théorie ont dû se reconvertir… » (Proff, 28/03/2013, commentaire sous http://plus.lefigaro.fr/article/les-stereotypes-garcons-filles-simposent-des-la-creche-20130328-1980553/commentaires/15580561);
– « A voir absolument : le reportage d’Harald Eia, journaliste norvégien. En 38 minutes, avec une bonne dose d’humour et de bon sens, mais aussi avec toute la rigueur d’un travail d’investigation, Harald Eia montre le vrai visage de la théorie du “gender”. En Norvège, son documentaire a causé sensation. Il a amené le gouvernement à couper tout subside en faveur de cette théorie. » (Chrétienté Info, 16/05/2013, « Le “gender” démystifié », www.chretiente.info);
– « Et il y a cette vaste fumisterie LGBT qu’est la théorie du genre : Les pays scandinaves ont été les pays les plus progressistes en matière d’égalité entre hommes et femmes. Ce sont eux qui sont les premiers à constater son échec. Ce documentaire d’Harald Eia montre comment les réseaux LGBT ont noyauté l’université pour lui donner un niveau des plus médiocres. Le ménage a commencé chez eux. » (duc, 21/05/2013, « Le 26 mai, réveil du peuple français contre l’élite mondialiste et ses vices ? », en ligne sur http://effondrements.wordpress.com (blog « Effondrements de civilisation ou début de la fin des temps civilisés », lien vers ce billet posté le 21/05 par “Carlos” sous http://blog.lefigaro.fr/threard/2013/05/mariage-homo-le-debat-nest-pas.html, et par le même le 23/05 sous www.famillechretienne.fr/societe/politique/la-manifestation-du-26-mai-est-elle-legitime_t7_s37_d69718.html);
-… etc, dont à nouveau Alexis Aguettant le 30 avril 2013 : « La Norvège vient de mettre fin a toute sa politique d’égalité homme-femme après avoir mis à jour des éléments scientifiques dans le débat. Voir le reportage qui a renverser [sic] magistralement la donne en Norvège, et bientôt en France et dans le reste du monde : […] » (commentaire posté sous mon billet sur « le mariage raté du Vatican et de la science » moins de 4h après sa publication, non mis en ligne).

[17] Cette expression est tirée de l’interview de Harald Eia d’avril 2013 citée plus haut : « [Harald Eia :] The debate in national newspapers and in television programs went on for at least half a year because we attacked some of the most rhetorically strong people in our society. […] I think it was a relief for a lot of people. At last, somebody there is going against that political correctness that’s holding the debate down and stigmatizing some perspective that’s right-wing. People felt it was kind of liberating. I don’t know how much it changed but some of the left-wing intellectuals now aren’t as arrogant and ignorant as they used to be. […] [Adrian Bye :] The biggest people that responded after your TV show, was that the angry white men in Norway? [Harald Eia :] Yes, they were angry at these gender researchers, very angry. There is a lot of hate against political correctness. But I hope shows like Brainwash will give people and the angry white men a feeling that it’s okay to discuss these things instead of the political correctness that tends to hold this debate down. For instance, ten years ago in Norway it was forbidden to discuss any problems when it comes to immigration. And in Sweden it’s still like that. What happens is you get a right-wing party that’s really popular, really far right-wing, but you lose control over the debate because the debate is not free. It’s important always to try to have these free discussions inside society instead of saying we can’t discuss this. That makes people really angry. »

[18] La vidéo mise en ligne par Eia sur http://vimeo.com/19707588 le 8/02/2011 était initialement protégée par un mot de passe (« hjernevask », le titre de la série en norvégien) qui a finalement été retiré. Elle a ensuite été mise en ligne en accès libre notamment le 9/12/2011 par Hoodlab sur YouTube (v=p5LRdW8xw70), le 12/01/2012 par “hurrhurrdurr3” sur YouTube (v=CrsF7wyUxs8), le 24/02/2012 par “BrainwashingNorway” sur Dailymotion (video/xp0tg8_hjernevask-brainwashing-english-part-1-the-gender-equality-paradox_news), le 9/03/2012 par “panathinakosbear” sur YouTube (v=KQ2xrnyH2wQ), le 9/05/2012 par “hgoetkehgoetke” sur YouTube (v=tiJVJ5QRRUE), le 16/09/2012 par “Turnvater jahn” sur YouTube sous-titrée en allemand (v=mguctw0i-rk), le 30/10/2012 par “Léon Antiféministe” sur YouTube sous-titrée en français (v=PfsJ5pyScPs), le 31/10/2013 par “Polartag” sur YouTube sous-titrée en allemand (v=2Rzd2UmpkZs) et le 7/022013 par “MSRheinland” sur YouTube sous-titrée en allemand (v=3OfoZR8aZt4). Je n’ai trouvé aucune occurrence avec un nombre de vues significatif dans d’autres langues hormis une version sous-titrée en portugais mise en ligne le 5/04/2013 par Aldir Gracindo, un militant masculiniste brésilien (v=G0J9KZVB9FM) qui s’est chargé de le traduire et d’en faire la promotion (cf http://www.direitosdoshomens.com/como-harald-eia-abalou-a-ideologia-de-genero/).

[19] L’individu qui a sous-titré la vidéo en français, l’a postée sur YouTube via son compte “Léon Antiféministe” (puis sur DailyMotion et sur RuTube via ses comptes “Léonidas Durandal”) et en assuré la diffusion via son blog (http://aimeles.over-blog.com, blog associé à son site www.aimeles.fr, nom de domaine enregistré en juillet 2008 en tant que « Site de l’antiféminisme francophone »), est plus connu sous le pseudo “Léonidas Durandal”. Il est masculiniste, au sens où il dénonce un état de la société qu’il estime être structurellement défavorable aux hommes. Selon lui, en effet, « L’indépendance des femmes a été conquise par l’exploitation des hommes », nous vivons aujourd’hui dans un « matriarcat », un système organisé de « domination des hommes » ; le droit supposé égalitaire masque des discriminations envers les hommes (ex : les hommes devraient pouvoir partir plus tôt en retraite puisqu’ils meurent plus jeunes), le droit des pères est bafoué, les violences faites aux hommes ne sont pas reconnues, le système scolaire est devenu extrêmement défavorable aux garçons (« tout le système scolaire a pour but d’exclure les garçons en masse »), les « valeurs propres aux hommes : la prise de risque, l’agressivité » ne sont plus reconnues, etc. La charte de son site met au premier plan la défense des droits des pères : « Le site défend les droits des pères et des hommes en général, tant politiquement que juridiquement. En effet, le féminisme s’est particulièrement infiltré dans la justice et une des principales revendications de l’association [Aimeles] est d’être traité à égalité face aux femmes dans le cadre familial. ». L’articulation entre sa croyance en la complémentarité (et donc différence) fondamentale entre les femmes et les hommes, son antiféminisme et son masculinisme s’exprime par exemple ici : « Oui, le féminisme est par nature misandre car il suppose une indépendance des femmes et des hommes les uns par rapport aux autres. Or cette indépendance n’existera jamais. Dès lors, le féminisme est voué à développer des réflexes et des pensées de type dominants-dominés pour s’imposer. Il est donc, par nature, misandre. ». Sources : dépouillement de son blog, son site, sa page Facebook et ses comptes YouTube et RuTube effectués en mai et septembre 2013 (son blog a été supprimé par son hébergeur le soir du 16 septembre 2013 et son site partiellement démantelé en conséquence). Il anime également le groupe Facebook « Ligue antiféminisme hommes » (www.facebook.com/groups/373146252732626), supprimé par Facebook mais réactivé ensuite, et s’est réjoui sur sa page Facebook le 1er juillet 2013 de la réactivation de la page Facebook du Mouvement contre l’Impéralisme Féminin (MIF). S’il s’efforce de masquer sa misogynie violente sur son site et son blog (quoi qu’elle transparaisse à l’occasion), celle-ci s’exprime assez ouvertement sur sa page Facebook : il appelle par exemple « les pisseuses » les jeunes femmes membres du mouvement Camping pour tous qu’il soutient pourtant, désigne le 8 mars comme étant « le jour de la fête des s…pes, des c……ses, et autres pu…s », ou encore affiche son appartenance à un groupe au doux nom de « Va laver mon slip la femme ». L’un des premiers billets de son blog exprimait l’angoisse qui semble être un moteur profond de l’engagement des masculinistes, au-delà de la colère contre les femmes et le féminisme nourrie chez nombre d’entre eux (et semble-t-il chez Durandal) par une séparation conflictuelle d’avec leur compagne : « Actuellement, les hommes ne servent plus à rien car on ne voit plus bien à quoi ils pourraient servir : Ils sont échangeables avec des femmes dans tous les métiers / Ils sont échangeables avec des femmes dans la famille / Ils sont accusés d’être responsables des guerres et de tous les malheurs de l’humanité. La femme serait féconde tandis que l’homme serait porteur de violence, incapable de se maîtriser ou de s’éduquer / La science nous permet de dépasser nos limites biologiques. Dans la fécondation, l’homme est le premier dont on pourra se passer. Le spermatozoïde n’est qu’une simple cellule mineure de la procréation / La dualité homme-femme, serait une distinction inventée par les sciences psychologiques et par les religions pour asservir les femmes. Si on se passe de science, de culture, ou de religion, on pourrait très bien se passer d’hommes / Le père, c’est le tyran. On ne veut plus avoir à “subir” d’autorité. Alors il faut se débarrasser du père et ce faisant, on se débarrasse des hommes » (3 juin 2010, http://aimeles.over-blog.com).

[20] Selon “Léonidas Durandal”, le « cancer féministe » n’a pas seulement un effet désastreux sur la condition sociale des hommes : il aboutit à la « guerre contre les religions », la « destruction des familles » et celle de « la fécondité en occident », au développement des perversions (« le lesbianisme » surtout, la perversion suprême étant l’homoparentalité féminine), à la « confusion identitaire », la « perte de sens généralisée », l’« impuissance éducative » et l’« impuissance politique » généralisée, et au final à un « effondrement civilisationnel » et un « processus de suicide collectif » ; « [p]rivée d’un pôle masculin fort, cette société est devenue invivable. Elle s’essouffle et continue sa lente dépression. » (sources : ibidem). Si l’analyse de Durandal diffère de celle d’Alain Soral sur certains détails, elle lui est conforme dans ses principes antiféministes, homophobes et catholiques « de combat » (du reste, la mention « Blog de soutien au site “Egalité et réconciliation” » figurait en tête de son blog, accompagnée d’un lien vers ce site et d’un autre vers la page Facebook correspondante). Au-delà des (groupes de) pères en colère qui forment le réseau dont Durandal est le plus proche, on trouve parmi ses abonnés et « amis » Facebook des groupes tels que Antis Maçon – Anti Illuminati, France Jeunesse Civitas, Jeunes Pro-Vie, Sos Hommes Battus, et des personnes physiques telles qu’Alain Soral, Olivier Vial (Président de l’UNI et porte-parole de l’Observatoire de la théorie du genre), John Goetelen (alias “hommelibre” sur agoravox), ou encore Alexis Aguettant (alias “Arthur Vivien” sur Atlantico, fondateur-animateur du blog Homme Culture & Identité, lui aussi très actif sur le web notamment dernièrement sur www.newsring.fr, le site de débat dirigé par Frédéric Taddeï). [Ajouté le 23/5/2014 : Alexis (en fait Alexis-Noël) Aguettant est en mai 2014 candidat aux élection européennes sur la liste Force Vie de Christine Boutin. Né le 8 novembre 1970, il indique sur sa page LinkedIn avoir été scolarisé à Saint Jean de Passy de 1978 à 1989, puis avoir fait des études à l’Université Paris II – Panthéon Assas sanctionnées par un master en Droit des affaires en 1995 (?), étonnamment suivi par une modeste carrière de commercial chez Compaq France de mars 1997 à mars 1999, puis de chargé de développement commercial chez Copie Mont-Thabor pendant 4 ans et chez Print Conseil pendant 6 ans (jusqu’en mars 2010).] Outre son activité intense sur le web, les vidéos tournées par Durandal ainsi que le contenu de certains de ses articles témoignent de sa participation active aux manifestations et happenings organisés par la Manif pour tous et le mouvement des veilleurs. Notons au passage que parmi les « j’aime » permanents affiché sur la page Facebook de Durandal figure une (seule) émission de télévision : Ce soir (ou jamais !), de Frédéric Taddeï.

[21] D’après une recherche des comptes YouTube et Dailymotion ayant mis en ligne la vidéo d’Eia et d’articles ou commentaires y renvoyant effectuée par mots-clés neutres (ex : « Harald Eia », « genre », « norvège », etc). Outre les noms et contextes significatifs déjà cités (soulignés dans la note 16 ci-dessus), on note que la vidéo sous-titrée en anglais a notamment été mise en ligne le 23/07/2012 par le compte Dailymotion « Enquête & Débat » alias Jean Robin (ex-compagnon de route d’Alain Soral devenu son frère ennemi, premier introducteur du documentaire d’Eia dans la webosphère francophone d’après mes recherches), mise en ligne le 21/01/2013 par le compte Dailymotion « Parolesdecatholiques », ou encore relayée le 24/05/2013 sur http://womanattitude.com (site militant pour un féminisme basé sur la complémentarité des sexes, nom de domaine créé le 1er octobre 2012), et la vidéo sous-titrée en français par Léonidas Durandal relayée le 23/11/2012 sur http:/femina-europa.org (site militant pour un féminisme basé sur la complémentarité des sexes, la centralité de la famille et le refus du concept de « gender », nom de domaine créé le 3 juin 2005), relayée le 27/11/2012 sur http://egalitefemmeshommes.fr (faux site féministe de l’association masculiniste Pour qu’elle revienne), relayée le 12/02/2013 sur www.egaliteetreconciliation.fr (site d’Alain Soral), mise en ligne le 19/02/2013 par le compte DailyMotion “Darwin_Kayser” (« Non à l’OTAN, non à l’euro, non à l’UE »), relayée le 20/02/3013 sur www.famillechretienne.fr, mise en ligne le 11/04/2013 par le compte YouTube Yves Vallette D’Osia (« famille, mariage, veilleurs, non au gender ! »), relayée le 09/05/2013 sur www.lereel.fr (fondé fin avril 2013 par un groupe incluant « deux journalistes parisiens » pour prolonger leur engagement contre la loi Taubira), mise en ligne le 04/06/2013 par le compte vimeo de Denfs.fr (« Blog de veille pour le droit de l’Enfant » sur http://vimeo.com/user18649998), etc.

[22] Plusieurs personnes ayant vu ce documentaire m’ont interpellée par mail pour me demander ce que j’avais à répondre face cette preuve indubitable apportée par Baron-Cohen. J’ai par ailleurs relevé les extraits significatifs suivants dans des articles ayant relayé la vidéo d’Eia :
– « […] : plus un pays est libre, plus ses individus se dirigent vers les occupations qui les intéressent et qui correspondent à leur réel intérêt. Or les femmes ont, semble-t-il dès le plus jeune âge, besoin de communiquer, les hommes beaucoup moins. L’étude […] de […] Simon Baron-Cohen, qui travaille à Cambridge, démontre que les bébés ont déjà des différences de comportement selon qu’ils sont du genre masculin ou féminin, ce qui invalide le discours tout-environnement, et valide un discours qui semble plus modéré d’un mix entre l’environnement et l’héréditaire, entre l’inné et l’acquis. Les masques tombent, et l’on voit que des gens qui se disent scientifiques ne se basent sur aucun fait scientifique pour affirmer ce qu’ils affirment, tandis que dans l’autre camp nous avons des scientifiques de Harvard, ou de Cambridge, qui osent regarder les faits en face, quelles qu’en soient les conséquences. » (Jean Robin, 30 juillet 2012, « La télévision norvégienne ose aborder la difficile question de l’inégalité », http://www.enquete-debat.fr/archives/la-television-norvegienne-ose-aborder-la-difficile-question-de-linegalite-43900);
– « Le journaliste a fait une enquête au cours de laquelle il a interviewé des scientifiques de haut niveau aux Etat-Unis. Les expériences les plus récentes démontrent que filles et garçons ont des intérêts différents dès la petite enfance (quelques mois), et même dès le premier jour de leur naissance. L’une de ces expériences consistait à filmer des bébés qui venaient de naître. On leur présentait une série d’objets ou de jouets connotés comme masculins (objets mécaniques, camions, etc) ou féminins (poupées par ex.). Le résultat est que dès la naissance les filles regardaient longuement, de manière systématique, les objets féminins, et les garçons les objets masculins. […] Cette expérience, et d’autres, mettent en cause directement l’idéologie gender. » (hommelibre, 12 novembre 2012, « La théorie du genre vole en éclat ! », http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/la-theorie-du-genre-vole-en-eclat-125590)
– « Les premiers jours après la naissance, les filles regardent plus longuement les visages alors que les garçons les objets mécaniques. On ne peut donc pas parler d’une influence extérieure mais biologique. » (duc, 21 mai 2013, « Le 26 mai, réveil du peuple français contre l’élite mondialiste et ses vices ? », http://effondrements.wordpress.com/2013/05/21/le-26-mai-reveil-du-peuple-francais-contre-lelite-mondialiste-et-ses-vices/).

[23] Cf minute 20:26 du documentaire, Harald Eia en voix off : « But are there even earlier signs of gender differences? Simon Baron-Cohen is a British professor of psychiatry. He has done some groundbreaking experiments on newborn children. To talk to him, I have to go where my parents couldn’t afford to send me. To Cambridge, and the legendary and the distinguished Trinity College. It was founded in 1546, and has won 32 Nobel Prizes. Isaac Newton and Ludwig Wittgenstein belonged to Trinity College. This is British research and science at its best. »

[23′] Ajouté le 09/10/2013. « Quoi qu’il en soit, chez l’Homme, certaines différences s’observent très tôt : quelques heures après la naissance, les filles sont – déjà – davantage attirées par les visages, et les garçons par des objets physiques ou mécaniques. Cette différence, qui préfigure la plus grande sociabilité des filles, est ici nécessairement biologique ; elle préfigure également la préférence des garçons pour les camions, et celle des filles pour les poupées : essayez d’intéresser les jeunes garçons aux poupées, vous échouerez certainement. » (Michel Raymond, 2008, Cro-magnon toi-même ! Petit guide darwinien de la vie quotidienne, Seuil). A l’appui de ce passage, Michel Raymond cite deux références : Connellan et al. (2000) pour la première phrase, et Olivier Postel-Vinay, 2007, La revanche du chromosome X – Enquête sur les origines et le devenir du féminin, JC Lattès pour la dernière phrase.

[24] En plus des deux allusions implicites à cette étude faites par Susan Pinker et par Martine Fournier dans les passages cités plus haut du Sciences Humaines d’avril 2010, cette dernière enfonce le clou dans l’encadré intitulé « Une sociabilité féminine… dès la naissance », p.42 du même numéro : « Qu’elles mesurent l’ “altruisme”, la “sympathie”, l’ “empathie”…, de nombreuses expériences mettent en évidence une grande implication des femmes en matière de relations sociales. Le psychologue Simon Baron-Cohen et son équipe de l’université de Cambridge ont établi une échelle des capacités d’empathie qu’ils ont testées auprès d’adultes. Beaucoup d’hommes et de femmes se situent au milieu de la fourchette, mais on retrouve surtout des hommes en bas de l’échelle, et des femmes en haut. D’une manière générale, elles identifient les sentiments d’autrui avec plus de facilité, et s’y montrent plus sensibles. Ces capacités apparaîtraient-elles en même temps que les filles découvrent les rôles culturels que leur attribue la société ? Des études ont alors été menées dès la petite enfance. Quelques jours après la naissance, la majorité des filles manifeste plus d’intérêt pour un visage humain que pour un mobile mécanique et c’est l’inverse pour les garçons. ».

