Boris Cyrulnik : stop ou encore ? (1ère partie)

Dans une récente pastille radiophonique, la distorsion de la réalité opérée par le célèbre médecin a atteint des proportions record. Cette nouvelle prouesse amène à lever le voile sur un trompe-l’œil dont l’étendue et la persistance ne laissent pas d’étonner. Les implications politiques de ses opinions, massivement diffusées sous les atours d’une parole de sagesse pétrie de science et d’humanisme, sont suffisamment sérieuses pour qu’on s’y penche.

Depuis plusieurs années, Boris Cyrulnik dispose d’une carte blanche dominicale bimensuelle sur une radio du service public, via la pastille radiophonique « Histoire d’Homme » de France Info. Multi-diffusée (six fois le dimanche concerné) sur cette radio qui jouit d’une très grande audience [1], sa chronique est également accessible en ligne à tout moment. L’expert tout-terrain est censé rien moins qu’y « expliquer les comportements de société liés à des sujets d’actualité » [2]. Il dispose d’environ trois minutes pour lire son texte, entre la question et les remerciements d’une vétérane du journalisme scientifique ici réduite au rôle de passe-plat.

Dans l’émission du 3 mars 2013, il traitait à sa demande (aux dires de la journaliste) la question de savoir si le cerveau a un sexe. Un sujet d’actualité brûlant s’il en est, et une question à laquelle sa réponse est assurément utile pour « expliquer les comportements de société ».

« Le cerveau a-t-il un sexe ? » : réponse en mars 2013

Après avoir mis en avant l’apport de Broca et la « neurologie clinique » pour l’étude scientifique de ce type de questions, ancrant ainsi symboliquement son propre discours dans cette discipline, voici ce qu’il répond :

« Récemment, Doreen Kimura, une Canadienne, a dit qu’il y avait de très grandes différences entre le cerveau des hommes et le cerveau des femmes. Alors elle a provoqué l’explosion de Catherine Vidal, qui est une neurobiologiste parisienne, mais son argument dit : “Doreen Kimura est une scientifique d’extrême droite, donc ses arguments n’ont pas de valeur”. A ce compte-là, Alexis Carrel, qui a eu un prix Nobel pour avoir inventé la suture des vaisseaux, qui aurait mérité un autre prix Nobel pour avoir inventé la culture des tissus […] aurait aussi mérité un procès pour avoir proposé des chambres à gaz afin d’éliminer les épileptiques, les malades mentaux, et ceux qui troublent l’ordre public. Récemment, Judith Butler, une Américaine, dit que la biologie n’existe pas et que seul le genre existe, et qu’il n’est que façonné par la culture. Elle reprend ainsi Simone de Beauvoir : “on ne naît pas femme, on le devient”, ce qui implique que seuls les hommes restent à l’état de nature et ne deviennent pas hommes. Et puis très récemment, une femme, Camille Paglia, professeure de neurologie à l’université de Philadelphia, où j’ai été invité, écrit : “le féminisme est devenu un bac à légumes où des bandes de pleureuses déposent leurs névroses pourrissantes”. C’est-à-dire qu’on est passionné, et on prend des positions radicales et violentes alors qu’on n’a pas encore beaucoup de connaissances et que le problème est passionnant. Alors, c’est sûr que le génétique existe, mais un gène n’est pas un destin, puisqu’on sait maintenant qu’à partir d’un nombre limité de lettres du programme génétique, on peut écrire un nombre infini de romans différents. On sait aussi que les hormones façonnent : pendant la grossesse, le cerveau des enfants est sculpté par la testostérone ; que les petites filles qui ont des maladies des surrénales et qui sécrètent beaucoup de testostérone acquièrent des comportements qu’on appelle de garçon manqué, ce qui n’est pas une maladie. On sait maintenant que l’ocytocine, que sécrètent beaucoup les femmes, est une hormone du plaisir, et qu’il y a des récepteurs cérébraux qui augmentent l’attachement, alors que la vasopressine est une neurohormone sécrétée plutôt par les hommes, qui les encourage plutôt à passer à l’action. […] » (B. Cyrulnik le 3 mars 2013, écouté ici le 13 mai 2013)

Camions, poupées, bac à légumes et ratatouille

Remarquons pour commencer que son argument ressemble fichtrement à celui de Jean-François Bouvet dans l’introduction de Le camion et la poupée (Flammarion, 2012, p.10-11) :
« A ma droite […] la psychologue canadienne Doreen Kimura […] A ma gauche […] Judith Butler […] Entre les deux, la neurobiologiste Catherine Vidal […] Et puis, hors catégorie, l’inclassable Camille Paglia […] “Le féminisme est devenu une sorte de bac à légumes dans lequel des bandes de pleureuses opiniâtres peuvent indifféremment entreposer toutes leurs névroses pourrissantes”, écrit-elle dans Vamps & Tramps… ».

La ressemblance entre les deux rhétoriques résulte d’autant moins probablement d’une coïncidence que Boris Cyrulnik a évoqué ce livre dans son autre chronique de mars 2013 sur France Info, consacrée à la question de savoir « pourquoi les garçons préfèrent les voitures quand les filles préfèrent les poupées » (la formulation de la question, avec son affirmation de préférences caricaturales totalement contredite par la littérature scientifique, laissait déjà deviner la réponse qu’il entendait y donner). On peut néanmoins se demander s’il a vraiment lu le livre de Jean-François Bouvet, et ce pour deux raisons.

Premièrement, lors de cette autre chronique il invoque ce livre d’un « neurobiologiste » mais enchaîne en ne citant que des observations éthologiques et ethnographies qui n’y figurent pas. Ainsi, c’est seulement via le récit romancé d’informations grappillées ça et là concernant les macaques d’une île japonaise, les enfants-soldats de Colombie et des ex-médaillées aux jeux olympiques qu’il conclut audacieusement : « donc […] le genre n’est pas que déterminé par la culture » [3]. On note au passage qu’avant de développer ce récit qui n’a rien à voir avec le livre invoqué, Boris Cyrulnik présente Jean-François Bouvet comme étant neurobiologiste bien qu’il ne le soit pas, ni d’ailleurs qu’il ne prétende l’être [4] : comme avec Broca plus haut, ce petit arrangement avec la réalité lui permet d’ancrer symboliquement son discours dans les sciences du cerveau.

Deuxièmement, s’il avait bien lu Jean-François Bouvet il n’aurait peut-être pas commis l’erreur d’affirmer que Camille Paglia est « professeure de neurologie à l’université de Philadelphia ». Titulaire d’un doctorat en lettres, elle est en réalité professeure en humanités et étude des médias à l’Université des Arts, une faculté sise à Philadelphie. Du reste, le rattachement de Camille Paglia à cette université n’a aucun lien avec sa renommée, bâtie par ses prises de positions de « féministe iconoclaste » et sa posture de « reine de la transgression intellectuelle » pour reprendre les mots de Jean-François Bouvet, ou pour le dire plus crûment par son art de l’agit-prop trash qui s’est particulièrement épanoui à partir de la publication en 1990 du livre tiré de sa thèse [5]. Franchement, il n’était pas nécessaire de la faire passer pour encore plus radicale que ce qu’elle est en transformant son « peuvent entreposer leurs névroses pourrissantes » (correctement cité par J-F. Bouvet) en « entreposent leurs névroses pourrissantes », nuance qui a son importance et dont la suppression n’est sans doute pas fortuite.

Sa boulimie de réappropriation de tout ce qui lui tombe sous la main dès lors que ça peut conforter son opinion, suivant ce qu’il appelle la « stratégie de la ratatouille » [6] assez bien illustrée par l’exemple macaques/enfants-soldats/athlètes ci-dessus, ne laisse semble-t-il pas le loisir à Boris Cyrulnik de remonter aux sources de ce qu’il utilise. Ainsi, lorsqu’il dit que c’est « très récemment » que Camille Paglia a écrit cette fameuse phrase sur le féminisme, il se (et nous) trompe à nouveau. La traduction française du recueil de ses textes intitulé Vamps & Tramps est certes parue fin 2009, mais la phrase qu’il cite a été écrite dans Playboy en 1992 [7]. D’un autre côté, il n’est pas impossible qu’il ait arrangé sciemment la description de Paglia : il avait plus de chances de rallier les auditeurs à son point de vue en le situant par rapport aux écrits très récents d’une professeure de neurologie, plutôt que par rapport à ceux tenus il y a 21 ans dans Playboy par la figure de proue du courant libéral de l’anti-féminisme féministe.

Boris Cyrulnik, qui se qualifie lui-même de paresseux contrarié (l’ autodérision est l’un des outils dont il sait user avec art pour augmenter son capital sympathie), ne se fatigue donc pas trop pour bâtir les grandes lignes de sa chronique. Il ne conviendrait pas pour autant de parler de plagiat, car son texte s’écarte notablement de celui de Jean-François Bouvet, et pas seulement par l’introduction des informations erronées qu’on vient de voir.

Instrumentalisation de caricatures de Catherine Vidal et Doreen Kimura 

Sa touche personnelle s’entend par exemple dans la petite pique subliminale visant Catherine Vidal : alors que dans sa bouche Kimura est « canadienne » et Butler « américaine », Vidal n’est pas « française » mais seulement « parisienne », comme si son discours n’était représentatif que d’un petit milieu parisien, voire d’un parisianisme dont les provinciaux (comme lui) resteraient sainement à l’écart. C’est avec la même désinvolture irrespectueuse qu’il la traitait déjà en 2005, dans une chronique suscitée par la parution de son premier livre. Opposant ce dernier à celui de Doreen Kimura publié en 2001 en France, il introduisait en effet sa chronique ainsi : « Pourquoi faut-il que, parmi nous, certains cherchent de manière exaspérée à souligner les différences entre les hommes et les femmes, alors que d’autres s’appliquent de manière désespérée à démontrer qu’il n’y en a pas ? », avant de l’appeler « Catherine Duval » [8].

Endossant le rôle de sage homme exempt du caractère « passionné » de ces quatre femmes aux positions « radicales et violentes », examinant les ressorts de l’ « explosion » de Catherine Vidal avec le recul conféré par son objectivité supposée, Boris Cyrulnik met ici une nouvelle fois en scène l’opposition entre cette dernière et Doreen Kimura. Comme en 2005, il le fait de manière fallacieuse en caricaturant de manière éhontée leurs discours respectifs, et il est intéressant de noter que la manière dont il résume ceux-ci pour les instrumentaliser varie au fil du temps.

En 1994, lorsque Le Nouvel Observateur lui demande si le cerveau d’une fille se développe différemment de celui d’un garçon, il répond par l’affirmative en citant les travaux de Kimura sur les aptitudes verbales et spatiales. Il les instrumentalise alors sans aucune distance critique, en évoquant leur possible « récupération idéologique » par d’autres seulement, et attribue au passage un sexe masculin à Kimura (ceci expliquant peut-être cela). Pire, il attribue à Kimura des résultats qui ne sont pas les siens, et afin de créer l’illusion d’une dichotomie entre cerveaux féminins et masculins il simplifie à outrance ce qu’elle dit [9].

En 2005, voici comment il reformule ce que dit Kimura : « Puisqu’il y a une différence de nature, nous explique Doreen Kimura, psychologue canadienne, on ne peut que se soumettre à ses lois. Inutile donc […] d’orienter les filles vers les disciplines scientifiques, car leur cerveau les prédispose plutôt aux métiers de la parole. » [10]. Notons d’abord que puisqu’il s’agit maintenant de dénigrer Kimura et non plus de vanter ses « recherches très poussées sur la “sexualisation” du cerveau » comme en 1994, il choisit de la qualifier de « psychologue » alors qu’une description correcte serait « chercheuse en neuropsychologie », dont nombre de travaux sont d’ailleurs dans la droite ligne de ceux de Broca. Surtout, Kimura n’a jamais exprimé une position aussi radicale. Elle a seulement lutté contre le principe de discrimination positive en faveur des femmes en sciences, et soutenu qu’il n’était pas utile d’inciter les filles à s’orienter vers ces disciplines si elle ne le faisaient pas spontanément. Son point de vue était qu’il était sans doute naturel qu’il y ait plus d’hommes que de femmes dans les métiers tels qu’ingénieur ou physicien, et qu’il y ait symétriquement plus de femmes que d’hommes par exemple dans les professions médicales, en raison des « facultés de perception » requises [11]. En même temps, si ce qu’exprime ici Boris Cyrulnik est sa conviction que les professions médicales sont des « métiers de la parole » requérant des dispositions opposées à celles requises par « les disciplines scientifiques », ça peut expliquer pas mal de choses.

Quant au livre de Catherine Vidal, voici tout ce qu’il en dit dans cette même chronique de 2005 : « Catherine Duval et Dorothée Benoit-Browaeys démontrent sans peine “l’idéologisation” de ces données neurologiques. »[12]. Outre que son perfide « sans peine » laisse entendre que la valeur ajoutée de la critique de Catherine Vidal est négligeable, il laisse ainsi croire que celle-ci se limite à mettre en évidence l’instrumentalisation idéologique des « données biologiques » censément soulignées par Kimura. Or si Vidal évoque rapidement cet aspect à la fin de son livre, elle s’attache surtout à critiquer la validité des travaux de Kimura basés sur l’écoute dichotique, à montrer en quoi ses données sur les différences entre les sexes dans les capacités verbales et spatiales sont bien loin de permettre d’affirmer qu’il s’agit de différences naturelles, ou encore à mettre en évidence la faiblesse de sa tentative de démonstration d’une composante génétique de l’homosexualité [13].

En mars 2013, ce que Boris Cyrulnik fait maintenant dire à Doreen Kimura « récemment », c’est qu’ il y a « de très grandes différences entre le cerveau des hommes et le cerveau des femmes ». Je ne sais pas s’il a vraiment lu cette phrase quelque part, mais je note en tout cas que selon la nécrologie publiée par une société savante à laquelle elle appartenait, Kimura a dans les dernières années de sa carrière défendu l’idée que « des différences entre les sexes pourraient exister » malgré le caractère controversé de cette idée [14], ce qui n’est pas tout-à-fait la même chose. Il est vrai que maintenant qu’elle est décédée, il est encore plus facile de lui faire dire ce qu’on veut. Quant à Catherine Vidal, Boris Cyrulnik prétend maintenant que « son argument dit : “Doreen Kimura est une scientifique d’extrême droite, donc ses arguments n’ont pas de valeur”. A ce compte-là, Alexis Carrel […] aurait aussi mérité un procès». A ce niveau de distorsion du discours de Catherine Vidal, je ne trouve plus les mots pour qualifier la manipulation.