[25] « Est-il possible de mettre en évidence des différences comportementales garçons/filles dès le stade néonatal ? […] La réalité “purement biologique” peut ainsi mieux échapper au soupçon d’incidences culturelles “parasites”. Afin de débusquer d’éventuelles différences entre nourrissons des deux sexes, Simon Baron-Cohen, professeur de psychopathologie du développement, et ses collègues de l’université de Cambridge (Grande-Bretagne) ont placé leur caméra à l’intérieur d’une maternité. Dans cette étude, on présentait à des bébés d’un jour soit le visage avenant d’une étudiante, soit un mobile de même couleur, taille et forme, au sein duquel étaient schématiquement représentés le nez, les yeux, etc. Les réactions des nourrissons étaient enregistrées. Notons que pour éviter tout biais dans l’analyse des résultats, les expérimentateurs ignoraient le sexe de l’enfant filmé. L’analyse des films a montré que les filles passaient plus de temps à regarder le visage de l’étudiante, tandis que les garçons regardaient surtout le mobile. Une différence d’intérêt, donc, dès le premier jour de la vie. » (Jean-François Bouvet, 2012, Le camion et la poupée – L’homme et la femme ont-ils un cerveau différent ?, Flammarion). Significativement, cette étude est citée dans la pourtant assez courte recension du livre par le magazine Sciences Humaines : « L’homme et la femme ont-ils un cerveau différent ? Pour tenter de répondre à cette question fort discutée, Jean-François Bouvet, biologiste, fait le bilan des études menées sur le sujet. […] différences précoces : il s’avère ainsi que, dès le premier jour de vie, les filles fixent plus longtemps un visage humain que les garçons, qui préfèrent eux porter leur regard sur un objet mobile. » (Lisa Friedman, novembre 2012, « Le camion et la poupée », Sciences Humaines, n°242).

[26] Olivier Postel-Vinay, récidiviste du maquillage en discours savant du sens commun le plus crasse concernant le genre, a lui aussi flashé sur cette étude. Dans la traduction d’un article de Simon Baron-Cohen publié dans Books, écrit « en réaction à la publication d’ouvrages dénonçant les biais réductionnistes reflétant, selon leurs auteures, la préférence des scientifiques pour la thèse du déterminisme biologique », il avait ajouté un (seul) intertitre à l’article original qui n’en comportait aucun, de surcroît en gros et en rouge : « Chez le nouveau-né, les filles regardent plus longtemps un visage et les garçons plus longtemps un mobile » (Simon Baron-Cohen, « L’importance du biologique », novembre 2012, Books, n°37, p.34-35, traduction par Laurent Bury d’un article paru dans The Psychologist en novembre 2010). Bien évidemment, Olivier Postel-Vinay ne donne pas la parole à celle des deux auteures en question qui a magistralement démontré les faiblesses de la théorie de Baron-Cohen entre autres, en l’occurrence Rebecca Jordan-Young, dont il ne relaie l’argumentaire que par le truchement d’Hillary et Steven Rose au préalable décrits comme étant des militants (« contre le réductionnisme » et « féministe » respectivement) afin que le lecteur comprenne bien que leur critique est davantage idéologique que scientifique (cf « Un débat parasité », novembre 2012, Books, n°37, p.25 et le sommaire p.8). L’éditorial de ce numéro de Books censé prouver que « n’en déplaise aux tenants du politiquement correct, il existe des différences essentielles entre cerveau masculin et cerveau féminin » (p.34, extrait du chapeau ajouté par la rédaction à l’article de Simon Baron-Cohen), étalant les aprioris (hétéro)sexistes décomplexés de son rédacteur en chef, était un modèle du genre. Extrait : « À l’ère de la “théorie du genre”, il est touchant de voir, dans les rues de nos villes, à quel point la “femelle humaine”, comme disait Simone de Beauvoir, tient à afficher, voire à accuser sa féminité. Et, à vrai dire, le mâle humain n’est pas en reste – quand il n’oblige pas la femelle à se voiler de la tête aux pieds. Voilà bien un domaine où la culture tend à aiguiser la différence produite par la nature, plutôt qu’à l’estomper. C’est d’ailleurs assez naturel, tant la culture est à bien des égards le prolongement de la nature. Du point de vue de celle-ci, la différence est aussi puissante que nécessaire. Puissante, car l’écart génétique entre les sexes écrase par son ampleur toutes les autres différences génétiques. Nécessaire, car c’est elle qui assure la reproduction de l’espèce. Que cela plaise ou non, il s’ensuit un minimum de câblage des comportements, du moins de ceux impliqués dans la recherche d’un partenaire. Mais ce “minimum” représente beaucoup ; ses incidences sont nombreuses. » (Olivier Postel-Vinay, novembre 2012, « Si les hommes étaient rouges et les femmes vertes… », novembre 2012, Books, n°37, p.5).

[27] « Dès les premiers jours de la vie, alors qu’aucune influence de milieu ne s’est exercée sur eux, les garçons regardent davantage les mobiles mécaniques ou les objets en mouvement, tandis que les filles recherchent surtout le contact visuel avec des visages humains. [ref : Connellan, Baron-Cohen et al. (2000)] (Alain de Benoist, octobre 2012, « Vive la différence ! », Elements).

[28] A l’image de ce qu’Olivier Postel-Vinay avait fait deux mois plus tôt dans Books (cf note 26), mais de manière encore plus expéditive, Martine Fournier fait de cette étude l’argument clé de sa démolition des livres de Cordelia Fine et de Rebecca Jordan-Young : « Ces derniers temps, deux livres convoquent les neuroscientifiques à la barre. Cordelia Fine, psychologue australienne, et Rebecca Jordan-Young, universitaire américaine (Columbia) enseignante des gender studies, mettent en cause la validité des travaux avançant qu’il existe une biologie du cerveau [sic], et donc, que le cerveau des femmes fonctionnerait différemment de celui des hommes. Ces études ne seraient que le reflet idéologique d’un sexisme larvé, un “neurosexisme” selon C. Fine, qui n’explique en fait que des stéréotypes portés par ces scientifiques. On pourrait certes comprendre le projet de ces auteures (le recours à la biologie a longtemps été un prétexte à maintenir la femme dans un statut inférieur), s’il n’avait pas pour effet de discréditer en bloc des recherches – certes inégales – dont certaines manifestent une grande solidité [rem : Martine Fournier manie à nouveau l’accusation de parti-pris idéologique lui permettant de discréditer en bloc tout écrit susceptible de questionner ses croyances]. Que montrent en effet depuis de nombreuses années des travaux plusieurs fois reproduits, tels ceux du neuropsychiatre Simon Baron-Cohen, de l’université de Cambridge (Royaume-Uni), spécialiste de l’autisme (The Essential Difference. Male and femal brains and the truth about autism, 2003) ? Des différences précoces par exemple : dès les premiers jours de la vie, les bébés filles fixent plus longtemps un visage humain alors que les garçons sont plus attirés par des objets mobiles. Ou encore que l’autisme et les retards de langage affectent davantage les garçons… The Sexual Paradox de S. Pinker, Cerveau rose cerveau bleu (2009) de la neuroscientifique américaine Lise Eliot et, plus récemment, Le Camion et la Poupée (2012) du biologiste Jean-François Bouvet s’accordent, sur la base d’une synthèse de nombreuses études, sur des conclusions beaucoup plus nuancées. Si la différence génotypique est minime entre les hommes et les femmes (0,1%), l’expression de ces gènes peut différer sensiblement, sous l’influence des hormones sexuelles, dont la célèbre testostérone, et ce dès la vie fœtale.» (Martine Fournier, janvier 2013, « Masculin-feminin : le genre explique-t-il tout ? », Sciences Humaines, n°244, p.74-75). Tout porte à croire que Martine Fournier n’a pas lu le livre de Jordan-Young pour oser le résumer ainsi, l’inscrire dans un projet qui n’est absolument pas le sien, et laisser entendre qu’en termes de rigueur dans la revue de la littérature scientifique et de nuances dans ses conclusions, il pourrait souffrir de la comparaison avec ceux de Pinker, Eliot et Bouvet. Il est vrai qu’au contraire de ces livres grand public balayant la question de manière trop superficielle, l’épais ouvrage de Jordan-Young publié par les presses de l’université d’Harvard, centré sur l’analyse soigneuse de la littérature scientifique censée étayer la théorie de la « masculinisation » prénatale du cerveau par la testostérone et en démontrant brillamment l’inconsistance, n’est pour l’instant pas disponible en français. On peut par ailleurs se demander si Martine Fournier a lu le livre de Lise Eliot invoqué ici à charge contre les « gender studies », car comme l’avait déjà malicieusement noté Denis Colombi, celle-ci y critique justement la fameuse étude de Simon Baron-Cohen en mentionnant notamment l’absence problématique de réplication de ses résultats, très loin d’avoir été « plusieurs fois reproduits » (cf Lise Eliot, Pink brain, blue brain, p.73). Notons que Lise Eliot critique également l’instrumentalisation abusive de cette étude par Susan Pinker dans ce passage que Martine Fournier a décidé d’ignorer ou n’a tout simplement pas lu.

[29] Cf Harald Eia en voix off dans le documentaire, juste après le passage cité plus haut : « Simon Baron-Cohen is an expert on autism. Coincidently he has discovered important differences in gender from the birth. »

[30] Cf les propos de Baron-Cohen retranscrits par Edoardo Boncinelli, 6 avril 2005, « The assortative mating theory. A talk with Simon Baron-Cohen”, en ligne sur www.edge.org (accédé le 18/04/2007) : « I’ve been working on the question of autism, trying to understand what characterizes autism from a psychological perspective and ultimately aiming to understand what’s going on in the brain and the causes of the condition. […] [My] theory connects with the field of sex differences — my other big area of interest. I’ve been trying to understand the differences between males and females. It was interesting for me to discover that there’s been a sleight of hand, mostly in the States, such that the word ‘sex’ has been replaced by the word ‘gender’. […] And in the States the ideology is that we shouldn’t be determined by anything; we should be able to be anything we choose. The blank slate [NB : titre du célèbre livre de Steven Pinker]. Gender refers to how you think of yourself: as masculine, or feminine, It’s much more subjective, and is commonly believed to be culturally constructed. Italian male gender behavior is expressed differently from English male gender behavior. This gives the impression that people’s gender behaviour can change as they change culture, even if their biological sex is fixed. […] My thesis with regard to sex differences is quite moderate, in that I do not discount environmental factors; I’m just saying, don’t forget about biology. To me that sounds very moderate. But for some people in the field of gender studies, even that is too extreme. They want it to be all environment and no biology. You can understand that politically that was an important position in the 1960s, in an effort to try to change society. But is it a true description, scientifically, of what goes on? It’s time to distinguish politics and science, and just look at the evidence. »

[31] Cf cet intéressant passage d’un portrait fouillé de Baron-Cohen publié par un journaliste l’ayant interviewé : « He grew up with an older sister who is severely disabled, both mentally and physically. […] “Yet despite that,” says Baron-Cohen, “as soon as you walk into the room, she makes eye contact, her face lights up. Even though she has no language, you feel like you’re connecting to another person.” In other words, she is the opposite of autistic. » (Robert Kunzig, Janvier 2004, «Autism: What’s Sex Got to do With It? », Psychology Today Magazine, accédé le 09/02/2007 sur www.psychologytoday.com).

[32] Cf Simon Baron-Cohen, Jessica Hammer, 1997, Is autism an extreme form of the “male brain”?, Advances in Infancy Research, vol.11, p.193-217 : « After decades of research in this area, some sex differences at the psychological level are repeatedly found. Small but statistically significant differences persist on specific psychological tests, between males and females.” […] Some of the key findings […] are that (as a group) women are superior to men on : (a) language tasks […] (b) tests of social judgement […] (c) measures of empathy and cooperation […] (d) rapid identification of matching items […] (e) ideational fluency […] (f) fine-motor coordination […] (g) mathematical calculation tests […] (h) pretend play in childhood […]. In contrast, men (as a group) are superior to women on: (i) mathematical reasoning […] (ii) the Embedded Figures Task […] (iii) the Mental Rotation Task […] (iv) some (but not all) spatial skills […] (v) target-directed motor skills […]. Such sex differences could of course be the result of differential socialization, or different biological predispositions, or both. In this article, we examine the idea that such psychological differences are in part the result of biological differences in brain development […]. Our main reason for pursuing this line of reasoning is the evidence from autism. […]We have a working assumption, based on a large body of work (see reviews by Halpern, 1992; Kimura, 1992) that during foetal life, endocrine factors shape the brain as either: (a) more “social” and less “spatial” (Moir and Jessel, 1989, in their popular book, for shorthand call this “the female brain type”); or (b) more spatial and less social (“the male brain type”).” […] One suggestion is that the release of testosterone at this stage of foetal life may determine aspects of brain development, leading to either the male or female brain type, as defined earlier in this paper. […] An important assumption made in this paper is that all individuals fall on a continuum as regards male and female brain type. […] The work reviewed here constitutes preliminary but suggestive evidence for the notion of male and female brain types, defined in psychometric ways along the SP [= spatial, i.e. «`mathematical’, `geometric’, and `relational’” skills, including “construction, maths, architecture, visual design, music »] and SOC [= social, i.e. «`empathy’ and `sensitivity to mental states in others’»] dimensions. The above psychological studies are also consistent with the claim that autism (and Asperger Syndrome) is an extreme form of the male brain. ».

[33] En date du 19/09/2013, cette étude de Baron-Cohen publiée en 2000 avait été citée dans seulement 78 publications de type article (60), revue de la littérature (16), lettre (0) ou matériel éditorial (2) indexées dans le Web of Science, ce qui est assez modeste en général et en particulier comparativement à ses autres travaux : par exemple, son article « The “Reading the Mind in the Eyes” test revised version: A study with normal adults, and adults with Asperger syndrome or high-functioning autism » publié en 2001 avait à la même date déjà été cité dans près de 800 publications indexées. Par ailleurs, parmi ces 78 publications, plusieurs citent cette étude pour la critiquer, et non à titre de référence (ex : Neil Levy dans Biology & Philosophy en 2004, Elisabeth Spelke dans American Psychologist en 2005, Catherine Vidal dans Neuroethics en 2012) et huit sont signées par Simon Baron-Cohen lui-même, ce qui correspond à un taux d’autocitation (assez élevé) de 10,25%. Sept autres sont signées par Gerianne M. Alexander, adepte et promotrice de l’explication psycho-évolutionniste de différences d’intérêts entre hommes et femmes, notamment connue pour une étude sur les préférences de jouet de bébés singes dont j’ai brièvement parlé ici [14/9/2019 : voir l’analyse détaillée dans https://allodoxia.odilefillod.fr/2014/07/23/camion-poupee-jeux-singes/], qui pour les mêmes raisons que celle de Baron-Cohen a rencontré un grand succès tout aussi immérité. Nombre d’autres publications citant cette étude sont signées par des adeptes et promoteurs de théories psycho-évolutionniste du genre et/ou chercheurs tentant de démontrer l’existence de déterminants biologiques de celui-ci, qui la citent sans précaution simplement parce qu’elle apporte de l’eau à leur moulin, tels Dick Swaab (trois publications citant cette étude), John Archer (deux autres), Anne Campbell (deux autres), David C. Geary (une autre), David Skuse (une autre), ou encore Thomas J. Bouchard (une autre).

[34] Susan Pinker, 2009, The sexual paradox, Vintage Canada, p.290, note 27 : « […] Jennifer Connellan and the lead investigator, Simon Baron-Cohen, wanted to test their hypothesis that baby girls would look longer at a human face than they would at an object, and that baby boys would show the reverse: be more interested in the mechanics of a moving object than a human face. More newborn baby boys gazed longer at a mechanical mobile than at a face, while only 17 percent of the girls did. More baby girls than boys preferred to gaze at a human face. » Dans le passage qui renvoie à cette note, elle formule les choses ainsi : « And just a few days after birth, the majority of newborn girls show more interest in looking at a human face than at a mechanical mobile, whereas for boys it’s the reverse: 43 percent of 102 male babies gazed longer at the mobile, compared to 17 percent of the girls. »

[35] Je précise que la formulation employée par Baron-Cohen est « pour une fois précautionneuse » car comme l’on noté les critiques que je cite plus loin, dans ses articles citant cette étude il n’a cessé d’employer une formulation erronée, à nouveau utilisée dans sa réponse à Cordelia Fine publiée dans Books citée plus haut ( « notre étude du nouveau-né, qui a montré que les filles regardent plus longtemps un visage humain tandis que les garçons se concentrent plus longtemps sur un mobile mécanique » : non, ce n’est pas ce qu’elle a montré). Dans la video mise en ligne par “Léonidas Durandal” citée plus haut, minute 22 :35, on voit Simon Baron-Cohen («psykolog» à l’écran) et on l’entend expliquer en anglais « We looked at babies who were one day old. And we came and presented them either with a mechanical object or a face to look at, and filmed how long does the baby look at these two objects. We find that more boys look longer at the mechanical object, and more girls look longer at the face, even on the first day of life. So this is before toys have been introduced, or various cultural biases, or prejudices that could be introduced. », mais on lit ce qui suit dans les sous-titres en français, entachés d’erreurs grossières de traduction : « Nous avons fait une étude sur des nouveau-nés jusqu’à un an. Nous leur avons présenté un objet mécanique ou une figure sur une image. Et nous avons filmé combien de temps les enfants regardaient chacun de ces objets. Nous avons remarqué que les garçons passaient plus de temps à regarder les objets mécaniques. Et que les filles passaient plus de temps à regarder les visages. Même au premier jour de la vie. C’est avant que les jouets aient pu être introduits, ou que d’autres interférences extérieures aient pu introduire quelque préjugé que ce soit. ».

[36] Cf Mark Liberman, 20 juin 2008, « Innate sex differences : science and public opinion », en ligne sur http://languagelog.ldc.upenn.edu/nll/?p=261, et le commentaire de Jennifer Connellan daté du 25 mars 2009 posté sous cet article (accédés le 13/05/2013).

[37] Cf Edoardo Boncinelli, 6 avril 2005, «The assortative mating theory. A talk with Simon Baron-Cohen », www.edge.org, acccédé le 18/04/2007 : « One experiment we conducted here in Cambridge was at the local maternity hospital. Essentially we wanted to find out whether sex differences that you observe later in life could be traced back to birth, to see if such differences are present at birth. In this experiment we looked at just over one hundred newborn babies, 24 hours old, which was the youngest we could see them, and we presented each baby with a human face to look at, and then a mechanical mobile suspended above the crib. Each baby got to see both objects. […]The results of the experiment were that we found more boys than girls looked longer at the mechanical mobile. And more girls than boys looked longer at the human face. Given that it was a sex difference that emerged at birth, it means that you can’t attribute the difference to experience or culture. Twenty-four hours old. »

[38] Jennifer Connellan, Simon Baron-Cohen, Sally Wheelwright, Anna Batki, Jag Ahluwalia, 2000, Sex differences in human neonatal social perception, Infant Behavior & Development, vol.23, p.113-118. Abstract : « Sexual dimorphism in sociability has been documented in humans. The present study aimed to ascertain whether the sexual dimorphism is a result of biological or socio-cultural differences between the two sexes. 102 human neonates, who by definition have not yet been influenced by social and cultural factors, were tested to see if there was a difference in looking time at a face (social object) and a mobile (physical-mechanical object). Results showed that the male infants showed a stronger interest in the physical-mechanical mobile while the female infants showed a stronger interest in the face. The results of this research clearly demonstrate that sex differences are in part biological in origin. » Presque chaque phrase de ce résumé est erronée : les différences de « sociabilité » entre hommes et femmes, subtiles et variables selon les outils de mesure et les cultures, ne peuvent être qualifiées de « dimorphisme » observé chez l’être humain; les nouveau-nés testés avaient déjà subi une influence socioculturelle pendant au moins un jour; ce ne sont pas 102 bébés qui ont été testés mais 154 (52 ayant ensuite été éliminés de l’analyse des résultats); les garçons n’ont en moyenne pas regardé significativement plus longtemps le mobile que le visage ; loin de démontrer clairement l’existence d’une différence d’origine biologique, ces résultats ne font tout au plus que la suggérer (et encore). Le titre est également fallacieux puisque les filles n’ont pas regardé le visage significativement plus longtemps que les garçons : les résultats exposés dans l’article ne mettent donc pas en évidence une différence entre les sexes dans ce qu’ils appellent la « perception sociale ».

[39] [§ corrigé le 10/01/2014 (caractères transformés lors du copié/collé)] Les auteurs écrivent ceci : « For each baby, a difference score was calculated by subtracting the percentage of time spent looking at the mobile from the percentage of time they spent looking at the face. Each baby was classified as having a preference for (a) the face (difference score of +20 or higher), (b) the mobile (difference score of -20 or less), or (c) no preference (difference score of between -20 and +20). A 20% cutoff was arbitrarily selected to define a substantive difference in the baby’s interest in the two stimuli. ».

[40] Les principales critiques ont été énoncées dans deux articles écrits par trois chercheuses en psychologie et un billet de blog d’un chercheur en linguistique : Elizabeth Spelke en 2005 dans « Sex differences in intrinsic aptitude for mathematics – A critical review », American Psychologist, vol.60(9), p. 950-958; Alison Nash et Giordana Grossi en 2007 dans « Picking Barbie’s brain: inherent sex differences in scientific ability? », Journal of Interdisciplinary Feminist Thought, vol.2(1), Article 5, en ligne sur http://digitalcommons.salve.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1016&context=jift; Mark Liberman le 20 juin 2008 dans « Permanent link to Innate sex differences: science and public opinion », en ligne sur http://languagelog.ldc.upenn.edu/nll/?p=261. L’étude est également critiquée dans le livre de Lise Eliot (Pink brain, blue brain, 2009, p.73), et surtout dans celui de Cordelia Fine (Delusions of gender, 2010, Icon Books, p. 112-116), qui cite Nash et Grossi et enrichit leur critique de manière intéressante.

[41] Si Martine Fournier avait mieux lu le livre de Lise Eliot, elle aurait vu que celle-ci jugeait problématique le risque de biais induit par le fait que l’expérimentatrice connaissait le sexe de certains bébés, et que Simon Baron-Cohen avait reconnu ce fait dans un échange de mail avec elle (cf Lise Eliot, 2009, Pink brain, blue brain, p.73 et note n°73 p.328). En fait, il l’avait déjà reconnu publiquement en déclarant ceci : « We asked the mothers not to tell us the sex of their babies, so that we could remain blind to whether this was a boy or a girl. And for the most part that was possible. Sometimes it was possible to guess that this was a boy or a girl, because there would be cards around the bed saying, “Congratulations, it’s a boy.” […] By the time the judges were looking at these videotapes they didn’t have any of these potential clues to the sex of the baby, because all you could see was the eyes of the baby. » (Edoardo Boncinelli, 6 avril 2005, “The assortative mating theory. A talk with Simon Baron-Cohen”, en ligne sur www.edge.org, accédé le 18/04/2007). Dans sa réponse à la même critique formulée par Cordelia Fine publiée dans Books en 2012 (art. cit.), Simon Baron-Cohen avait trahi à la fois son incapacité à la contrer et sa malhonnêteté intellectuelle en faisant comme si le point soulevé par Cordelia Fine portait sur les codeurs des vidéos alors qu’il portait explicitement sur l’expérimentatrice : « Ensuite, [Cordelia Fine] affirme que l’expérimentateur n’était peut-être pas totalement inconscient du sexe du bébé […]. Elle oublie que c’est précisément pour cette raison que nous avons fait coder les vidéos par des personnes étrangères à l’expérience, afin de ne laisser visibles que les yeux du bébé, zone du visage à partir de laquelle il est pratiquement impossible de déterminer le sexe de l’enfant. » Bien que les auteurs se soient abstenus de signaler explicitement cette limite de leur étude dans leur article de 2000, le paragraphe descriptif de la méthodologie montrait en creux d’une part qu’il y avait bien des éléments indiquant le sexe des bébés, et d’autre part qu’aucun soin n’avait été pris pour que Connellan ne les voie pas (seuls le soin pris vis-à-vis des codeurs étant mentionné) : « Care was taken not to film any information that might indicate the sex of the baby. The videotapes were coded by two judges who were blind to the infant’s sex, to calculate the number of seconds the infants looked at each stimulus ».

[42] Les auteurs écrivent qu’ils ont rapporté le temps passé à regarder chaque stimulus au « temps total passé à regarder », or ils ne donnent pas la définition de ce dernier. On suppose qu’ils l’ont en réalité rapporté au temps pendant lequel le stimulus était présenté, en espérant qu’il n’y avait pas d’autre objet ou personne susceptible de passer dans le champ de vision des bébés durant le test (!). La définition de la variable donnée dans cet article (« Looking time was calculated as a proportion of total looking time») est d’autant plus intrigante qu’elle diffère de celle donnée dans Batki et al. déjà cité (« Looking time was calculated as a proportion of total duration of trial »), qui repose pourtant sur la même méthodologie.

[43] Les auteurs expliquent qu’ils ont filmé les bébés durant une durée variant entre 53 et 70 secondes. Or si un bébé a regardé le mobile 25 secondes sur 53 et regardé le visage 25 secondes sur 70, il est délicat d’en conclure qu’il s’est davantage intéressé au mobile (comme l’impose leur choix d’utiliser les durées exprimées en pourcentage) : ça peut tout aussi bien être parce que dans les deux cas, au bout de 25 secondes il en avait fait le tour. Réciproquement, si un bébé a regardé le mobile 27 secondes sur 54 et le visage 35 secondes sur 70, il est délicat d’en conclure qu’il leur a accordé exactement la même attention (50% de son temps). Il est d’autant plus délicat de faire de telles interprétations que les chercheurs ont parfois suspendu le test quand un bébé se mettait à pleurer et l’ont repris ensuite pour reconstituer l’équivalent d’environ une minute de test. En effet, imaginons un bébé qui a d’une part regardé le mobile pendant les 20 premières secondes de sa présentation puis s’en est désintéressé tout en restant calme, et d’autre part regardé le visage pendant les 20 première secondes de sa présentation, s’en est désintéressé, s’est mis à pleurer 20 secondes plus tard, et a à nouveau regardé le visage pendant quelques secondes lorsqu’on le lui a à nouveau présenté quelques minutes plus tard pour terminer le test : peut-on décemment en conclure qu’il s’intéresse davantage aux visages ?

[44] Cf les articles cités plus haut de Spelke (2005) et de Nash et Grossi (2007).

[45] Svetlana Lutchmaya, Simon Baron-Cohen, Peter Raggatt, 2002, Foetal testosterone and eye contact in 12-month-old human infants, Infant Behavior & Development, vol.25, p. 327-335 (traduit par moi, p. 328).

[46] Anders Breivik a tué 77 personnes et en a blessé de nombreuses autres le 22 juillet 2011 en Norvège, en visant un édifice gouvernemental (à Oslo) et un rassemblement des jeunes du parti travailliste de Norvège (sur l’île d’Utøya). Il a déclaré lors de son procès avoir commis ce massacre pour des raisons idéologiques. L’idéologie ayant motivé ses actes est exposée en anglais dans un manifeste auquel il espérait ainsi donner une vaste publicité, ce qui est chose faite (il est accessible en ligne sur http://www.washingtonpost.com/r/2010-2019/WashingtonPost/2011/07/24/National-Politics/Graphics/2083+-+A+European+Declaration+of+Independence.pdf). On peut notamment lire ceci dans ses propos liminaires : « Qu’est-ce au juste que le “Politiquement Correct” ? Le Politiquement Correct est en fait du Marxisme culturel […] Le Marxisme culturel, c’est-à-dire le Politiquement Correct, partage avec le Marxisme classique la vision d’une “société sans classes”, i.e. une société non pas seulement d’égalité des chances mais d’égalité de fait. Puisque cette vision contredit la nature humaine – puisque les gens sont différents les uns des autres, ils finissent forcément par être inégaux –, la société ne peut s’y plier que de force. […] Il s’agit du premier parallèle majeur entre Marxismes classique et culturel : les deux sont des idéologies totalitaires […] : la liberté de parole, de la presse, et même de conscience sont éliminées. Le second parallèle majeur est que le Marxisme économique et le Marxisme culturel ont une explication de l’histoire basée sur un seul facteur. Le Marxisme classique soutient que l’histoire a été entièrement déterminée par l’appropriation des moyens de production. Le Marxisme culturel prétend que l’histoire est entièrement expliquée par les relations de domination entre les groupes définis par le sexe, la race, la religion et la normalité ou anormalité sexuelle. […] Aujourd’hui, le Marxisme culturel a repris le flambeau du défunt Marxisme économique. Le support de communication a changé, mais le message est le même : une société à l’égalitarisme radical imposé de force par le pouvoir de l’état. Le Politiquement Correct domine maintenant la société européenne occidentale tel un colosse. […] La question la plus vitale est la suivante : comment les Européens occidentaux peuvent-ils combattre le Politiquement Correct et arracher leur société au Marxisme culturel ? S’en tenir à une simple critique du Politiquement Correct n’est pas suffisant. […] Ceux qui voudraient vaincre le Marxisme culturel doivent le défier. Ils doivent utiliser les mots qu’il interdit, et refuser d’utiliser ceux qu’il prescrit; souvenez-vous que “sexe” est préférable à “genre”. Ils doivent clamer sur tous les toits les réalités qu’il cherche à escamoter, telles que […] le fait que les crimes violents sont commis de façon disproportionnée par les Musulmans et que la plupart des cas de SIDA sont volontaires, i.e. résultent d’actes sexuels immoraux. […] Par-dessus tout, ceux qui voudraient défier le Politiquement Correct doivent se comporter selon les règles de notre culture, et non selon celles fixées par les Marxistes culturels. Les femmes devraient être des épouses et des ménagères, pas des flics ou des soldats, et les hommes devraient toujours leur tenir la porte. Les enfants ne devraient pas être nés hors mariage. La glorification de l’homosexualité devrait être bannie. Les jurés ne devraient pas accepter l’Islam comme une excuse pour assassiner. […] La dimension prépondérante du Politiquement Correct dans la vie en Europe occidentale aujourd’hui est probablement l’idéologie féministe. […] Où voit-on l’ascendant du féminisme radical ? Il est à la télévision, où presque tout programme important comporte une “femme de pouvoir” et où les intrigues et les personnages soulignent l’infériorité de l’homme et la supériorité de la femme. Il est dans l’armée, où l’ouverture aux femmes y compris des postes de combattants s’est accompagnée de la mise en place de doubles standards, puis d’un abaissement général du niveau, ainsi que de la diminution de l’enrôlement des jeunes hommes et du départ en masse des “guerriers” de ses rangs. Il est dans le recrutement préférentiel des femmes, et autres pratiques imposées par l’état au bénéfice des femmes, et à l’utilisation de l’accusation de “harcèlement sexuel” pour tenir les hommes en respect. Il est dans les universités, où les études de genre féminines prolifèrent et où la “discrimination positive” est appliquée dans la sélection des étudiants et des enseignants. Il est dans d’autres secteurs professionnels, du public et du privé, où en plus de la discrimination positive on consacre un temps et une attention sans précédent à la “sensibilisation”. Il est dans les écoles publiques, où la “conscience de soi” et l’ “estime de soi” sont de plus en plus encouragées au détriment des apprentissages académiques. Et malheureusement, nous voyons que plusieurs pays européens autorisent et financent la distribution de pilules contraceptives en même temps que l’avortement libre. […] De nos jours, la féminisation de la culture européenne qui progresse rapidement depuis les années 1960 continue à s’intensifier. En effet, l’attaque des féministes radicales d’aujourd’hui passe par le soutien à une immigration musulmane de masse au titre de l’anticolonialisme [NB : traduction incertaine, la syntaxe de cette phrase de Breivik étant tarabiscotée]. Cette attaque en cours est en partie la poursuite d’un effort séculaire de destruction des structures européennes traditionnelles, du fondement même de la culture européenne. » (p.13-14 et p.28-29, ma traduction).

[47] Cf Alexis Aguettant, 3 mai 2013, en ligne sur www.francepresseinfos.com/2013/05/la-face-cachee-de-la-loi-taubira-par.html (accédé le 21/09/2013) : « L’heure est à la Résistance […]. Et s’il fallait pour cela renverser le pouvoir en place, nous le ferons dans l’intérêt des générations qui viennent. » Cf “Léonidas Durandal” dans un billet daté du 3 janvier 2010 accédé le 16/09/2013 son blog aimeles.over-blog.com : « Mais je vous le garanti, si nous jetons toutes nos forces dans ce combat, même à 12, nous pouvons renverser le mal. […] Des femmes se sont arrogées le droit de penser à la place du reste de la société, elles se sont accaparées le pouvoir, à leur profit, oubliant la famille, les hommes et les enfants. Nous devons leur opposer la plus grande fermeté si nous ne voulons pas que la notion même de vérité disparaisse. Il y a un guerrier en vous tous. Il y a un guerrier courageux caché qui n’attend qu’une chose : faire son devoir. Vous devez réveiller ce guerrier et ne pas en avoir peur. Vous en avez le droit et vous en avez le devoir. […] Nous avons gagné la lutte idéologique, désormais gagnons la lutte tout court. ». Cf aussi “Léonidas Durandal” sur www.aimeles.fr/d1.html (accédé le 25/09/2013) : « Devenez violents dans votre vie quotidienne : engagez-vous dans des associations, des mouvements politiques, mettez en pratique vos idées, soyez radical, devenez un extrémiste, trouvez d’autres extrémistes pour soutenir votre combat. Ne combattez pas pour de grandes idées, mais pour des mises en pratique dans votre quotidien. […] Apprenez à aimer votre propre virilité, apprenez à baiser votre femme, et non plus à la caresser. Finis le clitoris, pénétrez-là et violemment. » Si le site de Durandal est toujours en ligne au moment où j’écris, son blog a été supprimé par son hébergeur le soir du 16 septembre 2013 suite aux protestations suscitées par la publication d’un article dont les propos suivants ont été considérés comme constituant une incitation au viol : « N’en déplaise à nos féministes et à nos puceaux, le viol fait partie intégrante d’une psyché féminine épanouie (1). Une femme épanouie sexuellement rêverait de se faire violer souvent plus d’une fois par semaine. Elles seraient 62% qui auraient des fantasmes récurrents de viol (1) Et contrairement à ce que l’on pense, ce ne seraient pas des frustrées qui auraient ce genre d’idées, mais au contraire les femmes les plus actives sexuellement. Alors pourquoi nos féministes cherchent à ériger le viol en scandale systématique puisqu’il en va du bien être de nos femmes ? […] (1) http://leplus.nouvelobs.com/contribution/548716-comment-les-femmes-peuvent-elles-fantasmer-a-propos-de-viol.html » [article de Peggy Sastre] (Léonidas Durandal, 12/09/2013, « Le viol sanctifié », en ligne http://aimeles.over-blog.com). A noter que “Léonidas Durandal” s’est vanté en 2012 d’avoir pu présenter à Facebook une pièce d’identité à ce nom qu’on imagine pourtant faux, et qu’il veille soigneusement à ne laisser sur le web aucune trace permettant de remonter à son identité réelle et à son activité dans la vraie vie (tout ce que j’ai pu découvrir de précis – et d’intrigant – est qu’il était à Stockholm le 4 août 2012 et tenait beaucoup à ce que ça ne se sache pas).

[48] Cf les propos d’Øyvind Strømmen, journaliste freelance et essayiste spécialiste de l’extrême droite entendu à ce titre comme témoin au procès de Breivik, retranscrits dans http://blogs.rue89.com/chemin-du-nord/2012/07/24/lextremisme-de-droite-norvegien-va-avoir-du-mal-recruter-228079. La citation de Richard Millet est extraite de De l’antiracisme comme terreur littéraire (odieux pamphlet publié en même temps que son non moins odieux Eloge littéraire d’Anders Breivik), citée dans Raphaëlle Rérolle, 28 août 2012, « L’apologie de Breivik par Richard Millet crée la polémique chez Gallimard », Le Monde.

77 réflexions sur « Sexes, mensonges et vidéo : Baron-Cohen et le modèle norvégien »

  1. La finance, expression d’une intelligence supérieure… fallait oser !

    J’aimerais pouvoir inviter l’auteur de cette puissante pensée:
    – à un débat radiotélévisé avec les “pensionnaires” et les concepteurs du camp d’Auschwitz
    – à quelques séances avec les susdits financiers pour qu’ils me montrent la supériorité de leur intelligence dace à un microscope, une bêche et des semences, un pinceau et de la toile, un marteau et une enclume, etc…

  2. Il me semble que vous êtes vous même idéologiquement marqué.
    Vous réfutez avec minutie certaines expériences tendant à vouloir prouver les différences entre sexe.
    Mais cette réfutation ne prouve pas que certaines différences psychologiques entre sexe n’existent pas.
    On (ou bien je) peux tout au plus penser que rien n’est prouvé, dans un sens ou bien un autre.

    1. Ai-je jamais prétendu que cette réfutation prouvait que de telles différences “naturelles” n’existaient pas ? Non.
      Ai-je jamais affirmé que de telles différences n’existaient pas ? Non plus.
      Ce que j’affirme en revanche, c’est que TOUTES les études qui sont invoquées ici ou là à l’appui de l’idée que l’existence de telles différences a été démontrée ne le démontrent absolument pas, ce qui pose tout de même question.
      Et ce ne sont pas “certaines expériences” que je réfute, comme si je choisissais celles qui sont moins solides : l’expérience analysée ici est en l’occurrence celle que nombre de personnes ont choisi de brandir sur le mode “OK, certaines études ne sont peut-être pas très solides ou pas probantes, mais celle-ci l’est irréfutablement”. Là aussi ça pose question, ou tout au moins ça devrait.

      1. Ce qui est intéressant c’est de voir que d’une certaine façon vous réagissez exactement comme les sociologues tenants de la thèse de l’acquis dans brainwash, vous réfutez VIOLEMMENT les thèses de baron-cohen. Même s’il me semble que vous faites effectivement une analyse factuelle et formelle, sachez que je suis de ceux qui trouvait effectivement brainwash intéressant et posant question aussi je me sens légèrement insulté quand vous dites qu’il s’agit en gros de l’argument massue des “réactionnaires de tout poil engagé dans la lutte contre la théorie du genre”
        pourquoi être si absolu ? avoir vu brainwash et en suggérer la vision à d’autre ne peut il tout simplement s’agir de l’expression d’une simple curiosité intellectuelle et de la volonté d’ouvrir un débat ?
        Brainwash me paraissait plutôt bien construit, certes vulgarisateur (mais n’est ce pas aussi l’objet de votre site ?) alors pourquoi ceux qui pensent (à tort ou a raison) que les conclusions données par la série sont justes deviennent nécessairement à vos yeux de simples réac qui tentent de faire passer des idées obscurantistes ? un peu de mesure…

        Je pense, surtout quand on parle de science et de metascience en l’occurrence (la science de vérification de la science en quelque sorte), qu’il faut avant tout dépassionner le débat et etre calme. Vous me semblez faire une réponse certes factuelle mais sur un mode tout à fait émotionnel. Ce qui transparaissait dans Brainwash, sans doute par la manipulation des images dont je ne suis pas dupe, est que les partisans de l’innée ET de l’acquis (tel Baron COhen) étaient bien plus calmes et posés que des sociologues soucieux de défendre bec et ongle leur thèse dont on comprend aussi très bien que la remise en cause pose de très dérangeantes questions d’éthique. Cela n’est pas selon moi une raison suffisante pour empêcher un débat.

        cordialement

        1. facepalm

          C’est ce commentaire qui est “absolu”. (accuse de traitement émotionnel, d’empêcher le débat,…) Ne dit rien sur le fond de l’article.