Judith Butler et Simone de Beauvoir, ou comment faire feu de femmes de pailles

Poursuivons notre analyse de cette pastille de mars 2013. Après avoir à peu de frais réglé leurs comptes à Kimura et Vidal, Cyrulnik affirme que « Judith Butler, une Américaine, dit que la biologie n’existe pas et que seul le genre existe ».

Si la déformation outrancière de la pensée de Judith Butler est habituelle chez les pourfendeurs du concept de genre, Boris Cyrulnik s’illustre en la poussant ici particulièrement loin. Est-il nécessaire de signaler que Butler n’a jamais dit que « la biologie n’existe pas » (bien au contraire), et que lui faire dire « seul le genre existe » revient à inverser le sens de la théorie qui l’a fait connaître (la théorie de « la performativité du genre » et non la théorie « du genre », soit dit en passant) [15] ? Les écrits de cette philosophe, qu’il n’est pas neutre de préférer présenter comme étant simplement « une Américaine », sont certes un peu ardus. Mais pour en arriver à les distordre à ce point il faut soit être un peu bas du front, soit n’avoir jamais lu ce qu’écrit Butler, soit faire preuve d’une malhonnêteté intellectuelle considérable. Cette dernière hypothèse a ma préférence concernant Boris Cyrulnik, bien que je n’exclue pas celle qu’il se contente de répéter ce que d’autres disent de Butler sans l’avoir lue lui-même.

Le cas échéant, ce serait d’autant plus ennuyeux qu’il ne s’arrête pas là, puisqu’il affirme ensuite que Butler « reprend ainsi Simone de Beauvoir : “on ne naît pas femme, on le devient”, ce qui implique que seuls les hommes restent à l’état de nature et ne deviennent pas hommes ». Par cette phrase, non seulement il donne une image trompeuse de la pensée de Butler en suggérant qu’elle est basée sur celle de Beauvoir, mais il laisse en outre entendre que leur féminisme serait teinté de misandrie, argument classique de la rhétorique antiféministe qui n’a ici aucun fondement. Ni Beauvoir, ni Butler n’ayant jamais émis l’idée qu’au contraire des femmes, les hommes resteraient « à l’état de nature », j’en déduis que c’est Cyrulnik qui interprète ainsi « on ne naît pas femme, on le devient ». Loin d’éclairer la pensée de ces deux philosophes, cette mention fournit plutôt un indice supplémentaire sur ce qui est au fondement de sa pensée à lui sur le genre (j’y reviendrai).

« On » est un con 

Maintenant qu’il a balayé les mauvais arguments et les « positions radicales et violentes » de toutes ces femmes trop passionnées pour y voir clair ou pour être honnêtes, Boris Cyrulnik va nous expliquer ce qu’on sait vraiment. Après quelques truismes concernant la génétique, histoire de mettre en confiance l’auditeur et de lui laisser croire que ce sont des données solides des sciences du vivant qui vont lui être exposées, suivent quatre assertions audacieuses censées démontrer que oui, le cerveau a bel et bien un sexe.

1. « on sait que […] pendant la grossesse, le cerveau des enfants est sculpté par la testostérone »
Outre le fait que la plasticité cérébrale rend très peu pertinente l’image tendancieuse d’un cerveau semblable à une sculpture dont la forme serait définie in utero, l’influence de la testostérone sur la structuration des connexions neuronales ou la détermination de la morphologie cérébrale des fœtus humains est loin d’être établie. Il serait dans le cas contraire urgent que Boris Cyrulnik avertisse les chercheurs du domaine, qui évoquent cette théorie à titre d’hypothèse y compris dans des revues scientifiques qui ne sont pas précisément des lieux dans lesquels des féministes névrosées et ignorantes des sciences du vivant déposent leurs vains arguments relevant d’un déni du réel [16], que cette hypothèse n’en est plus une. Dans l’hypothèse alternative où il aurait tiré cette conclusion non pas de la littérature scientifique, mais par exemple de la contribution de Jean-François Bouvet à Les femmes, mais qu’est-ce qu’elles veulent ? (2001), il serait urgent qu’il change de lectures [17].

2. « on sait que […] les petites filles qui ont des maladies des surrénales et qui sécrètent beaucoup de testostérone acquièrent des comportements qu’on appelle de garçon manqué »
La littérature scientifique existant sur les filles souffrant d’hyperplasie congénitale des surrénales (HCS) montre tout d’abord qu’on n’observe pas chez toutes une forme de « masculinisation » des comportements. De plus, une différence moyenne n’est rapportée de manière congruente dans les diverses études sur ces petites filles que pour leurs choix de jouets (plus grande inclination à jouer avec des jeux « de garçon » du genre camion qu’avec des jeux « de fille » du genre poupée), et ceci est facilement explicable autrement que par un effet de la testostérone [18]. Notons au passage que ça n’est pas la première fois que Boris Cyrulnik instrumentalise de manière on ne peut moins rigoureuse le cas de l’HCS : à l’appui de sa théorie multifactorielle de l’homosexualité (exposée dans Le nouvel Observateur à défaut de l’avoir été dans une revue scientifique), il avait par exemple raconté que chez une de ses patientes atteinte d’HCS, la testostérone déclenchait « agressivité, angoisse et fuite » lorsque des garçons la courtisaient alors qu’elle était « génétiquement » attirée par eux, un traitement anti-androgénique l’ayant aidée à « vivre harmonieusement ses désirs de femme »[19].

3. « On sait maintenant que l’ocytocine, que sécrètent beaucoup les femmes, est une hormone du plaisir, et qu’il y a des récepteurs cérébraux qui augmentent l’attachement… »
Boris Cyrulnik ne fait ici que resservir un concentré de la ratatouille qu’il avait tirée en 2006 des livres grand public de Michel Odent et Lucy Vincent sur la « neurobiologie de l’amour », et de l’extrapolation outrancière d’observations faites sur des rongeurs reformulées de manière fantaisiste [20]. L’idée que l’ocytocine endogène pourrait chez l’être humain augmenter l’attachement en agissant sur des récepteurs cérébraux est à ce jour purement spéculative, et on ne sait d’ailleurs même pas où se trouvent les récepteurs à ocytocine dans le cerveau humain [21].

4. « … alors que la vasopressine est une neurohormone sécrétée plutôt par les hommes, qui les encourage plutôt à passer à l’action »
Notons tout d’abord que dans la bouche de Boris Cyrulnik, les modalités de construction fantasmatique d’une opposition féminité/masculinité à partir d’une opposition ocytocine/vasopressine évoluent au fil du temps. En effet, en 2006 il expliquait non pas que les mâles sécrétaient plus de vasopressine mais qu’il y étaient plus sensibles, et que c’est ce qui leur permettait notamment de s’attacher à leur femelle et de réagir « de manière agressive » aux événements provoquant chez une fille des « émotions intenses » [22]. On comprend que comme lorsqu’il parle de la testostérone, Boris Cyrulnik préfère finalement raconter que cette hormone « sécrétée plutôt par les hommes » encourage la hardiesse, le mouvement, ou encore l’action, plutôt que l’agressivité [23]. Reste que sa qualification valorisante des effets de cette autre hormone de la masculinité supposée n’est pas vraiment en phase avec les observations faites sur les animaux [24], et que concernant l’être humain au moins, les effets putatifs de la vasopressine endogène comme ceux de l’ocytocine endogène restent complètement hypothétiques [25].

En bref, ces quatre assertions sont clairement fallacieuses. Précédées de « on sait que », elles sont même purement et simplement mensongères, et insultent l’air de rien la neurobiologiste Catherine Vidal qui se trouve ici implicitement taxée soit d’ignorance des acquis de sa discipline, soit de mauvaise foi. Dans le contexte d’énonciation de ses théories, l’emploi de « on sait que » par Boris Cyrulnik laisse croire aux auditeurs (à tort comme on vient de le voir) que ce qu’il raconte est non seulement factuel, mais au-delà est considéré comme acquis par une communauté scientifique dont il ferait partie.

Mais au fait : à quelle(s) communauté(s) scientifique(s) appartient-il au juste ? Celles dont il se revendique, celles que les journalistes lui prêtent, ou ni l’un ni l’autre ? Et au service de quelles idées son aura d’autorité médicale et scientifique est-elle mise ? Je proposerai très bientôt ici des éléments de réponse à ces questions, si les petits cochons ne me mangent pas.

Odile Fillod

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Notes

[1] Selon une enquête Médiamétrie ayant porté sur l’audience en semaine de la période janvier-mars 2012, France Info avait près de 5 millions d’auditeurs quotidiens, et était la 2ème radio la plus écoutée par les 35-49 et les CSP+ (cf http://www.franceinfo.fr/medias/audiences-radio%C2%A0-france-info-confirme-son-succes-avec-pres-de-4-8-millions-589671-2012-04-18).

[2] Cf la description de l’émission sur http://www.franceinfo.fr/histoire-d-homme-marie-odile-monchicourt. Les archives de l’émission ne sont pas accessibles sur le site de France Info pour les saisons 2008/2009 à 2010/2011, mais selon le catalogue de l’INA elle n’a pas été supprimée durant cette période.

[3] Boris Cyrulnik le 30 mars 2013 sur France Info dans Histoire d’Homme : « […] Jean-François Bouvet est neurobiologiste, et il s’est attaqué à ce problème : est-ce que le choix du jouet, le camion pour les garçons, la poupée pour les filles, est déterminé par la neurobiologie ou par les représentations culturelles ? Alors, en 1970, sur l’île de Kosaïma [en fait dans les années 50, sur l’île de Koshima], les éthologues ont observé les macaques […] On en a conclu trop vite que les femelles étaient plus intelligentes que les mâles, ou alors on disait, “les mâles sont terrorisés par l’invention culturelle parce qu’ils s’accrochent à leur pouvoir de petits mâles”. Jusqu’au jour où d’autres éthologues ont observé que les petites femelles observaient plus les grandes femelles, et que les petits mâles observaient de préférence les grands mâles […] Peut-être [que] les garçons ne perçoivent pas les mêmes informations que les petites filles et sont attentifs à des modèles identificatoires différents, [que] quelle que soit la culture ils vont chercher des informations différentes. Pour confirmer cette hypothèse [!], on voit que les femmes aux jeux olympiques sont beaucoup moins nombreuses que les hommes, et depuis la merveilleuse Marie-Jo Pérec, il n’y a plus de médailles féminines [ !!]. Et surtout quand on interroge ces femmes, elles répondent presque toutes que “avec le recul, je ne choisirais plus d’avoir une médaille aux jeux olympiques, je préfèrerais un épanouissement personnel”. Donc Imo la macaque japonaise nous apprend que le genre n’est pas que déterminé par la culture[ !!].». Emission écoutée ici le 15 mai 2013.

[4] Des médias tels que Le Point ont présenté Jean-François Bouvet comme étant neurobiologiste, mais il ne se présente pas ainsi lui-même. Sur la quatrième de couverture de Le camion et la poupée (2012), il est décrit de manière factuelle comme étant « agrégé de sciences biologiques et docteur ès-sciences », ex-enseignant (en classes prépas et à l’université) ayant « réalisé des recherches en neurobiologie ». Après avoir soutenu sa thèse, il a définitivement abandonné la recherche en neurobiologie, ce dont il ne se cache pas. Ses travaux ont porté sur le fonctionnement du système olfactif des amphibiens et ont donné lieu à six articles scientifiques, tous publiés entre 1984 et 1989 (selon le Web of Science et Pubmed).

[5] Le début de son parcours est retracé et sa posture provocatrice bien campée dans son interview/portrait par Zoe Heller, 17 Jan 1993, « Shooting from the Hip: Camille Paglia sends feminists into a frenzy », The Independent (en ligne sur http://www.independent.co.uk).

[6] Boris CYRULNIK, « Questions de stratégies », Reliance, 2008/2 n° 28, p.65-71, texte issu d’une conférence prononcée en 2005 : « Il existe de nombreuses stratégies pour appréhender la connaissance et selon celles que vous privilégierez, les connaissances seront totalement différentes. Si votre ambition est de recevoir le prix Nobel, vous adopterez la “stratégie de la carotte” en accumulant de plus en plus de connaissances dans un domaine précis. Si vous voulez être praticien, vous recourrez plutôt à la “stratégie du mimosa” qui envoie ses racines en surface. Vous collecterez alors des informations dans un grand nombre de disciplines différentes. […] Mais si vous voulez être un être humain, comme nous tous ici, alors il vous faudra adopter la “stratégie de la ratatouille” et aller chercher les connaissances là où la vie vous conduit. Ce grappillage est tout à fait intéressant. ».

[7] Cf page 111 dans « The Return of Carry Nation: Catharine Mackinnon and Andrea Dworkin », Vamps & Tramps, 1994, p.107-112 (version originale du livre traduit en français en 2009), réédition d’un texte initialement publié dans Playboy en octobre 1992 : « Feminism has become a catch-all vegetable drawer where bunches of clingy sob sisters can store their moldy neuroses ».

[8] Boris Cyrulnik, juin 2005, « Votez neurosocial ! », La Recherche, n°387, souligné par moi.