  3. Merci pour cet article bien fourni! Je voulais depuis quelques temps m’atteler à cette histoire, merci pour les nombreuses sources.

    On entend trop peu les spécialistes de ces questions en France, merci de faire un si bon relais avec une approche scientifique aussi claire.

    Bref, merci pour tout ce que vous faites!

  4. Merci de ce travail qui soulève une fois de plus la méconnaissance crasse des statistiques chez les journalistes, mais malheureusement aussi chez de nombreux scientifiques.
    Dans mon domaine de compétence (la biologie), jusqu’à la thèse l’enseignement en stat était limité à 8 heure de cours et autant de TD en deuxième année de DEUG. Avec cela vous êtes censés pouvoir faire une carrière universitaire… Je ne connais pas les écoles de journaliste mais je serais étonné d’apprendre qu’elles proposent une formation de ce type (à ma connaissance seul JD Flaysakier de France2 a une formation en épidemiologie en plus de sa formation de médecin et de journaliste).
    Ce manque de formation permet le type de distorsion que vous identifiez ci-dessus, mais également des opérations médiatiques dans les sciences plus dures. Par exemple, Séralini est arrivé à vendre au nouvel obs (et à une revue scientifique) des courbes de survie sans aucune analyse statistique. Des labos pharmaceutiques parviennent à convaincre les médecins de prescrire des médicaments inefficaces sur la base d’études favorablement bricolées.
    Et tout cela passe également les comités de lecture des revues car les stats ne sont quasiment jamais vérifiées (d’après un échantillon non-significatif de mes articles et de ceux de mes collègues les plus proches).

    1. Mon expérience personnelle m’incite à souscrire pleinement à vos remarques.
      En ce qui concerne le milieu scientifique lui-même, ce qui pourrait ne résulter que d’un biais de perception de notre part a été objectivé par des études édifiantes.
      J’ai notamment en tête l’article de Belia et al.(2005), rapportant les réponses de 473 auteurs d’articles de recherche publiés dans 32 journaux importants en psychologie, en neurosciences comportementales ou en médecine à des questions simples (concernant des notions statistiques de base couramment utilisées dans ces domaines), qui indiquent que la plupart d’entre eux en ont une compréhension gravement erronée. En plus, seuls 473 chercheurs ont répondu sur les 3122 sollicités, et il ne paraît pas déraisonnable de supposer que ceux qui ne l’ont pas fait étaient encore moins compétents en statistiques que les répondants…
      Cette méconnaissance se traduit non seulement par des interpétations erronées de leurs résultats par les chercheurs, mais aussi tout simplement par la fabrication de résultats eux-mêmes erronés. Les mésusages récurrents des statistiques et la fréquence élevée des erreurs dans les articles publiés dans revues scientifiques ont été relevés dans diverses études : voir par exemple Altman (2000) pour la recherche médicale et Bakker & Wicherts (2011) pour la recherche en psychologie, ainsi que les études citées dans ce dernier article.
      REF :
      – BELIA Sarah, FIDLER Fiona, WILLIAMS Jennifer, CUMMING Geoff, 2005, Researchers misunderstand confidence intervals and standard error bars, Psychological Methods, Vol.10(4), p.389-396
      – ALTMAN Douglas G., 2000, Statistics in medical journals: some recent trends, Statistics in Medicine, vol.19, p.3275-3289
      – BAKKER Marjan, WICHERTS Jelte M. , 2011, The (mis)reporting of statistical results in psychology journals, Behavioral Research Methods, vol.43(3), p.666-678

  5. Je suis stupéfié par ça : « Ainsi, par exemple, les Juifs ashkénazes seraient en moyenne génétiquement prédisposés à avoir une intelligence supérieure, car leur spécialisation de longue date dans les métiers de la finance aurait limité l’accès à la reproduction de ceux qui y étaient génétiquement inaptes. » Auriez-vous une référence, un article à citer, que sais-je ?

    Parce qu’une telle ignorance de la réalité historique suffit à elle seule à détruire tout le projet de ceux que vous contredisez à juste titre. En réalité : pendant une période très limitée (quelques siècles à peine), dans un espace géographique lui-même très restreint (quelques pays à peine), une petite minorité de juifs (quelques familles à peine) ont exercé des métiers d’argent : pas de quoi parler de « spécialisation » d’un peuple tout entier, sauf à croire aux fables antisémites, et moins encore de quoi parler d’« accès à la reproduction » (sic), sauf à fantasmer sur les mariages entre les banquiers et les pauvresses.

    Ce serait intéressant donc d’avoir une référence à ce délire, parce qu’il s’agit réellement d’un délire. Parle-t-on d’une spécialisation des Chinois dans les métiers d’argent, ou d’une spécialisation des Arabes dans les métiers du pétrole, qui rendrait les uns intelligents (sic) et les autres particulièrement filous (re-sic) ?

    Sans parler du terme « ashkénaze », tout de même très étrange dans ce contexte : les banquiers (juifs) italiens du Moyen Âge et de la Renaissance n’étaient *pas* ashkénazes, les paysans (juifs) d’Alsace ou de Champagne l’étaient et les colporteurs (juifs) de Pologne aussi…

    1. Sur son blog supprimé le 16/09/2013 par son hébergeur, Léonidas Durandal a fait à l’occasion d’au moins un échange sur le forum qu’il abritait la promotion d’un site censé claquer le beignet à ses contradicteurs. Vous y trouverez la référence d’une source sur l’ “analyse évolutive de l’émergence de l’intelligence ashkénaze”, et d’innombrables horreurs que je vous laisse découvrir : http://www.intelligence-humaine.com/juifs.html#3.
      Pour l’argmentaire “scientifique” sous-jacent à l’idée d’un lien entre cette supériorité génétique présumée et la spécialisation dans les métiers de la finance plus précisément, voir l’article suivant publié dans le Journal of Biosocial Science, une revue publiée par “la prestigieuse Cambridge University Press” : http://journals.cambridge.org/action/displayAbstract?fromPage=online&aid=458389.

      1. Merci des références : c’est en effet gratiné et stupéfiant d’ignorance et de préjugés, je parle du journal de Cambridge qui ressemble à un truc universitaire et sérieux, l’autre site n’étant qu’un très quelconque torchon raciste. Il n’y a rien sur le fait que survivre aux pogroms atteste d’une aptitude à l’agilité physique ? Ou que l’emploi quotidien des phylactères entraîne une habilité particulière dans l’art des nœuds et des cordages ? Ou que la circoncision… (mais je m’égare). Une vieille blague juive explique que l’intelligence supérieure des juifs provient de leur consommation régulière de harengs salés, c’est finalement tout aussi pertinent (mais plus drôle) que ces délires essentialistes mal maquillés par un vernis pseudo-historique.

        À noter que sur Wikipedia, il s’est trouvé des gens pour imposer qu’on y parle avec sérieux et componction de pseudo-recherches sur l’existence de supposés marqueurs génétiques « juifs » (!), comme quoi tout est possible dans la bêtise crasse.

  6. Il me semble que vous confondez un peu les conclusions de Baron-Cohen avec ce qu’en font ces cinglés de masculiniste. Même si son expérience n’est pas concluante pour prouver quoi que ce soit, je voudrais rappeler que Cohen est vachement mesuré (du moins dans le documentaire). Il rappelle seulement que dire que tout est acquis est aussi faux qu’assurer que tout est inné. Il y a certainement une petite part d’inné et une grosse part d’acquis dans la formation du genre. Je ne trouve pas que cela soit une conclusion extrêmiste ?

    Il y a aussi le passage avec la scientifique britannique, Anne Campbell, que vous n’avez pas décortiqué. Ses affirmations me semblent intellectuellement bien construites.

    C’est pas parce que les masculinistes s’emparent de ces études qu’il faut jeter le bébé avec l’eau du bain.

    1. La position extrémiste du “tout inné” n’est tenue par personne : même les plus ardents défenseurs de l’idée qu’il existe des différences psychologiques naturelles entre les sexes et que ces différences ont des conséquences importantes admettent qu’il y a une part d’acquis dans les différences comportementales que chacun peut observer entre hommes et femmes. La seule question scientifique qui reste ouverte est celle de savoir s’il y a “une part d’inné” ou non dans ces différences.
      A partir de là, vous avez les réponses suivantes :
      n°1 : Il n’y a rien d’inné, comme le démontre la littérature scientifique existante (notamment en sciences sociales)
      n°2 : Il y a une part d’inné, comme le démontre la littérature scientifique existante (notamment en neurosciences et en biologie)
      n°3 : La littérature scientifique existante ne permet pas de trancher cette question

      La réponse de Baron-Cohen est de ce point de vue ni plus ni moins “mesurée” que celle des gens qui instrumentalisent ses travaux : c’est la réponse n°2.
      En ce qui concerne les déductions en termes politiques faites à partir de la réponse n°2, il n’y a en revanche aucun rapprochement à faire entre Baron-Cohen et les masculinistes (je ne le fais pas). Ces déductions sont extrêmement variables : parmi les personnes qui adhèrent à cette réponse n°2, il y a aussi des féministes, des gens modérés, des gens de gauche, etc, pas seulement des masculinistes, ou des réactionnaires catho ou d’extrême droite.

      Ma réponse à moi est la n°3, avec une mention supplémentaire : au vu de l’accumulation d’échecs, de résultats contradictoires et de la faible qualité des études prétendant mettre en évidence une “part d’inné”, j’incline à penser que la probabilité que celle-ci existe et a des effets significatifs est très faible.
      Dès lors, compte tenu des usages politiques qui sont faits de la réponse n°2, je m’attache à montrer que ceux qui prétendent que cette réponse est acquise se trompent ou mentent.

      En écrivant que Baron-Cohen “RAPPELLE seulement que dire que tout est acquis est […] faux”, vous mettez en évidence le fait que vous adhérez par principe à la réponse n°2. A partir de là, il est difficile de discuter. Vous pourrez toujours me dire : bon, d’accord, peut-être que cette étude-là n’est pas solide, mais il y en a d’autres que vous n’avez pas décortiquées qui semblent l’être. Je me suis concentrée ici sur l’étude Baron-Cohen car elle est constamment invoquée depuis des années et par de nombreuses personnes. Si Anne Campbell devient la nouvelle coqueluche, j’en parlerai également.

      Ce que je fais dans le présent article ne consiste pas du tout à jeter le bébé avec l’eau du bain. Pour filer votre métaphore, disons plutôt que :
      – je regarde de près le bébé et démontre qu’il est malingre et moribond,
      – je souligne que certaines personnes trompent le grand public en affirmant avec autorité qu’il s’agit dun beau bébé en parfaite santé,
      – j’attire l’attention sur l’eau très sale dans laquelle se trouve ce bébé.

  7. Bonjour,

    Merci beaucoup pour ce nouvel article.

    Votre travail sur la (mauvaise) vulgarisation scientifique donne envie d’en lire de la bonne, mais les lecteurs et lectrices non-scientifiques (dont je suis) peuvent rencontrer des difficultés à faire le tri… Auriez-vous quelques références bibliographiques à conseiller ? Des livres qui traitent, avec la rigueur nécessaire, de la “naturalisation du social” (pour citer la présentation de votre blog).

    Peut-être est-ce un mauvais exemple : j’ai lu la traduction parue l’année dernière du livre d’Anne-Fausto Sterling, “Corps en tous genres”. Et comme lecteur profane il m’a semblé assez rigoureux et accessible.

    1. Votre question m’embête beaucoup : à mes yeux il n’est guère de livres qui traitent de ces sujets avec absolument toute la rigueur nécessaire (je trouve toujours des détails discutables), et en même temps je n’ai pas envie de discréditer de très bons livres qui font à juste titre référence.
      Le livre d’Anne Fausto-Sterling que vous citez, de même que La mal-mesure de l’Homme de Stephen Jay Gould, font partie de ces très bons livres.
      Si vous voulez aller plus loin sur la naturalisation du genre, je vous conseille vivement la lecture du livre Brain storm de Rebecca Jordan-Young : son analyse des recherches ayant alimenté l’hypothèse d’une différence innée d’organisation cérébrale entre hommes et femmes déterminée par les hormones prénatale est absolument remarquable.

      1. PS : dans un tout autre style, je recommande également le lexique publié chez Les empêcheurs de penser en rond en 2007 par l’historienne des sciences Ilana Löwy et la sociologue Catherine Marry, qui offre un panorama riche et varié de la légitimation des inégalités entre les sexes par le renvoi à des différences “naturelles”. Synthétique, plaisant et facile à lire, il est néanmoins sérieusement documenté et couvre un large éventail de sujets, ce que son titre (Pour en finir avec la domination masculine) ne laisse malheureusement pas deviner.

  8. Bonjour et merci pour votre article très documenté et très intéressant.
    Il y a quelque chose qui me laisse perplexe dans cette étude. Je précise que j’ai peu de connaissances scientifiques ainsi que sur les processus du monde de la recherche, donc je suis peut-être à côté de la plaque !
    Ce qui me choque, c’est qu’on a montré à des bébés deux éléments (le mobile et le visage) censés représenter des centres d’intérêts distincts (la science et la communication si je résume). Mais j’ai le sentiment que ces deux représentations n’ont de valeur que d’un point de vue “adulte” ou au moins, avec un certain niveau d’intelligence acquis au cours des années. Ce que je veux dire, c’est que ce qui fait qu’une femme serait supposément plus douée en communication, n’est probablement pas son goût inné pour les visages. Ça serait plutôt un goût acquis au cours du temps du fait d’une prédisposition à la communication.
    Les signes d’intérêt qu’on peut constater chez un nouveau-né ne seraient-ils pas plutôt des stimuli de plus bas niveau ? Par exemple un intérêt plus marqué pour le mouvement, ou pour des formes carrées ?
    L’utilisation d’un visage et d’une “construction” (le mobile) me semblent nécessiter un certain niveau d’apprentissage permettant de les interpréter; ce qui du coup annihile la dimension innée d’une l’éventuelle préférence.

    Je ne sais pas si je suis très claire, et ceci est juste un sentiment à la lecture de l’étude. L’analyse que vous en faites est très parlante. Ce qui est triste, c’est qu’un paquet de gens déjà convaincus vont s’emparer de ce documentaire pour étayer leur sexisme.
    J’ai eu droit récemment à “C’est normal que tu t’occupes plus de ton fils, c’est dans tes gènes, je l’ai lu dans Cerveau et Psycho” …

    1. En effet, l’interprétation de l’intérêt pour le visage et de celui pour le mobile en termes d’intérêt pour les choses “sociales” versus “mécaniques” est l’une des critiques qu’on peut faire (et qui a été faite) des travaux de Simon Baron-Cohen. Je l’ai effleurée ici, en mentionnant (au début) la nature très spéciale du mobile utilisé et en évoquant (à la fin) les études menées en psychologie du développement questionnant la nature “sociale” des visages pour un nouveau-né.

      On peut effectivement se demander si ce ne sont pas des stimuli de plus bas niveau qui sont en jeu. Dans cet article, Simon Baron-Cohen s’est prémuni contre cette critique en arguant que la différence entre le visage et le mobile n’était pas en lien avec le mouvement (“The male preference cannot have simply been for a moving stimulus, as both stimuli moved. Rather, their natural motion differed, the face with biological motion, the mobile with physicomechanical motion”), et en soulignant que le mobile utilisé était de même forme, de même taille et de mêmes couleurs que le visage. L’argument concernant le mouvement me semble contestable, et au-delà des questions de taille, de forme et de couleur, il y a d’autres aspects qui peuvent avoir joué : comme le visage de l’expérimentatrice était présenté à 20 cm du bébé alors que le mobile présenté lui aussi à 20 cm du bébé était tenu au bout d’un bâton d’1 m, les bébés était exposés à une chaleur et des odeurs corporelles dans un cas et pas dans l’autre, or ce sont des stimuli sensibles pour des nouveau-nés.

      Je ne me suis pas appesantie sur ces aspects car ce que je voulais traiter était la question de savoir si oui ou non cette étude a démontré qu’il existait une différence entre les sexes dans le comportement des bébés face à certains stimuli, quelle que soit la nature exacte de cette différence.

  9. Cette note sur le fondement politique de l’idéologie du genre à intéresser de nombreux élus français. Peut être serez vous, vous qui questionnez le travail de Simon Baron-Cohen et sa profondeur scientifique, de découvrir les enjeux politiques de tous les débats sur le genre. Je précise que cette note a été produite à partir d’un ouvrage pro-genre que l’on peut aisément trouver dans toutes les bonnes librairies traitant des questions de sciences politiques ( ses références sont en bas de cette note): http://www.homme-culture-identite.com/article-pour-comprendre-que-les-ideologues-du-genre-font-une-guerre-sournoise-aux-gar-ons-aux-peres-et-aux-120006198.html

    1. Monsieur Aguettant,
      Une fois n’est pas coutume je publie votre commentaire, mais c’est la dernière fois que je fais de la pub pour votre site : le prochain commentaire de votre part avec un lien vers celui-ci ira directement à la poubelle.
      Pour mes lecteurs qui n’auraient pas envie de se farcir votre prose (dont j’ai gardé une copie au cas où vous la modifieriez), en voici le passage contenant votre seul argument scientifique, qui illustre parfaitement mon propos : “A ceux et celles qui veulent nier le biologique pour asseoir une approche exclusivement éducative, nous devons répondre que tant l’inné que l’acquis sont constitutifs de nos vies. Des études scientifiques internationales contestent magistralement le postulat théorique du gender qui nie les différences entre les sexes, et rendent lisibles de façon éclatante les identités masculine et féminine dans leurs richesses respectives, complémentaires et parfois aussi communes. Les travaux du Professeur anglais Simon Baron-Cohen sont à ce titre déterminants. La Norvège a mené dans ses médias un très large débat scientifique en 2010 et a depuis mis fin aux 6 millions d’euros de subventions publiques qui étaient annuellement destinées aux recherches sur le genre.”

      1. D’abord, merci pour cet article, brillant et profondément documenté et référencé comme vous le faites toujours.
        Votre citation de M.Aguettant renforce l’interêt de votre travail, puisqu’on voit que cette expérience bâclée et biaisée a permis de couper les financements de, disons le, d’ennemis en fait politiques et pas d’opinions scientifiques divergentes.
        Donc merci encore.
        MB.
        PS: au plan du calcul, dans le tableau 2, le p<0.05 est-il ajusté par Baron-Cohen aux 4 comparaisons, voire 6 virtuelles ? Sinon aucune valeur n'est plus significative, sans avoir à aller plus loin.

        1. Merci pour ce commentaire.

          Il est indéniable que ce documentaire a fait du mal aux sciences sociales en Norvège, mais de même que le NIKK n’a pas disparu (contrairement a ce qu’a écrit Alexis Aguettant à plusieurs reprises), le financement des études genre n’a jusqu’à preuve du contraire pas disparu en Norvège : il a officiellement été remplacé par une politique de mainstreaming pour les raisons que j’indique.

          Concernant les statistiques, la réponse est non : les p-values calculées par les auteurs sont les valeurs brutes données par un test du Khi2 dans la table 1 (p=0.016) et par un test t dans la table 2 (p=0.02 pour la seule différence moyenne trouvée entre garçons et filles = % de temps passé à fixer le mobile). Le data dredging est récurrent dans ce genre d’articles, où les ajustements pour comparaisons multiples sont rarissimes. C’est effectivement un problème. En même temps, ces p-values n’ont de toute façon qu’un caractère indicatif : en toute rigueur, les tests statistiques employés ici ne sont pas applicables puisque l’échantillon n’a pas été tiré au hasard…

    2. PS @Alexis Aguettant : je conseille aux “nombreux élus” qui s’intéressent à vos écrits (au fait, qui donc à part Henri Guaino qui a commis l’erreur fatale de s’afficher à vos côtés lors d’une Manif pour tous ?) de lire plutôt cette mise au point également basée sur l’ “ouvrage pro-genre” que vous citez : http://www.temoignagechretien.fr/ARTICLES/Societe/Un-genre-d’etudes-bien-mal-connu/Default-37-4684.xhtml.