[9] « Je te préfère, moi non plus », 13 octobre 1994, Le nouvel Observateur, n°1562, propos recueillis par Michel de Pracontal (dans le cadre du dossier « Génétique – Naît-on homosexuel ? ») : « N.O. Le cerveau d’une fille se développe-t-il différemment de celui d’un garçon ? B. Cyrulnik. – En effet, il semble que le développement cérébral soit sexué. Doreen Kimura, en Angleterre [en fait à London en Ontario (Canada)], a mené des recherches très poussées sur cette “sexualisation” du cerveau. Il montre en particulier que les filles sont plus précoces pour le langage. Elles ont trois mois d’avance sur les garçons pour le pointer du doigt, qui est le préliminaire au langage [dixit Cyrulnik, et non Kimura]. Elles parlent plus tôt et réussissent mieux les tests qui font appel à des aptitudes verbales. Les garçons, eux, manipulent mieux l’espace. Ce qui fait dire parfois qu’ils sont meilleurs en maths, mais il s’agit peut-être d’une récupération idéologique.». Dans son fameux article « Sex differences in the brain » publié dans Scientific American en septembre 1992 (dont une traduction/adaptation est parue dans Pour la science en novembre 1992), Doreen Kimura ne décrit pas les différences entre les sexes de manière aussi caricaturale concernant les capacités verbales et spatiales. Outre le fait qu’elle parle de meilleure réussite des femmes dans « certains tests de fluence idéationnelle » et dans « des tests de fluence verbale » (et non dans « les tests qui font appel à des aptitudes verbales »), ainsi que de meilleure réussite des hommes « dans certaines tâches spatiales » (et non de leur meilleure « manipulation de l’espace »), elle tient à préciser : « Il est important de situer les différences décrites ci-dessus dans leur contexte : certaines sont légères, d’autre assez larges. Comme il y a un énorme recouvrement des performances des hommes et des femmes dans nombre des tests cognitifs faisant apparaître des différences moyennes entre les sexes, les chercheurs mesurent les différences entre groupes de sexes à l’aulne des variations à l’intérieur de chaque groupe. […] Pour mesurer l’ampleur d’une différence entre les sexes, la différence entre groupes est divisée par l’écart-type. Le résultat de cette division est appelé ampleur de l’effet [effect size]. Une ampleur d’effet inférieure à 0,5 est généralement considérée comme faible. Sur la base de mes propres données, par exemple, il n’y a typiquement pas de différence entre les sexes dans les tests de vocabulaire (ampleur de l’effet = 0,02), de raisonnement non-verbal (0,03) et de raisonnement verbal (0,17). […] Les plus grandes ampleurs d’effet ont été rapportées par des chercheurs pour certains tests mesurant la rotation mentale dans l’espace (0,7) et la précision pour viser une cible (0,75). Ces ampleurs importantes signifient qu’il y a beaucoup plus d’hommes parmi les personnes qui ont de très hauts scores à ces tests. » (D. Kimura, Scientific American, 1992, ma traduction).

[10] Boris CYRULNIK, juin 2005, « Votez neurosocial ! », La Recherche, n°387 (souligné par moi).

[11] Cf Doreen KIMURA, sept 1992, Scientific American (souligné par moi): « The finding of consistent and, in some cases, quite substantial sex differences suggests that men and women may have different occupational interests and capabilities, independent of societal influences. I would not expect, for example, that men and women would necessarily be equally represented in activities or professions that emphasize spatial or math skills, such as engineering or physics. But I might expect more women in medical diagnostic fields where perceptual skills are important. So that even though any one individual might have the capacity to be in a “nontypical” field, the sex proportions as a whole may vary ». Kimura a exprimé son opposition à la discrimination positive en faveur des femmes à plusieurs reprises, dont dans « Affirmative action policies are demeaning to women in academia », nov 1997, Canadian Psychology, n°38(4), et début 2000 contre la discrimination positive en faveur des femmes dans la recherche scientifique, dans le cadre de la controverse dite de « l’argent rose » au Canada.

[12] Boris CYRULNIK, juin 2005, « Votez neurosocial ! », La Recherche, n°387 (souligné par moi).

[13] Respectivement p.80-81, p.23-24, p.27-30 et 50-53, et p.71-72 in Catherine VIDAL, Dorothée BENOIT-BROWAEYS, 2005, Cerveau, sexe & pouvoir, Belin.

[14] Cf CSBBCS, 4 avril 2013, « In memoriam : Dr. Doreen Kimura », en ligne sur www.csbbcss.og : « In the later years of her career, Doreen was a spokesperson for the view that sex differences might exist, and had a right to be studied by researchers, despite the controversy that surrounds differences between the sexes ». Doreen Kimura est décédée le 27 février 2013.

[15] La notion de performativité du genre renvoie à « la manière dont l’attente d’une essence genrée produit ce que cette même essence pose précisément à l’extérieur d’elle-même. Ensuite, la performativité n’est pas un acte unique, mais une répétition et un rituel, qui produit ses effets à travers un processus de naturalisation qui prend corps, un processus qu’il faut comprendre, en partie, comme une temporalité qui se tient dans et par la culture [note de bas de page : L’idée de dimension rituelle de la performativité rejoint en partie la notion d’habitus dans le travail de Pierre Bourdieu […]]. […] L’idée que le genre est performatif a été conçue pour montrer que ce que nous voyons dans le genre comme une essence intérieure est fabriqué à travers une série ininterrompue d’actes, que cette essence est posée en tant que telle dans et par la stylisation genrée du corps.» (J.Butler, Trouble dans le genre, 2005, La Découverte, p.35-36 dans l’introduction de 1999). Comme elle l’indique ici (p.37), Butler a exploré les contours de la notion (ambigüe) de « construction » de la matérialité du corps dans Des corps qui comptent (Bodies that matter : on the discursive limits of “sex”, 1993). Dans ce texte qui précise sa théorie, Butler s’inscrit en faux contre l’idée que le corps en général, et le sexe biologique en particulier, ne compterait pas. Elle y lutte contre une mauvaise interprétation de Trouble dans le genre selon laquelle elle concevrait le genre comme un vêtement qu’on choisirait librement chaque matin dans son placard et qu’on rangerait le soir. Contre cette idée, que lui prêtent notamment ses détracteurs pour faire d’elle la chantre d’un individualisme consumériste mâtiné de déni du réel, elle y précise au contraire : «Le genre n’est pas un artifice qu’on endosse ou qu’on dépouille à son gré, et donc, ce n’est pas l’effet d’un choix » (Butler, 1993, op. cit., cité par E.Fassin dans sa préface à Trouble dans le genre, 2005, p.13).

[16] On peut trouver facilement des affirmations de ce genre (quoiqu’exprimées en des termes mieux choisis) dans le résumé, l’introduction ou la discussion de nombre d’articles scientifiques écrits par des chercheurs qui soutiennent cette hypothèse, qu’il faut savoir replacer dans leur contexte (typiquement celui d’une étude sur un modèle animal). A contrario, même Simon Baron-Cohen, un des défenseurs particulièrement actifs de la théorie de la masculinisation du cerveau par la testostérone prénatale, écrivait par exemple en 2010 : « jusqu’à maintenant, seules des mesures indirectes de la testostérone prénatale (…) suggèrent qu’elle pourrait jouer un rôle organisationnel dans le développement de la structure du cerveau humain » (Chura et al., 2010, Organizational effects of fetal testosterone on human corpus callosum size and asymmetry, Psychoneuroendocrinology, vol.35(1), p.122-132, ma traduction, p.123). On en conviendra, ça cadre assez mal avec le refrain « on sait depuis longtemps que » entendu sur ce sujet depuis de nombreuses années dans la bouche de vulgarisateurs peu scrupuleux. Plus récemment et peut-être plus significativement encore, puisque Baron-Cohen a ancré sa théorie dans celle de l’autisme comme conséquence d’une masculinisation extrême du cerveau par la testostérone fœtale, voici ce qu’il écrivait ailleurs : « On observe des différences entre les sexes dans l’âge d’apparition, le risque, la prévalence et la symptomatologie de nombreux troubles neuropsychiatriques affectant le traitement des émotions et les tendances comportementales de type approche-évitement (ex : trouble de la conduite, psychopathie, trouble déficit de l’attention avec hyperactivité, abus de substances, dépression, trouble bipolaire, troubles de la personnalité du groupe B [i.e. antisocial, borderline, histrionique ou narcissique], trouble explosif intermittent, autisme). […] Dans cette étude, nous nous focalisons sur le rôle de la testostérone durant le développement fœtal en tant qu’un mécanisme biologique développemental qui pourrait influencer le développement phénotypique dans des directions telles que cela pourrait augmenter la susceptibilité à divers troubles neuropsychiatriques qui affectent différemment chacun des deux sexes. » (Lombardo, Ashwin, […] et Baron-Cohen, 2012, Fetal programming effects of testosterone on the reward system and behavioral approach tendencies in humans, Biological Psychiatry, vol.72(10), p.839-847, ma traduction).

[17] Cf dans Jean-François BOUVET, 2001, « On naît femme et on le devient », in Henry LELIEVRE (dir.), Les femmes, mais qu’est-ce qu’elles veulent ?, Editions Complexe, p.49-58 : « On sait depuis longtemps que les hormones sexuelles conditionnent le développement du cerveau, qu’elles lui impriment leur marque » (p.54); « on sait aujourd’hui qu’il y a bien une certaine sexualisation du cerveau, et que cette sexualisation se manifeste très précocement » (p.57).

[18] Voir Rebecca M. JORDAN-YOUNG, 2012, Hormones, context, and “Brain Gender”: A review of evidence from congenital adrenal hyperplasia, Social Science & Medicine, vol.74, p.1738-1744.

[19] Cf « Je te préfère, moi non plus », 13 octobre 1994, Le nouvel Observateur, n°1562, propos recueillis par Michel de Pracontal (dans le cadre du dossier « Génétique – Naît-on homosexuel ? ») : « Pour le célèbre éthologue, l’identité sexuelle ne peut être déterminée par une cause unique. » […] N. O. – Pouvez-vous illustrer votre démarche? B. Cyrulnik. – Je vous citerai le cas d’une patiente souffrant d’un hyperfonctionnement des surrénales. Il s’agit d’un accident embryologique, qui touche par ailleurs des fœtus normaux. Cette femme est née avec des organes génitaux clairement déterminés. Dès l’instant où elle est tombée sous le regard social, elle a été nommée par un nom de fille, et la culture a commencé à façonner un destin anatomique. Mais ses surrénales sécrètent un excès de testostérone, de sorte qu’elle avait un taux de cette hormone mâle équivalent à celui d’un petit garçon. C’est, en somme, une “expérience naturelle” : les parents se sont comportés avec elle comme avec une petite fille, mais cette enfant pensée et regardée comme une fille avait des comportements de petit garçon. N. O. – Ces comportements étaient donc indépendants de l’environnement? B. Cyrulnik. – Absolument. Ce genre d’observation ne plaît pas aux féministes, qui pensent que seule la contrainte sociale détermine les conduites. Ma patiente a joué aux voitures, grimpé aux arbres, apprécié les jeux de garçons. Adulte, elle est devenue une athlète de haut niveau, dotée de biceps conséquents, mais néanmoins séduisante. D’où son drame. Les garçons qui la courtisaient déclenchaient en elle agressivité, angoisse et fuite. Attirée par les hommes, elle ne réussissait pas à vivre harmonieusement ses désirs de femme. Un traitement par une anti-hormone mâle, associé à une psychothérapie, l’a aidée à trouver un équilibre. Ainsi, génétiquement et culturellement, cette patiente a une identité sexuelle tout à fait claire. » Il est bien dommage que Boris Cyrulnik ait préféré raconter dans Le Nouvel Observateur cette étude de cas, qui ne figure dans aucune revue de la littérature sur le sujet, plutôt que de la partager avec la communauté scientifique. Ce qui ressort de cette littérature concernant l’orientation sexuelle des filles atteintes d’HCS, c’est plutôt une tendance statistique à avoir davantage de fantasmes et/ou de pratiques homosexuelles, du reste là encore sans que cela soit imputable à un effet de la testostérone sur leur cerveau (voir Jordan-Young, 2012, cité plus haut).

[20] Dans De chair et d’âme (2006, Odile Jacob), Cyrulnik cite The Scientification of Love (Michel Odent, 1999, Free Association Books) pour toute référence concluant le paragraphe suivant : « Le milieu écologique compose une enveloppe sensorielle qui envoie à la base de l’hypothalamus des stimulations de lumière ou de chaleur qui modulent les sécrétions d’ocytocine […] L’acte sexuel stimule aussi la sécrétion d’ocytocine, ce qui explique l’aspect spasmodique du plaisir physique puisque cette substance contracte l’utérus et certains muscles. » (p.59-60), ainsi que cet autre paragraphe : « Au moment d’une relation sexuelle, les partenaires sécrètent beaucoup d’ocytocine qui les rend euphoriques et sensibles l’un à l’autre, créant ainsi une période propice à l’empreinte mutuelle : on s’apprend par cœur quand on s’aime. Chez les femmes, l’accouchement, qui n’est pas forcément une partie de plaisir, provoque en même temps une forte augmentation de l’ocytocine euphorisante. Est-ce la raison pour laquelle elles disent si souvent que ce moment de douleur est un des moments les plus heureux de leur vie ? Je me rappelle cette dame qui avait hurlé pendant son accouchement en suppliant d’arrêter la torture et qui, une heure plus tard, apaisée et pomponnée, expliquait à ses parents que ça s’était bien passé ! Le sens qu’elle attribuait, dans l’après-coup, au fait d’avoir mis au monde un bébé s’ajoutait aux opioïdes pour modifier presque aussitôt la représentation de la douleur passée et en faire un récit de bonheur. […] En même temps, l’histoire de la dame n’est pas séparée de la sécrétion de cette neurohormone : lorsqu’elle partage un plaisir avec l’homme qu’elle aime, elle sécrète de la cholécystokinine qui augmente son bien-être. La simple perception de celui avec qui elle conjugue sa jouissance augmente le plaisir de ses stimulations. Cela explique probablement pourquoi la masturbation provoque une sécrétion d’ocytocine moins élevée qu’une véritable rencontre sexuelle.» (p 121-122).
Dans De chair et d’âme toujours, c’est Petits arrangements avec l’amour, publié par Lucy Vincent en 2005 aux éditions Odile Jacob, que Cyrulnik cite en référence pour affirmer qu’ « on a pu doser qu’une caresse physique augmentait chez les femmes la sécrétion d’ocytocine, autant qu’une caresse verbale, mais moins que le déluge hormonal entraîné par l’allaitement ou le plaisir sexuel » (p.61).
C’est ensuite un ouvrage moins grand public qu’il donne en référence pour affirmer ceci : « Un plaisir partagé augmente l’ocytocine dont le récepteur le plus sensible se trouve dans l’hippocampe des circuits de la mémoire. Ce qui revient à dire que le fait de désirer quelqu’un provoque une émotion sexuelle en même temps qu’une amélioration de la mémoire : […]. L’association du bien-être et de la mémoire explique le pouvoir euphorisant de la familiarité. » (p.65). Cyrulnik donne ici en référence le livre Affective Neuroscience de J.Panksepp (1998), or ces extrapolations hasardeuses sont les siennes et non celles de Panksepp, qui extrapole aussi mais en l’explicitant et en présentant clairement (et de manière prudente) les données qu’il utilise pour ce faire. Voici ce qu’on peut notamment y lire (p.256, ma traduction) : « A l’âge adulte, les désirs sexuels pourraient être guidés par ces empreintes précoces […] De nombreux chercheurs pensent [believe] que la vasotocine chez les oiseaux et l’ocytocine chez les mammifères sont des facteurs clés, mais les données pertinentes sur ce sujet sont rares. Cependant, suite au développement récent d’un modèle mammifère productif pour l’étude de l’attachement, des données probantes obtenues sur les rats de laboratoire indiquent que l’ocytocine circulant dans le système nerveux central pourrait médier l’attachement d’un bébé à sa mère. […] De récents travaux sur les mâles suggèrent également que la vasopressine est un ingrédient important dans l’attachement sexuel, comme le montre la tendance des mulots à défendre et préférer la compagnie de certaines partenaires sexuelles. Chez le campagnol des prairies, une espèce de souris particulièrement grégaire, le mâle choisira de passer plus de temps avec les femelles en compagnie desquelles il aura auparavant fait l’expérience d’une élévation du niveau de vasopressine. A ce jour, les systèmes cérébraux utilisant la vasopressine, l’ocytocine et les opioïdes semblent être des initiateurs de la construction et du maintien des liens sociaux chez les mammifères. […] Les animaux préfèrent également passer plus de temps avec ceux en la présence desquels ils ont fait l’expérience d’un haut niveau d’activité des systèmes à ocytocine et à opioïdes. Ainsi, il semble que les choses se passent comme si l’amitié était cimentée par les mêmes systèmes chimiques que ceux qui sont impliqués dans les pulsions maternelle et sexuelle. Peut-être qu’il s’agit de l’une des raisons émotionnelles primitives pour lesquelles nous sommes plus enclins à aider notre famille et nos amis que des étrangers ([…]). Comment en venons-nous à distinguer nos amis des étrangers et à leur donner plus d’importance ? Bien que la réponse à cette question reste complexe et que les mécanismes soient très peu compris, on peut supposer que la chimie cérébrale qui aide à renforcer et consolider les souvenirs d’interactions sociales positives y joue un rôle central. ».