  10. Bonjour,
    je voudrais rajouter à la liste de biais et d’erreurs possibles de l’étude de Baron-Cohen les 2 points suivants:
    – les enfants avaient 2 jours grand-max: à cet âge on ne distingue pas grand-chose. Le champ de vision est de l’ordre de 20 cm, l’acuité visuelle de 1/20ème, et les couleurs ne sont pas perçues. Alors voir et différencier un visage…
    – l’autre point concerne le lien de cette étude avec l’autisme. L’idée de Baron-Cohen est que :
    1) les autistes sont des enfants ultra-masculinisés
    2) la testostérone est responsable du fait que les garçons s’intéressent moins aux visages humains que les filles (il parle de testostérone dans sa conférence TED en tout cas).
    Ce qui est complètement illogique. En effet, les garçons ont beaucoup plus de testostérone que les filles et les différences d’observation des visages et des objets sont de l’ordre de l’erreur de mesure. En revanche les petits garçons autistes regardent très peu les visages (et pas du tout les regards) lors des expériences d’eye tracking (à 18 mois), contrairement à des petits garçons normaux. Et pourtant les autistes n’ont pas une infinité de testostérone en plus par rapport aux petits garçons non autistes. Donc c’est parfaitement contradictoire avec l’idée que la testostérone ait quoi que ce soit à voir avec le fait d’aimer ou pas regarder les visages.

    1. Merci pour vos remarques.
      Je dois préciser que les auteurs ont tenu compte du champ de vision très limité des bébés (le mobile et le visage leur étaient présentés à 20 cm), et que des expériences ont montré que les nouveau-nés étaient capables de distinguer un stimulus visuel ressemblant à un visage d’un autre type de stimulus. Cela étant, vous avez raison de souligner combien il est hasardeux d’interpréter les résultats de cette étude comme le font les auteurs.

      Concernant la théorie de Baron-Cohen sur le lien entre testostérone prénatale, “masculinisation” du cerveau et autisme, j’en ai lu assez pour n’avoir guère de doute sur le fait qu’elle n’a aucune pertinence. Comme vous le soulignez, lorsqu’on rapproche les résultats de différentes études on s’aperçoit qu’ils peuvent difficilement être interprétés conjointement dans ce cadre théorique, à moins de faire d’énormes contorsions ou des postulats ad hoc complémentaires. Encore une fois, j’invite à lire Brain Storm de Rebecca Jordan-Young, qui a fait ce travail fastidieux consistant à rapprocher les études censées former un “faisceau d’indices convergents” à l’appui de la théorie de la “masculinisation” prénatale du cerveau par la testostérone, et a très bien montré que loin d’être convergente, cette littérature est en réalité profondément incohérente.

  11. Merci aussi pour ce boulot !

    Je rajouterais aussi que faire une ANOVA à 2 facteurs sur des pourcentages qui ont peu de chance de suivre une distribution normale (surtout si leur hypothèse est vraie) est très marrant. Sans compter le fait qu’il trouve une interaction sexe/stimulus vaguement significative mais que cela ne les empêche pas de partir sur des test-t non corrigés derrière 🙂

  12. Bonjour,

    Votre critique du reportage norvégien et de l’étude de Baron-Cohen qui le sous-tend est riche, fouillée et convaincante.

    Là où j’ai du mal à vous suivre, c’est lorsque vous répondez à un commentaire :

    “Ma réponse à moi est la n°3, avec une mention supplémentaire : au vu de l’accumulation d’échecs, de résultats contradictoires et de la faible qualité des études prétendant mettre en évidence une « part d’inné », j’incline à penser que la probabilité que celle-ci existe et a des effets significatifs est très faible.
    Dès lors, compte tenu des usages politiques qui sont faits de la réponse n°2, je m’attache à montrer que ceux qui prétendent que cette réponse est acquise se trompent ou mentent.”

    Il me semble que, même en supposant fondée votre réfutation de la thèse de Baron-Cohen, je peux tout aussi raisonnablement reformuler votre position de façon opposée :

    “”Ma réponse à moi est la n°3, avec une mention supplémentaire : au vu de l’accumulation d’échecs, de résultats contradictoires et de la faible qualité des études prétendant mettre en évidence qu’il n’y a AUCUNE « part d’inné », j’incline à penser que la probabilité que celle-ci N’existe PAS ou n’a pas d’effet significatif est très faible.
    Dès lors, compte tenu des usages politiques qui sont faits de la réponse n°1, je m’attache à montrer que ceux qui prétendent que cette réponse est acquise se trompent ou mentent.”

    En effet, on ne peut nier qu’il est fait un usage politique de la réponse 1, et vous ne démontrez pas que cet usage politique de la réponse 1 est préférable à celui que vous prêtez à la réponse 2. On comprend que vous préférez la réponse 1 à la 2 mais ce n’est plus une démarche scientifique. La militante prend le dessus.

    Lorsqu’on regarde le reportage norvégien, on est tout de même frappé par l’unanimisme des représentants norvégiens des sciences sociales. Il est clair que pour eux la “réponse 1” ne fait aucun doute, à tel point qu’ils ne prennent même pas la peine de chercher des arguments convaincants. Ils récitent ce qui ressemble à une parole d’évangile, et c’est extrêmement choquant pour qui cherche un minimum de rigueur scientifique. On en conclut naturellement que la position de ces savants officiels est de nature politique.

    Qui faut-il craindre le plus ? Les deux blogueurs qui ont relayé la vidéo et s’appuient sur la “réponse 2” pour développer un contre-discours ? Ou bien la communauté des chercheurs en sciences sociales qui, comme vous, font de la “réponse 1” un article de foi bien qu’ils la savent non-démontrée – et donc au mépris de la rigueur scientifique – au motif qu’elle va dans le sens de leur cause ?

    1. Merci pour votre commentaire qui m’inspire de nombreuses remarques.

      Tout d’abord, puisque j’ai très clairement défini ma position en expliquant qu’elle correspondait à la réponse n°3, je me demande comment vous pouvez affirmer que je préfère la réponse 1 à la 2, et a fortiori que je fais de la réponse n°1 un article de foi (!). Encore une fois, ma réponse n’est ni la 2, ni la 1. Et je ne “préfère” pas la 1 à la 2, de même que je ne “préfère” par la 3 aux deux autres : mes propres recherches, ainsi que ma lecture d’autres recherches aux résultats convergents, m’amènent à la conclusion qu’en l’état actuel des connaissances, la 3 est la seule réponse honnête qui puisse être apportée.

      Ensuite, je trouve hardie votre affirmation que “la communauté des chercheurs en sciences sociales” fait de la réponse n°1 un article de foi. A mon avis, c’est très loin d’être le cas. Pouvez-vous me citer ne serait-ce que deux ou trois chercheurs en sciences sociales français ayant affirmé que la littérature scientifique existante avait démontré qu’il n’y avait aucune part d’inné dans les différences comportementales observables entre hommes et femmes ? Ca m’intéresserait sincèrement, car pour ma part je n’en connais aucun.

      L’argumentaire de certains des chercheurs en sciences sociales dans le documentaire laisse en effet à désirer. Mais pemièrement il ne me semble pas que tous adhèrent évidemment et sans se poser de question à la réponse 1, deuxièmement il ne faut pas oublier qu’il s’agit d’extraits d’interviews choisis et montés par Harald Eia dans une optique bien particulière (cf note [5]), troisièmement ils ne représentent qu’eux-mêmes, pas la communauté des chercheurs en sciences sociales ne serait-ce que norvégienne, et enfin on ne peut conclure que leur position est de nature politique : elle peut résulter de croyances préalables sur les différences hommes-femmes, de choix épistémologiques liés à leur discipline, de préjugés sur des disciplines dont ils ne lisent pas la littérature… ou au contraire de la lecture de ladite littérature leur ayant permis d’aboutir à la conclusion qu’elle n’était pas probante.

      Ces chercheurs ne défendent pas plus (et pas moins) de “cause” qu’un Baron-Cohen ou une Anne Campbell. S’il vous semble qu’ils prennent la position qui est la leur au mépris de la rigueur scientifique, que dire de l’affirmation éhontée de Baron-Cohen, dans le résumé de l’étude analysée ici, qu’elle démontre clairement quelque-chose alors qu’il ne peut ignorer qu’elle ne le démontre pas du tout ?

      Par ailleurs, votre critique me semble s’égarer en mélangeant plusieurs questions et en rendant symétriques des choses qui ne le sont pas, ce que je vais essayer d’éclairer à l’aide d’une transposition. Imaginons que dans le cadre d’une recherche sur le renouvellement et les usages sociaux contemporains de croyances anciennes, j’aie choisi d’étudier l’argumentaire scientifique des discours attribuant à la pleine lune le pouvoir de transformer certaines personnes en loup-garous sortant alors de chez eux et tuant des gens, et imaginons qu’un mouvement politique s’en serve pour demander l’instauration d’un couvre-feu les soirs de pleine lune. Imaginons que je constate qu’un certain nombre d’experts et de journalistes affirment que cet effet de la pleine lune a été démontré scientifiquement, et qu’après analyse de l’ensemble des études citées par eux, je constate qu’elles ne le démontrent en rien. Imaginons que j’écrive alors un article dans lequel j’explique tout ça.

      La pertinence de mon article ne serait remise en cause ni par le fait que je n’étudie pas les arguments des personnes affirmant qu’il est scientifiquement démontré que la pleine lune ne peut transformer personne en loup-garou, ni par l’existence d’usages politique de cette idée par ces personnes ou d’autres, et vous ne me demanderiez pas de démontrer que ces usages-là sont préférables à l’imposition d’un couvre-feu. Sommes-nous d’accord jusque-là ?

      Imaginons que j’aie en outre constaté, après analyse de toutes les études citées par les tenants de cet effet de la pleine lune, que malgré des centaines d’études sur le sujet depuis des décennies, aucune n’a démontré son existence, certaines études ont trouvé au contraire une diminution des meurtres les nuits de plein lune, lorsque des études ont trouvé une augmentation elle pouvait être facilement expliquée autrement que par un effet loup-garou, des études ont trouvé chez la souris un mécanisme biologique qui pourrait vaguement ressembler à cet effet loup-garou mais on n’a pas réussi à le mettre en évidence dans d’autres espèces, etc. Imaginons que sur cette base, je me permette d’ajouter que “j’incline à penser” que la capacité de la pleine lune à transformer un nombre significatif de personnes en loup-garou est improbable (car bien que l’inexistence de l’effet loup-garou n’ait pas été formellement prouvée, il me semble que s’il existait et touchait un nombre significatif de personnes, ces études acharnées et très nombreuses en auraient probablement trouvé une trace tangible). Diriez-vous que vous pourriez “tout aussi raisonnablement” écrire qu’il est improbable que la pleine lune n’ait pas le pouvoir de transformer les gens en loup-garou, et que ma phrase trahit le fait que “la militante prend le dessus” ? Je ne pense pas. Dès lors, il me semble que cette critique trahit le fait que là, c’est chez vous le croyant en l’existence d’une part d’inné dans les différences comportementales entre hommes et femmes qui “prend le dessus”. Qu’en pensez-vous ?

      Car pour invoquer “l’accumulation d’échecs, de résultats contradictoires et de la faible qualité des études prétendant mettre en évidence qu’il n’y a AUCUNE « part d’inné »” dans ces différences, encore faudrait-il qu’il existe de telles études et que vous les ayiez effectivement analysées. J’aimerais bien que vous m’en citiez n’en serait-ce que deux ou trois, car je n’en connais pas. En effet, les chercheurs en sciences sociales qui travaillent sur le genre ne prétendent pas montrer l’absence de facteur biologique : ça n’est pas leur boulot. Ce qu’ils montrent, c’est l’existence de facteurs socioculturels (dont même les tenants de l'”inné” reconnaissent l’existence), et il se trouve que ces facteurs sont en théorie suffisamment puissants et divers pour expliquer toutes ces différences. La balle est dans le camp des chercheurs travaillant sur l’hypothèse des facteurs biologiques, qui ont pour l’instant échoué à démontrer leur existence : la situation des uns et des autres dans ce débat n’est pas symétrique.

  13. Merci pour votre longue et riche réponse.

    Concernant le premier point : certes, votre position est la réponse 3. Cependant, que vous préfériez la réponse 1 à la réponse 2, je le déduis évidemment de votre “mention supplémentaire”, qui ajoute que : “compte tenu des usages politiques qui sont faits de la réponse n°2, je m’attache à montrer que ceux qui prétendent que cette réponse est acquise se trompent ou mentent.” Car je constate que vous n’avez pas la même prévention à l’égard de ceux qui prétendent que – ou font comme si – la réponse 1 est acquise, position tout aussi “trompeuse et menteuse” à mon sens.

    Votre réponse est d’ailleurs très éclairante : vous me reprochez de prêter à la communauté des chercheurs en sciences sociales une indulgence envers la réponse 1, mais vous argumentez ensuite sur la dissymétrie qui existe selon vous entre réponse 1 et réponse 2, révélant ainsi ce qui me semble être un biais répandu en sciences sociales, dans le débat sur l’inné et l’acquis.

    En effet, lorsque vous utilisez l’analogie avec l’hypothèse de l’effet de la pleine lune sur les loup-garous, vous sommez vos contradicteurs de prendre l’intégralité de la charge de la preuve. Vous vous placez dans le cas de figure, effectivement dissymétrique, de l’athée qui somme le croyant de prouver l’existence de Dieu, ou celle des licornes.

    Or, le débat sur l’inné et l’acquis n’est pas du tout comparable : la charge de la preuve, contrairement à ce que vous laissez entendre, ne repose pas uniquement sur les tenants de l’inné. Poser que l’inné joue un rôle dans le comportement humain et chercher à quantifier ce rôle n’est en rien comparable à poser l’existence des licornes, et on ne peut pas réfuter l’influence de l’inné comme on réfute l’existence des licornes. Tenter de le faire, c’est du domaine de l’habileté rhétorique, et c’est faire passer un dogme – l’approche “tabula rasa” qui est prégnant dans les sciences sociales – pour un principe intangible, qu’il revient aux contradicteurs de réfuter.

    Or, il y a pour moi parfaite symétrie de démarche entre la mesure de l’influence de l’inné et la mesure de l’influence de l’environnement dans un comportement humain. On devrait attendre des tenants de la primauté de l’acquis qu’ils se soumettent aux même exigences de démonstration scientifique que celles vous attendez des tenants de l’influence de l’innée, mais il n’en est rien : vous admettez vous même qu’il y a peu d’études en ce sens, et c’est tout simplement parce que la plupart de ces chercheurs ne s’y sentent pas tenus ! La tabula rasa est le dogme, l’axiome qu’il n’est pas nécessaire de vérifier. Dans la vidéo, il y a d’ailleurs un un chercheur norvégien en sciences sociales qui l’affirme le plus simplement du monde : en sciences sociales,il n’a tout simplement que faire de l’hypothèse de l’inné. Cette hypothèse, il la place tout bonnement en dehors de son champ d’activité. Comme c’est pratique !

    Votre approche est beaucoup plus subtile et conforme à l’exigence scientifique que celle – au moins apparente – de ces chercheurs norvégiens. Mais je ne peux m’empêcher de voir à l’œuvre dans votre raisonnement ce même biais de confirmation qui renverse la charge de la preuve vers vos contradicteurs et qui, au passage, vous pousse à les traiter avec une certaine violence ad hominem – cf Pierre-Henri Gouyon dans votre billet sur le débat inné Vs acquis- qui ne laisse pas de me surprendre. La militante semble prendre le pas sur la scientifique, et c’est dommage.

    1. Vous ne répondez pas à mes questions : c’est dommage.
      PS : contrairement à ce que vous affirmez, j’ai la même prévention à l’égard de ceux qui prétendent que la réponse 1 est la bonne, mais je n’en connais guère…

      1. Un préalable à une discussion rationnelle de ces questions est d’abandonner le mot “inné” qui n’a aucun sens scientifique (ainsi que l’ont montré Mameli et Bateson 2006). Dans l’acception littérale du mot qui voudrait dire “présent à la naissance et immuable”, évidemment rien n’est inné, même pas le fait d’avoir une tête, puisqu’il est possible de la couper…
        Bref, il faut remplacer partout “inné” par “influences génétiques” et “acquis” par “influences non génétiques” (qu’on peut appeler “influences environnementales” en étant conscient que cela inclut des facteurs biologiques non génétiques), et alors seulement on peut commencer à discuter rationnellement de la part respective des deux types d’influences.

        Ce préalable étant posé, comme le dit Tocquevil, les deux propositions sont parfaitement symétriques et la charge de la preuve est la même pour les influences des deux types. Si on convertit la proposition 1 en “il y a 0% d’influences génétiques et 100% d’influences environnementales” sur les phénotypes cognitifs qui nous intéressent, elle n’est pas plus tenable que la proposition de 100% d’influences génétiques. Et si vous pensez qu’elle est tenable, il vous appartient d’indiquer les fameuses études de sciences sociales qui auraient démontré qu’un phénotype est 100% influencé socialement (si c’est leur hypothèse). Je suis très curieux d’avoir les références, et j’attends de vous bien sûr que vous les analysiez avec le même scepticisme que les études de génétique…

        1. Nous sommes bien d’accord, nous parlons ici des “influences génétiques” vs les “influences non génétiques” y compris biologiques. J’ai utilisé “inné” et “acquis” en réponse au commentaire de Minsk du 7 octobre qui était formulé en ces termes, le contexte me semblant pouvoir autoriser cette facilité de langage. Si vous lisez mon article sur le “débat inné/acquis” (avec guillemets) sur ce blog, vous verrez que je pose très clairement et plus précisément que vous ne le faites ici les termes du débat, car pour une discussion rationnelle de ces questions il est indispensable de qualifier plus précisément la notion d’ “influences génétiques”.

          Concernant la 2ème partie de votre commentaire, je dirais que si vous répétez ce que dit Tocquevil en ignorant les réponses que je lui ai faites, on ne va guère avancer. Bien-sûr, les propositions “il y a 0% d’influences génétiques” et “il y a 0% d’influences environnementales” sont symétriques, et la charge de la preuve est la même pour les influences des deux types, mais ce ne sont pas ces propositions dont je traite.
          Mon sujet, c’est la proposition “il est prouvé [ou évident] qu’il y a des influences génétiques” (en gros, puisqu’encore une fois il faut en fait qualifier plus précisément ce qu’on entend par influences génétiques). Ce que je souligne, c’est que même les partisants les plus acharnés de “l’influence génétique” admettent la proposition symétrique, à savoir “il est prouvé [ou évident] qu’il y a des influences environnementales”; cette proposition ne fait pas débat. En revanche, la preuve (ou l’évidence) des “influences génétiques” reste selon moi à apporter au cas par cas, selon le sujet considéré.

          Pour ce qui est de la supposée “évidence” de ces influences, j’attends toujours que quelqu’un pointe une faiblesse dans le raisonnement exposé dans mon article sur le “débat inné/acquis” : je vous invite à le faire, puisque vous affirmez que la proposition “0% d’influences génétiques” n’est pas tenable (NB : je précise encore une fois que je juge cette proposition tenable dans le cadre précis de la notion d’influences génétiques présentée dans cet article, car il est bien évident qu’il existe de nombreuses mutations génétiques invalidantes sur le plan cognitif, et donc des influences génétiques sur la variabilité inter-individuelle dans ce domaine).

          Pour ce qui est des supposées “preuves” de ces influences, je montre à l’occasion que telle ou telle preuve avancée n’en est en fait pas une, et jusqu’ici j’attends également toujours qu’on me contredise (vous même avez par exemple admis que j’avais raison de mettre en question l’existence d’une interaction 5HTT-traumatismes-dépression, existence dont vous avez pourtant affirmé la certitude avec autorité par le passé).