[21] Je ne sais pas d’où Boris Cyrulnik a tiré l’idée que le récepteur « le plus sensible » à l’ocytocine « se trouve dans l’hippocampe des circuits de la mémoire » (De chair et d’âme, 2006, p.65). Dans l’ouvrage cité dans De chair et d’âme, Panksepp indique pour sa part : « Chez les rates adultes, les plus fortes densités [de récepteurs de l’ocytocine] sont dans la région ventromédiale de l’hypothalamus et dans la région ventrale de la zone hippocampe/subiculum. Ces régions assurent probablement chez les femelles le lien entre les processus de réceptivité sexuelle et de mémoire liés aux enjeux socio-sexuels. » (1998, op. cit., p.273). Quant à Lucy Vincent, dans son livre cité par Cyrulnik en référence, elle écrit : « Dans des expérience d’imagerie du cerveau, on a pu voir que les amygdales sont activées quand un sujet normal observe des visages qui expriment la peur ou la menace […]. Il se trouve, comme par hasard, que l’amygdale est un endroit très riches en récepteurs à ocytocine, tout comme le cortex cingulaire et le cortex préfrontal qui sont, eux aussi, très impliqués dans l’intelligence sociale » (2005, op. cit., p.164). On trouve dans une autre source de vulgarisation savante que Boris Cyrulnik est susceptible d’avoir lue (Nelle LAMBERT, Françoise LOTSTRA, 2005, L’attachement. De Konrad Lorenz à Larry Young : de l’éthologie à la neurobiologie, Cahiers critiques de thérapie familiale et de pratiques de réseaux, n°35, p.83-97) la mention suivante : « Des études d’imagerie cérébrale ont montré une région particulièrement activée chez des mères à qui l’on présente les photos de leurs enfants : la substance grise périaqueducale […]. Or celle-ci, riche en récepteurs à l’ocytocine et à la vasopressine (Jenkins et al., 1984) est connue pour […] ». Il semble en fait que chacun mette en avant, selon ce qui l’arrange, la présence de récepteurs à ocytocine dans telle ou telle zone du cerveau. L’ennui, c’est que comme l’a écrit récemment Larry Young (principal instigateur et promoteur des recherches sur les liens entre ocytocine et comportements sociaux) dans la principale revue dédiée à la publication de travaux établissant des liens entre hormones et comportements, « on ne sait pas grand-chose de la distribution des récepteurs à ocytocine et vasopressine dans le cerveau humain. Un unique article publié il y a vingt ans a rapporté […], mais cette question doit être ré-adressée avec des outils plus sélectifs »( Young & Flanagan-Cato, 2012, Hormones and Behavior, vol.61, ma traduction). Contrairement à ce qu’écrivent Lambert et Nostra, l’étude de Jenkins et al. (1984) ne permet pas de savoir où se trouvent les récepteurs de l’ocytocine et de la vasopressine car elle a seulement examiné où se trouvaient ces deux peptides eux-mêmes (postmortem). La seule étude connue portant sur la localisation des récepteurs à ocytocine dans le cerveau humain est celle de Loup et al.(1991) évoquée par Larry Young. Cette étude préliminaire a mis en évidence des zones putatives de fixation de l’ocytocine et de la vasopressine à l’aide de radioligands permettant de localiser les récepteurs de ces deux peptides chez les rongeurs, mais ces radioligands se sont avérés être non sélectifs pour les récepteurs des primates et des humains (Young & Flanagan-Cato, 2012, art. cit.). Voir aussi la note 25 ci-dessous.

[22] Cf Boris CYRULNIK, 2006, De chair et d’âme, Odile Jacob : « Les mâles sécrètent moins d’ocytocine, mais ils sont en revanche plus sensibles à la vasopressine. Quand on bloque cette hormone, ils ne s’attachent plus à la femelle mais restent agressifs envers les mâles intrus. Cette dissection biologique permet de comprendre pourquoi l’amour humain […] » (p.60), et « « Les mâles sont moins sensibles au stress maternel. La sécrétion abondante d’ocytocine par les femelles et de vasopressine par les mâles explique probablement cette différence […] Une mère stressée communique à ses filles une aptitude à réagir par des émotions intenses aux événements de vie. Les mâles, protégés par la vasopressine, réagissent de manière agressive aux mêmes événements. » (p.69). Dans ces passages, il ne précise pas de quelle(s) espèce(s) il parle et extrapole sans transition à l’être humain.

[23] Cf ses propos recueillis par Emilie Lanez dans « Boris Cyrulnik face au suicide des enfants », 29 sept 2011, Le Point, n°2037, p.94 : « Ajoutons à cela le rôle majeur de la testostérone, l’hormone de la hardiesse et du mouvement, et non de l’agressivité, comme on le croit souvent. À l’école, les garçons ont envie de grimper aux murs, ils bougent, ils souffrent d’être immobilisés. Or notre société ne valorise plus la force et le courage physique, mais l’excellence des résultats scolaires. Elle valorise la docilité des filles. »

[24] Par exemple, dans Affective Neuroscience (Pankseppe, 1998) qu’invoque par ailleurs Boris Cyrulnik dans De chair et d’âme (2006), on peut lire cette synthèse (discutable) des observations faites sur des rongeurs : « L’ocytocine promeut une attitude nourricière calme typique des femelles, tandis que la vasopressine véhicule un message de persévérance sexuelle et d’affirmation agressive de soi mâles » (p.112, ma traduction).

[25] Voir ce qu’ écrit significativement Larry Young dans l’introduction d’un dossier spécial publié en 2012 sur le sujet, dans la principale revue dédiée à la publication des recherches explorant les liens entre hormones et comportements : « Ces études [sur les campagnols] ont enflammé l’imagination des médias et attiré l’attention du grand public sur ces molécules. Il n’est maintenant pas rare d’entendre des références à l’ocytocine et à la vasopressine dans des téléfilms diffusés aux heures de grande écoute, ou encore dans des talk shows tels que “The View”. La focalisation de l’attention du public sur ces peptides a encore été augmentée ces dernières années par une pléthore d’études [d’administration intranasale] sur l’être humain suggérant que l’ocytocine et la vasopressine modulent les comportements sociaux et la cognition humains. […] Sans doute peu des vétérans du champ de recherches sur l’ocytocine et la vasopressine (y compris nous) auraient pu deviner que ces peptides avaient de si profonds effets […] En effet, nous nous demandons souvent : “est-ce pour de vrai ?” Est-ce que ces peptides influencent réellement notre confiance, nos liens sociaux, la cohésion sociale, notre empathie profonde avec autrui, ou ce champ de recherche est-il le lieu d’une bulle irrationnelle qui pourrait éclater après quelques années supplémentaires d’investigations soigneuses ? Nous atteignons un point où les données recueillies sont très convaincantes, mais nous devons rester vigilants. D’importantes questions restent à adresser […]Bien qu’il ait été rapporté que l’administration intranasale d’ocytocine améliorait certains aspects de la cognition sociale, nous ne savons pas si cela est du à une action dans le système nerveux central ou à une action périphérique. Nous ne savons même pas si l’ocytocine administrée intranasalement pénètre dans les régions sous-corticales du cerveau.» (Young & Flanagan-Cato, Editorial comment: Oxytocin, vasopressin and social behavior, 2012, Hormones and Behavior, vol.61, ma traduction). D’autres chercheurs, dans une revue de la littérature publiée en 2012 dans Nature Neuroscience, expliquent que des décennies de recherche ont fourni de nombreuses données sur l’influence de l’ocytocine, la vasopressine, l’œstradiol et la testostérone sur les comportements d’animaux non-humains, ce qui a inspiré le développement récent de recherches sur l’être humain. « Cependant, écrivent-ils, les données en apparence contradictoires, les interactions à plusieurs niveaux et les obstacles méthodologiques ont soulevé de sérieux défis » (Cade McCall & Tania Singer, 2012, The animal and human neuroendocrinology of social cognition, motivation and behavior, Nature Neuroscience, vol.15(5), ma traduction). Ils présentent dans un tableau les influences selon eux bien établies de l’ocytocine, la vasopressine et la testostérone sur les comportement affiliatifs, la cognition sociale, l’agression et l’anxiété/stress chez les animaux, et mettent en regard les « résultats préliminaires » parallèles obtenus dans les études ayant observé les effets de leur administration à des êtres humains. L’observation de ce tableau et la lecture de l’article montrent par exemple que les effets de l’ocytocine sur les comportements affiliatifs (entre parents et enfants ou entre partenaires sexuels) observés dans certaines espèces n’ont pour l’instant pas été corroborés par les études menées sur l’être humain, dont les résultats préliminaires pointent vers des effets putatifs divers (qui plus est uniquement chez les hommes) qu’il n’est pas du tout évident de mettre en relation avec l’attachement entre parents et enfants ou entre partenaires sexuels. Aux yeux des auteurs, le pouvoir qu’aurait l’ocytocine de diminuer les réactions de peur est mieux établi, mais curieusement Boris Cyrulnik n’explique pas que les femmes sont sans doute moins peureuses que les hommes parce qu’elles sécrètent plus d’ocytocine. Quant à la vasopressine, les auteurs relèvent chez les animaux des effets chez les mâles du même type que de ceux de l’ocytocine chez les femelles. Pour ce qui est de l’être humain, ils notent qu’elle a été beaucoup moins étudiée que l’ocytocine et relèvent les effets putatifs suivants : facilitation de la mémorisation d’un visage exprimant un affect (chez les hommes), amélioration de la détection de mots à caractère sexuel (chez les hommes), augmentation de l’hostilité, de l’agressivité ou du stress dans certains contextes (chez les hommes). Ils soulignent eux aussi les limites de ces études : on ne sait pas dans quelle proportion l’ocytocine ou la vasopressine administrées nasalement entrent dans le cerveau, on ne sait pas non plus si la répartition dans le cerveau des neuropeptides ainsi administrés est comparable à ce qui se passe quand ils sont sécrétés de manière endogène, et on ne sait pas non plus dans quelle mesure les niveaux périphérique d’ocytocine et de vasopressine reflètent leurs niveaux dans le cerveau (leurs remarques s’appliquant aussi à la testostérone administrée par voie sublinguale).

58 réflexions sur « Boris Cyrulnik : stop ou encore ? (1ère partie) »

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    2. Le déboulonnage de Boris Cyrulnik semble s’arrêter en 2013 ! Tiens, pourquoi ? Talleyrand a dit et écrit : “Tout ce qui est excessif est dérisoire” in mémoires Tomme 4). Mais, peut-être que Cyrulnik est un faux psychiatre, aux faux diplômes, et qu’il nourrirait le sombre dessein de nous enfumer pas une soif de notoriété ? Il serait devenu un vilain gourou…. Ah ! Le succès rend nerveux agressif. Juriste ex consultant RH et diplômé en sciences de l’éducation. Je crois que in fine Cyrulnik (que vous n’aimez pas) dit et écrit de nombreuses chose intéressantes et quand même s’exercerait t-il à faire des synthèse de ses lectures : et alors ! Pour ma part, ces travaux ou ces analyses me furet fort utiles.

  1. Merci Odile d’avoir eu le courage de dénoncer cette imposture intellectuelle qui n’a que trop duré. La complaisance de certains journalistes et même, fort malheureusement, de certains chercheurs a permis à Cyrulnik, qui possède certes un talent de conteur, mais ne peut se prévaloir d’aucune réelle expertise scientifique, de de se faire passer pour un spécialiste des sciences du comportement, hier éthologue spécialiste des goélands (mais on cherchera vainement un seul article scientifique signé de sa main sur cette espèce), aujourd’hui comme neurologue ou encore psychiatre. L’inquiétant dans l’affaire est que ce personnage a même siégé dans la commission Atali, il n’y pas si longtemps. En tant qu’expert. Expert en supercherie ?

    1. Il est neuropsychiatre, spécialité qui a disparu en 68 ou 70, je ne sais plus.. avec la séparation des 2 spécialités, neurologie, et psychiatrie. Cette séparation a été brutale et progressive à la fois, les psychiatres voulant travailler dans les “asiles” devant au départ passer des concours avec des notions pointues en neurologie, vingt ans ces matières ont disparu des concours. Ce qui semble paradoxal est que les psychiatres actuels ne sont pas plus spécialisés en neurologie que les généralistes, mais sont noyés par les laboratoires sous des arguments de vente – “notre antidépresseur est excellent contre le stress, regardez ce graphe de l’activité neuronale du raphé médian chez le rat stressé ”
      Pour revenir au sujet, Cyrulnik par son titre, n’a pas plus de compétence que le psy ou neurologue moyen ; sa compétence avec ce cursus se mesure simplement à l’autorité que la qualité de ses travaux lui confèrent.
      Ce qui nous ramène au “chapeau” de cet excellent blog..

      1. Cette spécialité a disparu en 68, mais en vertu de l’arrêté du 30 décembre 1968 les gens qui comme Boris Cyrulnik avaient déjà validé la 1ère année de leur CES de neuropsychiatrie ont été autorisés à le terminer (les derniers “neuropsychiatres” ont ainsi être diplômés en 1971). D’après le CV qu’il diffuse, il a fait son internat en psychatrie (à Digne). Il est actuellement inscrit au tableau de l’ordre des médecins du Var en tant que psychiatre retraité. Je n’arrive pas à savoir s’il a véritablement exercé en tant que neurologue.
        PS : si quelqu’un parmi mes lecteurs peut m’aider j’en serais ravie, car l’ordre des médecins a répondu une première fois à mes question, mais lorsque j’essaie d’en savoir plus je n’ai pas de réponse.

        1. Bonjour Odile,
          Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de pousser davantage vos recherches sur les vertes années de B.Cyrulnik. En ce qui me concerne, votre démonstration suffit à le disqualifier. Stop ! D’ailleurs, les diplômes et l’expérience sont-ils un remède aux élucubrations ? Je cite, à titre de réponse, les réflexions d’un vétéran sur sa propre profession :
          “La féminisation massive de ce métier (l’enseignement) a achevé de le déclasser, c’est d’ailleurs ce qui est en train de se passer pour la magistrature. C’est inéluctable. Un métier ­féminin reste encore souvent un emploi d’appoint dans un couple. L’enseignement est choisi par les femmes en raison de la souplesse de l’emploi du temps et des nombreuses vacances qui leur permettent de bien s’occuper de leurs enfants.” Antoine Compagnon, Chaire de Littérature française moderne et contemporaine au collège de France ! Polytechnique ! Harvard !
          Merci pour votre article.
          Omar

        2. Oui il a exercé en tant que praticien attaché au centre hospitalier Toulon La Seyne spécialiste en neurologie, plus précisément sur le site hospitalier de la commune de La Seyne sur mer. Cet établissement a fusionné avec le centre hospitalier de Toulon le 1er mars 1988 pour constituer le Centre Hospitalier Intercommunal Toulon -La Seyne sur mer.
          J’étais secrétaire médicale dans cet établissement et l’ai côtoyé pendant la période 1975-1988.
          Il semblerait qu’il ait exercé au-delà de ces dates. Selon un entretien donné sur France Culture le 17 juillet 2015.

          Extrait ci-après :
          « Boris Cyrulnik, né le 26 juillet 1937 à Bordeaux, est un neurologue, psychiatre, éthologue et psychanalyste français. Il fait ses études supérieures à la Faculté de médecine de Paris, se spécialisant en psychiatrie, obtenant de l’Institut de psychologie un certificat d’études spéciales en neuropsychiatrie. Interne en neurochirurgie à Paris (1967), en psychiatrie à Digne (1968-1971), il devient neurologue à l’hôpital de Toulon-La-Seyne (1972-1991)… »

  2. Excellent article qui décortique l’origine du discours et ses présupposés.
    Dommage que la journaliste de France Info soit qualifiée de “vétérane” ce qui, selon votre méthode d’analyse des présupposés du langage, la disqualifie et disqualifie les femmes ayant dépassé x (combien?) ans.

    1. Dans mon esprit le terme “vétéran” n’est pas péjoratif. Si c’est compris ainsi, je le regrette. Je voulais juste évoquer le fait que cette personne est une des plus anciennes journalistes scientifiques du PAF, et que la voir ainsi réduite à un rôle de faire-valoir équivalait à mes yeux à une mise à la retraite anticipée.

  3. Bravo pour ce billet (cet article) extrêmement précis et bien argumenté.
    Je ne comprends pas bien tous les éléments de sciences du cerveau et de biologie, mais ce florilège de mensonges éhontés, de bêtises, et de violences symboliques très fortes (xénophobie, homophobie et misogynie, à mots à peine couverts) est très révélateur. Pour ce qui est des études de genre, que je connais mieux, on sent même que votre critique est retenue, car tant d’imbécilités de la part de ce fat donnent envie de hurler, refermer son écran d’ordinateur, et aller coller de “0” rageurs au feutre rouge sur les mauvaises copies qui trainent.
    A ce niveau de mensonges éhontés, clairement établis, comment quelqu’un peut-il avoir autant accès à des grands médias, sans aucun droit de réponse ou interlocuteur valable en face ?
    Comme historien, cela me renvoie évidemment à la tentative de peser face aux historiens de garde (les Deutsch, Ferrand, Casali, voire Bern). Bien difficile quand le mensonge est “une position iconoclaste contre la pensée unique universitaire”, quand les critiques étayées sont “des commentaires de jaloux”, lesquels ne sont jamais invités pour défendre leurs travaux, quand les présentateurs télés et experts multicartes, eux, peuvent aller partout déblatérer leur petit laïus bien prêt face à des journalistes qui s’en fichent, ou qui opinent parce que bon, on est copains, et le patron a dit qu’il fallait inviter et opiner pour protéger la chaîne / la marque média.
    D’aucuns appellent ce mouvement des dominants en mensonge permanent, qui se posent en victimes malgré leur position ultra-privilégiée, le “zemmourisme”. Tant qu’il se limitait aux médias de droite et d’extrême-droite, bon… mais s’il se répand aux rares portions scientifiques des médias publics et des médias qui se revendiquent “de gauche” comme le Nouvel Obs, il y a vraiment urgence à s’activer face à ces dérives.
    Que faire face à ces dérives ? Avez-vous envoyé des demandes de réponse / débat contradictoire aux médias dans lesquels il officie ?
    Il ne faut pas désespérer, car Sébastien Bohler n’officie plus à @si par exemple (du moins pour l’instant). Face à des médias assez intelligents, la critique a tout de même une efficience.

    Quoi qu’il en soit, encore merci pour votre travail salutaire.

    1. Merci. Je n’ai pas fait de telles demandes aux nombreux médias dans lesquels il officie, car pour répondre à votre première question, il me semble que la meilleure chose que je puisse faire pour l’instant face à ces dérives, c’est écrire sur ce blog. J’avais noté que Sébastien Bohler n’officiait plus dans 28 minutes sur Arte et il me plaisait de croire que j’y étais pour quelque chose, mais quant à @si je ne sais pas… ça serait une très bonne nouvelle en tout cas !

  4. Merci d’avoir pris le temps et la peine de déconstruire précisément, avec rigueur et en citant vos sources le discours d’un prétendu expert qui se contente de conforter les préjugés les plus éculés.
    Vous montrez que Cyrulnik manque de probité intellectuelle et scientifique, qu’il est inculte, sexiste. Je suis persuadée que même si vous n’avez pas autant d’audience médiatique que lui, votre démonstration ne sera pas sans écho ni effet. Je veux le croire du moins.
    Sylvia

  5. Malheureusement j’ai à plus d’une reprise constaté que dans la presse médicale avaient bien davantage cours des assertions catégoriques de l’existence de différences naturelles entre les cerveaux et els comportements des femmes et des hommes que des remises en question de ces prétendues vérités scientifiques. Dans les comptes-rendus d’études “scientifiques”, la question des biais socio-culturels ne se trouve guère posée. C’est assez sidérant, car cela signifie que dans leur très grande majorité les chercheuses/chercheurs en endocrinologie, neurobiologie, génétique… n’ont aucune connaissance des travaux menés sur le genre depuis les années 1950 dans les sciences humaines. Ce qui bien entendu permet de naturaliser ce qui est socialement produit.
    Est-ce parce qu’elles/ils méprisent les sciences humaines que les biologistes, endocrinologues, etc. trouvent dans leurs recherches la plupart du temps les préjugés qu’elles/ils y ont déposés ? Ou ce mépris pour les sciences humaines leur permet-il de mettre la science au service de leurs préjugés ?

    Sylvia

  6. Bravo pour le sérieux de l’analyse! une fois de plus, je suis soufflée… et révoltée contre ces amalgames pseudo-scientifiques qu’on nous sert trop souvent dans la presse!

      1. Et Cyrulnik ajoute à propos de cette université : “où j’ai été invité”, insinuant de façon larvée un argument d’autorité.

  7. Je découvre ce blog et je vous remercie du sérieux des analyses qui déconstruisent ces pseudo-vérités scientifiques…outre le fait que ces vulgarisations simplificatrices et orientées influencent la pensée générale, le label “scientifiquement prouvé” aidant, je les trouve simplement insultantes à l’égard de chercheurs qui essaient de rester en général aussi honnêtes que possible face à leur résultat. Ce qui conduit souvent à des interprétations moins simplistes (et moins vendeuses) que vous présentez très clairement. Ah comme j’aimerais bien, un jour, de voir un de vos article publié en une, au lieu d’un énième article sur la découverte du gêne de pourquoi-les-hommes-aiment-le-foot-et-les-femmes-le-shopping!

  8. Comme sexologue j’ai beaucoup apprécié ces articles très intéressants et très fouillés qui enrichissent ma formation,mon expérience clinique,et ma vie de militante féministe depuis 40 ans. Avec un petit pincement au coeur car,née dans un camp de concentration je suis de très près Boris Cyrulnik dans ses livres, ses conférences,et j’ai eu l’occasion de l’approcher et de discuter avec lui.
    Dommage donc que sur le plan qui nous concerne il soit si loin de ce que nous défendons.
    Ces questions sont tellement complexes que peu s’y retrouvent et que les clichés patriarcaux ont la vie dure!
    Donc courage! continuons…..

  9. Merci pour cet énorme travail de réfutation d’assertions tellement énormes que le premier réflexe est de les rejeter sans plus d’analyse, ce qui ne serait pas très productif, contrairement à votre article qui montre que le “roi” est plus que nu.
    En passant, j’ai trouvé les données de l’expérience selon laquelle les bébés nouveau-nés passeraient plus de temps à regarder les visages ou mobiles selon leur sexe dès leur naissance, et donc indépendamment de leur éducation.
    En écartant toutes les analyses pouvant être post hoc, pour ne garder tout bêtement que les bébés regardant davantage le mobile ou le visage (et pas le train ou la vache qui passe), on trouve un carré 28/24/20/23 (en convertissant des % en effectifs avec des moments où tel Salomon, il faut décider si 0.6 bébé vaut un bébé ou rien).
    Le p vaut environ 0.539..
    Il faut vraiment beaucoup triturer les chiffres pour conclure que les garçons regardent davantage les mobiles que les filles, et j’ai la forte l’impression que les auteurs de l’analyse statistique, pour conclure ainsi, sont de mauvaise foi.
    Merci encore pour votre démontage des travaux de ces “scientifiques”..

    1. Merci. Concernant Connellan et al (2000), votre calcul me semble incorrect, mais sur le fond vous avez parfaitement raison : cet article transpire l’analyse a posteriori, présente plusieurs failles méthodologiques, ne montre pas ce que les auteurs prétendent dans le résumé, et de manière générale la fragilité de ses résultats est à pleurer au regard de ce que nombre de gens prétendent qu’elle a “démontré”. J’ai en projet d’en parler prochainement sur ce blog car en matière de construction d’un mythe savant à partir de (presque) rien, c’est un modèle du genre.

  10. Merci encore pour ce beau boulot,
    Je prends beaucoup de plaisir à lire vos travaux. Comme ancien lecteur de sciences et vie des années 80, j’aime lire les déconstructions des pseudo-sciences (homéopathie, acupuncture), mais c’est un peu facile car ce charlatanisme est tellement visible. Déconstruire des pseudo-sciences qui ont intégrés l’université, les revues scientifiques avec comité de lecture et les média “sérieux” c’est beaucoup plus difficile et il y a beaucoup plus de coup à prendre. Donc encore bravo

  11. je viens de découvrir, grâce à Catherine Vidal, votre Blog, suite à sa venue sur Toulon, et je vous remercie pour le remarquable travail qui permet de démasquer l’imposture intellectuelle.

  12. Bonjour, merci pour ce formidable article. ( relu ) Pour faire simple je reprends une phrase citee dans l’un des commentaires un peu plus haut ” cyrulnik c’est du zemmourisme””… Devant un tel personnage on oscille entre la colere et le dégout Le patriarcat est un fachisme qui detruit tout sur son pasage et le gonze dont on cause en est le plus parfait serviteur.Je l’observais de ci de la sur “”les médias” je sentais pas- ….trop lourdingue sous des allures de soit disant distingué du ciboulo . Sur ce je tombe sur cet artIcle qui me donne des faits, des réferences tangibles et vérifiables et donc ma vision – et de toutes les implications de son discours puisque transformé en icone médiatique , s’éclaire – A preciser que Catherine Vidal est directrice de recherche a l’institut Pasteur Paris. Merci encore.

  13. Je ne suis qu’une téléspectatrice ou lectrice lambda. Néanmoins je me permets d’intervenir sur ce site pour vous dire que les interventions de B. Cyrulnik ne m’ont jamais influencée, pour la bonne raison qu’elles me semblaient sans intérêt. Il est sympathique, souriant, il n’est pas agaçant, mais ce qu’il débite est du sirop dont on décroche facilement. Incapable de me rappeler quoi que ce soit excepté son truc de la “résilience”. Je le considère comme l’un de ces experts insignifiants, style les frères bogdanoff (orthographe ?). Je n’écoute pas France Inter.