          Je n’ai jamais prétendu que des études de sciences sociales avaient démontré que tel ou tel phénotype était à 100% influencé socialement, j’ai même écrit exactement le contraire plus haut dans mon échange avec Minsk puis Tocquevil. J’ai même demandé à ce dernier de me citer les références de telles études en lui disant que pour ma part je n’en connaissais pas : il est donc un peu fort que vous me retourniez cette question.

          1. Votre raisonnement est habile mais fallacieux. Vous creez de toute piece une symetrie qui n’existe pas: la proposition ajoutee “le genre est 100% une acquisition sociale” n’est pas le symetrique de “le genre est 100% genetique”. Vous semblez mettre un point A qui serait 100% genetique et un point B 100% social et tracer une doite entre les 2 et grosso modo vous nous fabriquez un barycentre, sous-entendant qu’il est probablement plus proche de A car tout le monde s’accorde pour nous dire que ce n’est pas B. Vous enoncez le probleme incorrectement. La seule proposition A qui nous interesse c’est “la part de genetique dans le genre est-elle de 0%”. La proposition B “la part de genetique dans le genre est-elle 100%” n’est pas son pendant et ne nous est pas plus d’utilite pour repondre a A que le fait qu’on sache que la terre est ronde. On se fout de B, nom de Dieu! En plus, vous moyennez implicitement quelque chose qui n’est pas quantifiable et quand bien meme il serait quantifiable, si d’aventure il y avait 0.01% de genetique dans le genre, la proposition A serait vraie. J’insiste pour revenir a la droite entre 2 points A et B comme representation incorrecte du probleme. Evidemment que la societe s’accorde sur le fait que le genre comporte quelque chose d’acquis, par definition l’acquis c’est precisement ce que la societe construit, elle en est responsable, elle le controle, donc elle le sait. En revanche, l’inne c’est l’inconnu, on ne le construit pas. On ne peut pas les placer sur le meme plan et ils ne sont pas mutuellement exclusifs. Encore une fois les seules propositions mutuellement exclusives sont “il y a 0% de genetique” et “il n’y a pas 0″ de genetique”. Et si on regardait le probleme autrement? Comme un modele a potentiellement 2 parametres par exemple, l’inne et l’acquis. Tout le monde est d’accord que la loi du genre depend du parametre “acquis”. Mais en quoi cela laisserait presager de l’independance de cette loi du parametre “inne”? Juste parce que l’on connait un parametre de la loi, ne signifie nullement que la loi n’a qu’un seul parametre.

            1. Je suis bien d’accord avec vous : les seules propositions mutuellement exclusives qui restent raisonnablement envisageables sont « il y a 0 % de genetique » et « il n’y a pas 0% de genetique », la seconde serait vraie quand bien même il s’agirait de 0.01 % seulement, et ça n’est pas parce qu’on n’a pas démontré la seconde que la première est vraie. Je ne pense pas que ces principes remettent en cause la réflexion que je développe ici. Il me semble cependant que s’il s’avérait que c’était 0.01 %, ça changerait grandement les projets politiques basés sur la seconde proposition.

  14. Quel dommage qu’encore une fois un épluchage remarquable d’une étude (celle de Connellan) soit gâché à la fin par la référence caricaturale à Breivik, avec l’implication absurde “les gens qui croient aux différences entre les sexes sont dangereux”, ou encore “l’existence de telles différences serait tellement dangereuse qu’elle ne peuvent pas exister”. Je caricature le raisonnement qui n’est évidemment pas formulé tel quel, mais c’est exactement le genre de raisonnement que cette conclusion essaie d’instiller dans l’esprit du lecteur. Ce genre d’insinuations entache tout de même considérablement la rigueur de l’analyse scientifique.

    La véritable erreur, commise aussi bien par Breivik et ses acolytes, que par les gens qui veulent le contredire à l’aide de ce genre d’arguments, c’est de croire que si des différences “innées” entre groupes (sexes, races…) étaient établies, cela aurait inévitablement des implications sociales, politiques et morales.
    Ce sont certains des usages qui pourraient être fait de tels résultats (e.g. discrimination) qu’il faut dénoncer, pas les résultats eux-mêmes, en se lançant dans une guerre sainte contre tout ce qui pourrait y ressembler…

    1. Je note avec plaisir que vous ne trouvez encore une fois rien à redire sur le fond “scientifique” de ma critique, ici de l’étude de Baron-Cohen.

      En revanche, je suis déçue que vous vous abaissiez à ce genre de procès d’intention et à la caricature (que vous reconnaissez vous-même faire) de mon raisonnement.
      Puisque vous me prêtez à tort certaines idées ainsi que la volonté de les instiller dans l’esprit de mes lecteurs, clarifions les choses :

      – je ne pense pas du tout que « les gens qui croient aux différences entre les sexes sont dangereux », je pense au contraire que la plupart des gens qui y croient ne sont pas plus dangereux que les autres; je note simplement que l’attachement viscéral à cette croyance est particulièrement répandu dans une frange extrémiste de l’échiquier politique, et qu’elle motive chez certains non seulement une violence verbale, mais des appels à une violence très concrète (voir par ex les extraits de la prose de Durandal et d’Aguettant cités); ce que j’ “insinue” est que ce mouvement de réaction pourrait bien aboutir en France aussi à des passages à l’acte, et que la propagation d’idées fausses n’est donc pas seulement problématique sur le principe, mais aussi dans la mesure où elle alimente ce mouvement.

      – je ne pense pas non plus que « l’existence de telles différences serait tellement dangereuse qu’elle ne peuvent pas exister »; me prêter ce “raisonnement” est aussi gratuit et absurde que si je vous accusais de penser (et de tenter d’insinuer dans les esprits) que « l’absence de telles différences serait tellement horrible qu’elle ne peuvent pas ne pas exister ».

      – je ne pense pas que l’existence de telles différences innées aurait inévitablement des conséquences sociales et morales, puisque le cas échéant selon notre “morale” nous pourrons décider ou non de tenter de limiter leurs conséquences sociales et de choisir dans quelle mesure et comment le faire; je pense en revanche qu’elle aurait inévitablemement des implications politiques, puisque comme je viens de le dire, nous aurions à choisir entre plusieurs options; en ce sens, je m’oppose fermement à la position de certain.e.s féministes posant que la question de l’existence de différences “naturelles” n’est d’aucune importance pour déterminer les choix politiques.

      – je serais bien idiote, vous en conviendrez, de dénoncer “les résultats eux-mêmes” s’il s’agissait de résultats; ce que je dénonce est l’artifice faisant passer des données plus que douteuses pour des résultats établis.

      1. Nous sommes bien d’accord sur le fond. Je trouve juste regrettable de quitter le terrain scientifique pour céder à cette rhétorique diabolisante tellement à la mode (parmi les gens en panne de véritables arguments, comme les psychanalystes par exemple). Il ne manquerait plus que la sempiternelle évocation des “heures sombres de notre histoire” et ce serait la totale. (j’espère que je ne vais pas la découvrir sur une autre page!)

        1. @ Franck Ramus,
          vous ne pouvez pas comparer Odile Fillod aux psychanalystes! Sérieusement, vous imaginez B. Golse (au hasard) en train de manier statistiques, échantillonnage et (gasp) mesures?

    2. L’autre erreur n’est-elle pas de suggerer que la difference homme-femme est de meme nature que la difference de couleur de peau? D’un cote, on a une difference superficielle, pleine de nuances et surtout peu pertinente (si l’humanite tout entiere avait la meme couleur de peau, ca ne changerait probablement rien – a discuter), de l’autre on a une difference binaire et vitale, au sens litteral car source de vie, la rencontre d’un homme et d’une femme etant la complementarite sur laquelle se construit l’humanite. Est-ce vraiment comparable?

      1. La seule différence binaire et complémentarité de nature qui existe est la différence et complémentarité entre gamètes mâles et femelles.
        Seule la rencontre d’un gamète mâle et femelle est (à ce jour en tout cas) nécessaire pour assurer la survie de l’espèce, pas celle d’un homme et d’une femme, et du point de vue biologique un homme n’est pas le “complémentaire” d’une femme.

        1. La definition biologique est precisement que l’homme est l’individu male (spermatozoide) et la femme l’individu femelle (ovule). J’ajoute qu’outre les cellules reproductrices, la gestation est le propre de la femelle vivipare. Dans l’ensemble des humains, un homme ne peut etre biologiquement aussi une femme et une femme ne peut etre biologiquement un homme, aucun des 2 ensembles n’etant vide, on a une partition de cet ensemble. Du point de vue biologique, l’homme et la femme sont donc complementaires et je m’etonne un peu que vous remettiez en cause ce truisme mais la n’est pas la question. Vous affirmez a juste titre que la science ne permet pas de trancher, en particulier que les etudes visant a demontrer une part d’inne ne sont pas concluantes. Vous en deduisez que la proposition “une partie d’inne” et son contraire “100% construction sociale” sont aussi vraisemblables l’une que l’autre et donc comme c’est du 50/50, la societe peut passer de la premiere a la deuxieme. Comme vous, je pense que c’est une variable aleatoire mais je n’ai pas la meme mesure.
          1/ Il est etonnant de constanter dans le temps et geographiquement une specialisation des roles de l’homme et la femme. Par exemple, l’inexistence totale d’un modele gynocratique, au point que l’honme ait du en imaginer un (le mythe des amazones). Si le genre etait uniquement une construction sociale, il y aurait bien au moins une fois quelque part dans l’histoire une culture ou on aurait pu constater un modele ou les roles seraient differents, non? Le fait que toutes les societes humaines, dans le temps et l’espace aient une organisation relativement semblable sur ce point alors que sur tant d’autres points elles aient pu etre differentes n’a certes pas valeur de preuve mais devrait vous interpeller.
          2/ Les partisans du 100% construction sociale nous affirment que la seule difference entre les hommes et les femmes sont ses organes reproducteurs. Souvent elles reduisent l’homme a son sperme et la femme a son ovule. Mais les femelles mammiferes, dont la femme de l’espece humaine se distinguent aussi par la grossesse puis par l’allaitement, non? La grossesse et l’allaitement sont-elles des constructions sociales? Cette difference biologique a un impact direct sur la facon dont la societe s’organise. Le code du travail protege d’ailleurs a juste titre la femme enceinte. La femelle portant la vie et le male ne pouvant pas par nature, ils ne pourront jamais avoir la meme place. Mais c’est une disgression. Il me semble tres peu probable qu’une difference physique aussi importante puisse etre totalement isole et n’avoir aucun effet de bord. C’est malheureusement trop brievement evoque dans le documentaire que vous condamnez mais on est en droit de s’interroger le fait que le cerveau se developpe completement independamment du reste.
          Bref pour vous c’est du 50-50, pour moi c’est plutot du 5-95.
          Salutations.

          1. 1/ “la gestation est le propre de la femelle vivipare”
            D’abord ça n’est pas exact : chez l’hipoccampe par exemple, espèce vivipare ou pseudo-vivipare, c’est le mâle qui assure la gestation.
            Ensuite, aller chercher dans le reste du règne animal la preuve du caractère universel de la catégorisation binaire de sexe n’est certainement pas une bonne idée, entre les espèces à reproduction asexuée, celles où les individus sont hermaphrodites, celles où les individus changent de sexe au cours de leur vie…
            Enfin, quoi qu’il en soit, ça n’est d’aucune importance pour le sujet en question dans cet article, à savoir est-ce que oui ou non des facteurs biologiques liés au sexe (gènes des chromosomes sexuels, hormones gonadiques, différences anatomiques) favorisent le développement de certaines caractéristiques psychologiques plutôt que d’autres chez l’être humain indépendamment de ce que nos sociétés projettent sur ces facteurs et construisent sur cette base.

            2/ “Dans l’ensemble des humains, un homme ne peut etre biologiquement aussi une femme et une femme ne peut etre biologiquement un homme”
            Si je comprends bien, une personne pourvue de gonades mâles et femelles en même temps (ça existe), ça n’est pas un être humain selon vous ? Et une personne de caryotype XY avec syndrome d’insensibilité complète aux androgènes, c’est quoi selon vous : un homme ? Une femme ? Pas un être humain ? Et s’il s’agit d’une insensibilité seulement partielle aux androgènes, c’est quoi ?
            Je pourrais poursuivre avec la longue liste de toutes les formes d’intersexuation, qui sont certes minoritaires dans l’espèce humaine mais existent bel et bien. Au nom de quel principe devrait-on exiger de faire rentrer ces personnes dans les cases “homme” ou “femme”, ou pire les considérer comme non-humains ? Considérez vous de manière générale que toute personne infertile – car dans bien des cas d’intersexuation c’est là le seul “handicap” dont souffrent les personnes concernées – n’appartient pas à l’ensemble des humains ? Par ailleurs, encore une fois, ça n’est d’aucune importance pour le sujet en question (cf 1/ ci-dessus).

            3/ “on a une partition […] l’homme et la femme sont donc complementaires et je m’etonne un peu que vous remettiez en cause ce truisme”
            Le truisme consiste à affirmer que puisque deux ensembles peuvent être qualifiés de “complémentaires” dans le langage de la théorie mathématique des ensembles, alors ils sont “complémentaires”. Avec ce raisonnement, on peut dire de manière plus pertinente (pour le coup il s’agit cette fois de véritables partitions exactes) : l’humain-de-moins-de-30-ans et l’humain-de-plus-de-30 ans sont complémentaires, l’humain-à-cheveux-blond et l’humain-à-cheveux-pas-blond sont complémentaires, l’humain-de-moins-d’1m-60 etl’humain-de-plus-d’1m60 sont complémentaires, l’humain né-en-France et l’humain pas-né-en-France sont complémentaires, etc, etc. Ces exemples d’application de votre raisonnement vous convaincront j’espère d’une part qu’il ne s’agit que d’un sophisme basé sur la polysémie du mot “complémentaire”, et d’autre part qu’il ne permet en rien d’avancer sur le sujet en question ici.

            4/ “Vous en deduisez que la proposition « une partie d’inné » et son contraire « 100% construction sociale » sont aussi vraisemblables l’une que l’autre et donc comme c’est du 50/50, la societe peut passer de la premiere a la deuxieme. Comme vous, je pense que c’est une variable aleatoire mais je n’ai pas la meme mesure.”
            Non, je ne pense ni que c’est une variable aléatoire, ni a fortiori qu’elle a 50% de chances d’être égale à la première proposition.
            Par ailleurs, que veut dire “la société peut passer de la première à la deuxième” ? La question est de savoir si on veut continuer à enfermer les être humains dans un carcan de prescriptions normatives qui non seulement limitent leurs possibles mais provoquent violences (jusqu’au meurtre), discriminations (jusqu’à d’importantes inégalités sociales), mal-être (jusqu’au suicide), mutilation (de personnes intersexuées), et bien d’autres phénomènes néfastes à l’échelle de la société toute entière sur lesquels il serait trop long de s’étendre ici, ou bien si on veut SIMPLEMENT permettre que chacun se développe et vive plus librement, respecter les différences, et accessoirement résoudre une partie de ces problèmes (vous parliez de principe de précaution dans un autre commentaire, mais pour que la déconstruction des contraintes de genre arrive à causer plus de tort à l’humanité que leur omniprésence actuelle, on a pas mal de marge, à mon avis).
            Ce point reboucle avec l’un de vos commentaires précédents où vous distinguiez la “différence homme-femme” de la “différence de couleur de peau” en disant : “si l’humanite tout entiere avait la meme couleur de peau, ca ne changerait probablement rien”. Mais personne n’a le projet de “passer à la deuxième proposition” au sens de bâtir une humanité dans laquelle tout le monde serait intersexué. Personne n’a non plus le projet de bâtir une humanité dans laquelle tout le monde serait “psychologiquement androgyne”. Loin de conduire à une uniformisation de l’humanité, lever les contraintes de genre qui pèsent sur les individus créerait à mon avis au contraire davantage de diversité.

            5/ “Il est étonnant de constanter dans le temps et géographiquement une spécialisation des rôles de l’homme et la femme. Par exemple, l’inexistence totale d’un modele gynocratique […] devrait vous interpeller […] La grossesse et l’allaitement sont-elles des constructions sociales ? Cette difference biologique a un impact direct sur la facon dont la societe s’organise. Le code du travail protege d’ailleurs a juste titre la femme enceinte. La femelle portant la vie et le male ne pouvant pas par nature, ils ne pourront jamais avoir la meme place.”
            Les “rôles” et “places” de “l’homme” et de “la femme”, comme vous dites, sont variables dans le temps et géographiquement.
            En ce qui concerne le caractère universel de la domination masculine, il peut être expliqué par d’autres scénarios qu’une propension des femmes à la soumission, à préférer s’occuper de choses faciles ou peu risquées, à se préoccuper d’autrui et en particulier de leurs enfants, ou encore à être intellectuellement limitées (ou inversement par une propension des hommes à la domination, à préférer s’occuper de choses difficiles ou risquées, à être égoïstes ou à être d’une intelligence supérieure). Bien-sûr, à la base de toute construction culturelle de “rôles” et “places” distincts assignés aux hommes et aux femmes il y a un donné biologique, en premier lieu le fait que seules des femmes sont pourvues des capacités de gestation : ça c’est un vrai truisme, et un truisme que personne ne conteste; lisez Françoise Héritier qui fait du constat de cette différence la base de la construction universelle de la domination masculine sans pour autant faire de celle-ci un fait de nature, bien au contraire. Toute la question est de savoir en quoi ce donné biologique a nécessairement de telles conséquences. Faire en sorte qu’une femme en fin de grossesse ou venant d’accoucher puisse s’absenter de son travail en restant payée et en étant assurée de le retrouver ne définit ni “rôle”, ni “place”, ni “la façon dont la société s’organise”. En revanche, la prise en charge des enfants en bas âge par leur mère plutôt que par leur père, ça a un très gros impact en termes d’organisation sociale, de places et de rôles. S’il s’avère que cette différence n’est pas due à une plus grande propension “biologique” des femmes à avoir envie de s’occuper de leurs enfants et que cette différence ne peut pas non plus se justifier par de meilleures “capacités naturelles” des femmes à s’en occuper, alors je ne vois pas en quoi la grossesse et l’allaitement assigneraient obligatoirement des places distinctes aux hommes et aux femmes dans la prise en charge des enfants.

            6/ “Il me semble tres peu probable qu’une difference physique aussi importante puisse etre totalement isole et n’avoir aucun effet de bord. […] on est en droit de s’interroger [sur] le fait que le cerveau se developpe completement independamment du reste.”
            Personne ne prétend que le cerveau se developpe complètement independamment du reste. Quant à juger improbable que les différences génétiques, hormonales ou anatomiques entre hommes et femmes ne se traduisent pas nécessairement par des différences psychologiques, c’est votre croyance. Ma longue fréquentation de la littérature scientifique cherchant à mettre en évidence une telle traduction m’incite au contraire à penser que c’est fort vraisemblable, mais ça reste un avis subjectif.

  15. J’ai lu avec plaisir votre analyse methodique des resultats des etudes de Mr Baron-Cohen mais j’ai plusieurs questions:
    1/ Quel est l’interet de votre etude? Quand bien meme vous demontreriez qu’il n’existe pas d’etudes scientifiques prouvant de maniere irrefutable une part d’inne dans le genre (postulat A), et alors? La question n’est pas la! J’apprecie votre rigueur mais elle me semble hors-sujet car elle inverse les roles. C’est aux partisans du changement de justifier que leur theorie pour imposer un nouveau paradigme a des fondements, ce n’est pas a ceux a qui on essaie d’imposer ce changement de prouver quoi que ce soit. Principe de precaution elementaire, non? Vous semblez nous dire que l’axiome A (sur lequel sont basees toutes les societes humaines depuis le debut de l’humanite, pas uniquement la France de 2014) n’est pas verifiable. Certes mais en quoi cela justifie-t-il de fonder une societe sur son contraire, non-A???
    2/ Puisque vous semblez equitable et non biaisee par des convictions personnelles, pouvez-vous analyser avec la meme rigueur les etudes scientifiques existantes tendant a demontrer que le genre n’est qu’une construction sociale et ne comporte aucune part d’inne?
    3/ Apres avoir brillamment decortique 13% du documentaire (5mn sur 38), pouvez-vous analyser les 87% restants, notamment les 3 autres etudes qu’il presente?
    4/ Qu’est ce que vous entendez par l’eau tres sale dans “j’attire l’attention sur l’eau très sale dans laquelle se trouve ce bébé.”?
    Merci

    1. 1/ Affirmer que l’axiome A est celui sur lequel sont “basées toutes les sociétés humaines depuis le debut de l’humanité” me paraît pour le moins audacieux… Quoi qu’il en soit, ça ne change rien au problème tel que je l’envisage sur ce blog. Ce que je fais relève de la critique de la production et de la diffusion des discours à prétention scientifique censés montrer que l’axiome A est vrai. Par ailleurs, je ne dis pas que cet axiome n’est pas vérifiable. Je dirais plutôt qu’on risque de ne jamais pouvoir le réfuter définitivement, mais que plus le temps passe et plus s’accumulent les échecs de sa tentative de démonstration, plus il devient probable soit qu’il est faux, soit que la part d’ “inné” en question est insignifiante au regard de celle de l’ “acquis” (pour le dire vite).

      2/ Comme je l’ai déjà écrit à plusieurs reprises plus haut, je ne connais pas d’étude prétendant démontrer que le genre n’est qu’une construction sociale. Il existe en revanche des recherches qui montrent au cas par cas que telle ou telle théorie biologique du genre ne tient pas la route. C’est notamment ce que fait Rebecca Jordan-Young dans son livre qui critique la plus répandue de ces théories, à savoir celle de l’organisation/gendérisation prénatale du cerveau par la testostérone.

      3/ Je me suis focalisée sur cette étude parce que c’est la plus citée depuis des années comme élément de preuve irréfutable. J’ai dans ma to-do-list l’autre étude de Baron-Cohen citée dans ce documentaire sur les effets supposés de la testostérone prénatale qui semble également impressionner pas mal de gens qui n’ont aucune idée de ce dont il s’agit réellement. Je n’ai pas souvenir qu’il y ait dans ce documentaire deux autres études qui méritent de s’y pencher : si je me souviens bien, même Eia admet que ces autres études ne prouvent rien car leurs résultats peuvent aussi bien être expliqués par des effets de la culture/socialisation que par un effet de la biologie. Rem : notez qu’en disant que l’axiome A est celui sur lequel sont “basées toutes les sociétés humaines depuis le debut de l’humanité”, vous démolissez vous même l’argument des psychologues évolutionnistes qui déduisent du constat de certaines constantes trans-culturelles l’existence d’une cause biologique; si la culture sexiste/hétéronormative est si partagée et ce de tout temps, pas étonnant que de telles constantes existent.

      4/ Je fais références aux Durandal et compagnie.

      1. 1/ La culture sexiste? Evidemment que je suis sexiste. Comme tout le monde ou presque. S’il n’existe pas de relation d’ordre globale, il existe des domaines ou on peut faire des comparaisons. L’un d’entre eux c’est le sport ou l’on mesure des performances, on fait des classements. Une histoire anecdotique mais revelatrice de l’utilisation du sexisme comme anatheme completement galvaude: il y a quelques annees les joueuses de tennis ont obtenu que les tournois du Grand Chelem leurs accordent les memes dotations qu’aux hommes. Grand succes parait-il de la lutte pour l’egalite! Les joueurs de tennis l’avaient tous mauvaise mais n’osaient pas dire grand chose sauf un, Gilles Simon, representant des joueurs, la grande gueule qui nota que les hommes jouaient plus longtemps que les femmes (au meilleur des 5 sets contre 3) et surtout generaient plus de revenus (audience TVs, prix des tickets etc). Volee de bois vert. Serena Williams lui tombe dessus. Maria Sharapova se fout de sa gueule, ce Simon qui n’attire pas les foules et gagne beaucoup moins qu’elle, oubliant quand meme que lui est a peine dans le top 10 mondial quand elle est une ex no1 vainqueur de Wimbledon (elle devrait comparer l’interet du public entre Simon et Stosur par exemple) et aussi que ce qui interesse une partie non negligeable du public chez elle n’est pas uniquement son jeu mais ses jambes (pas sur que Kourniokova fasse pour la promotion de l’image de la femme). Bref, a entendre tout ce beau gentil monde, ce Gilles Simon est un affreux sexiste parce qu’il dit que les femmes ne devraient pretendre a l’egalite seulement si elles jouaient elle aussi 5 sets et generaient autant d’argent. J’ai envie de dire a Sharapova, Williams et toutes les autres mais puisque vous revendiquez l’egalite, vous n’avez qu’a jouer le meme tournoi, non? Un seul tournoi mixte, simple. Mais en fait elles ne veulent pas trop! Ah bon? Et pourquoi? Parce que les femmes sont moins fortes au tennis que les hommes, ca serait injuste parait-il. Elles admettent qu’avec cette maniere simple de classer les gens, les matchs de tennis, avec des regles simples et les memes pour tout le monde, elles sont inferiures aux hommes mais donc ce sont elles les sexistes! Si elles sont aussi fortes, pourquoi ne pas entrer dans la meme competition que les hommes? Que diraient-elles s’il y avait des competitions sportives uniquement pour les blancs et d’autres uniquement pour les noirs? Que diraient-elles si les seniors et les juniors reclamaient les memes prix par principe que les autres? Un seul tournoi pour tout le monde, period. Le sport est sexiste a partir du moment ou il n’est pas mixte. Le livre de Boucraret est bourre d’idioties sur le sujet.
        2/ Heteronormative? Si vous entendez par la que l’heterosexualite serait la norme, precisement ce n’a pas toujours ete le cas. L’heterosexualite n’est guere un invariant culturel.
        Pouvez-vous expliciter en quoi je demolis la psychologie evolutionniste? J’ai lu “The Moral Animal” il y a deja plusieurs annees et je ne me souviens pas avoir ete choque a l’epoque de la contradiction.

        1. 1/ Le sport peut être organisé autrement que par catégories de sexe sans pour autant que tout le monde concourre contre tout le monde : voyez par exemple les catégories de poids dans les sports de combat. Si vous voulez aller un peu au-delà des fausses évidences sur ce sujet, lisez le livre d’Anaïs Bohuon http://www.editions-ixe.fr/content/le-test-de-f%C3%A9minit%C3%A9-dans-les-comp%C3%A9titions-sportives .

          2/ J’entends par hétéronormativité le système qui institue la sexualité, la conjugalite et la parentalité hétérosexuelles en tant que normes ou en tant que supérieures à leurs équivalents non hétérosexuels.
          Si je vous ai bien compris, vous dites que la croyance dans le fait qu’il y a une part d’inné dans les différences psychologiques entre hommes et femme est celle sur laquelle sont « basées toutes les sociétés humaines depuis le debut de l’humanité ». Je vous ai donc fait remarquer que ce faisant vous démolissiez non pas “la psychologie évolutionniste”, mais “l’argument des psychologues évolutionnistes qui déduisent du constat de certaines constantes trans-culturelles l’existence d’une cause biologique; si la culture sexiste/hétéronormative est si partagée et ce de tout temps, pas étonnant que de telles constantes existent”.

          1. “Le sport peut être organisé autrement que par catégories de sexe sans pour autant que tout le monde concourre contre tout le monde : voyez par exemple les catégories de poids dans les sports de combat.”
            “Par exemple” comme s’il y en avait beaucoup d’autres, a part le poids qui concerne une minorite de sports et l’age que j’ai deja mentionne. Vous savez surement que les categorie de poids ne concernent que tres peu de sports, parmi lesquels les sports de combat qui, lorsqu’ils sont pratiques de maniere professionelle (boxe, UFC) ne decretent nullement l’egalite des remunerations par principe (oui ou non?). On peut estimer que 2 categories de poids font exactement le meme travail, le nombre de rounds en boxe anglaise ou UFC ne dependant jamais du poids mais de l’enjeu (title fight). En revanche le tennis feminin se joue au meilleur des 3 sets alors que le tennis masculin se joue au meilleur des 5 sets, bizarre? On note la tendance generale du public a payer plus pour voir des poids lourds (Brock Lesnar rapporte plus que Ujirah Faber). En meme temps Mayweather n’est pas un poids lourd mais il est tellement dominant qu’il est le boxeur le mieux paye du monde donc rien n’interdit que le tennis feminin interesse plus que le tennis masculin mais en ce moment ca ne semble pas etre le cas (entrons dans une etude chiffree sur le temps d’antenne et les prix des billets). En tout cas, il n’y a aucune raison de decreter “par principe” que les dotations des tournois femme et homme devraient etre strictement identiques. Pour en revenir aux categories, je m’interogeais precisement sur les raisons pour lesquelles la categorie “senior” et “junior” ne seraient pas en droit de reclamer au meme titre que les femmes la meme dotation que le tournoi homme principal? Ce n’est pas le cas mais je suis sur que vous vous battez becs et ongles pour cette egalite. De plus, je disais que le sexisme venait non pas des joueurs qui se plaignaient d’une injustice mais des joueuses elles-meme qui admettaient implicitement etre moins fortes au tennis que les hommes puisqu’elles ne souhaitaient pas concourir dans le meme tournoi (oui ou non?). Drole de notion d’egalite. Il me semble que lorsque les negro leagues se sont arretees aux US, c’etait pour avoir une seule league mais vous connaissez le baseball surement mieux que moi. Apparemment l’egalite entre noirs et blancs ne se materialise jamais par 2 competitions separes pour les noirs et les blancs offrant les memes prix mais plutot une seule ligue. Aucun sport ne fait plus de distinction sur la couleur de peau, bien heuresuement tout le monde concourre ensemble, c’est ca l’egalite. Simple. Mais pour en revenir au sujet qui nous concerne, vous nous dites donc que tous les sports devraient avoir des categories avec des prix equivalents pour chaque categorie. Le poids etant un element assez critique du velo, vous proposez un tour de France pour les plus de 85kgs qui offre le meme prix au vainqueur que le tour de France pour les moins de 85kgs, c’est bien ca?

            1. Ce sujet n’a vraiment rien avoir avec ce dont je parle dans mon article, et je n’ai ni le temps ni le souhait d’en discuter ici.
              Par ailleurs, vous m’attribuez des pensées, des combats et même des propos qui ne sont pas les miens, ce qui commence à devenir désagréable :
              – je n’ai jamais dit (ni pensé) que “tous les sports devraient avoir des categories avec des prix equivalents pour chaque categorie”,
              – je ne me bats pas pour que les dotations des tournois sportifs soient les mêmes pour les femmes et les hommes ni n’adhère à l’idée qu’il faudrait imposer qu’elles soient les mêmes,
              – lorsque j’évoque le sexisme je ne pense pas spécialement aux préjugés des hommes sur les femmes ou aux discriminations des hommes envers les femmes, mais fais référence aux préjugés concernant les femmes et les hommes, ceux-ci étant répandus chez les femmes comme chez les hommes, de même que les discriminations d’ailleurs.

    1. Je découvre ce blog avec intérêt, et je dois dire que votre argumentaire, Arnaud, est d’un tel niveau intellectuel que je me demande bien pourquoi vous venez lire ici ? enfin, si tant est que vous ayez tout lu, mais je ne pense pas que vous l’ayez fait. Ou alors c’est carrément du masochisme (mais votre droit, malgré tout).

  16. Le reportage ne défendait pas mordicus l’étude de Baron-Cohen, et surtout appliquez donc la même rigueur aux tenants du genre qui eux ne s’embarrassent pas de données expérimentales! Enfin le principal argument du reportage est que plus un pays est “moderne”, et donc égalitaire, moins els femmes embrassent les branches techniques, c’est bien ça la grande question amenées par ce reportage, démontez donc cela aussi… On rediscutera ensuite…

    1. Cher Carlos, je vous invite à visionner à nouveau le documentaire (plutôt que reportage) d’Eia, et vous verrez que les travaux de Baron-Cohen constituent son argument clé. Comme Eia l’explique à partir de la minute 14:30, il y a plein d’études du type de celle de Richard Lippa qu’il choisit de mettre en avant, mais il est forcé de conclure : “Lippa’s study suggest that there are innate differences. But it’s not a proof.” Vers quoi se tourne-t-il alors pour rechercher une preuve ? Les différences “précoces” et la recherche de liens avec le niveau prénatal de testostérone. C’est là qu’arrive l’interview de Baron-Cohen, véritable point d’orgue du film (min 20:26 et suivantes) : “he has discovered important differences in gender from the very birth”, prétend Eia avant de donner l’occasion à Baron-Cohen d’exposer ses hypothèses de recherche et les résultats aussi douteux que peu concluants de ses recherches comme s’il s’agissait de faits établis. Eia en conclut que “testosterone level gives us early different interests and qualities” et que cela semble expliquer les différences qu’il expose au début du film dans les choix de métiers : “It seems that differences in hormone levels create the differences we see”. Je n’ai pour l’instant consacré un article du présent blog qu’à l’étude de Baron-Cohen sur les “differences in gender from the very birth”, mais j’écrirai également sur l’autre de ses études évoquée dans le film et sa prétention à avoir démontré ce qu’il avance (“even if you ignore what sex somebody is and just look at their hormone levels, you can predict their pattern of interest” !!) car ça vaut son pesant de cacahuètes.

      Par ailleurs, loin de ne pas s’embarrasser de données expérimentales, les chercheurs qui travaillent sur le genre ont au contraire accumulé une telle masse de données d’observation et d’expérience mettant en évidence la malléabilité des différences comportementales et cognitives entre les sexes que même les chercheurs les plus engagés dans la recherche de déterminants biologiques de ces différences admettent que la contribution de la culture genrée à leur construction est indéniablement importante. Il leur reste à prouver que des différences biologiques innées y contribuent aussi, via des mécanismes biologiques de “sexuation” du comportement, ce qu’ils ont à ce jour échoué à faire.

      Enfin, l’idée que plus un pays est égalitaire, moins les femmes embrassent les branches techniques n’est pas le principal argument du film mais le pseudo-constat dont part Eia et qu’il prétend expliquer par des différences de prédispositions d’origine biologique. Commencez par m’indiquer les références d’une recherche empirique montrant que “plus un pays est égalitaire, moins les femmes embrassent les branches techniques” : on rediscutera ensuite…

  17. Bonjour !

    merci de cette dissection magistrale, pour reprendre les propos de quelqu’un qui m’a fait découvrir votre site.

    Dans les commentaires, vous parliez d’une constante transculturelle sur la répartition des rôles en fonction du sexe, ce que le documentaire reprend.

    Comment expliquez-vous cette donnée retrouvée régulièrement, autrement que par la biologie ? y a-t-il un construit social analytique et non systémique (comme certaines recherches dérivées de la mémétique semblent y faire penser) ou est-ce que vous avez une autre interprétation ?

    1. Je ne parle pas d’ “une constante transculturelle dans le répartition des rôles”, mais des “psychologues évolutionnistes qui déduisent du constat de certaines constantes trans-culturelles l’existence d’une cause biologique”, et pour que les choses soient bien claires, précisons que “trans-culturelles” ne signifie pas “universelles” dans ce contexte mais seulement observées, selon des méthodologies incorporant parfois des risques de biais importants, dans un certain nombre de cultures différentes.
      Quant aux explications autres que biologiques, ça dépend des régularités (plutôt que constantes, le mot était mal choisi) dont on parle, mais il y a en a au moins une que j’ai proposée dans le commentaire auquel vous faites allusions : voir http://allodoxia.odilefillod.fr/2013/10/04/sexes-mensonges-et-video-baron-cohen/#comment-1677.

  18. Bonjour et merci pour cet article et votre travail de décorticage en particulier que je prend comme des tutoriels de débunkage d’étude.
    Vous dites que l’expérience sur les bébés de Baron simon Chohen n’ont pas été répliquées et j’ai discuté avec Franck Ramus qui m’a dit faire lui même la même expérience (avec des bébés de 3 à 5 mois cependant et avec l’usage d’un écran) avec des réslutats identiques, je lui demande en même temps que je vous laisse ce commentaire s’il peut me donner un lien vers les publis d’autant qu’il dit que ça a été répliqué plusieurs fois avec les mêmes résultats. Sauriez vous retrouver la trace de ces publis, s’il elles existent?
    Merci d’avance 🙂

    1. Pardon, je découvre votre commentaire seulement aujourd’hui. Je dis que l’expérience de Simon Baron-Cohen dont je parle ici n’a pas été répliquée, comme me l’a confirmé par mail Baron-Cohen lui-même. Si quelqu’un prétend le contraire, qu’il ou elle indique les références des articles rapportant les résultats de ces soi-disant réplications. Je serais tout de même très étonnée que Baron-Cohen n’en ait pas entendu parler, et que cet ou ces article(s) ne cite(nt) pas celui de Baron-Cohen (au moment où j’ai écrit le présent billet, j’ai épluché TOUS les articles référencés dans le Web of Science le citant, or non seulement aucun ne constituait une réplication, mais aucun n’évoquait l’existence d’une réplication).
      Une expérience avec des bébés de 3 à 5 mois ne saurait en aucun cas être une réplication de cette expérience de Baron-Cohen (sans compter qu’il faut regarder de près la nature des stimuli utilisés dans ces autres expériences). Le point crucial dans cette expérience est en effet l’idée qu’une différence existe déjà à l’âge d’un ou deux jours (c’est-à-dire au bout de seulement un à deux jours de socialisation différentielle ;)).
      Si Franck Ramus prétend que ces résultats ont été répliqués plusieurs fois, qu’il nous donne les références.
      PS1 : mail reçu de Baron-Cohen le 5 juin 2013 : “i’m not aware of any attempt to replicate that study.”
      PS2 : j’avais envoyé dans la foulée un mail à Martine Fournier pour l’informer que j’allais publier un article sur mon blog au sujet de cette étude et lui demander ce qui l’avait amenée à affirmer que l’étude avait été reproduite plusieurs fois. Il est resté lettre morte, mais peut-être ne l’a-t-elle pas vu passer. Je profite de l’occasion pour réitérer ma question.

  19. Je ne comprends pas cette obsession du déni scientifique. Si la biologie prouve que nous sommes naturellement égoïstes, par exemple, cela signifiera qu’il faut éduquer les enfants à l’altruisme au lieu de s’attendre à ça vienne naturellement. Cela ne signifiera pas qu’il faut accepter l’égoïsme.

    Il me semble que c’était le message des documentaires de Harald Eia : à quoi bon nier des différences naturelles évidentes pour des raisons idéologiques, même louables. Au contraire, l’idéologie devrait prendre en compte les résultats scientifiques pour déterminer des politiques compensatoires équitables. Dans le volet sur l’homosexualité, il montre que certains biologistes dont les travaux indiquent une origine génétique de l’homosexualité sont eux-mêmes des homosexuels heureux, et l’un d’eux ajoute que l’homosexualité fait moins peur au grand public quand on dit qu’elle est causée par des dispositions innées. Les parents, notamment, ont moins peur que leurs enfants ne soient “contaminés” par des enseignants homosexuels si l’homosexualité est innée.

    Dire que la société doit être équitable parce que la nature est équitable est aussi fallacieux que dire que la société doit être inéquitable parce que la nature est inéquitable. Prendre un argument descriptif pour un argument normatif est illégitime dans les deux sens. Dire qu’il ne faut pas d’homosexualité dans la société parce qu’on n’en voit pas dans la nature était un sophisme naturaliste. Dire qu’on accepte l’homosexualité dans la société parce qu’on en observe dans la nature est un autre sophisme naturaliste. Un mauvais argument reste un mauvais argument même s’il sert une cause juste.