    1. Après des décennies de résilience, il vient de découvrir la psychotraumatologie et bien entendu les traumatismes… La psychotraumatologie prenant de plus en plus de place, il faut bien qu’il s’y accorche … Pathétique

  14. Très intéressant. Cyrulnik mérite bien d’être déboulonné.
    Ceci dit, Catherine Vidal tout autant, comme manipulatrice des données et des arguments au service de son idéologie, elle n’a de leçons à recevoir de personne.
    Un exemple: son affirmation récurrente selon laquelle “il n’y a aucun lien entre taille du cerveau et QI”. Elle a sans doute oublié de consulter l’abondante littérature sur le sujet. Voici un lien vers une méta-analyse:
    http://www.people.vcu.edu/~mamcdani/Publications/McDaniel%20%282005%29%20Big-Brained.pdf
    Accessoirement, déformer à ce point les données n’était nullement nécessaire à son argumentation, car cela n’a rien à voir avec les différences entre les sexes.

    1. Merci pour votre commentaire. Cela dit, votre charge contre Catherine Vidal me paraît aussi déplacée que discutable. En ce qui concerne la méta-analyse que vous citez, à mes yeux elle ne clôt pas le débat sur le lien entre taille du cerveau et QI, bien que je partage votre avis selon lequel il existe bel et bien un lien. Toute la question est de savoir quels facteurs causaux construisent cette association statistique. Parler d’absence de lien peut être une façon d’exprimer simplement l’idée d’une absence de relation causale entre taille du cerveau et QI. Quoi qu’il en soit, cet espace de commentaires n’est pas adéquat pour développer une discussion sur ce sujet, mais j’aurai plaisir à échanger avec vous par blogs interposés : je note ce sujet dans ma to-to-list…

      1. Vous êtes bien charitable avec Catherine Vidal! Bien plus qu’avec Simon Baron-Cohen, Pierre-Henri Gouyon ou Boris Cyrulnik. Qu’ils fassent la moindre approximation, et vous les clouez au pilori. Mais si Vidal dit une énormité, vous lui cherchez une interprétation favorable! (qui, quand bien même ce serait la sienne, ne justifierait pas ce qu’elle dit)
        N’y aurait-il pas là deux poids, deux mesures?
        Je vous engage à faire preuve d’objectivité et à passer au peigne fin toutes les affirmations de Catherine Vidal avec la même rigueur que vous employez à démonter les affirmations contraires. Si vous faites vraiment ce travail, vous aurez de quoi monter un sacré dossier… 😉

        1. Si j’avais la prétention de trancher entre différentes théories explicatives d’un fait donné (ex : le fait qu’il y a beaucoup plus d’hommes que de femmes ingénieurs), je devrais effectivement examiner avec le même soin critique les théories concurrentes afin de comparer leur adéquation avec l’ensemble des données disponibles. Mais comme je l’explique dans la page “à propos” de ce blog, son objet n’est pas d’évaluer la véracité de telle ou telle théorie scientifique.

          L’objet de ce blog est de pointer les écarts entre les données factuelles rapportées dans la littérature scientifique et ce qu’on leur fait parfois dire. Comme il se trouve que je suis à la fois particulièrement sceptique vis-à-vis des théories qui alimentent le phénomène idéologique de naturalisation du social (après m’être colletiné la lecture d’une abondante littérature scientifique sur ces sujets et avoir constaté son étonnante faiblesse) et préoccupée par certaines répercussions politiques de cette idéologie, mon analyse critique est focalisée sur les discours d’autorité véhiculant ces théories en les prétendant “scientifiquement établies”. Pour cette raison, je ne me suis pas amusée à passer au peigne fin le bien-fondé du discours de Catherine Vidal, ce qui n’est en rien un problème dans la mesure où vous pourrez constater que je ne m’appuie jamais sur son discours pour étayer le mien.

          PS1 : je ne sélectionne pas les études ou théories les plus faciles à critiquer, mais (au contraire) celles qui sont mises en avant comme étant particulièrement probantes ou qui sont relayées par des gens jouissant d’une “autorité scientifique” toute particulière.
          PS2 : j’attends toujours vos critiques factuelles, précises et sur le fond de mes articles.

            1. Je n’ai rien à ajouter à mon commentaire ci-dessus : ma position est claire, je l’assume et je me sens très bien dans mes baskets.
              Je n’ose croire que votre dicton du jour signifie que dès lors qu’on critique un discours, on a l’obligation morale de critiquer tout discours s’opposant plus ou moins au premier, tant ça me paraît absurde. En revanche, s’il signifie que dès lors qu’on se targue d’avoir une approche sceptique enracinée dans une forme de neutralité scientifique revendiquée et qu’on prétend détenir la vérité, comme le fait Nicolas Gauvrit, il convient de ne pas faire deux poids deux mesures en perdant tout sens critique (et toute rigueur, et toute honnêteté intellectuelle) lorsqu’on présente des études qui flattent ses idées préconçues, alors je ne peux qu’abonder dans votre sens. Or c’est malheureusement ce qu’a fait Nicolas Gauvrit : j’en donnerai un exemple en passant, dans mon prochain article (je suis très occupée ces jours-ci mais je m’y mets dès le 4 juillet).

  15. S’il y a un truc que dit Cyrulnik (parmi ce que vous rapportez dans votre article) qui est bien conforme aux études scientifiques publiées, c’est ce qu’il dit sur les patients CAH (ou HCS). Il y a au moins une quinzaine d’études publiées sur le sujet qui sont convergentes et globalement probantes (et conformes à ce qu’il en dit dans vos citations).
    Je note que sur ce sujet, visiblement, vous n’êtes pas allée voir les sources, mais vous faites simplement confiance à Jordan-Young. Vous voulez que je vous envoie les références?

    1. Je n’imagine pas que vous puissiez accréditer la généralisation abusive (“les petites filles […] acquièrent”) et les interprétations audacieuses (la testostérone peut déclencher “agressivité, angoisse et fuite” face aux hommes chez une femme CAH alors qu’elle est “génétiquement” attirée par eux, un traitement anti-androgénique pouvant aider à “vivre harmonieusement ses désirs de femme”) de Boris Cyrulnik. A moins que… si ?

      Dans la négative, merci de préciser avec quelle partie de mes remarques vous n’êtes pas d’accord :
      – “on n’observe pas chez toutes [ces petites filles] une forme de ‘masculinisation’ des comportements” ?
      – “une différence moyenne n’est rapportée de manière congruente dans les diverses études sur ces petites filles que pour leurs choix de jouets” ?
      – “ceci est facilement explicable autrement que par un effet de la testostérone [sur le cerveau]” ?

      1. Je parlais de ce passage:
        « on sait que […] les petites filles qui ont des maladies des surrénales et qui sécrètent beaucoup de testostérone acquièrent des comportements qu’on appelle de garçon manqué »
        qui me semble être une représentation correcte de la littérature sur le CAH. Pour le reste, vos citations étaient trop tronquées pour être intelligibles et je n’avais pas lu la note 19. L’ayant lue, il n’y a pas grand chose à en dire. C’est une analyse de cas sans valeur scientifique, l’interprétation qu’il en donne peut être juste comme elle peut être fausse, et personne ne le saura jamais.

        Evidemment les résultats sont vrais en moyenne pour des groupes de filles CAH comparés à des groupes de filles contrôles, et bien sûr ces observations ne sont pas vérifiées chez toutes les filles CAH. Néanmoins cette formulation ne me paraît condamnable pour un résultat vrai en moyenne. S’il avait dit “toutes les filles CAH”, cela aurait été incorrect. A fortiori puisqu’il ajoute cette condition restrictive “et qui sécrètent beaucoup de testostérone” cela a des chances d’être vrai pour une plus grande proportion (sinon toutes). Mais je n’ai pas vérifié si certaines études avaient mesuré directement les taux de testostérone pour les mettre en lien avec le phénotype.

        Concernant votre 2ème remarque, il n’y a pas que les jouets préférés, il y a au moins aussi les partenaires de jeux préférés, les activités préférées, et même les capacités spatiales et mécaniques! Voyez par exemple: http://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3270350/

        Et concernant la 3ème, bien sûr pour tout résultat on peut imaginer des interprétations alternatives. Dites-nous lesquelles, et quelles sont les données à l’appui, et on pourra discuter de si elles sont vraiment plus plausibles que l’interprétation classique. En tout état de cause, difficile de blâmer Cyrulnik d’exposer les résultats de ces études et d’en donner l’interprétation qui est largement acceptée dans ce champ de recherches.

        1. Bon, nous sommes au moins d’accord sur deux points importants : le cas évoqué par B.Cyrulnik dans les termes cités sans troncature dans ma note 19 n’a aucune valeur scientifique, et les études sur les filles CAH montrent que toutes n’aquièrent pas des comportements plus ‘masculins’ que les filles contrôles. Voici mes réponses sur vos autres remarques, numérotées afin de faciliter nos éventuels échanges ultérieurs (le cas échéant, puis-je suggérer de rédiger un commentaire différent pour chaque point afin de faciliter nos échanges et leur lecture ?).

          1.Sur le cas évoqué par B.Cyrulnik, je pense quant à moi que l’interprétation qu’il donne a de grandes chances d’être fausse, sauf à considérer que le traitement dont il parle a eu un effet placebo ou que la dévirilisation anatomique qu’il a induite a permis à la femme en question de se sentir plus à l’aise avec son corps dans la perspective d’une relation hétérosexuelle. Pour mémoire, il prétend qu’un “traitement par une anti-hormone mâle” chez une de ses patientes CAH adulte l’a aidée à ne plus avoir de réactions entravant ou inhibant son désir sexuel pour les hommes. Or à ma connaissance, la littérature scientifique sur les effets des traitements anti-androgéniques sur les comportements sexuels est loin de mettre en évidence ce type d’effet. De plus, ce récit n’est pas franchement en phase avec la littérature attribuant aux androgènes la responsabilité de la ‘masculinisation’ des comportements des filles CAH, car elle est basée sur l’hypothèse d’un effet organisationel très précoce des androgènes sur le cerveau non réversible par l’administration d’un traitement anti-androgénique (surtout à l’âge adulte !). Son histoire me paraît d’ailleurs on ne peut plus louche, d’une part car il me paraît inconcevable qu’une personne atteinte de CAH ait vécu sans traitement jusqu’à l’âge adulte et sa rencontre miraculeuse avec le Dr Cyrulnik, et d’autre part parce que les personnes atteintes de CAH ne sont pas traitées par “anti-hormone mâle”, pour reprendre sa terminologie.

          2. Les études sur les phénotypes comportementaux des filles CAH n’ont pas établi de distinction entre celles ayant sécrété “vraiment beaucoup” de testostérone chez qui les comportements seraient ‘masculinisés’ et celles ayant sécrété seulement “un peu trop” de testostérone chez qui ça ne serait pas le cas. Par conséquent, de deux choses l’unes : soit B.Cyrulnik invente de toute pièce un résultat de ces études en précisant “et qui sécrètent beaucoup de testostérone”, soit il fait cette précision juste pour que les auditeurs comprennent que les filles CAH souffrent d’une maladie des surrénales qui a cette hyper-sécrétion pour conséquence (je penche pour cette dernière hypothèse).

          3. Sur cette base, je maintiens pour ma part que sa formulation “les petites filles […] acquièrent” est criticable car si pour vous il ne s’agit “évidemment” que d’une moyenne, ça n’a aucune raison d’être évident pour les auditeurs de France Info. Par cette formulation, il donne l’impression qu’il y a un effet clair et systématique de l’hyper-sécrétion de testostérone chez ces petites filles alors que ça n’est pas le cas.

          4. Regardons de plus près les études sur les comportements des filles CAH puisque vous nous y invitez. Je note tout d’abord que dans votre précédent commentaire, vous dites qu’il y a “au moins une quinzaine d’études publiées sur le sujet qui sont convergentes et globalement probantes”. Le fait que vous citiez un nombre si faible m’incite à penser que votre perception de ce champ de recherches est basée non pas sur son exploration approfondie mais sur une ou des revue(s) de la littérature peut-être précisément biaisée(s) pour en exclure les études gênantes. En effet, dans un article sur ce sujet (www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21962724), Rebecca Jordan-Young évoque par exemple 18 études ayant examiné les comportements de jeux des filles CAH, et les études portant sur divers aspects comportementaux ou cognitifs des filles CAH sont infiniment plus nombreuses que ces seules 18 là. Si vous n’avez pas de temps à consacrer à l’exploration exhaustive de ces études, je vous invite à lire le livre de 2010 de Jordan-Young (p.70-74 notamment), dans lequel vous trouverez déjà plus de références.

          5. Vous dites qu’il y a aussi “les partenaires de jeux préférés” dont cette littérature montre de manière congruente qu’elle est ‘masculinisée’ chez ces petites filles, et vous citez ensuite une publication récente de Sheri Berenbaum. Or à ce sujet Jordan-Young cite justement dans l’article signalé dans mon point 4 un article de Berenbaum (http://eric.ed.gov/?id=EJ498065). Je peux vous l’envoyer si nécessaire (la date du fichier vous montrera que je n’ai pas attendu Jordan-Young pour constituer ma base bibliographique de centaines d’articles sur l’étude des différences possiblement biologiques entre les sexes, contrairement à ce que vous supposez dans un autre de vos commentaires ;)). Dans cet article, Berenbaum relève d’abord que les études sur les différences en termes de partenaires de jeu préférés entre filles CAH et contrôles ont donné des résultats contradictoires (p.33), détaillant ensuite ces incohérences. Dans la nouvelle expérience dont elle rapporte ici les résultats, Berenbaum trouve que seules 4 des 22 filles CAH testées avaient un score de préférence sortant de la fourchette observée chez les filles contrôles, qu’une seule manifestait une nette préférence pour les garçons, et elle écrit que “the mean and distribution of scores indicate that the majority of CAH girls still prefer girls, not boys, as playmates” (p.35). Dans la discussion de ces résultats, elle écrit que ceux-ci suggèrent “that androgen is, at the most, weakly related to playmate preference” (p. 38), et qu’ils étayent l’hypothèse selon laquelle la préférence pour les partenaire de jeux d’un sexe plutôt que de l’autre est simplement “a group phenomenon that arises from social processes that are related to gender identity and labelling common to all members of a sex” (p.38). Etant donnée la très forte croyance exprimée par Berenbaum dans ses nombreux articles dans le fait que l’androgénisation prénatale est un facteur clé de ‘masculinisation’ du cerveau et par conséquent des comportements, pour ma part je ne me ferais pas plus royaliste que le roi en avançant que les préférences de partenaires de jeu chez les filles CAH fournissent un argument en faveur de cette hypothèse.

          6. Vous dites qu’il y a aussi “les capacités spatiales et mécaniques” dont cette littérature montre de manière congruente qu’elle est ‘masculinisée’ chez ces petites filles, et vous citez en référence une publication récente de Sheri Berenbaum. Je rappelle que Berenbaum est une leader des recherches sur les corrélats cognitifs et comportementaux de la CAH, avec comme je l’ai déjà dit la ferme conviction que ceux-ci sont causés par un effet organisationnel des androgènes sur le cerveau. Or elle écrit elle-même dans cet article : “females with CAH are not always seen to have enhanced spatial ability”. Je vous engage par ailleurs à nouveau à lire le livre de Jordan-Young p.71 : elle y cite 9 études ayant trouvé que les filles CAH avaient des capacités spatiales globalement soit normales, soit altérées plutôt qu’améliorées comme on l’attendrait de cerveaux ‘masculinisés’, et se contredisant mutuellement quant aux différences trouvées pour tel ou tel test spatial très spécifique.

          7. Vous me demandez de décrire les explications alternatives des liens néanmoins avérés (ce que je n’ai pas contesté) entre le fait d’avoir une CAH et certaines tendances comportementales (observées en moyenne), ainsi que les données à l’appui de celles-ci. C’est évidemment impossible à faire proprement dans un commentaire, et il faudrait citer des dizaines d’études. Pour ne pas laisser ce point sans réponse, je vous renvoie déjà à l’article déjà cité de Jordan-Young (www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/21962724) qui décrit en détail 4 phénomènes dont la combinaison est parfaitement susceptible de fournir une explication alternative aux particularités comportementales des files/femmes CAH. En synthèse, il y a les effets de la virilisation de l’apparence physique, les effets propres de la modification de l’anatomie génitale, les effets des interventions et de la surveillance médicales intenses dont elles font l’objet, et les effets de la combinaison des croyances relatives à la ‘masculinisation’ présumée de leur cerveau par leur maladie et la connaissance par les filles concernées, leur entourage et les scientifiques qui les examinent du fait qu’elles en sont atteintes.
          Je ne résiste pas à citer également l’article de Benrenbaum auquel vous nous renvoyez. Elle y reconnaît en effet que les capacités spatiales des filles CAH sont sans doute améliorées en partie parce qu’elles pratiquent davantage que les filles ‘normales’ des jeux/activités ‘de garçon’, citant à l’appui de cette hypothèse diverses études (et reconnaît aussi que les stéréotypes sexistes ont un impact négatif sur les performances des filles dans ce type de domaine). Elle donne donc elle même des éléments d’explication alternative, même si bien-sûr selon elle ça n’explique pas tout. L’ironie de l’histoire, c’est que pour expliquer pourquoi (contrairement à ce que vous indiquiez) certaines études ne trouvent pas de modification des capacités spatiales chez les filles CAH, elle écrit ceci : “given demonstrated social influences on spatial ability, it is possible that social moderators reduced effects, making it difficult to detect differences between females with and without CAH in small samples.” (no comment)

          1. Sur le 1: je ne vois pas de raison de continuer à commenter des spéculations sans valeurs sur un cas. Il faut toutefois se garder de faire des prédictions sur la réversibilité ou non d’un phénomène organisationnel (par des hormones ou toute autre intervention), on a parfois des surprises. Cf. par exemple les essais récents sur les modèles de syndrome de Rett.

          2. 2. Je fais la même hypothèse que vous.
            3. Pas d’accord. On peut parfaitement dire que les hommes sont plus grands (ou plus violents) que les femmes, même s’il n’est pas vrai que tous les hommes sont plus grands (/violents) que toutes les femmes. Et personne n’en tire la mauvaise conclusion.
            Le dire comme ça, c’est certes moins précis que de donner la taille d’effet ou d’illustrer à quel point les distributions se recouvrent, mais ce n’est pas incorrect, ni dans le langage courant, ni dans le langage scientifique.

          3. 4. Je parle effectivement des études que je connais et que j’ai sous la main, j’en ignore certainement plein d’autres. Et pour les revues de littérature je me base sur Melissa Hines (2005) Brain gender, Cordelia Fine (2010) Delusions of gender et Diane Halpern (2012) Sex differences in cognitive abilities. Je n’ai pas Jordan-Young. Mais Fine me semble la plus proche de Jordan-Young et est tout aussi critique de la littérature sur le CAH. Pour autant elle ne remet pas en cause les observations sur les préférences de jeux des filles CAH. Elle agite simplement des hypothèses alternatives et se plaint des questions laissées ouvertes par ces recherches.
            A+ pour la suite.

            1. Compte tenu de leurs propres hypothèses de recherche, les revues de la littérature faites par Melissa Hines ou par Diane Halpern ne constituent pas une source fiable si on veut se faire une idée de ce champ de recherches.
              Le livre de Cordelia Fine s’inscrit dans la même perspective critique que celui de Jordan-Young, mais il n’en a ni la rigueur ni la profondeur, s’agissant d’un livre beaucoup plus “grand public” et traitant de davantage de sujets. Jordan-Young s’est quant à elle focalisée sur l’hypothèse de l’organisation cérébrale prénatale par la testostérone et l’énorme travail dont elle rend compte dans son livre est marqué par un souci de rigueur et d’honnêté rares (à mon avis).
              Quoi qu’il en soit, ni Jordan-Young ni moi n’avons remis en cause les observations sur les préférences de jeux : le problème n’était pas là (cf le point de départ de notre discussion).

          4. “Compte tenu de leurs propres hypothèses de recherche, les revues de la littérature faites par Melissa Hines ou par Diane Halpern ne constituent pas une source fiable si on veut se faire une idée de ce champ de recherches.”

            Je ne partage pas cette manière de disqualifier a priori ce qu’écrivent les gens. Pour parler de celle que je connais, Melissa Hines est une chercheuse parfaitement honnête, dont les hypothèses découlent de sa connaissance pointue des données issues de la littérature et de ses propres recherches. Elle n’a pas d’opinion chérie préexistant aux données qui serait à défendre coûte que coûte. Si les données s’avèrent montrer clairement que finalement il n’y a aucune différence biologique entre hommes et femmes, elle changera sans aucun doute d’avis sur le sujet (et moi aussi). Je ne vois donc aucune raison de se méfier a priori des livres de Hines et Halpern.

            J’ai plutôt tendance à me méfier des gens qui ont des idées a priori, qui se réveillent un jour en ayant tout compris, et qui écrivent un livre pour l’annoncer au monde, sans être nécessairement compétents sur le sujet, et en piochant sélectivement dans la littérature les données qui leur conviennent. Cela concerne à la fois les auteurs de livres du style “blue brain, pink brain” ou “Mars vs. Venus”, et les auteurs de livres écrits en réaction aux premiers, qui sont de toute évidence motivés avant tout par la volonté a priori de contrer tout argumentaire à l’appui de différences entre hommes et femmes. Bref, si on raisonne sur les motivations supposées des auteurs et leurs opinions a priori, je trouve qu’il y a plus de raisons de se méfier des livres de Fine et de Jordan-Young que de ceux de Hines et Halpern. Mais encore une fois, ce genre de raisonnement a priori a peu de valeur par rapport à l’analyse détaillée de la littérature scientifique primaire.

            1. Je suis d’accord pour dire qu’il n’y a pas de raison a priori de moins se méfier des livres de Fine ou Jordan-Young que de ceux de Hines ou Halpern, je ne dis pas que Hines n’est pas honnête, et je ne disqualifie pas “a priori” ce qu’écrivent Hines et Halpern (de même que je ne me fie pas a priori à tout ce qu’écrivent des gens qui vont ou semblent aller “dans mon sens” : j’ai déjà indiqué que j’avais des réserves sur le livre de Fine, et quant au bouquin de Lise Eliott sur lequel il est en vogue chez nombre de féministes de s’appuyer, à mes yeux il ne vaut pas grand chose).

              Je n’adhère cependant pas à l’idée qu’il faudrait davantage se méfier de Fine ou Jordan-Young que de Hines ou Halpern parce que seules ces dernières auraient pu acquérir une connaissance pointue de ce domaine de recherche en y participant. Ca me fait penser à l’argument des personnes intimement liées à l’industrie pharmaceutique prétendant qu’elles seules sont compétentes pour décider des autorisations de mise sur le marché de nouveaux médicament, au prétexte que celles qui ne participent pas elles-mêmes à des essais cliniques financés par cette industrie ne seraient pas compétentes.

              Mon point est que Hines et Halpern ont exprimé de manière récurrente leur conviction de l’existence de différences “naturelles” d’une part, et ont bâti une bonne partie de leur carrière en s’inscrivant dans ce paradigme de recherche de différences entre les sexes d’autre part. Par conséquent, leur discours doit être pris pour ce qu’il est, à savoir un discours situé, marqué par un risque de biais qui peut éventuellement être complètement inconscient (laissons-leur le bénéfice du doute). J’ai pu constater que dans la littérature scientifique, les biais dans la présentation de la littérature existante en faveur de l’hypothèse favorisée par les auteurs dans leurs propres recherches sont permanents, massifs, et c’est pourquoi personnellement je ne me fie à AUCUNE revue de la littérature, qu’elle soit publiée en tant que telle ou a fortiori qu’elle figure dans l’introduction d’un article rapportant des résultats originaux. Il se trouve que j’ai examiné par moi-même une grande quantité de sources primaires, et que j’ai pu constater chez Hines et chez Halpern (comme chez tant d’autres chercheurs impliqués dans ce champ de recherches) de tels biais notables, alors que j’ai trouvé beaucoup de rigueur dans le livre de Jordan-Young que j’ai lu a posteriori. Comme vous l’écrivez en conclusion, et c’est justement pour cette raison que je vous engageais à ne pas vous fier à ces sources secondaire, rien ne vaut l’examen par soi-même des sources primaires.

          5. 5.6.7. Dans un domaine où les études portent souvent sur des petits effectifs (puissance statistique limitée), du fait de la difficulté de recruter un nombre important de patients, il n’est pas très étonnant que toutes les études ne trouvent pas les mêmes résultats et se contredisent parfois. Dans un tel contexte, la seule approche possible est de faire des méta-analyses pour voir les grandes tendances qui se dégagent. J’ai cherché un peu et je n’en ai trouvé qu’une:
            Puts, D.A., et al. (2008) Spatial ability and prenatal androgens: Meta-analyses of congenital adrenal hyperplasia and digit ratio (2D : 4D) studies. Archives of sexual behavior 37, 100-111 http://link.springer.com/article/10.1007/s10508-007-9271-3
            Ils concluent que l’avantage des femmes CAH par rapport aux femmes contrôles dans les tests de rotation mentale est réel, avec une taille d’effet d’environ 0.5. Et symétriquement les hommes CAH ont un désavantage de -0.6.
            Il est intéressant de noter que, dans les études qui comparent plusieurs tests, les tailles d’effet pour les femmes CAH sur les tests de rotation mentale ne sont typiquement pas les plus grandes. Par exemple dans l’étude de Berenbaum précédemment citée, les tailles d’effet étaient supérieures pour les tests de mécanique, de géographie et de hobbies. On a donc des raisons de penser que de tels effets seraient a fortiori confirmés par des méta-analyses.

            Après, nous sommes d’accord sur le fait que les tailles d’effet les plus grandes et les plus fiables se retrouvent pour les préférences et les hobbies. Il est effectivement parfaitement possible que les différences trouvées dans certaines capacités cognitives résultent, en totalité ou en partie, de préférences pré-existantes conduisant les garçons et les filles à choisir des activités différentes, et par conséquent à subir des expositions et des entraînements différents. Bien sûr, répondre à la question dans quelle mesure les différences de capacités découlent des différences de préférence (en totalité ou en partie) nécessite des données précises. On ne peut pas juste, sous prétexte que la réponse “en totalité” est concevable, la considérer comme prouvée et rejeter a priori l’idée que des différences de capacité puisse avoir, elles aussi, une base hormonale organisationnelle précoce.

            1. Sur Puts et al., cf mon commentaire précédent : pour ma part, la revue Archives of Sexual Behavior d’une part et David Puts et deux des co-auteurs de l’article que vous citez et dont je connais aussi très bien le travail (Cynthia L. Jordan et S. Marc Breedlove) d’autre part sont les dernières sources auxquelles je me fierais sur ce sujet, car comme discours situé il est difficile de faire mieux. Pour mémoire, Puts “studies the neuroendocrine and evolutionary bases of human sexuality and sex differences, with special focus on behavior and psychology. Research topics include the influence of sex hormones on psychology, behavior, and anatomy; hormonal and genetic influences on sexual differentiation; sexual selection and the evolution of sex differences in voices, faces, bodies, brains, and behavior; the development and evolution of variation in sexual orientation; and the evolution of female orgasm” (http://anth.la.psu.edu/people/dap27, 10/12/2013).
              Cela dit, je n’ai pas lu cet article et dois donc prendre le temps de le faire pour en évaluer factuellement la qualité : j’ajoute ça à ma to-do-list.

              Pour le reste je regrette que vous n’ayez pas répondu séparément sur chaque point, mais me réjouis de voir que nos positions finissent par se rapprocher.
              Afin d’éviter toute ambiguïté, je tiens par ailleurs à repréciser (je l’avais déjà fait par exemple dans http://allodoxia.odilefillod.fr/2013/10/04/sexes-mensonges-et-video-baron-cohen/#comment-1640) que je ne considère pas ni ne prétends qu’il est prouvé que les hormones n’ont aucun rôle dans la construction de ces différences, ni ne rejete “a priori” l’idée qu’elles en ont un.

          6. Et pour finir, je ne suis pas sûr que cela soit très utile de disserter sur les limitations et les interprétations alternatives mentionnées par Berenbaum en discussion de ses articles. C’est un passage obligé de tout article scientifique, c’est normal, c’est le rôle d’une discussion et c’est très bien comme ça. Si jamais elle n’avait pas mentionné tous ces points dans une version antérieure de l’article, il ne fait aucun doute que les reviewers l’auront exigé. On ne peut en tirer aucune conclusion sur l’interprétation qu’elle considère la plus plausible, ni sur la qualité des données à l’appui des différentes hypothèses alternatives.