    Quand bien même la biologie prouverait qu’il n’y a aucune différence innée entre les hommes et les femmes, on pourrait en souhaiter dans la société par choix idéologique nauséabond. Dans la nature, il y a des maladies, mais dans la société, on n’en veut pas. Il serait ridicule de prétendre qu’il n’y a pas de maladies dans la nature pour justifier que vous voulez être en bonne santé.

    Comprenez-moi : je suis athée, de gauche et anti-sexiste, mais je préfère l’être pour de bonnes raisons. Je ne suis pas obligé d’être dans le déni scientifique pour justifier des choix politiques et revendiquer une égalité d’opportunité pour tous les individus, surtout ceux traditionnellement discriminés, femmes, homosexuels, noirs et handicapés compris. Vous n’organiserez jamais de jeux paralympiques si vous postulez que les hémiplégiques courent aussi vite que tout le monde.

    En plus, cela procède du vieux fantasme qui nous fait nous considérer nous-mêmes, humains, comme au dessus de notre nature. Comme si nous n’étions pas des animaux. Comme si notre conscience n’était que pur esprit, asexué, affranchi des contingences matérielles de notre corps. Nous sommes des animaux, issus de l’évolution darwinienne par mutations aléatoires et sélection naturelle, n’en déplaise aux églises.

    Il est évident qu’il existe des différences fonctionnelles biologiques entre les cerveaux car, sans variabilité, pas d’évolution possible. Le cerveau humain n’a pu se développer que parce que ceux qui avaient les meilleurs cerveaux ont eu plus de descendants. Ardoise vierge, certes, mais tout le monde n’a pas la même ardoise. Il en existe des grandes et des plus petites, des lisses et des rugueuses. Sinon, nous aurions encore des cerveaux de bonobo.

    Les caractères sexuels secondaires (masses musculaires, masses graisseuses, longueur des poils, stature, force physique, trais du visage, etc.) et primaires (organes génitaux) se sont développés sous l’effet de pressions sélectives. Il est illégitime de postuler sur des bases idéologiques que notre organe le plus coûteux, notre cerveau, aurait été immunisé contre ces pressions. On peut considérer qu’à l’heure de la contraception, des emplois de bureau et des états organisés nous pouvons nous affranchir de nos différences naturelles, sans se ridiculiser à prétendre qu’elles n’existent pas.

    Votre article n’est qu’un immense sophisme naturaliste qui décrédibilise de nobles causes. C’est déplorable.

    1. Je note que vous n’avez rien de factuel à opposer à mes arguments, juste des objections qui sont censées relever de la logique. Reprenons-en quelque-unes :

      – “si la biologie prouve que […] cela signifiera que” : justement, elle ne prouve rien concernant les différences comportementales entre les sexes évoquées dans ce documentaire. Jusqu’à ce jour, les nombreuses tentatives faites depuis des décennies pour tenter de prouver qu’il y a une part de naturel dans ces différences ont au contraire échoué à mettre en évidence l’existence d’une telle part ;

      – “à quoi bon nier des différences naturelles évidentes” : il serait bien sot de s’enfoncer dans le déni de la réalité, mais jusqu’à preuve du contraire, les différences en question ne sont “évidemment” naturelles que pour ceux qui le croient ; c’est une simple croyance et non la réalité. Je ne “nie” donc rien, puisqu’on ne “nie” pas une croyance. Je conteste la validité des prétendues preuves scientifiques qui sont avancées à l’appui de cette croyance ;

      – “que la société doit être équitable parce que la nature est équitable est fallacieux” : je dirais même plus, c’est totalement stupide, et je n’ai jamais écrit ni pensé une idiotie pareille ;

      – “Dire qu’il ne faut pas d’homosexualité dans la société parce qu’on n’en voit pas dans la nature était un sophisme naturaliste. Dire qu’on accepte l’homosexualité dans la société parce qu’on en observe dans la nature est un autre sophisme naturaliste.” : même remarque. Merci de ne pas m’attribuer ces sophismes ;

      – “cela procède du vieux fantasme qui nous fait nous considérer nous-mêmes, humains, comme au dessus de notre nature”, “Comme si notre conscience n’était que pur esprit”, “Nous sommes des animaux”, bla bla bla : c’est le sophisme habituel selon lequel si on met en question le caractère naturel d’une différence entre hommes et femmes pour une caractéristique donnée, alors c’est qu’on nie que la nature a la moindre part dans la construction de cette caractéristique chez un individu. Pour vous sortir de ce paralogisme, allez donc lire mon article sur le débat inné/acquis ;

      – “Il est évident qu’il existe des différences fonctionnelles biologiques entre les cerveaux car, sans variabilité, pas d’évolution possible”, “tout le monde n’a pas la même ardoise”, “Sinon, nous aurions encore des cerveaux de bonobo” : vous confondez la variabilité génétique intra-humaine actuelle avec celle qui a historiquement été nécessaire pour qu’une évolution naturelle nous ait conduit à avoir un cerveau très différent de celui du bonobo (qui n’est pas notre ancêtre mais avec qui nous partageons un ancêtre commun proche), or ça n’a rien à voir ;

      – “Les caractères sexuels secondaires […] et primaires (organes génitaux) se sont développés sous l’effet de pressions sélectives. Il est illégitime de postuler sur des bases idéologiques que notre organe le plus coûteux, notre cerveau, aurait été immunisé contre ces pressions” : quel beau sophisme, qui mélange tout encore une fois ! Appliquons votre raisonnement à un autre exemple : “les différences de couleur de peau, de pilosité, de stature, de traits du visage, etc, entre populations africaines et européennes se sont développées sous l’effet de pressions sélectives. Il est illégitime de postuler sur des bases idéologiques que notre cerveau aurait été immunisé contre ces pressions. Donc les différences moyennes de réussite scolaire, de choix de métier ou de comportement qui peuvent être observées dans notre pays entre “blancs” et “noirs” sont au moins en partie des “différences naturelles évidentes”. Vous trouvez ce raisonnement convainquant ? Pas moi.

      1. Vous n’avez rien compris, mais ça ne me surprend pas. Vos biais idéologiques vous aveuglent depuis le début et jouer la carte de l’offensée ne vous mènera nulle part.

        Reprenons : si une étude sérieuse prouvait que les Bretons sont génétiquement moins intelligents que les autres Français, qu’est-ce que vous feriez ? Vous nieriez cette étude de toutes vos forces et donneriez le même enseignement à tout le monde. Je proposerais des cours complémentaires aux Bretons pour compenser cette inégalité. J’obtiendrai une société plus juste et vous entérineriez ces inégalités. Le déni scientifique n’est pas la bonne méthode pour prendre de bonnes décisions politiques. La biologie se fiche d’être choquante à vos yeux. Vous nous menez dans le mur.

        1. Je viens de trouver cette réponse dans la corbeille du blog, où la modération du Monde.fr l’avait mise. Il est vrai que ça vole bien bas… Je préfère la repêcher et la rendre publique afin que chacun puisse juger de la qualité de votre argumentaire. Je trouve ça assez éclairant. PS : pour répondre à votre question au sujet des Bretons, sachez que je ferais comme vous.

  20. Pour info, l’instrumentalisation par la sphère catholique conservatrice de ce documentaire (et des intox charriées avec lui) continue. Voir cet article publié par la rédaction brésilienne d’Aleteia, le site d’évangélisation financé par le Vatican : https:// pt.aleteia.org/2017/09/08/documentario-noruegues-abala-credibilidade-da-ideologia-de-genero/

  21. “Une majorité de filles sans préférence pour le visage, une majorité de garçons sans préférence pour le mobile”
    “il est certes exact que davantage de garçons que de filles ont manifesté une « préférence » pour le mobile, et que davantage de filles que de garçons ont manifesté une « préférence » pour le visage.

    L’auteur critique l’étude, mais il nous dit une chose et son contraire dans un numéro d’équilibriste qui trahit un certain dogmatisme.

    Je trouve beaucoup plus manipulateur la façons dont il re-présente les chiffres:
    57% n’ont pas préféré le mobile 64 % n’ont pas préféré le visage omet complément la question qui nous intéresse à savoir, quand il y a une préférence que choisissent les filles, que choisissent les garçons?

    Pour être honnête la formulation correcte devrait être:
    Pour un peu plus de la moitié des cas il n’y pas eu de préférence. Quand il y a une préférence les garçons choisissent 2 fois plus le mobile. Les filles choisissent 2 fois plus le visage.

    Je trouve la différence significative pour des nouveau nés.

    1. Dans le paragraphe que vous citez je ne prétends à aucun moment donner “la” bonne présentation des chiffres, ou “la formulation correcte” de ces chiffres, pour reprendre votre terminologie. Je parle d’une “autre facette” des résultats, signalant qu’ils auraient “aussi” pu être présentés sous cet angle. Cette présentation alternative permet surtout de souligner, comme je l’ai écrit, que les résultats interdisent rigoureusement toute formulation dichotomique du type « les filles ont préféré le visage » ou « les garçons ont préféré le mobile », puisque c’est faux pour un grand nombre (et même la majorité) d’entre eux.

      En ce qui concerne “la formulation correcte” selon vous, disons que s’il s’agissait de répondre à la question que vous formulez, elle serait correcte :
      – en écrivant “un peu plus de la moitié des garçons et près des deux tiers des filles” plutôt que “un peu plus de la moitié des cas”,
      – si vous ne parliez pas de “choix” ni de “préférence”, notions qui comme je l’explique dans mon billet, ne correspondent en fait pas vraiment à la mesure qui a été utilisée dans l’étude.

      Pour ce qui est de la notion de “différence significative”, je rappelle qu’il s’agit d’une notion de statistique qui n’a aucun sens employée comme vous le faites. Vous pouvez trouver cette différence “notable”, ou dire que son ampleur est suffisante pour avoir des conséquences notables dans la vraie vie, ça oui. Si le résultat de cette étude foireuse était un jour répliqué et non explicable par les divers biais que j’ai évoqués, cela mériterait effectivement d’être pris en considération dans les réflexions concernant le développement des différences comportementales entre femmes et hommes.

      A part ça, merci d’éviter le recours aux accusations vagues et critiques infondées (“dit une chose et son contraire”, “dogmatisme”).

  22. Salut,
    Je lisais un petit peu par curiosité, et il ne me semble pas y avoir d’erreur dans la mention du degré de liberté. Il est de 100 parce qu’ils observent simultanément les mâles et les femelles sur des mesures répétées de mobile et de visage.
    Pour le reste du protocole, je crois que je vais m’abstenir de commenter.

    1. Comme je l’ai indiqué, le problème est que “dans le calcul de la significativité statistique de l’écart entre temps passé à fixer le mobile et temps passé à fixer le visage par les filles, les auteurs ont repris le même nombre de degrés de libertés que pour le calcul de l’écart entre filles et garçons, soit 100 alors qu’ils auraient du prendre 57”.
      Le nombre de degrés de liberté est donc effectivement correct dans le t-test comparant les % de temps passés entre garçons et filles, car dans ce cas df = 58 + 44 – 2 = 100 (je n’ai jamais dit le contraire), mais pas dans celui comparant les % de temps passés chez les filles entre visage et mobile, car dans ce cas on a df = 58 – 1.

      1. Assurément.
        Si les chercheurs se sont contentés de tester les relations simples mâles.mobile vs. femelles.mobile et ensuite femelles.visage vs. femelles.mobile après leur ANOVA, alors non seulement ils ont reporté le mauvais degré de liberté dans ce dernier cas (qui, effectivement, devait être 57) mais surtout ils ont omis de mentionner les significativités des deux autres relations mâles.visage vs. femelles.visage et mâles.visage vs. mâles.mobile. Par exemple, dans un tableau exhaustif.
        Or, ce qui me semble possible pour rétablir une certaine cohérence, c’est que les chercheurs ont testé ces relations non pas dans l’absolu mais eu égard aux relations symétriquement observées.
        mâles.mobile vs. femelles.mobile | mâles.visage vs. femelles.visage
        et
        femelles.visage vs. femelles.mobile | mâles.visage vs mâles.mobile
        Ceci permettrait d’expliquer à la fois pourquoi il n’y a que deux significativités mentionnées et pourquoi on conserve un degré de liberté de 100. C’est aussi normalement plus robuste.
        Encore faudrait-il pouvoir mettre la main sur le dataset en question et refaire l’analyse.

        1. 1) Les chercheurs n’ont pas testé que les deux première relations simples que vous mentionnez : ils les ont testées toutes les quatre, et dans leur grande malhonnêteté intellectuelle, ils n’ont fait état dans le texte de l’article que de ces deux-là car les autres n’ont pas donné de différence statistiquement significative (puis ils ont reformulé le tout de manière complètement ambiguë dans l’abstract). Ce n’est pas une omission, c’est un camouflage volontaire. Pour la même raison, ils n’ont pas non plus inclus dans l’article de tableau exhaustif des différents tests.

          2) Ils n’ont pas seulement “reporté le mauvais degré de liberté”. Ils ont bel et bien CALCULE leur t-test avec 100 au lieu de 57, et en ont déduit le p = .02 rapporté dans l’article. Je l’ai recalculé avec df = 100, ce qui donne 0.044.

          3) Les chercheurs ont tripoté leurs données dans tous les sens mais n’ont pas fait ce qu’il vous “semble possible pour rétablir une certaine cohérence” : ce n’est pas ce qui est rapporté dans l’article (“The interaction was investigated using t tests which demonstrated that males looked significantly longer at the mobile than females did (t = 2.3, df. = 100, p = 0.02) and also that females looked longer at the real face than at the mobile (t = 2.4, df. = 100, p = 0.02).”). Votre hypothèse ne permet donc pas d’expliquer quoi que ce soit à mon sens.

          4) Comme je l’indique dans l’article, il n’y a aucune chance de mettre la main sur les données brutes pour refaire l’analyse : “Baron-Cohen, Connellan, Batki et Ahluwalia m’ont tout.e.s répondu qu’ils ne les avaient pas gardées, et Baron-Cohen m’a dit n’avoir pas non plus gardé de copie électronique du mémoire de master de Connellan qui devait les contenir. Par ailleurs, cette dernière a cessé de répondre à mes mails lorsque je lui ai demandé si elle pouvait m’envoyer son mémoire, de même que Baron-Cohen a cessé de répondre à mes mails lorsque j’ai insisté pour récupérer soit ces données (dont il m’avait dit dans un premier temps qu’elles étaient comme il se doit bien archivées quelque-part), soit ce mémoire (dont il m’avait dit dans un premier temps qu’il pourrait peut-être retrouver une copie papier en cherchant bien).” Quel dommage, n’est-ce pas, et comme c’est étonnant que les données d’une étude si fondamentale (il faut croire, vu comme Franck Ramus et tant d’autres s’en sont servi à gogo comme argument choc), et si unique (puisque jamais répliquée) soient ainsi indisponibles ?

          1. PS sur 3) : de plus, si votre hypothèse était correcte, Baron-Cohen m’aurait donné cette explication, or ce n’est pas ce qu’il a fait. Il s’est contenté de prétendre que les stats avaient été validées par des personnes compétentes et que prendre df=100 pour le test en question était donc correct, malgré l’énormité de cette affirmation.

          2. Alors, tout d’abord, pour répondre à votre message de prévenance de réponse, je ne cherche pas à « sauver » l’étude. Même si personnellement, dans ces matières, j’ai plutôt un tropisme pour les éclairages des époux B. Weinstein et H. Heying ou m’octroie même parfois un petit ‘guilty pleasure’ devant une vidéo de Jordan Peterson, ici, c’est davantage la démarche empruntée qui a attisé ma curiosité. L’étude en elle-même est datée, elle est courtement écrite, et on reste dubitatif quant au protocole utilisé. Et surtout, c’est sur ce blog que je l’ai découverte !
            Concernant les t-tests, étant donné que nous disposons des écarts-types, je les ai rapidement refaits là où c’était possible. J’aurais peut-être dû commencer par là. Sauf erreur, on peut utiliser le calcul dans google, après t =, pour vérifier vite fait.

            t-test de mâles.mobile vs femelles.mobile
            n1 (mâles) = 44 ; X̅1 (mâles) = 51.9 ; s1 (mâles) = 23.3 ; n2 (femelles) = 58 ; X̅2 (femelles) = 40.6 ; s2 (femelles) = 25.0 ; df = n1 + n2 – 2 = 44 + 58 – 2 = 100
            t = (X̅1 – X̅2) / (sqrt(((n1 – 1) * s1^2 + (n2 – 1) * s2^2) / df) * sqrt(1/n1 + 1/n2))
            t = (51.9–40.6) / (sqrt(((43*23.3^2)+(57*25.0^2))/100) * sqrt(1/44+1/58))
            t = 2.33 p = 0.0219 ; t (Welch) = 2.35 p = 0.0208

            Vu que la valeur t et la significativité correspondent à celles mentionnées dans l’article, il est effectivement plus probable qu’ils aient simplement testé les relations simples. J’ai aussi testé l’autre relation qui s’avère non significative comme prévu :

            t-test de mâles.visage vs femelles.visage
            n1 (mâles) = 44 ; X̅1 (mâles) = 45.6 ; s1 (mâles) = 23.5 ; n2 (femelles) = 58 ; X̅2 (femelles) = 49.4 ; s2 (femelles) = 20.8 ; df = n1 + n2 – 2 = 44 + 58 – 2 = 100
            t = (X̅1 – X̅2) / (sqrt(((n1 – 1) * s1^2 + (n2 – 1) * s2^2) / df) * sqrt(1/n1+1/n2))
            t = (45.6–49.4) / (sqrt(((43*23.5^2)+(57*20.8^2))/100)*sqrt(1/44+1/58))
            t = -0.86 p = 0.3897 ; t (Welsh) = -0.85 p = 0.3980

            En revanche, pour les tests à mesures répétées, nous ne pouvons pas les refaire ! Il nous faut les différences individuelles pour connaître les écarts-types adaptés. Ici, j’ai volontairement commis le test de manière erronée pour voir si c’est ce que les auteurs avaient fait.

            t-test de femelles.visage vs femelles.mobile [erroné]
            n (femelles) = 58 ; X̅1 (femelles.t1) = 49.4 ; s1 (femelles.t1) = 20.8 ; X̅2 (femelles.t2) = 40.6, s2 (femelles.t2) = 25.0, df = 2n – 2 = 2*58 = 114
            t = (X̅1 – X̅2) / (sqrt((s1^2+s2^2)/2) * sqrt(2/n))
            t = (49.4–40.6) / (sqrt((20.8^2+25.0^2)/2) * sqrt(2/58))
            t = 2.06 p = 0.0416 (p = 0.0419 avec df = 100) ; t (Welsh) = 2,06 p = 0.0417 (p = 0.0419 avec df = 100)

            Les valeurs ne correspondent pas donc ils ont sans doute effectué un test à mesures répétées avec df = 57
            Là où je suis complètement en désaccord avec vous, c’est lorsque vous projetez des accusations de manipulations intentionnelles. Le df = 100 est plus sûrement un typo, il y a très peu de chance en fait que le calcul de la valeur t et sa significativité aient été impactés ou modifiés. Les chercheurs n’ont probablement pas eu à encoder eux-mêmes leur df. C’est un petit peu comme si je mettais le doute sur l’ensemble de votre raisonnement parce que vous avez écrit « Lutchamaya » au lieu de « Lutchmaya » à deux reprises dans votre post plus récent sur les digit ratios. C’est anecdotique.
            Pareil en ce qui concerne les tests non publiés. Certes, ce n’est pas glop, certes un tableau exhaustif aurait été bienvenu mais le phénomène des « file drawers » se manifeste par trop souvent pour que l’on puisse y déceler automatiquement un procédé malhonnête.
            Voilà, juste mes deux cents.

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