            1. Cette réponse sur mon point 5 n’est pas très fair play.

              D’abord, vous ne pouvez ignorer que nombre d’articles sont publiés y compris dans des revues prestigieuses sans que les reviewers n’exigent que les limitations et interprétations alternatives pertinentes soient présentées dans le paragraphe de discussion des résultats, paragraphe qui peut même être tout bonnement absent. C’est très gênant de laisser croire l’inverse, car les journalistes et a fortiori les lecteurs naïfs des articles scientifiques ont déjà tendance à croire tout ce que les auteurs d’un article y racontent, s’imaginant à tort que si certaines de leurs affirmations étaient douteuses elles n’auraient pas été publiées. Un exemple éclatant de cette absence de discussion soigneuse, phénomène très courant dans les champs de recherche dont j’analyse la littérature, vient d’être donné par le récent article sur les différences entre les sexes dans le “connectome” publié dans le très prestigieux PNAS : j’en parlerai bientôt.

              Ensuite et surtout, il ne s’agit en l’occurence pas d’interprétations alternatives. Lorsque Berenbaum écrit que ses résultats “suggèrent que les androgènes sont, au mieux, faiblement liés à la préférence pour un partenaire de jeux” d’un sexe plutôt que de l’autre et qu’ils étayent l’hypothèse selon laquelle la préférence pour les partenaire de jeux d’un sexe plutôt que de l’autre est simplement “un phénomène de groupe qui découle de processus sociaux liés à l’identité de genre” (p.38), c’est dans le cadre de la présentation de l’hypothèse qu’elle-même privilégie. Elle affirme très clairement dans le résumé de l’article sa conviction que la tendance des garçons à jouer entre eux et des filles à jouer entre elles ne provient pas des préférences pour des activités sexo-typiques, et consacre un page entière (fin de p.32 puis p.33) à présenter son hypothèse que cette tendance au regroupement par sexes n’est pas due à un effet des hormones sexuelles sur le psychisme, citant un certain nombre d’articles l’étayant et critiquant un article ayant suggéré l’hypothèse inverse (Ehrardt & Baker, 1974).

  16. La si peu scientifique affirmation sur “Les enfants soldats de la Colombie” que Cyrulnik dit âgés entre 6 et 12 ans m’a laissée stupéfaite: car il n’ est pas besoin d’ être neurochirurgien, ni de cumuler des doctorats pour comprendre qu’un enfant de 6 ans ne peut pas porter un fusil, sa nourriture, ses vêtements etc… ni marcher des heures dans la jungle, etc… et que donc cela n’ est que la répétition honteuse du plus absurde mensonge médiatique. La situation en Colombie est délicate, et les hordes de paramilitaires entraînées par l’ Etat colombien et les États Unis pour éliminer les syndicalistes, les opposants politiques et les paysans est fort méconnue et maquillée dans les médias qui légitiment la tuerie et le génocide qui est aujourd’hui perpétré contre ce peuple. L’ information est requise: l´information, pas la bêtise, ni la supercherie médiatique. Il est clair que si Cyrulnik avait eu une démarche scientifique, il n’aurait pas prêté crédit aux dires de cette soit-disant ‘experte’, en passant par dessus la logique la plus basique. Dommage que les scientifiques se mettent à répéter comme des robots les tromperies les plus absurdes de la fabrique médiatique.
    Cela me fait penser aux multitudes de mensonges sur les “armes chimiques” qu’aurait eu l’ Irak, et qui visaient à légitimer une invasion de ce pays, et la façon dont si peu de scientifiques se sont opposés à la tromperie, alors que, des millions de morts plus tard, la supercherie s’est avérée en plein jour.

    Franchement c’est de la caricature, mais de la caricature qui avale des guerres, et qui cherche la confusion pour perpétuer des génocides.

  17. Bonjour Odile,

    Déjà bravo et merci pour ton formidable travail de ré information et d’analyse, j’ai lu nombre de tes articles avec beaucoup de plaisir.

    J’aurais une question, à la fin de cet article http://www.huffingtonpost.fr/2013/02/08/differences-entre-hommes-femmes-peu-nombreuses-genre-science_n_2642186.html, la diapositive numéro 6 dit “On imagine qu’hommes et femmes ont des hormones différentes : testostérones pour les premiers, œstrogènes pour les secondes.
    Faux. La seule différence tient dans les niveaux de ces hormones. Et encore, ces derniers varient davantage en fonction des individus que des sexes.”

    Je sais que la première partie de l’affirmation est juste. Qu’en est-il de la seconde?

    Est-il possible d’avoir le raisonnement permettant d’affirmer (ou d’infirmer) une telle affirmation?

    Merci d’avance à celui ou celle qui répondra à ma question 🙂

    1. Merci pour cette question utile, et félicitations ‘Evelirune’ pour votre démarche sceptique.
      A part le “s” en trop à “testostérone”, la première partie de l’affirmation est en effet juste. Pour savoir s’il est vrai que les niveaux d’œstrogènes et de testostérone “varient davantage en fonction des individus que des sexes”, il faut commencer par préciser ce qu’on entend par là :
      – si l’idée est que la plage de valeurs observable à l’intérieur de chaque groupe de sexes est plus large que la différence moyenne entre les deux, alors c’est vrai, mais cette observation n’est pas nécessairement pertinente (tout dépend de ce qu’on prétend conclure d’un tel constat);
      – si l’idée est que l’écart-type observé à l’intérieur de chaque groupe de sexes est plus large que la différence moyenne entre les deux, alors je dirais que c’est à moitié faux pour les œstrogènes et faux pour la testostérone.

      OESTROGENES
      Pour répondre précisément à la question il faudrait regarder la littérature de manière plus approfondie que je ne l’ai fait, mais si on regarde ce qu’il en est du principal œstrogène chez l’être humain, à savoir l’œstradiol, par exemple Demers (2008) donne comme intervalles de références pour l’œstradiol sérique : hommes adultes = 37–147 pmol/l; femmes non ménopausées = 55–1285 pmol/l; femmes ménopausées = < 37 pmol/l. Sous l'hypothèse que ces niveaux suivent une loi normale chez les femmes non ménopausées et que ces intervalles correspondent aux valeurs entre lesquelles se situent 95 % des sujets en bonne santé, 95% d'entre elles sont distribuées dans une étendue de 4 écart-types, d'où un écart-type de l'ordre de 300, i.e. probablement un peu inférieur à la différence moyenne entre hommes et femmes non ménopausées. Quant à l'écart-type chez les hommes, il est nettement inférieur à cette différence moyenne. Il faut cependant souligner que le niveau moyen d'œstradiol chez les hommes adultes est au contraire significativement supérieur à celui observé chez les femmes ménopausées. TESTOSTERONE Dans la littérature scientifique il est généralement indiqué que le taux de testostérone sérique chez les hommes est égal à 7 à 10 fois celui observé en moyenne chez les femmes. Dans Torjesen & Sandnes (2004), on trouve les valeurs suivantes avec la méthode classique de RIA (dosage radio-immunologique) et la méthode moderne automatique Delfia : - RIA classique : moy des femmes (n=2180) = 1.7 nmol/l; moy des hommes (n=1505) = 13.9 nmol/l, - Delfia : moy des femmes (n=2057) = 2.1 nmol/l; moy des hommes (n=1447) = 16.7 nmol/l, soit dans les deux cas un rapport de 1 à 8 entre femmes et hommes, et une différence moyenne de 12.2 à 14.6 selon la méthode utilisée. Or dans Goncharov et al (2005), qui a comparé 5 méthodes modernes dont Delfia à la méthode classique de RIA sur un échantillon de 100 hommes âgés de 16 à 65 ans, on trouve : - RIA classique : moy (n=100 hommes) = 12.1; min = 2.1; max = 34.6; écart-type = 6.0, - Delfia : moy (n=100 hommes) = 19.3; min = 3.6; max = 94.6; écart-type = 13.0, soit un écart-type chez les hommes clairement ou légèrement inférieur à la différence hommes-femmes moyenne selon la méthode utilisée. Quant à l'écart-type chez les femmes, il n'y a pas photo : il est nettement inférieur à cette différence. QUESTION SUBSIDIAIRE : QU'EN DEDUIRE ? Pas grand chose, car de telles différences de niveaux ne permettent de toute façon pas de tirer mécaniquement des conclusions. Les effets de ces hormones stéroïdes varient en effet selon les organes cibles, leur métabolisation dans ces organes, l'affinité des récepteurs qui s'y trouvent, ou encore leur biodisponibilité effective. Rien que sur ce dernier point, si on regarde ce qui est dit concernant la testostérone dans un article très récent d'une revue spécialisée dans ce domaine (Fiers et al 2014), on voit qu'il y pas mal de flou : les auteurs écrivent qu'environ 2 à 3% seulement de la testostérone sérique est libre, que 40 à 60% chez les hommes et 60 à 70% chez les femmes est liée à la SHBG (i.e. en pratique non bio-disponible), et que pour le reste "la majeur partie" est liée à l'albumine et donc "probablement également, au moins en partie" bio-disponible. REF : - Demers (2008) Testosterone and estradiol assays: Current and future trends, Steroids, vol.73, p.1333–1338
      – Fiers et al (2014) A critical evaluation of salivary testosterone as a method for the assessment of serum testosterone, Steroids, vol.86, p. 5-9
      – Goncharov et al (2005) Serum testosterone measurement in men: evaluation of modern immunoassay technologies, Aging Male, vol.8(3-4), p.194-202
      – Torjesen & Sandnes (2004) Serum testosterone in women as measured by an automated immunoassay and a RIA, Clinical Chemistry, vol.50(3), p.678

  18. Ouahou !
    Toute mon admiration et ma gratitude devant cette colossale entreprise de démystification.
    Je me sentais si seul avec ma détestation de la pensée de ce personnage pour moi si creuse et idéologiquement détestable et pourtant si peu contestée…
    Me voilà moins solitaire… J’ai laissé sur mon blog quelques manifestations de ma détestation sous un angle politique bien moins documenté !
    Alors, encore bravo et merci.
    Franz

  19. Dans mes bras Odile !
    J’arrive bien tard sur votre blog, et pour la première fois je trouve Boris Cyrulnik confronté au réel. J’ai aimé ses livres, mais sa bonhomie et ses affirmations ont commencé à me mettre la puce à l’oreille. Trop de miel et de certitudes, je l’avais attribué au grand âge. Mais en fait il a été laxiste et biaisé depuis longtemps donc. Merci encore.

  20. À Odile Fillod

    Je suis impressionné par votre lecture de et sur les travaux de Boris Cyrulnik, vos remarques et critiques me semblent pertinentes, bien que je ne connaisse pas l’œuvre de BC, je me suis juste intéressé aux « Les nourritures affectives », l’approche du concept me parait logique, du moins sur ce que j’en ai compris. J’ai regardé et écouté également votre conférence sur YouTube, à l’université de Poitiers, Mirages de la biologie du genre psychologique, votre approche est là aussi très bien étayée. Vous conviendrez qu’il est difficile d’aborder les sciences humaines avec un regard de mathématicien, je veux dire en faisant appel aux expressions booléennes, mais on peut sans doute en mesurer une forme de véracité par l’empirisme et la démonstration, à condition que la « méthode » s’appuie sur des bases pouvant supporter l’édifice argumentaire.

    Dans le flux de données, d’informations, comment sélectionner ou retenir ce qui est pertinent du superflu, de l’intox ou de la simple propagande à une certaine forme qui se rapprocherait d’une « réalité ». Les outils de datavisualisation, comme ceux d’analyses qualitatives ou/et quantitatives, adoptent bien souvent l’orientation définie par celui qui pose la question de départ… Au fond de mon petit cerveau, je ne peux m’empêcher d’y voir un reliquat, un petit fossile de mammifère, donc même si le cerveau humain peut m’expliquer la courbure de l’espace temps, les ondes gravitationnelles et le boson de Higgs, pourquoi la biologie se voilerait ou se dévoilerait à la notion du genre ? Sans doute pour ceux qui veulent écrire une histoire, ou bien comprendre simplement les formes de vie… Pour ce qui est de la beauté et des formes de vie, la sexualité des diatomées a de quoi nous surprendre… Juste un petit sourire, une respiration, une pause de relaxation…

    Bien à vous, cordialement
    Antoine

  21. Chère madame,
    J’ai lu pour la seconde fois vos articles concernent monsieur Cyrulnik. Avez-vous eu une réaction de sa part ? Ou de ses adeptes ? Ce que vous avez avancé a-t-il eu un effet ?
    J’ai parcouru “Psychologie de la connerie”, dans lequel il dit en effet, encore, des conneries, notamment sur les lacaniens (“psylacanistes”, comme il les appelle). Ce qui m’a frappé est le niveau de bas étage où il situe sa soi-disant critique de Lacan. Il fait les poubelles de la connerie.
    Pour moi le problème n’est pas qu’il ait acquis une notoriété basée essentiellement sur du vent, (dont le prétendu concept de résilience), mais comment les gens se laissent hypnotiser.

    1. De sa part non, aucune réaction. Rem : il n’avait déjà pas répondu à la demande de m’entretenir avec lui que je lui avais adressée avant d’écrire ces articles.

      De la part de ses adeptes j’ai eu pas mal de réactions, toujours outragées et pour le soutenir – non pas en arguant que j’aurais écrit quelque-chose de faux mais en expliquant combien ses livres étaient formidables et les avaient aidés, en m’accusant d’avoir écrit des articles à charge contre lui parce que je lui vouerais une obscure haine, en avançant que je le dénigrerais juste parce qu’il tient des propos n’allant pas dans le sens de mon “idéologie féministe” ou encore en s’offusquant que j’ose cracher sur un homme si admirable ayant traversé la souffrance avec dignité.

      Du côté des journalistes, mes textes ont eu une portée certaine, déclenchant une vraie prise de conscience chez plusieurs d’entre elles et eux et provoquant un léger reflux de sa présence dans les médias. Mais ça n’a eu qu’un temps : il est ce qu’on appelle un bon client pour des médias toujours en quête d’audience et de prétendus experts. Entre ça, la promo régulière de chacun de ses nouveaux bouquins et le fait que le président Macron lui a confié une mission, il n’a finalement pas perdu beaucoup de terrain en termes d’image et de degré d’exposition médiatique.

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